
étendu que celui que v.ous peut donner une ouverture
faite par un pétard où l’on ne peut appuyer
que deux ou trois échelles ; au lieu qu ayant
des échelles plus longues, vous pouvez tout d un
coup en appuyer une quarantaine à un autre endroit
de la muraille. Je vous avertis donc de ne
penfer jamais à attacher le pétard à une porte devant
laquelle il y a un foffé, & par confisquent un
pont-levis.
Il fe peut encore que la porte foit couverte de
plaques de fer ; en ce cas , pour enfoncer le clou
qui doit fufpendre le pétard, le pétardier doit tâcher
de faire entrer la pointe de ce clou de biais
par en haut ou par en bas , fuivant que les plaques
font pofées les unes fur les autres.
Lorfque la porte préfente de longues & épaiffes
pointes de fer qui avancent, le pétardier doit faire
en forte d’en mettre en pièces quelques-unes avec
un gros marteau dont il aura eu foin de fe précautionner
, ou bien il attachera à ces . mêmes
pointes le pétard, en l’étayant avec deux étan-
^ons ou pièces de bois, dont un bout aboutira au
pétard , & l’autre à terre ; ou avec deux gros pieux
bien pointus par le bout d’en bas & bien garni de
fer par celui d’en haut, de peur qu’il ne fende par
les coups de maffe qu’on leur donne pour les enfoncer
en terre par-derrière le pétard.
On peut conclure de ce que je viens de dire ,
qu’il faut tenter de furprendre une place par un
des endroits fuivants :
Par celui où il y a moins d’ouvrages-extérieurs ,
fur-tout de ceux qui , n’ayant pas de communication
par les foffés , obligent à monter fur ces ouvrages
, & à en defeendre enfuite pour palier aux
autres ou aux corps de la place , tels que feroient
des contrefioffés & des fauffes braies ; les autres
ouvrages extérieurs ne faÿt pas un grand obftade ,
s’ils n’ont-pas une garnifon qui les défende, ou
fi elle ne bat pas l’alarme par avance; mais pour
l ’ordinaire Us font fans garnifon, excepté que les
ennemis ne foient proches.
Par le côté qui n’eft pas couvert d’un foffé , ou
dans lequel on peut defeendre fans» é ch e lle , foit
parce qu’il y a des efcaliers, foit parce qu’il eft
peu haut, ou à caufe que les terres qui font entre
le foffé & le chemin couvert fe font éboulées.
Par l’endroit où le foffé n'a point d’eau , point
de cunettes ou de paliffades qui empêchent d’approcher
de la muraille fans perdre du temps à fur-
naonter ces obffacles.
Par où le mur n’eft pas trop haut, ce qui fe
trouve ordinairement dans les flancs ; & par ou il
n’a pas une affez grande faillie qui oblige de donner
trop de pied aux échelles, & de les coucher de
telle manière qu’elles caffent.
Quelquefois dans les murailles qui n’ont point
de terre plain , on ouvre des embrafures au niveau
du fol de la place ; ce qui eft une grande commodité
pour une furprife, parce qu’on peut de dehors
entrer par ces embrafures avec des échelles très
courtes , St même fouvent fans qu’il en foit befoin
Il eft encore facile , fans le fecours de ces embrafures
, de furprendre une place ou un quartier
dont vous pouvez, en peu de temps, ruiner les
murailles par les pétards, ou de quelque autre
manière.
Les places fortifiées avec de la terre feule, Sc
qui ont un grand talus , font acceffibles fans échelles
, ce qui donne une grande facilité pour pouvoir
les furprendre, pouirvu néanmoins que le pied de
leur parapet ne foitpas garni d’une paliffade fraifée.
Les grandes pluies ruinent fouverat cette fortifi.
cation de terre , le poids même de cette terre ren-
verfe celles qui font revêtues de pierres ou de briques.
Si vous avez les troupes qu’il faut pour tenter
une furprife, vous devez l’entreprendre avant
qu’une pareille brèche foit réparée.
Pour furprendre une place, choififfez l’endroit
où les flancs font plus petits, plus dégarnis d’artillerie
& plus foibles en parapet, car c’ëft par ces
fortes de défenfes que ceux qui tentenr une ■ furprife
fouffrent une plus groffe perte.
Autant que vous le pourrez, conduifez la furprife
du côté le plus éloigné des cafernes , par la
raifon que j’ai déjà touchée. -
Rien n’encourage plus à entreprendre une fur-
pr.ife, que de favoir que le gouverneur de la place
ennemie n’eft pas homme d’expédient; que dans
la confufion d’une pareille conjonâure , il fera peu
capable de donner les ordres riéceffaires ; que par
la négligence & celle de fes officiers immédiats à
faire la ronde , les gardes 3 c les fentinelles font
peu vigilantes ; que les fentinelles & les gardes
font peu nombreufes , parce que fa trop grande
complaifance l’a fait céder aux importunes repre-
fenrations que les colonels font ordinairement,
pour que leurs foldats ne foienr pas tant fatigués.
Deville, dans fon livre de la Charge des gouverneurs,
fait à-peu près les mêmes obfervations.
Je ferai voir dans la fuite par quel 'côté d eft à
propos d’attaquer, fi vous fondez la furprife fax les
intelligences que vous avez avec les habitants du
fauxbourg de la place, ou avec un officier de cette
même place.
D # âifpofiiïons avant de fe mettre en marche.
En vous mettant en marche pour une furprife ;
prenez le nombre de troupes nèceffaires non-feulement
pour réuffir , mais encore pour aller & revenir
fans rifquer qu’un corps fupirieur de troupes
que les ennemis peuvent tirer de leur garnifon ou
de leur armée , ne vous change dans votre marche
ou dans votre retraite.
Pendant qu’Annibal forprenoir Ta rente, îl avoir
deux mille chevaux aux environs de cette place,
pour 'accourir bu le befoin puiivoit les demander.
Je ne voudrois pas, pour une furprife., prendre
les bataillons entiers , excepte qu’il ne s’a&iffe
d'expédition d’armée à armée ; du moins je donnerai
ordre aux colonels de laiffer pour la garde du
quartier , ou de la place , ou du camp , les foldats
foibles & infirmes qui font peu en état de réfifter
à la fatigue de la marche , & ceux qu’ils jugent les
^noins propres pour une aélion de vigueur 3c un
coup de main. . , ,
On doit auffi laiffer ceux qu on expoferoit a de-
ferter , tels que feroient des prifonniers ennemis ,
que la néceffité a obligés de prendre parti dans
vos troupes , & ceux qui, ayant déferté autrefois ,
peuvent être foupçonnés de retomber dans la
même faute. t
Prenez auffi quelques officiers & foldats d artillerie
& quelques bombardiers, pour vous en fer-
vir de la manière-& dans les occurrences dont je
parlerai dans la fuite.
Vous avez befoin de deux fortes de guides : les
uns font nèceffaires pour la marche , & les autres
pour conduire aux endroits deftinés pour le pétard
, pour l’efcalade , pour les fauffes alarmes , &
pour mener divers pelotons de foldats dans certains
endroits de la ville ou du quartier des ennemis
, après que vos troupes y font entrées.
Il faut avoir un affez bon nombre des premiers
guides , parce qu’on en a befoin à la tête de chaque
groffe troupe, de peur que les derniers, dont
an défilé retarde la marche , ne perdent le chemin
de l’avant-garde.
Ce n’eft pas affez d’avoir un ou deux des féconds
guides, parce que s’ils viennent à être tués
par les ennemis, la troupe refte fans favoir par
•ù pourfuivre l’ennemi fi elle eft viftorieufe, ni par
où fe retirer fi elle eft vaincue, fur-tout de nuit &
dans un lieu inconnu à vos foldats.
Nos ennemis voulurent, en 1708 , furprendre
la ville de Tortofe ; mais ils manquèrent leur
coup, parce que les guides qui les conduifoient
aux ruines d’ une vieille coupure qui étoit acceffi-
fele , ayant été tués, les Allemands ne furent plus
pendant la nuit trouver ce paffage , & allèrent
donner dans le fauxbourg de Rémolinos , qui étoit
fortifié ; de forte que la garnifon eut le temps d’accourir
à ce paffage dangereux & mal gardé.
Par un pareil inconvénient les Allemands, en
1541, ne réuffirent pas à furprendre Bude.
En traitant des marches, je déduis plufieurs autres
raifons importantes qui obligent de n(||e pas
fier à un feul guide. J’y parle des qualités nécef-
faires dans des guides & du choix qu’il en faut
faire ; je fuppofe donc ici que vos guides ont les
qualités requifes ; je fuppofe auffi qu’on fait marcher
quelques aumôniers & quelques chirurgiens ,
& que ces derniers portent les inftruments &. les
remedes nèceffaires pour le premier appareil.
Avant de nommer les troupes ou de donner
quelque autre marque d’une expédition prochaine,
détachez les partis dont j’ai parlé précédemment,
fuppofe que vous ayez befoin de vous en fervir ;
immédiatement après donnez ordre que les portes
de la place ©11 du quartier foient fermées , 3 c
qu’elles ne foient ouvertes qu’après le retour de
votre détachement, que les fentinelles fur la muraille
foient en nombre, de peur que quelque habitant
ne s’échappe pour aller donner avis aux ennemis
de votre marche ; que le gouverneur de la
place ©11 le commandant du quartier d’ou vous devez
fortir, faffe entrer dans la place ou dans le
quartier les habitants des maifons des champs voi-
fins qui pourroient obferver votre marche ; qu’ils
mettent en campagne une patrouille de foldats de
confiance, pour empêcher que ces maifons des
champs ne foient volées. Dans un pays ami, il eft
aifé d’omettre cette précaution, fur-tout fi la marche
fe commence de nuit ; il fuffit alors de faire
avancer quelques foldats ou quelques fergents
pour tenir enfermé dans ces maifons ceux q u i, au
bruit de la troupe , forftront peut-être pour l’ob-
ferver , 3 c qui comprendroient, par cet attirail d’é chelles
, que votre mouvement tend à une furprife;
qu'on laiffe entrer enfuite les étrangers dans
la place, mais qu’on ne leur permette pas d’en
fortir; 3 c que les gardes & les fentinelles ne lai firent
monter fur la muraille perfonne qui puiffe
avertir de ce qui fe paffe , ceux qui font au dehors
des portes.
Si c’eft d’un camp retranché que vous devez
fortir pour une furprife, la même chofe fe peut
exécuter ; mais li ce mouvement fe doit faire d’une
campagne ouverte, avant de nommer les troupes ,
ayez la précaution d’envoyer fur touts les chemins
des petits partis de gens de confiance, qui
s’y mettront en embufeade pour arrêter touts les
paffants ; détachez ces partis fous prétexte d’aller
prendre langue ou d’efeorter des charriots, des
bagages ou quelque autre chofe qu’on fait courir
le bruit d’attendre des lieux voifins. Une heure
après vous ferez publier un ban par lequel il fera
défendu à tout officier , foldat, vivandier, payfian ,
valet & autres perfonnes de s’éloigner d’un quart
de lieue de l’armée ; au-delà de cette diftance , il
y aura les petits partis fixes dont on a parlé , & les
patrouilles de campagne du prévôt en mouvement
pour arrêter les trangreffeurs du ban, 3 c recon-
. noître avec foin s’ils ne portent aucune lettre ;
dans ce dernier cas, on donnera d’abord fecrète-^
ment avis à l’officier qu’il peut arrêter celui qui a
écrit la lettre.
A y ez foin principalement que vos embufeades
fur les chemins qui’ vont de votre camp aux places
ennemies , foient en grand nombre.
S i , nonobftant ces précautions , il peut s’échapper
quelque efpion des ennemis qui donnent avis
du mouvement que vous faites, répandez adroite-
' ment le bruit d’un deffein tout différent de celui
que vous avez en effet.
Lorfqu’Antiochus , roi de Sy r ie , choifit deux
mille hommes de fon armée pour la furprife de
Sardis , il fit courir le bruit qu’il les enyoyoit pour
s’oppofer au paffage des Etoliens.
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