
& 54 maréchaux de camp. Sçavoir, pour l’infanterie,
15 lieutenants généraux & 30 maréchaux de
camp; pour la cavalerie & les dragons , 5 lieutenants
généraux & 10 maréchaux de camp ; un lieutenant
général pour les huflards ; un lieutenant général
& deux maréchaux de camp pour les troupes
provinciales , 8c 12 maréchaux de camp-infpeEleurs
furnuméraires. Par les appointements qu'il pro-
pofe, les différents infpeEleurs coûteroientau moins
1,320,000 livres.
« Tout infpeEleur demandant à être remplacé
dans une de fes tournées d’infpeâion, perdrôit le
quart de fes appointements , & manquant à deux
infpeâions de fuite, auroit fa retraite abfolue. Jamais
minière n’a ofé & n’oferoit employer cette
jufte rigueur.
D ’après le tableau permanent de l’état des troupes,
on fent qu’il feroitaifé de divifer la France en plu-
fièurs inspections , 8c de faciliter les revues , en
affignant aux infpeEleurs un arrondiffement très
rapproché.
La loi la.plus effentielïe àobferver pour rendre
les infpe&ions vraiment utiles, feroit d’en varier
continuellement la diftribution, de manière que
chaque officier général ne vît jamais deux fois de
fuite les mêmes troupes ; on éviteroit, par ce
moyen , les tolérances occafionnées par l’habitude.
Les mois d’infpe&ions feroient feulement déterminés
, mais jamais le jour de l’arrivée de YinfpeEleurn
« L'infpeEleur ne feroit jamais logé chez les officiers
du régiment qu’il infpefteroit, & il termine-
roit fon travail par donner une audience particulière
à chaque officier, foldat ou cavalier qui pour-
roient avoir quelques repréfentations à lui faire.;
il feroit inftruit , par ce moyen , de l’efprit de
chaque corps , & de touts les vices qu’il ne peut
connoître aujourd’hui, n’étant que le témoin d’une
véritable parade ».
Chaque revue d’infpeâion devroit durer fix
jours.
Aux 54 infpeEleurs, M. le B. D. B. joint deux
vifiteurs , occupés toute l ’an née à faire des tournées
d’ïnfpe&ion.
Tel eft le fyftème de M. le B. D. B. fut les
infpeEleurs. Laiffant aux militaires le foin de donner
aux opinions de cet écrivain les louanges qu’elles
méritent, nous nous contenterons de demander s’il
ne feroit pas poffible de diminuer de moitié le
nombre.des infpeEleurs en pied , & de réduire celui
des infpeEleurs furnuméraires au quart de celui que
demande l’auteur de l’examen critique. Nous demanderons
auffi s’il ne feroit pas poffible d’ordonner
à chaque commandant-gouverneur & lieutenant
de roi des provinces & des villes , de paffer
deux fois en revue chaque année les troupes en
garnifon dans leurs gouvernements. & commandements.
Ces revues pourroient ne différer de celles
des infpeEleurs qu’en ce qu’elles ne porteroient ni
fur les finances ni fur les grâces.’
Ainfi o n m u ltip lie ro it le n om b re des fu rv e illa n ts
I N S
de 1 armée fans augmenter les dépenfes de l’état ;
& on forceroit les officiers généraux employés dans
les provinces , à ne point perdre de vue la confti-
tution des troupes & touts les autres objets militaires
; quand le miniftre voudroit faire le travail
d’un régiment, il n’auroit qu’à fe faire préfenter fur
un feul état ce qu’ont penfé de fon inftruâion , de
fa difcipline , & c . , les vifiteurs , les infpeEleurs 8c
les gouverneurs, & commandants des provinces.
Quand touts les officiers généraux auroient vu le
même objet de la même manière, le miniftre feroit
affuré de connoître la vérité ; & quand les Opinions
feroient différentes , il trouveroit cette vérité
fi précieufe & fi rare dans l’état aâuel des chofes >
ou en comptant les avis, ou ce qui feroit infiniment
plus fûr, en les pefant avec attention.
§• V.
Des connoiffances & des qualités nécejfaires aux
infpeéleurs.
Après avoir fuivi les infpeEleurs dans la vafte
carrière qu’ils doivent parcourir, il nous fera facile
de nommer les connoiffances & les qualités
qu’ils doivent réunir pour la fournir avec juftice: &
ayec gloire.
Un infpeEleur devroit avoir acquis affez de con-
noiflances phyfiques fur l’homme, pour ne concevoir
jamais dLe fauffes efpérances fur la force &
l’accroiffement des foldats nouvellement enrôlés,
& pour prévoir , d’après leur conformation extérieure
, quel fera le caraélère de leur valeur 8c leur
genre de courage. Un infpcEleur devroit encore être
parvenu, par des réflexions profondes & des études
confiantes, à connoître affez bien les replis du
coeur humain , pour y lire les qualités morales des
officiers qu’il infpe&e, & prévoir, par la manière
dont les militaires s’acquittent de leurs devoirs
pendant qu’ils font officiers fubalternes, la conduite
qu’ils tiendront quand ils feront officiers fu-r
périeurs.
Un infpeEleur qui ne poffède point toutes les ordonnances
militaires , qui ne les a pas claffées avec
ordre, qui ne fe les rend pas préfentes en les relisant
fouvent , marche d’une manière incertaine
dans la carrière qu’il doit parcourir , s’expôfe fou-
vent à faire des faux pas ou à revenir fur ceux qu’il
a faits. Il ne peut remplir le plus important, le premier
& le plus honorable de fes devoirs , celui d’éclairer
le miniffre, de lui prouver que telle ordonnance
doit, être abrogée , telle autre modifiée, &
que les circonfiances rendent indifpenfablela promulgation
d’une loi nouvelle fur tel ou tel objet. II
ne peut ni contenir dans la bonne voie ceux qu’il
eft de fon devoir de conduire , ni les y faire rentrer
quand ils en font fortis , 8c pour peu que fon
ignorance fe montre au grand jou r, il perd dans
un feul moment cette efpèce de prépondérance
morale- fi néceffaire à touts ceux qui commandent $
prépondérance que les connoiffances fupérîeures
donnent bien plutôt & plus furement que les dignités
8c les titres éminents.
Que d’autrfes difent aux infpeEleurs qu’ils ne
doivent point fe rabaiffer jufqu’aux détails minutieux
, pour moi je leur dirai : quand vous ferez
général d’une armée , vous pourrez peut-être planer
fur ces détails ; vous pourrez ne fixer vos regards
qu’un court inftanr fur touts les petits objets ,
& laiffer à vos fubordonnés le foin de les examiner
avec l’exa&itude 8c l’attention fcrupuleufes
qu’ils demandent ; mais comme infpeEleur, vous
devez vous appefantir fur chacun d’eux, les voir
fous touts les afpe&s , '& les connoître jufques
d an s leurs rameaux les plus déliés ; ce font ces détails
que les hommes , dont la vue eft courte ou
trouble , affeClent de méprifer , parce qu’ils ne
peuvent les faifir ; ce font ces détails qui fou-
tiennent la difcipline , donnent l’inftruâion | pro-
duifent l’harmonie , qui font, en u-n mot, la force
& la gloire des armées. Un infpeEleur connoîtra
donc auffi parfaitement les devoirs du foldat que
ceux du capitaine ; ceux du caporal que ceux du
colonel. S’il n’avoit pas acquis toutes ces connoif-
ances , il ne pourroir jamais juger avec juftice les
talents de chacun d’eux, 8c apprécier leur conduite.
Un militaire qui n’auroit point vu de grande
armée raffemblée, affifté à des batailles & fait des
fièges , poffédât-il toutes les connoiffances & toutes
les qualités néceffaires à ceux qui font chargés
d'infpeclerles troupes, ne devroit point recevoir,
ce mefemble, la commiflïon d’infpeEleur ; il man-
queroit toujours à fes paroles cette autorité d’opinion
que donne l’expérience. D ’ailleurs le véritable
objet des troupes étant la guerre, Y infpeEleur
qui l’a v u e , qui la connoît, juge bien mieux de ce
qui eft praticable 8c utilè dans les camps , que celui
qui n’a qu’une théorie fuperficielle.
C ’eft avec raifon qu’on ne choifit plus les infpec-
teurs que parmi les officiers généraux ; un militaire
élevé à cette haute dignité donne à la lo i, dont il
eft l ’organe, une fanâion plus forte que celle qu’il
lui tranfmettroit, s’il n’étoit encore que brigadier
ou colonel ; fes décifions font plus refpe&ées , &
fes ordres plusfacrés; on fuppofe qu’il n’eft parvenu
que par un mérite réel , 8c on croit que
voyant le miniftre de près, il peut fervir utilement
ceux qui l’ont mérité ; 8c faire punir avec promptitude
touts ceux qui s’écartent de la règle, quelque
foit leur rang, leur fortune ou leur nom.
Il eft des ronflions militaires qui exigent uneaéli-
vité 8c une force de tempérament qu’on ne trouve
pas toujours dans un militaire très avancé en âge ;
mais les revues d’infpeéfion ne font pas de ce
nombre. Tandis que le génie ardent de l’homme
jeune encore, ne s’affervit qu’avec peine à faire
obferver les loix anciennes , & court après les
nouveautés qu’il aime^, le génie calme & froid de
1 homme d’un âge mûr voit avec peine les innovatiens
; les regardant comme dangeretifes, il l e s hait, les évite, les fuit, & s’attachant ftriélement
à la loi, quelque ancienne qu’elle foit, il réforme
8c bannit impitoyablement tout ce qui la contrarie.
Quoique le mot officier général réveille l’idée d’un
militaire également capable de conduire de l’infanterie
8 c de la cavalerie, des troupes de lignes & des
troupes légères, l’homme de guerre qui a toujours
fervi dans la cavalerie de ligne n’eft point auffi
propre à infpeéler des huflards , &c., que l’officier
général parvenu à ce grade après avoir conftam-
ment fervi dans les huflards, 8cc. Cette obfervation,
je la dois à un de nos infpeEteurs , 8c je l’écris, parce
que j’ai vérifié qu'elle étoit jufte. Quand les huf-
fards , me difoit ce militaire , font infpeélés par un
officier général qui ne connoît pas parfaitement
leur manière de fervir, ils exeufent toutes leurs
négligences, touts les petits manquements qu’ils
fe permettent, par ces phrafes, c’eft. notre manière ,
c’eft ainfi que nous devons faire à la guerre , en un
mot, c’efl à la huffarde. De même un officier d'infanterie
regarde très longtemps une troupe de cavalerie
fans la voir, perd beaucoup de temps, eft très
longtemps trompé avant de juger fainement de la
précifion de fes manoeuvres, de la jufteffe de fes
principes, & de la bonté de fes chevaux, &c.
Parmi les qualités morales néceffaires aux infpec-
teurs, je placerai cette rigidité falutaire , cette fermeté
louable qui ne diffimulent jamais la vérhé ,
même la moins agréable. J’ai ouï dire qu’on avoit
vu autrefois des infpeEteurs qui, voulant capter les
fuffrages des régiments qu’ils voyoient, ou ménager
l’amitié des chefs de ces corps, approuvoitnr,
louoient tout en leur préfence , mais qui, dans le
compte qu’ils rendoient enfuite au miniftre, pouf*
foieht la critique amère auffi loin qu’ils avoient
porté les fades éloges. Non , je ne croirai point à
ces calomnieufes infinuations, je ne croirai point
qu’il y ait eu des militaires capables d’une duplicité
auffi grande ; difons le véritable mot, d’une baffeffe
auffi déshonorante. Louer ce qui eft bon, indiquer
ce qui eft médiocre, réformer ce qui n’eft pas bien ,
blâmer ce qui eft mal, punir ce qui eft vicieux, 8c fans acception de gradés & de perfonnes, dire tou*
jours hautement fa façon de penfer, & la dire toujours
de la même manière, voilà ce que l’auftère
probité exige des infpeâeurs. Je placerai encore au rang des qualités néceffaires
aux infpeEleurs, cette auftérité de principes
qui ne permet point de promettre par-delà fon pouvoir
, & de montrer des récompenfes 8c des grâces
qu’on n’eft pas certain de faire obtenir. Loin des
infpeâions, ces hommes qui, par foibleffe, ou
même par bonté d’ame , acceptent touts les mémoires
qu’on préfente , accueillent toutes les prétentions
qu’on forme, &. follicitent toutes les grâces
qu’on demande. Ah ! s’ils favoient touts les maux
qu’ils caufent, ils deviendroient certainement plus
réfervés. Tout officier que fon infpeEleur a flatté de
l’efpoir d’obtenir un grade fupérieur, fe plaint fi oa