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fâtavec du vinaigre, & le rocher s’étaht ainfi àmo-
l i , il fut aifé de le rompre.
J’avoue que je n’ai fait aucune de ces expé?
riences; jelesfuppofe néanmoins véritables ; premièrement
, par la foi qu’on doit ajouter au duc
de Guife & à Tire-Live ; en fécond- lieu , parce
qu’il me paroît naturel que l’eau-de- vie & le vinaigre
, qui font deux liqueurs oppofées , agirent
l ’une contre l'autre , ou que le vinaigre combatte
avec les particules de feu qui ont pénétré dans-
le rocher, & dans ce combat le vinaigre , l’eau-
de-vie & le feu qui font entrés dans les pores de
la matière fur laquelle ils agiiïent, la détachent
ou la raréfient , fur-tout dans les murailles où la
chaux , qui eft un alkali , eft détruite par le v inaigre
, qui eft un acide ; mais mon deffein n’eft
pas de parler de phyfique.
Je dis donc que fi après en avoir fait l’épreuve
& avoir trouvé l’expérience certaine, vous voulez
la mettre en oeuvre, vous devez commencer le
chemin fouterrain depuis quelque maifon voifine
de la muraille, en ayant eu foin de gagner ceux
qui l’habitent ; il faut envoyer un officier mineur,
q ui, fous le déguifement a un valet, demeurera
dans cette maifon , & veillera à ce qu’on jette
dans les boutiques de la maifon , ou dans quelque
autre endroit bien caché , la terre qui fe tire
du chemin que l’on ouvre, qui doit aboutir au
pied d’une muraille , qui n’ait pas d’autres muraille
derrière , autrement la difficulté refteroit toute entière
, quand même on auroit franchi le mur principal.
Tâchez auffi, s’il fe peut, que ce chemin fon-
terrein tende vers l’endroit le plus éloigné des ca-
zernes, 8c des gardes de la place , afin que vos premières
troupes qui fortent,'ne trouvent pas une trop
grande 8c trop prochaine réfiftance. Il feroit bon
encore que fi ce chemin commence dans le faux-
bourg , il fe terminât à un pofte éloigné de toute
fentinelle, ou , ce qui vaut mieux , à la maifon de
quelque habitant qui eft dans votre parti ; afin
que vos troupes n’étant pas apperçues à mefure
qu’elles entrent, ayent le temps de fe joindre avec
beaucoup de filence, 8c en a fiez grand nombre
pour pouvoir réfifter aux ennemis qui accourent
lorfqu’il.s »entendent fonner l’allarme.
Je fuppofe toujours qu’il y a un détachement tout
prêta entrer par la porte qu’ouvrent les foldats qui
ont été introduits par l’égoût ou par le chemin fou-
terrein ; que ces foldats portent tout ce qu’il faut
pour rompre les chaînes des ponts , 8c les ferrures
dés portes ; qu’ils profitent des nuits obfcures 8c
orageufes j qu’ayant fonné l’allarme dans cet endroit
, on en donne plufieurs à divers autres côtés ,
pour faire diverfion.
Si vous êtes en intelligence avec un officier de
la garnifon , dès qu’il aura tiré au fort fa garde , il
vous fera favoir l’endroit où il doit la monter, 8c
p. quelle heure il aura pofé fur la muraille des fen-
fjùielles qui lui font affidés, afin de faire entrer par
SUR
là , avec tout le filence poftibje , lin nombre çon-
fidérable de troupes dans la place avant qu’on y
fonne l’allarme.
Claude de Barlaimont, Seigneur de Haultpenne,
8c le général Martin Shenck, touts les deux au fer-
vice d’Efpagne , furprirent en 1.581 le château de
Breda, par le moyen de M. de Fre-fm qui y étoit
prifonnier, 8c qui fuborna une fentinelle , pour
laifler entrer, fans oppofition , par fon pofte, les
troupes d’Efp«gne.
Si un homme prifonnier a fait réuffir une fur-
prife y combien plus facilement peut-on venir à
bout de l’entreprife par l’intelligence avec un offi.
cier de garde ?
Vous m’objeâerez peut - être que l’officier de
chaque compagnie nomme les foldats qui concernent
la garde générale de la place ; que dans une
place d’armes , les efcouades tirent au fort les
gardes, 8c que dans chaque garde on tire au fort
les heures auxquelles chaque foldat doit être de
faâion ; qu’il paroît par conféquent impoffible que
l’officier puiffe à telle heure favorable , garnir une
muraille de fentinelles, qui foyent d’intelligence
avec lui.
On peut répondre, que fi trois ou quatre de
vos faux déferteurs ont pris parti dans la compagnie
de ce même officier, 8c fi après que la
garde eft montée , 8c fous prétexte d’affeâion
pour leur officier , ils viennent s’offrir de faire le
iervice pour quelques foldatsqui fe trouvent un peu
incommodés , ou qui ont un métier qui leur donne
du gain , on nè fera pas difficulté de les accepter.
A l’égard de faire tirer au fort les heures des
fentinelles, l’officier peut s’en difpenfer par une
feinte négligence ; il peut auffi , un mQment avant
de relever les fentinelles, détacher, fous quelque
prétexte , auprès des officiers-majors de la
place , les foldats qui doivent être en faéfion , 8c
fubftituer ceux qui font de la fecrette intelligence ;
ou faifant femblant de pouvoir punir ces foldats
de confiance pour quelque faute fuppofée, il les
mettra en fentinelle à l’heure qui ne leur étoit pas
échue par le for t, 8c leur fera doubler leur faâion.
On doit conclure de ce que je viens de dire,
qu’il importe aux gouverneurs des places d’être
d’une extrême exaélitude à faire tirer au fort toutes
ces fortes de chofes ; d’empêcher que les foldats
ne vendent leur garde les uns aux autres, ainfi
qu’on le voit communément parmi certaines nations
; 8c que l’officier même de garde ne puiffe
pas changer les foldats de fa garde , ni les heures
que le fort a donné à chacun. Précautions que,les
ignorants appellent minuties , 8c ne les regardent
néceffaires que lorfqu’une fatale expérience leur
en fait connoître trop tard la néceffité.
M. de Frefin , pour réuffir dans la furprife de
Breda , dont j’ai parlé , enyvra touts les' foldats
de la garde.
J’ai dit plus haut quelle heure en général eft la
plus favorable pour les furprife s -, mais par rapport
SUR
a la furprife dont je traite à prêtent, il eft à propos
que l’officier avec qui vous êtes d’intelligence ,
vous donne l’heure à laquelle la ronde a patfé par
ce pofte, afin qu’avant que le temps d’une autre
ronde approche, 8c après que les foldats qui ont
reçu la précédente feront aller dormir , vous commenciez
de faire entrer du monde dans la place.
Si l’officier de ronde veut s’arrêter 8c paffer quelque
temps de ces deux heures dans le pofte où
eft de garde l’officier qui eft en intelligence avec
vous , l’officier de garde lui donnera à entendre
avec myftère qu’on a obfervé- quelque nouveauté
dans un autre endroit, 8c il lui nommera le plus
écarté, afin que cet officier de ronde, qui ne
manquera pas d’aller rechercher quelque fondement
à cette nouvelle , s’éloigne davantage.
Lorfqu’il fe trouve deux ou trois officiers dans
une garde , on diftribue de telle forte les heures,
qu’il y en a toujours un d’éveillé. En ce cas celui-
qui eft avec vous d’intelligence , tâchera de fe
charger de veiller dans le temps qui â été concerté
pour la furprife. Cependant le meilleur feroit
d attendre que fon tour vînt d’être à une garde
où il n’y .aura pas d’autres-officiers ; il y aura encore
alors cet avantagé, que fa garde n’étant com-
pofée que d’un plus petit nombre de foldats , il
n’en faudra pas tant de ceux qui font dans la confidence
de l’officier pour exécuter tout ce qui a été
dit jufqu’ic i , & pour fe faifir des fufils de leurs
camarades, quand on vient àTonner l’allarme.
Si les troupes qui doivent entreprendre la fur-
prife font fort éloignées, l’officier qui eft d’intelligence
avec vous , après avoir tiré fa garde, ne
pourra pas vous,faire avertir allez tôt de l’endroit
où il la monte,, pour que la nuit fuivante vous
puiffiez venir faire le coup ; il fe peut encore que
le fort le deftine à être de garde à la maifon du
gouverneur, aubivac, ou à quelqu’autre endroit
du coeur de la ville , où il ne contribuera en rien
pour la furprife. Ainfi , ne faites aucun mouvement
fur le {impie avis que vous recevez par avance j
du jour auquel cet officier doit être de garde.
Après que l’officier vous a fait avertir qu’il eft de
garde dans un pofte favorable pour la furprife, il
peut furvenir quelque nouveauté, dont il n’eft pas
aifé à 1 officier de vous donner avis par un efpion
parce qu’elle furvient après que les portes font fermées
; telle que feroit par exemple fi le gouverneur
avoir mis toute la garnifon fous les armes , ce qui
feroit un indice clair qu’on a eu auelque foupçon
de votre deffein.
tcnare par la muraüle quelqu un qui vous porte
cet avis par le chemin concerté pour votre marche \
ou au premier bruit qu’il entendra de vos troupes
11 fera tirer deux coups de fufil, enfuite trois , &
peu après quatre ; & ce nombre de coups dont vous
erez convenus enfemble , lignifiera que les ennemis
font prévenus & fous ies armes , & que
vous devez au plutôt faire retraite.
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Le foupçon des ennemis pourrait tomber fur
1 officier qui eft d’intelligence avec vous , & alors
fi on vient le changer, ou à couvrir fa garde par
un officier d’un rang fupérieur, vous n’aurez ni
l’avis ni le fignal dont je viens de parler. Ainfi,
pour commencer la furprife fans crainte que le gou-
verneur vous attende, prêt à vous recevoir, s’il
n eft rien furvenu de nouveau dans la place , l ’officier
, fous prétexte de faire la ronde de fes fentinelles
, fe tiendra fur la muraille & chantera de
temps en temps quelqu’une des chanfons dont vous
ferez convenus enfemble , & qui ne feront point
connues ; parce que fi par hafard un autre les chan-
toit dans quelque autre endroit, il pourroit naître
delà quelque confufion touchant le pofte où fe
i trouve l’officier qui eft avec vous d’intelligence.
Les chofes ainfi concertées, faites avancer vers
la place un homme vêtu de couleur obfcure, qui
Pffnc^ra. toutes rés précautions néceffaires pour
n être ni vu ni entendu de loin , & s’approchera
avec tout le filence poffible, jufqu’au pied de la
muraille ou 1 officier chante, & lui fera le fignal
convenu.
L’officier, qui fous prétexte de fumer tiendra h
la main une mèche allumée , la jettera dans le
foffë, attachée à un tuyau, dans lequel fera enfermé
un billet qui donnera avis de tout ce qui fe
paffe dans la place. On -peut même ne pas fe fervir
de billet, parce qu’il fuffit d'être d’accord , que fi
le tuyau ou le morceau de bois eft uni, vous devez
pourfuivre le projet de furprife , & s’il a au contraire
quelques entaillures, vous devez vous retirer.
Dès que votre homme aura ramaffé le morceau
de bois ou le tuyau , a quoi il eft guidé par le feu
de la mèche , il éteindra auftï-tôr la mèche, & vous
portera le tuyau à l’endroit'où vous avez fait alte
avec le détachement.
Si ce même homme entend le bruit de la patrouille
de la campagne ou de la ronde de la place,
il fe retirera vers quelque endroit caché & obfcur
& y demeura ventre contre terre , jufqu’à ce que la
ronde ou la patrouille ait pafté. Sur cet avis de votre
homme , touchant la rencontre de la ronde ou de
la patrouille, calculez le temps que l’une ou l’autre
peut tarder à repaffer devant le pofte où l’officier
dont il s agit, fe trouve , & tâchez d’arriver auparavant,
afin de pouvoir , ainfi que je l’ai déjà dit
plufieurs fois, jetter dans la place Beaucoup de
monde avant que la patrouillé ou la ronde fonne
l’allarme.
Vous trouverez quelques-uns des avis que je
viens de donner dans la pratique & maximes de la.
guerre , du chevalier de la Valière ; & Ænée le
taéticien , pour garantir ies places de ce danger,
veut que les rondes ne portent point de fanal,
ou qu elles le portent fi bas, que de dehors la
place on ne puiffe pas voir fa lumière , ni diftin-
guer par conféquent quand la ronde paffe par le
pofte que les ennemis ont deffein de furprencfre.