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Les anciens foldats l’étoient une fois par jour J
pour qu'ils ne l’oubliaffent pas, parce que l’art ne
s’açquiert point par le nomhre des années de fer?
v ic e , mais par une étude continuelle, & que les
vieux foldats non exercés ne font que des apprentis.
( Veget. I. IJ , c. 23 ).
Des évolutions,
Il nous relie peu de détails fur les évolutions de
l'infanterie Romaine ; tout ce que Végèce nous en
apprend, c’eft qu’on formoit les nouveaux foldats
lur un feul rang , fuivant l’ordre du rôle, On leur
çufeignoit à fe bien aligner, à garder leurs diftances
avec précifion ; enfuite on leur enfeignoit à doubler
les rangs, ce qui fuppofe qu’après ce mouvement
, on leur faifoit ferrer les files , pour que
les juftes diftances fuffent gardées ; de cette difpofi-
tion, on les faifoit pafter fticceftivement à l’ordre
quarré, au triangulaire , sommé coin, & au circulaire.
( L. 1 , c. 16 ).
On les exerçoit aufii à jetter le cri du combat, à
s'abandonner fur l’ennemi, à le choquer avec v igueur.
Végèçe nous apprend qu’un ancien ufage
confervé par les conftitutions d’Augufte & d’A drien
, étoit de faire trois fois par mois la décur-
fion ou promenade militaire. Les foldats revêtus
de toutes leurs armes faifoient,. au pas militaire,
dix mille pas, revenoient enfuite , & parcou-
roient d’un pas plus v if , curfu alacriore, quelque
partie de cet efpace. Dans un autre chapitre, le
même auteur eonfeille, comme très important ,
d’accoutumer les tirons à marcher d’un pas égal St
v i f , en leur faifant faire, au pas militaire, 20,000
pas en ciftq heures d’été ; & au pas plein ou entier
, qui eft plus accéléré x 24,000 dans le même
temps. Dans la fuppofition très vraifemblable que
ce pas étoit le même que celui de la décurfion, les
foldats faifoient, dans une heure d’été , 4,000 pas,
ou 3,024 toifes ; & au pas accéléré, 4,800 pas , ou
3,628 toifes, le mille étant de 756 toifes , fuivant
la détermination de M. Danville. ( Cicer. Tufcul.
l . J l , c.*37. L . I , c. 27. Z. I , c. 9 ).
Comme le plus long jour d’été pour la latitude
de Rome eft d’environ quinze heures, notre heure
eft à l’heure d’été romaine , comme 12 à 15 , ou
comme 60 minutes à 75 , ou cinq quart d’heures.
Ainfi le foldat Romain parcouroit au pas ordinaire
dans une de nos heures, 2,420 toiles ; & au
pas accéléré, 2,900. .( Danville , kijl, de l’acad.
wom. X X V , p. 188 ).
Maintenant, pour déterminer le nombre de pas
4pi’il faifoit dans une minute , obfervons que le
pas dont il s'agit ici n’eft point celui de manoeuvre,
mais le pas de route, qui eft plus allongé, & petit
s’évaluer en général à vingt-huit pouces. Le foldat
Romain faifoit donc par heure, au pas de route
ordinaire, 6,224 pas, & par minute, 104.
Obfervons de plus que le pas s’allonge un peu
£piand la yîteffe augmente i celui donc que Végèce
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nomme très bien pas plein ou accéléré, devoit être
au moins de trente pouces, & les foldats en fai-
foi en t cent feize par minute, ce qui revient à peu
près à notre pas redoublé. Cette marche fe faifoit
non-feulement dans les plaines , mais aufii dans
les lieux montueux & efearpés, afin que pendant
la guerre ils ne trouvaflent aucun obftacle qu’ils
n’euftent appris à furmonter.
Des aufpices.
Les Romains ne formoient aucune entreprife;
foit militaire, foit civile , fans avoir pris les auf-
piçes ; ils les regardoient comme un témoignage de
l’approbation des Dieux. Celui qu*on révéroit le
plus étoit pris par le moyen des poulets confacrés
■ à cet ufage. Les citoyens chargés de cet office al-
loient au point du jour leur préfenter à manger, &
les obfervoient avec un filence refpeélueux. Si les
poulets ne fortoient pas de leur cage avec vivacité,
s’ils tardoient quelques inftants, f i , étant fortis , ils
ne touchoient pas ce qu’on leur o f f r i t , s’ils l’é-
cartoient par le mouvement de leurs ailes , s’ils l ’a-
bandonnoient & couroient çà St là en chantant ,
ou s’ils s’en éloignoient. en volant , c’étoit un
finiftre préfage ; mais lorfqu’ils s’élançoient fur les
aliments qu’on leur offroit, lorfqu’ils les prenoient
à l’envi St les mangeoient avidement, on avoit
lieu d’efpérer de grands fuccès ; & quand ils les
prenoient avec tant d’avidité qu’il en tomboit à
terre quelque partie, c’étoit un ligne certain des
plus heureux événements ; c’étoit le préfage par
excellence qu’on nommoit tripudium foliftimum.il
n’y avoit aucune lo i , aucun ufage confiant qui
preferivît aux généraux de confulter les Dieux par
ce moyen avant une bataille. Quelques-uns feulement
l’employèrent pour tirer de la crédulité
l’avantage de foutenir dans le combat le courage
des troupes , par l’idée de l’approbation St de la faveur
célefte. ( Liv. I. V I , c. 41 ).
L’exemple du conful Lucius Papirius Curfor
prouve que ce général n’eut pas d’autre objet en
faifant confulter les poulets facrés , & que ceux
qui prenoient l’aufpice étoient peu perfuadés de fa
certitude. Ceux-ci voyant toute l’armée délirer le
combat contre les Samnites , confultèrent les poulets
par ordre du conful, & quoique ces oifeaux
n’euffent rien mangé de ce qu’on leur avoit offert ,
ils annonçèrent à Papirius le tripudium foliflimum.
( Liv. I. X , c. 42 , de R. 46 , av. J. C. 293 ).
Mais tandis que le général faifoit fes difpolitions
pour la bataille , quelques cavaliers entendirent
les gardiens des p.oulets qui fe quereiloient au fu-
jet de l’aufpice annoncé, & ne «rayant pas que
cette circonftance dût être méprifée, ils allèrent
trouver Spurius Papirius, rieveu du conful. Ce
jeune homme né , dit Tite-Live , avant la doéfrine
qui méprife les Dieux , s’étànt informé de ce qui
s’étoit paffé, afin de ne pas donner un avis fans
fondement, en inftruifit le général. Celui*ci louant
fon zèle & fon exaélitude, lui répondit que celui
qui préfidoit à l ’aufpice & en faifoit un faux rapport
, n’attiroit que fur lui feul le châtiment célefte
; quant à moi, ajouta-t-il, on m’a annoncé
le tripudium foliflimum, qui eft le plus heureux
aufpice pour le peuple & l’armée Romaine. Il ordonna
enfuite aux centurions de placer les gardiens
des poulets dans les premiers rangs ; & avant que
les deux armées jettaffent le cri du combat, un javelot
lancé au hafard frappa un de ces gardiens ; le
conful l’ayant ap p r it s’écria : les Dieux font pour
nous, la tête coupable a été punie. Auffitôt les Romains
allèrent à la charge, St les Samnites furent
défaits.:
De l’ ordre de bataille.
Le premier ordre des Romains fut celui de la
phalange ; la diftribmion des troupes & des armes
établie par fervices fut réglée d’après ce principe.
Les premiers rangs deftinés à foutenir tout l'effort
du combat furent compofés des jeunes gens les
plus vigoureux, couverts de l’armure complette,
de la cuiraffe du cafque , du bouclier, des bottines
, armés de la hafte & de l’épée. Les rangs fui-
vants , moins expôfés, étoient fans cuirafle ; ceux
qui venoient enfuite eurent de moins la cuiraffe St
les bottines ; les derniers , qui étoient plus éloignés
du danger, n’eurent ni cafques, ni cuiraffes ,
iii bottines , mais feulement le bouclier long St
l’épée. Les troupes légères,armées de javelots & de
frondes , étoient hors de la phalange comme chez
les Grecs , foit derrière , foit fur les ailes. ( Liv. I.
V I I I , c. 8. Dionyf. L IV , c. 21 ).
Le fécond ordre fut fur trois lignes, tant pleines
que vuides. On le forma par manipules tant que
la légion fut de 3 ,000 hommes , & que le manipule
des haftats & des princes fut de 120 ; alors
chaque ligne étoit de dix divifions. ( Liv. 16 , de
R. 413, ap. J. C. 140 ).
Je n’ai trouvé nulle part fur quelle profondeur
les Romains fe font formés. Le manipule étant de
I20, peut avoir eu 12 de front fur 10 de profondeur,
ou 15 fur 8, ou 20 fur 6. Dans cette incertitude
, j’ai pris le terme moyen. J’ignore auffi
qu’elle étoit la place de chaque cohorte dans l’ordre
de bataille, St celle des centurions dans la cohorte
; mais je penfe que ceux-ci étoient au premier
rang. Je crois auffi que dans le fécond ordre
de bataille , les manipules des triaires qui formoient
la troifième ligne , St n’étoient chacun que
de 60 hommes , peuvent avoir été formés fur 10
de front & 6 de hauteur ; mais que lorfqu’on leur
joignit Us roraires St les accenfes, la formation de
tquts les manipules fut uniforme. Quant aux intervalles
entre les manipules , Tite-Live dit qu’ils
etoient médiocres ; ce qui fuppofe qu’ils n’étoient
point égaux au front, comme on les a toujours re-
préfentés ; il eft vraifemblable que le général en
Ordonnoit d’après le terrçin& le bçfoin. Je Us fais
égaux aux deux tiers du front dans le fécond ordre,
St à moitié dans le troifième.
Fig. 371. Second ordre de bataille ; légion de 3,000
hommes.
H. Première ligne des haftats.
P. Seconde ligne des princes.
T T. Troifième ligne des triaires.
1. Première cohorte.
2. Seconde cohorte.
Troifième cohorte.
M. Manipules.
C C. Centuries.
a. Primipile ou pilus pripr. Voyer l’article L é g
io n , §. V.
b. Primus triarius poflerior , ou centurion de la fécondé
centurie des triaires de la première cohorte.
d. Primus princeps prior , ou prions centurice ,
c’eft-à-dire , centurion de la première centurie des
princes de la première cohorte , & ainfi des autres,.
e. Primus princeps poflerior, ou poflerioris centurice*
f . Primus haflatus prior ou prions centurice.
g. Primus haflatus poflerior, ou poflerioris centurice,
h. Secundus triarius prior.
i. Secundus triarius poflerior.
k. Secundus princeps prior.
l. Secundus princeps poflerior,
m. Secundus haflatus prior.
n. Secundus haflatus poflerior,
e. Tertius triarius prior.
p. Tertius triarius poflerior.
f . Tertius princeps prior.
r. Tertius princeps poflerior.
s . Tertius haflatus prior.,
t. Tertius haflatus poflerior, 8t ainfi des-autres
en obfervant que l’adjeélif numérique ordinal prU
mus, ficundus , tertius.,.. decimus , défigne la cohorte
par fon rang ou numéro ; le fécond , le
genre de la troupe, foit triaires , princes ou haf-,
tats, & le troifième, la centurie.
Nota. Il s’eft gliffé une erreur dans l’article Lég
io n , §. V , 1. 22, au lieu de , chaque cohorte des
princes , lifez , les princes de chaque cohorte', & col.
fuivante , 1. 2 , au lieu de , la première cohorte des
haflats , lifez, les haflats de la première cohorte.
A. Aigle.
V V. Vexilles des triaires.
E E. Enfeignes des centuries.
Nota. Les enfeignes n’étoient ni devant la ligne
des haftats, ni toutes entre celle des haftats & celle
dès princes. Devant la ligne des haftats , elles auraient
été expofées à être enlevées dès le premier
choc. Placées, toutes derrière cette même ligne ,
elles auraient été expofées de même , lorfque cette
première ligne étoit rompue. Elles n’auroient point
eu leur utilité principale, qui étoit de. faciliter à
chaque troupe le ralliement à fon' enfeigne ; elles
auraient eaufé-de l’embarras dans les mouvemenrs.
Les haftats étoient nommés particulièrement ante-
Jignani, parce qu’ils étoient formés, en première