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n’eft pas poflible de tabler fur une fpeculation de
cette efpëce, il eft indifpenfable d’employer toutes
les précautions poffibles pour en faire de juftes
appréciations ». .
« La première de toutes, fans contredit, eft de
fouiller exactement les villages , & quelquefois les ■
bois 'des environs ; mais lorfqu’on eft parvenu à
conftater les lieux où, il y en a , la précaution la
plus fure & la plutôt faite eft celle du toifé ».'
« Comme les bottes de fourrages quelconques,
de même que les gerbes de gr^n battu ou non
battu , ne font jamais d’un volume ni d’un poids
égal, ni également entaflees dans une grange , le
plus court parti fans doute eft de faire compter
ce qu’il en tient,*par fuppofition , dans une. toife
cube , calculant enfuite la grange, ou la meule, ou
le grenier dans les trois dimenfions , hauteur ,
largeur & longueur; il eft aifé de conftater combien
de toifes cubes ces proportions doivent produire
, & les multipliant par le produit en gerbes
ou en bottes d’une toife, on évalue affez ■ certainement
ce qu’il y . a de gerbes ou de bottes dans
la totalité;après quoi conftatant de quel poids font
les gerbes ou les bottes , & déterminant à quel
taux on veut fournir fuivant l’efpêce de la denree,
on conftate facilement combien de rations de cha- j
que poids, il y a dans chaque endroit, fuivant la j
meme qualité des denrées ». _ a , !
« Lorfque le foin n’eft pas bottele, la meme operation
peut fe faire aifément, en conftatant ce que
deux pieds en tout fens peuvent en contenir en
poids , la toife cube en contiendra vingt fept fois
• autant ».
« On fent bien qu’il ne feroit pas pratiquable
d’entreprendre de faire de pareils fourragements
- par diftribution , fur-tout quand une armée fourrage
à-la-fois & précipitamment ; alors donc, vu la
connoiffance acquife de ce qu’il y a de fourrage
dans chaque grange , on les affigne à un ou plu-
fieurs régiments, félon ce qui leur en revient.&
-appartient à chacun ,>& ils fe les partagent ».
« Toutefois , quand on a le temps , & que les
circonftances militaires le permettent , il eft bien
• plus fur encore ( & c’eft une bien plus grande économie)
, de faire fortir les fourrages hors des villages,
d’en former des magafins , défaire mettre
les denrées en rations, & de faire des diftribu-
tions en règle ».
Des fourrages au f e c , ou fourrages d'approvisionnement
& de magafin.
« Tandis que l’armée affemblée fourrage par
les ordres & fous la police de l’état-major général,
foit en pleine campagne avant la récolte, foit
dans les granges & villages après la récolte faite ,
& cela affez ordinairement depuis l ’époque du m
au 20 juin jufqu’à celle de fa féparation , il eft indifpenfable
de s’occuper à l’avance des moyens de
& faire fubfifter en fourrage dans les quartiers
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qu’elle pourra occuper pendant tout l’hiver fui-
vant , & même d’étendre les précautions pour
ayoir des approvifionnements qui puiffent lui fer-
vir en cas qu’elle fût obligée de fe raffembler peu- |
dant l’hiver , ou feulement mêmè pour l’entrée |
.de campagne de l’année fuivante , n’étant pas pof-
fible pour l’ordinaire qu’avant le 15 ou le 20 de j
juin , elle puiffe fubfifter de la faulx ».
« Ces approvifiopnements reffortiffent entièrement
aux détails de l’intendant de l’armée , &
e’eft lui qui fe charge de la faire faire ».-
«Enfin il en eft, fi l’on veut , un quatrième:
ce font les impofitions faites en France même ;
mais elles doivent tout au moins s’affimiler aux
réquifitions à faire dans les pays amis , puifqu’oa
doit en tenir compte fur les impofitions en argent
».
«'Les impofitions en pays ennemis font de véritables
contributions ; c’eft. une loi de la guerre
que le pays-conquis fourniffe a touts les befoins de
l’armée qui l’occupe. Cette loi , toute rigoureufe
qu’elle eft , n’eft pas injufte , puifqu’enfin tout le
pays & ce qu’il renferme devient, par droit de
conquête , le propre du fouyerain qui s en empare ;
fi donc il ne dépouille pas entièrement les particuliers
de ce qu’ils poffèdent , c’eft quil commence
dès-lors à les regarder comme fes propres fujets ».
; « 11 eft donc d’uiage que dans les pays conquis
on oblige d'abord le pays à livrer , finon la totalité
, au moins la plus grande partie des denrées
qu’il peut avoir en fourrage ; 8c quand on lui en
laiffe la propre confommation de fes beftiaux, c eft
une feveur qu’on lui fait, dans la confideration des ;
autres fervices qu’il peut rendre, & pour le mettre j
à même de cultiver & d’enfemencer , en quoi on
fe ménage à foi-même des reffources ; mais iî arrive
, & c’eft même affez l’ordinaire , que ce pays
conquis a été 8c eft quelquefois encore le théâtre
de la guerre, & que tandis qu’on lui impofë des
contributions en fourrage , if éprouve dans le
même moment des fourragements, foit en plein
champ, foit dans les villages; il fembîeroit d’abord
que cette circonftance feroit un obftacle invincible
à l’exécution de la demande par imposition
; mais comme aufli les armées ne fe-répandent
pas généralement dans toiît le pays dont elles
font la conquête , qu’elles fuivent pour l’ordinaire
les direâions des points principaux, il faut convenir
qu’il peut refter , & qu’il reftè en effet quelquefois
de grandes reffources encore dans les
points plus reculés , à mefure qu’ils s’éloignent de
la pofition des armées ».
« Mais les fourrages qui exiftent dans cés parties
éloignées ne peuvent, que difficilement s appliquer
au fervice, à moins qu’on ne les raflera*
ble; c’eft à quoi l’intendant de l’armée a le fora
de pourvoir, & comme il eft à portée de prévoir
les pofitions que l’armée prendra pour fes quar*
tiers, il dirige fes demandes en conséquence , *e
contentant de raffembler les approvifionnements
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$c contributions dans des dépôts généraux qu’il
détermine , fauf à les répartir enfuite fuivant les
circonftances & les befoins ».
« Les reffources en ce genre que les pays conquis
peuvent fournir , n’étant pas pour l’ordinaire
fuffifantes pour faire face au fervice , ou ne pouvant
pas y pourvoir également dans touts les
points , il eft indifpenfable qüe les autres pays qui
avoifinent l’armée y concourent avec eux. Si ces
pays font conquis comme les autres , on en ufe
de la même façon avec eux qu’avec les premiers ,
& ils fo'nt plus en état d’y fuffire , parce qu’étant
éloignés des opérations de guerre, ils font moins
expofés aux charges qu’elles entraînent avec elles ».
« Lorfqu’ati contraire ces pays font neutres ou
amis , ils ne font pas pour cela exempts de contribuer
aux fournitures qu’on leur demande ; la feule
différence qu’il y a , c’eft qu’on promet de leur en
tenir compte aux prix dont on convient avec eux ;
c’eft donc en quelque forte un marché que l’intendant
fait avec une puiffance amiç bu neutre à
un prix déterminé ; mais ce marché a cela de particulier
,- qu’il n’eft pas toujours volontaire de la
part de la puiffance qui fournit. JEn effet, le féjour
des armées dans un pays quelconque encore que
neutre ou ami, entraîne une première obligation :
c’eft que. la troupe ait fon néceffaire; ne l’ayant
pas, c’eft l’expofer à commettre des défordres ,
dont le premier fans doute eft de s’emparer de
toutes les chofes qui font à fa convenance pour
fes befoins ; oü comme le fourrage eft une denrée
de première utilité , il eft confiant que les pays
n’ont point d’alternarive entre l’engagement de
fournir eux-mêmes , ou la néceflité de fouffrir le
fourragement, & ils fe décident toujours en faveur
du premier ».
« Ces efpèces de livraifons entraînent des répétitions
de la part des pays auxquelles fe réunifient
toutes les autres indemnités qu’ils peuvent prétendre
pour raifon des dégâts, &c. ; dommages
qu’occafionne néceffairementle féjour des armées ,
mais fur lefquels on ne fait guères droit que relativement
aux intérêts particuliers des puiffances ,
& à la part qu’elles ont pu prende à la guerre ;
mais toujours fort longtemps après que les fournitures
ont été effe&uées , & ce n’en eft pas moins
line reffource effective du moment pour les armées
qui opèrent ».
« Enfin le dernier moyen de touts , & celui auquel
la cour fe détermine avec plus de réferve ,
eft celui des fournitures par marchés ou des contributions
dans les provinces du royaume ; l’un
& l’autre de ces expédients entraînent des charges
confidérables, réelles & aâuelles pour l’état ; car
fi ce font les provinces du royaume qui fourniffent,
il faut leur en tenir compte fur les impofitions ; fi
ce font des fourniffeurs , ïl faut leur donner de
l’argent; & dp toute manière comme il eft quef-
fion, dans ces deux cas , d’en dépenfer, 8c cela
dans le moment où il eft le plus néceffaire, on
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doit fe perfuader que l’on n’emploie ces deux derniers
moyens qu’à la dernière extrémité , 8c quand
abfolument les autres reffources manquent ».
« Dans l’une & l’autre de ces circonftances , on
détermine des points où les liVraifens doivent
s’exécuter ; ces points , pour l’ordinaire , fe trouvent
diftribués fur les derrières, & quand les armées
n’y reviennent point prendre leurs quartiers
, fi on n’a point d’autres reffources , on s’occupe
des moyens de porter ces approvifionnements
en avant & jufques dans les pofitions où les
armées peuvent les confommer ».
« De tout ce qui vient d’être d it , on doit né-
ceffairement Conclure qu’une pareille adminiftra-
tio'n ne peut jamais former l’objet d’une entre-
prife ; en effet, comment déterminer fur quoi elle
pourroit porter ? Au défaut des pays conquis , ôn
tait concourir les pays voifins , neutres ou amis ,
vis-à-vis defquels le roi trouve toujours, finon de
l’économie ou du bon marché , au moins des facilités
, ne fût-ce que celle du retard du payement ;
ce n’eft donc qu’à l’extrémité que l’on emploie les
reffources aéluelles , 8c les moyens onéreux des
marchés & des impofitions dans le royaume ; dans
l’incertitude de ces événements, comment affeoir
une entreprife & les conditions d’un marché ? Gela
feroit impoffïble ; aufli ce fervicç ne s’adminiftre-
t-il jamais que par.régie ».
« En même-temps que l’on ufe d’un des moyens
ci-deffus, 8c quelquefois de touts les trois à-la-
fois , pour aflùrer encore avec bien de la peine le.
fervice des fourrages à une armée , il ne fuffit pas
d’établir des demandes & d’employer des reffources
, il faut encore conferver un, ordre , apprécier
les befoins , conftater ce en quoi chaque partie a
contribué au fervice, mefurer, combiner & calculer
les poflibilités 8c les reffources.; & dans l’emploi
même des moyens , s’affurer de leur jufte diftribution
; il faut également faire le compte à ceux
qui fourniflent & à ceux auxquels on fournit ; c’eft
proprement l’objet de la régie des fourrages ».
« Il ne fuffit pas non plus d'affembler & de former
des magafins , il faut les conferver ; il faut
en effectuer des verfements fur les points où la
confommation doit s’en faire ; il faut obferver un
ordre 6ii une règle dans cette confervation comme
dans la confommation ; cette adminiftrarion entraîne
des frais , une manutention , un ordre de
comptabilité; cette manutention elle-même devient
une des branches de l’adminiflration de la
régie»,
De la régie des fourrages.
Nous allons entrer dans le détail de la régie des
fourrages , parce qu’il peut arriver, comme oh
T a déjà vu dans la dernière guerre , qu’un général
croie devoir remettre cet objet important entre les
mains des militaires.
« Ce que nous venons d’en dire caraélérife fuffi-
famment fon objet ; il eft plus que prouvé que Cet
F f ffi.j