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O r , il eft certain que les fociétés ou les puif-
fances qui les gouvernent, étant armées des forces
de tout le corps, font quelquefois encouragées à
fe moquer impunément des étrangers qui viennent
leur demander quelque chofe quelles leur doivent,
& que chaque fujet contribue , d’une manière ou
d’autre, à les mettre en état d’en ufer ainfi; de
forte que par-là il peut être cenfé y confentir en
quelque forte; que s’il n’y confent pas en effet, il
n’y a pas d’autre manière de faciliter aux étrangers
léfés la pourfuite de leurs droits , devenue difficile
par la réunion des forces de tout le corps , que de
les autoriferà s’en prendre à touts ceux qui en
font partie.
On conclut de-là, que par une fuite même de la
conftitution des fociétés civiles , chaque fujet demeurant
tel , eft refponfable , par rapport aux
étrangers, de ce que fait ou doit faire la fociété ,
ou le fouverain qui la gouverne, fauf à lui de demander
un dédommagement, lorfqu’il y a de la
faute ou de l’injuftice de la part des fupérieurs ; que
fi quelquefois on eft fruftré de ce dédommagement
, il faut regarder cela comme un des inconvénients
que la conftitution des affaires humaines
rend inévitable dans tout établiffement civil. Voici
préfentement les claufes qu’on met aux reprèfailles.
Les repréfailles, dit-on , étant des aéfes d’hofti-
li té , & qui dégénèrent même fouvent dans une
guerre parfaite, il eft évident qu’il n’y a que les
fouverains qui puiffent les exercer légitimement,
& que les fujets ne peuvent la faire que de fon
ordre & par fon autorité.
D ’ailleurs il eft abfolument néceffaire que le
tort ou l’injuftice que l’on nous fait, & qui occa-
fionne les repréfailles , foit manifefte & évident,
& qu’il s’agiffe de quelque intérêt plus confidé-
rable. Si l’injuftice eft douteufe ou de peu de con-
féquence , il feroit injufte & périlleux d’en venir
à cette extrémité, & de s’expofer ainfi à touts les
maux d’une guerre ouverte.
On ne doit pas non plus recourir aux repréfailles
avant que d’avoir tâché d’obtenir raifon , par
toutes les voies amicales poffibles , du tort qui
mous a été fait ; il faut s’adreffer pour cela, au ma-
3»iftrat de celui qui nous a fait injuftice ; après cela ,
ü le magiftrat ne nous écoute point, ou nous re-
fufe fatisfa&ion , on tâche de fe la procurer par
«les reprèfailles, bien entendu que l’intérêt de l’état
le requiert. Il n’eft permis d’en venir aux représailles
, que lorfque touts les moyens ordinaires
d’obtenir ce qui nous eft dû viennent à nous manquer
; en telle forte , par exemple , que fi un magiftrat
fubalterne nous avoit refufé la juftice que
nous demandons , il ne nous feroit pas permis d’u-
fer de repréfailles avant que de nous être adreffé
an fouverain de ce magiftrat même, qui, peut-
être , nous rendra juftice. Dans ces circonftances ,
on peut ou arrêter les fujets d’un état, fi l’on arrête
nos gens chez eux, ou faifir leurs biens 8c
leurs effets j mais quelque jufte fujet qu’on ait d’u-
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fer de reprèfailles , on ne peut jamais direélement '
pour cette feule raifon, faire mourir ceux dont on
s’eft faifi ; on doit feulement les garder fans les
maltraiter, jufqu’à ce que l’on ait obtenu fatisfac-
tion ; de forte que pendant tout ce temps*là ils
font comme en otage.
Pour les biens faiiis par droit de repréfailles, il
faut en avoir foin jufqu’à ce que le temps auquel
on doit nous faire fatisfaâion foit expiré ; après
quoi on peut les adjuger au créancier , ou les
prendre, pour l’acquit de la dette, en rendant à
celui fur qui on les a pris ce qui refte, touts frais
déduits.
On remarque enfin qu’il n’eft permis d’ufer de
reprèfailles qu’à l’égard des fujets proprement ainfi
nommés, & de leurs biens ; car pour ce qui eft des
étrangers qui ne font que paffer, ou qui viennent
feulement demeurer quelque temps dans le pays,
ils n’ont pas d’affez grandes liaifons avec l’état,
dont ils ne font membres qu'à temps , & d’une
manière imparfaite, pour que l’on puiffe fe dédommager
fur eux du tort qu’on a reçu de quelque
citoyen originaire & perpétuel, & du refus que le
fouverain a fait de nous rendre juftice.
Il faut encore excepter les ambaffadeurs, qui
font des perfonnes facrées, même pendant une
guerre pleine & entière.
Malgré toutes ces belles reftriélions , les principes
fur lefquels on fonde les reprefailles révoltent
mon ame ; ainfi je refte fermement convaincu que
ce droit fi&if de fociété , qui autorife un ennemi à
facrifier aux horreurs de l’exécution militaire , des
villes innocentes du délit prétendu qu’on impute à
leur fouverain , eft un droit de. politique barbare ,
& qui n’émana jamais du droit de la nature, qui
abhorre de pareilles voies , & qui ne connoît que
l’humanité & les fecours mutuels. ( D. J. )
L’ennemi peut être contenu par la crainte de
la repréfaille. Celui qui. l’emploie n’eft point un
homme injufte ; mais celui qui s’en abftient a une
plus grande ame & de plus grandes vues. Le ref-
peâ & l’afteftion que fa générofité lui concilie ,
l’idée qu’elle donne de fa fupériorité , feront toujours
plus avantageufes que le mal qu’il auroit fait
fouffrir à des innocens.
R epr é sa il l e s (lettres d e ) , droit politique ou
lettres de marque. Ce font des lettres qu’un fouverain
accorde à fes fujets, pour reprendre fur les
biens de quelqu’un du parti ennemi l’équivalent
de ce qu’on leur a pris , & dont le prince ennemi
n’aura pas voulu leur faire juftice. ( D. J. )
RÉSERVE. Partie de l’armée que le général ré*
ferve pour s’en fervir où il en eft befoin. Les ic-
ferves font fous le commandement d’un officier
général fubordonné au commandant ; elles ne
campent pas ordinairement avec l’armée , mais
dans des lieux à portée de la rejoindre fi le génér
ral le juge à propos. Le pofte le plus nature): des
réferves-ëft derrière la fécondé ligne.
Les réferves font ordinairement «ompofées de
RET
bataillons & tfefcadronS,c’eft-à dire, de cavalerie
& d’infanterie* On en a vu jufqu’à trois dans les
grandes armées. Dans une bataille , la réferve
forme une efpèce de troifième ligne; le général
s’en fert pour fortifier les endroits qui ont befoin
d’être foutenus.
Le nombre des troupes dès réferves n’ eft pas déterminé
; il dépend de la force de l’armée & de la
volonté du général. En 1 7 4 7 , la réferve de l’armée
du roi en Flandres étoit compofée de quatre-vingt-
dix efcadrons & de trente bataillons.
L’ufage de M. le maréchal de Saxe étoit de
mettre fes meilleures troupes à la réferve ; ufage
conforme à la coutume des Romains , qui plaçoient
leurs braves foldats à la troifième ligne, qui for-
moit une efpèce de réferve.
Un général intelligent ne doit jamais faire combattre
des troupes fans les faire foutenir par des
réferves, parce qu’autrement le moindre défordre
dans la première ligne fuffir pour la faire battre entièrement.
Suivant Végèce, l’invention des réferves
eft due aux Lacédémoniens. Les Carthaginois les
imitèrent en cela , & enfuite les Romains. ( Encyclopédie
).
RETENUE. Partie de folde réfervée pour différents
emplois. On fait une retenue au fôldat pour
payer fon linge , fa chauffure , & c ., on en fait à
l'officier pour des abonnements, des fournitures,
des dépenfes de corps, 8tc. Voyeç M asse , É q u i pement.
RETIRADE. Retranchement fait dans une pièce
de fortification ou derrière l’enceinte d’une place,
pour fe retirer derrière, & prolonger la défenfe
lorfque l’ennemi s’eft emparé du rempart.
RETRAITE. Mouvement rétrogade d’un corps
de troupes. On fait retraite après un combat défa-
vantageux, ou pour abandonner un pays où on ne
peutplus fe foutenir.
A parler exaélement , une retraite n’eft qu’une
efpèce de fuite ; car fe retirer, dit M. le chevalier
de Folard, cejl fuir; mais défi fuir avec art & un
très grand art.
Comme les retraites ne font que dès marches,
elles fuppofent les principes & les règles qu’on
doit y ©bferver ; ce qui concerne le pâffage des
rivières, des défilés, & une grande connoiffance
de la taélique. Il faut, de plus, avoir le jugement &
le coup-d’oeil excellents pour changer ou varier les
difpofitions des troupes , fuivant les circonftances
des temps & des lieux.
Lorfq u’une armée, après avoir combattu longtemps
, ne peut plus foutenir les efforts de l’ennemi
, & qu’elle eft forcée de lui abandonner le
champ de bataille, elle fe retire. Si elle le fait en
bon ordre, fans rien perdre de fon artillerie ni de
fesbagages, elle fait une belle retraite ; telle fut
celle de | armée françoife après la bataille de Mal-
plaquet. Il eft difficile d’en faire de cette efpèce
devant un ennemi v if & intelligent ; car s’il pourvût
à toute outrance, la retraite, dit le maré-
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chai de Saxe, fe convertira bientôt en déroute.
Voye£ ce mot.
Une armée que les forces fupérieures de l’ennemi
obligent de quitter un pays, fait auffi une
belle retraite , lorfqu’elle la fait fans confufion 8c
fans perte d’artillerie & de bagage.
La retraite des dix milles de Xenophon eft la
plus célèbre que l'on puiffe citer; elle a fait l’admiration
de toute l’antiquité , & jufqu’à préfent il
n’en eft aucune qui puiffe lui être comparée, au
moins avec juftice.
Q u’on faffe attention que les dix mille Grecs
qui avoient fuivi le jeune Cyrus en Perfe , fe trou-
voient, après la perte de la bataille & la mort de
ce prince , abandonnés à eux-mêmes & entourés
d'ennemis de touts les côtés. Que néanmoins leur
retraite fut conduite & dirigée avec tant d’ordre ÔC
d’intelligence , que malgré les efforts des Perfes
pour lés détruire , & les dangers infinis auxquels
ils furent expofés dans les différents pays qu’ils
eurent à t-raverfer pour fe retirer, ils furmonterent
touts ces obftacles & regagnèrent enfin la Grèce.
Cette belle retraite fe fit fous les ordres de Xéno-
phon, qui, après la mort de Cléarque & des autres
chefs , que les Perfes firent affaffiner, fut choifi
pour général ; elle fe fit dans l’efpace de huit mois ,
pendant lefquels les troupes firent environ fix cent
vingt lieues en cent vingt-deux-jours de marche.
M. le m&réchal de Puyfégur prétend , dans fon
livre de Y Art de la guerre , que tout ce qui concerne
les retraites, peut s’enfeigner par règles &
par principes. Il y donne en effet bien des obfer-
vations qui peuvent être regardées comme la bafe
de leurs principales difpofitions ; mais il auroit été
fort avantageux de trouver ces principes réunis en
un feul article ; 'on auroit pu s’en former des idées
plus parfaites , & acquérir bien plus aifément les
connoiffances que fes lumières & fa grande expérience
le mettoient en état de donner fur cette
importante matière. 1
Comme le fuccès des batailles n’eft jamais certain
, les retraites doivent être toujours prévues &
arrangées dans l’efprit du général avant le combat ;
il ne doit plus être queftion que de prendre les
méfures néceffaires pour les exécuter fans défordre
&. fans confufion lorfqu’il en eft befoin.
L’objet qui mérite le plus d’attention dans les retraites
, eft la marche des troupes enfemble & tou»
jours en ordre de bataille. Il faut éviter avec foin
tout ce qui pourroit leur donner occafion de fe
rompre ou de fuir en défordre. Dans ces moments
critiques , le général a befoin d’un grand fang-
froid & d’une grande préfence d’efprit pour veiller
au mouvement de toute l’armée, pour la raffurer ,
lui donner de la confiance , & même la tromper ,
s’il eft poffible , fur le danger auquel elle fe trouve
expofée ; enfin, faire en forte qu’elle ne fe per-
fuade point que tout eft perdu , & que la fuite feule
peut la mettre en fureté. C ’eft un art qui n’appartient
qu’aux grands capitaines; les médiocres ont