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flancs des bagages pour les contenir 6c les pro- ,
téger.
Si on craignoit d’ être attaqué à l’arrière-garde ,
les extraordinaires en étoient chargés. Les deux légions
& les deux ailes précédoient tour à tour, de
deux jours l’un, dans l’ordre de marche, afin que
chacune d’elles fût alternativement la première à
jouir de l’eau & du fourrage.
On fuivoit un autre ordre en plaine & dans les
occafions périlleufes. L’armée marchoit par un de
fes flancs en ordre de bataille , les triaires , princes
& haftats formant trois lignes parallèles, 8c chaque
manipule ayant devant lui fes bagages. Si 1 ennemi
paroifloit, l’armée faifant à droite ou à gauche ,
marchoit en avant, laiiToit fes bagages en arrière ,
& par ce mouvement unique & prompt, fe trou-
voit en bataille. Mais fi les haftats étant a gauche,
l’ennemi fe montroit fur la droite , les manipules
faifoient la contre-marche, afin que les haftats for-
maflent la première ligne.
Sous les empereurs Maurice 8c Léon , l’ordre
du départ étoit donné le foir, 8c le fignal le matin
par trois fons de la trompette. L’armée fortoit en
ordre , les pefammetit armés les premiers , les
charriots & bagages en fuite ; le général marchoit à
la tête, ayant devant lui des hommes titrés & attachés
à fa perfonne, avec les équipages & les
bandes des bucellaires derrière , premièrement les
fpathaires ou gardes armées d’épées, enfuit® les
bucellaires, 8c après eux les bagages. ( Maurit.l.
I , c. 9 )•
Des JubJiflances.
Servius Tullius établit un tribut proportionnel
au cens de chaque centurie , pour la fourniture des
vivres de l’armée. Lorfque les levées étoient fii-
bites 8c les expéditions de peu de durée , chaque
foldat emportoit fes vivres préparés 8c cuits. Le dictateur
Q . Cincinnatus allant au fecours de Minutais
, afïiégé dans fou camp par les Eques , ordonne
à fes troupes de fe trouver en armes dans le champ
de Mars avant le coucher du foleil, avec des vivres
cuits pour cinq jours ; & aux citoyens trop âgés
pour faire la guerre , de faire cuire ces vivres, tandis
que ceux qui dévoient marcher apprêteraient
leurs armes. ( Liv. L I I I , c. 27 , de R. 295, av. /.
C. 458).
On diftribuoit aux troupes le bled en nature ;
les Romains ignorèrent longtemps l’ufage du pain,
& mangèrent la farine en bouillie. Le foldat faifoit
griller le bled fur les charbons , & le broyoit fur
une pierre; on en fit enfuite des pains qu’on faifoit
cuire fous la cendre, ou bien fur des charbons,
& on le broya fur des meules à bras. Lorfque Sci-
pion paffa en Afrique, les habitants d’Arrétium
fournirent des meules à fon armée, avec d’autres
outils & uftenfiles. Le bifcnit ne fut en ufage que
vers le temps des An ton ins , {.de J. C. 150 ). Plin.
I. X V I Ï I , c. 17. Æneid. I. I , v. 177. Herodian. I.
IV . Liv. L X X V I I I , c. 45. Vulcat. G ail. c. 5 ).
La diftribution en nature étoit avamageufe , en
ce que le froment étoit plus léger d’un tiers que
n’auroit été le pain, 6c d'un moindre volume ;
mais l’ufage du pain fermenté eft plus fain. Boer-
have dit que ceux qui fe nourriffent de matières fa-
rineufes non* fermentées font fujets au fcorbut.
( Plin. I. X V I I Iy c .9. Xphorifm.il , 50 }.
Le foldat Romain recevoir par mois les deux
tiers du médimne attique , ou quatre boiffeaux romains
de froment, pefant environ foixante de nos
livres ; le cavalier, douze boiffeaux de froment
pour lui 6c deux valets, 6c quarante-deux boiffeaux
d’orge pour la nourriture de trois chevaux ; c'eft ce
qu’on nommoit menfiruum. Le foldat allié recevoir
la même ration que le foldat romain ; mais on ne
donnoit au cavalier allié que huit boiffeaux de froment
8c trente-cinq boiffeaux d’orge , parce qu’il
n’avoit qu’un valet 6c deux chevaux. Ces fournitures
étoient délivrées gratis aux alliés ; mais le
quêteur en faifoit la retenue aux troupes romainés
fur leur paye, 6c on les leur donnoit à bas prix 9
ainfi qu’au peuple. Avant les gracques r ils ne
payoient le boiffeau de bled qu’un as ou un fol de
notre monnoie ; ainfi la folde d’un jour , qui étoit
deux oboles , ( 3 f. 4 d. ) , payoit prefque le menf-
truum. C. Gracchus diminua ce prix d’un fixième, &
alors le prix du bled pour un mois fut précifément
la paye d’un jour. Sous l’empire on continua de
diftribuer le bled aux troupes pour le même prix
qu’en payoit le peuple ; quelquefois , foit par lar-
geffe , comme fous Néron, foit dans les temps de
difette , comme fous Augufte, il fut diftribué gratis
; quelquefois l’orge étoit donné en argent aux
cavaliers ; c’eft ce que Feftus appelle ces hordiariunu
( Polyb. L V I , c. 37. Flor. Epitom. L X , de R. 63 2 ,
av. }, C. 121. Tacit. Annal. L X V ,p . 221 , de J .
C. 6f.Sueton. c. 41 ).
Gn diftribuoit auifi aux foldats de la viande, des
légumes , du fel, du vinaigre. Scipion voulant rétablir
la difcipline dans fon camp devant Nu-
mance, ordonna que les foldats dînaffent debout
avec des aliments qui ne fuffent pas cuits , & fou-
paffent avec de la viande. Craffus allant combattre
les Parthes, fit commencer les diftribution s par
celle du fel 8c des lentilles, aliments que l’on pré-
fentoit aux morts dans les funérailles , ce qui fut
regardé comme un préfage funefte. L’empereur
Adrien ne vivoit à la guerre que de mets communs
6c ufités dans les camps, de cochon falé, de
fromage 8c d’eau vinaigrée. Dans la guerre contre
Jugurtha , Métellus défendit de vendre dans le
camp des aliments cuits , 8c aux foldats de manger
! de la viande qu’ils n’euffent pas fait cuire eux-
j mêmes. Avidius Caffius preferivit à fes foldats de
• ne porter que du bifeuit , du vinaigre & du co-
: chon falé ; on trouve même du vin mis au nombre
des fournitures de .l’armée. Dans la guerre contre
Antiochus , le prêteur Æmilius commandant la
flotte, romaine , reçut avis que les convois de
grains venus d’Italie étoient arrivés à C hio, mais
que les vaîffeaux qui portoient le vin avoient été
retenus par les vents contraires. Il paroît cependant
que ce n’étoit pas l’ufage ordinaire. Les généraux
qui, dans la fuite , fe propofèrent de renou-
veller l’ancienne difcipline, refufèrent du vin aux
troupes ; celles qui fervoient en Egypte fons Pé-
fiennius Niger, lui en demandèrent ; comme les
eaux du Nil paffoient pour une boiffon fi agréable ,
que les Egyptiens la préféroient à toute autre, il
répondoità fes foldats : vous ave^le N il, & vous
demande{ du vin ? A cette Nréponfe il ajouta la dé-
fenfe de boire du vin dans fon armée, & l’ordre de
fe contenter de vinaigre ; dans la fuite on diftribua
du vin aux troupes envoyées en expédition. ( Po-
lycen. I. V I I , c. 16 , de R. 620 , av. J. C. 13 3. Plu-
tarch. Craff. 553. A . de R. 702 , av. J. C. 57. S par-
tian. Hadrian. de J. C. 117. Sallujl. Jugurth. 45.
Frontin. L IV ,c . l , de R. 644 , av. J. C. 109. Vulcat.
c. 5, de J. C. 161. Liv. I. X X X V I I , c. 27 , de R.
563 , av. J. C. 190. Sparùan. c, 7 & io , de J. C.
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La diflribution du bled ou du bifeuit fe faifoit ,
fuivant le befoin , pour huit, dix, quinze, dix-
fept ou trente jours ; le foldat Ie porta en des facs
de peaux jufqu’au temps d’Alexandre Sévère. Ce
prince, dit Lampride , qui prenoit plus de foin de
fes foldats que de lui-même, parce qu’il les regar-
doit comme fes appuis, les fit aider par des mulets
6c par des chameaux.
Dans les premiers temps dé la république , les
armées étant peu nombreufes , les guerres de peu
de durée 6c peu éloignées de Rome, les fournitures
étoient faciles ; la république en payoit une partie,
les peuples vaincus une autre, comme contribution.
Les Véïens n’obtinrent de L. Æmiljus la per-
miffion d’aller demander la paix au fénat, que fous
la condition de fournir le froment à l’armée pour
deux mois, 6c l’argent néceffaire pour acheter des
vivres pendant fix mois. Onze fans après , Q . Fabius
impofa aux Eques la même condition, 8c elle
le fut fouvent dans la fuite aux Herniques , Etruf-
ques , Samnites , Efpagnols 8c autres peuples;
( Dionyf l. IX , p. 5 7 5 ,5 7 6 , de R. 275 , av. J. C.
478. Liv. I. X X IX , c, 3 ).
La guerre s’étendant de plus en plus loin de
Rome, il fallut tranfporter des grains dans les pays
où on la portoit ; alors la république en exigea de
fes provinces une certaine quantité; 6c quand cette
impofition ne fut pas fuffifante , elle en fit acheter
dans les contrées abondantes en grains , telles que
l’Italie feptentrionale, la Campanie, la Sardaigne ,
l’Afrique. Lorfque le conful Acilius Glabrio alla
porter la guerre en Grèce contre Antiochus 6c les
(Stoliens , Marcus Æmilius , prêteur en Sicile , eut
ordre d’exiger de cette province deux dixièmes du
froment, de les faire porter à la mer, 6c de-là en
Grèce. Trois légats furent envoyés aux Carthaginois
& à Maffiniffa pour demander du froment def-
tine a 1 armée, 6c dont le peuple Romain offroit de
payer le prix. Quand les deux Scipions paflèrent
en Grèce, on exigea de la Sicile 6c delà Sardaigne
deux dixièmes de froment. Dans la guerre contre
Perfée, on envoya trois légats dans la Calabre ,
pour y acheter les grains néceffaires à la flotte 6c
à l’armée ; on exigea de nouvelles dixmes en bled
de la Sicile 6c de la Sardaigne. En même-temps on
en tiroit, à titre de contribution , des pays où l’on
faifoit la guerre. Scipion exigea d'Antiochus de l’argent
6c des bleds ; P. Licinius, des Athéniens , cent
mille boiffeaux de froment. ( Liv. L X X X V I , c•
4 , de R. 562, av. J. C. 191. Id. X X X V I l , c. 2 , de
R. 563 , av. J. C. 190. Id. I. X L I l , c. 2 7 ,3 1 , de R.
*82 , av.J. C. 171 .Id. I. X X X V I I I , c. y j .X L U I ,
c. 6 ).
Les préteurs étoient chargés des impofitions en
bled 8c de leur tranfporr; le quêteur , de payer les
achats qu’il faifoit lui-même , ou que des légats
avoient faits. Dans les befoins preffams, 6c lorfque
le tréfor public étoit épuifé, les fournitures de l'armée
fe fajfoient par entreprife. L’armée d’Efpagné*
commandée par les deux Scipions , ayant manqué
de bled, 6c le tréfor public épuifé ne pouvant fuffire
à cette dépenfe , le fénat ordonna au prêteur Ful-
vius d'expofer au peuple aâu e l, 6c d’exhorter ceux
qui avoient augmenté leurs patrimoines par les
fermes publiques, à prêter pour un temps à l’état
auquel ils dévoient leur fortune , 6c à faire l’entre-
prife des fournitures néceffaires à l’armée d’Ef-
pagne , à condition qu’ils feroient payés dès qu’il
y auroit de l’argent dans le tréfor. Au jour marqué
par le prêteur pour l’adjudication , il fepréfenta
trois compagnies de dix-neuf citoyens , qui formèrent
deux demandes : l’une , d’être exempts du
fervice militaire tant qu’ils feroienr créanciers de
l etat; l’autre , que fi leurs navires étoient pris par
l’ennemi ou fubmergés par la tempête, la perte des
chargements fût fupoortée par la république. Les
deux demandes furent accordées , 6c l’argent des
particuliers fubvint ainfi aux dépenfes publiques.
( Polyb. I. V I , c. 37. Cicer. in Vetr. I. I , c. 3 6. Liv.
I. X X I I l , c. 48 6» 49 , de R, 338, av. J. C. 213 ).
Lorfque le territoire de Rome étoit le théâtre de
la guerre, on ordonnoit aux habitants des campagnes
de porter leurs grains dans les villes fermées,
afin de les ôter à l’ennemi 6c d’en former
des magafins, d’où le général tiroit les fubfiftances
de fon armée. Lan de Rome 538, Q . Fabius en
donnant cet ordre avec l’agrément du lénat, fit publier
qu’il ravageroit les terres de ceux qui nau-
roient point obéi, brûleroit leurs maifons 8c feroit
vendre leurs efclaves. Dans le pays ennemi hs
magafins étoient placés dans les plus fortes des
places dont on étoit maître. Carthage la Neuve fut
le dépôt principal de Scipron tant qu’il commanda
l’armée d’Efpagne. Cæfar , campé à Dyrrachium ,
& obligé de tirer fes fubfiftances de l’Epire , pays
très éloigné de lui, établit des entrepôts fur la
route, 6c preferivit aux villes voifines de fournir
pour les tranfports, un certain nombre de voitures,