carpe, de petits travaux enfoncés en formé de
contre-garde , fous le parapet defquels on fera aufli
quantité de petits fourneaux, où il fera planté des
paliffades à deux pieds du parapet au-dedans de
l’ouvrage, élevées d’un pied & demi plus que la
hauteur du petit travail.
Le joür, ou plutôt la première nuit de l’ouverture
de la tranchée , le gouverneur doit demeurer
dans le filence jufqu’à ce qu’il l'oit affûté du vrai lieu
de l ’attaque. Il doit tenir toute la garnifon fous les
. armes, & s’affurer contre les furprifes , parce que
l’ennemi pourroit feindre plnfieurs attaques , &
par ce moyen emporter quelqu’un des dehors ,
duquel il pourroit fe faifir à la faveur de quelque
foflé, rideau, ou autre couvert voifin qu’on auroit
/pj négligé, ou auquel on n’auroit pas eu le temps de
fonger à remédier. Cela arrivant, il n’y a rien à
ménager, il faut tout hafarder pour chaffer l’ennemi
qui s’en feroit emparé, réparer ce qu’il auroit
détruit, & détruire ce qu’il auroit fait pour fe
couvrir ; tâcher de fortifier ce lieu-là mieux qu’il
n’étoit auparavant, foit par des ouvrages de maçonnerie
, de terre , ou du moins de paliffades ; &
j’ofe même attirer que quoique la préfenee de l’ennemi
foit un obftacle très incommode à qui veut
réparer ou conftruire des travaux , cet obftacle
néanmoins n’eft pas infurmontable , puifque l’on a
vu à Lerida, en 1647, les afliégés fonder, élever
une muraille à l'épreuve du canon , entre l’ouverture
de la tranchée & la place , à qui elle formoit
une fécondé enceinte du côté de la place.
Le vrai lieu de l’attaque n’étant plus douteux au
gouverneur, il ne doit s’y oppofer par aucune for-
tie , mais fe contenter de tirer quelques coups au
bruit, fi ce n’eft que l’ennemi s’approche de trop
près ; alors il faut ordonner qii'on faffe feu de
toutes parts, & faire travailler nuic_& jour aux
contre-mines de la demi-lune & des baflions attaqués
, fi elles n’étoient pas faites auparavant; faire
dégorger les embrafures au dedans & au dehors de
la place , dans touts les lieux qu’il jugera les plus
néceftaires, pour oppofer, s’il eft poffible, un plus
grand nombre d’artillerie aux batteries ennemies.
Dans les combats de troupes contre troupes , l’avantage
demeure le plus louvent à celui qui tire
le premier, lorfque d’ailleurs fon artillerie eft la
plus nombreufe & la mieux fervie.
Je fosihairerois cependant qu’un gouverneur ne
fe fervît jamais de fon canon que pour rompre
quelque batterie plus foible que celle qu’il y peut
oppofer , ou quelque logement qui l’incomrnode-
roit dans la fuite , parce que l’on doit ménager
extrêmement la poudre dans une place aftiégée.
D ’ailleurs, à bien confidêrer toutes chofes , les
affiégeanrs ont prefque toujours plus de canon que
les afliégés, 8c plus de munitions , ce qui les reod
tour-à-fait fupérieurs, principalement aux places
ordinaires. Ainfi je crois qu’il feroit plus utile de
réferver la poudre pour la moufqueterie , qui en
tonfunie moins & fait plus de mal aux affiégeants *
&.pour de petits fourneaux ; car la charge de dix
ou douze pièces de batterie , placée fous un logement
, le détruit plus facilement que cent volées de
canon.
Pour revenir à notre défenfe , fuppofons que
l’ennemi foit en état d’ouvrir la tranchée le fep-
tième , huitième , neuvième ou le dixième jour de
fon arrivée devant la place : il faut, d’abord que le
gouverneur faura le côté de l’attaque , qu’il y faffe
mener le plus de canon qu’il pourra , & qu’il renforce
la garde du chemin couvert vis-à-vis.
Je mettrois en batterie , pendant la première
nuit, touts les fufils à chevalets , à cinquante ou
cent toifes hors des glacis , en lieu avantageux, ou
d’ira accès difficile , les faifant garder par deux
compagnies de grenadiers & par la garde de cavalerie.
Je ferois enfuite reconnoître de près les ennemis
par quatre-vingt ou cent cavaliers, qui paf-
feront brufquement au travers de leurs travailleurs,
chargeant & tuant tout ce. qu’ils rencontreront.
Quand ils les auront bien mis en défordre , ils fe
retireront derrière les fufils à chevalets, ou aux
feux allumés à la quatrième ou cinquième barrière
du chemin couvert des places d’armes prochaines,:
qu’on laiffera ouvertes pour les recevoir au cas
qu’ils fuffent pourfuivis ; finon , ils tourneront tête
& fe rangeront derrière les grenadiers & les chevalets
, q u i, dans ce temps-là, doivent faire grand
feu. Si cette courfe eft bien exécutée, l’ennemi mis
en défordre aura de la peine à fe rallier de foute la
nuit ; mais comme le coup eft hafardeux , il faudra
faire tirer en même temps des mortiers du
chemin couvert, cinq ou fix balles ardentes à toute
volée, pour éclairer & mieux découvrir l’ennemi
ce qui fervira de fignal aux batteries tournées de
ce côté-là pour y tirer auffi, en élevant leur coup,
à caufe de l’éloignement de l’ennemi. Voilà à quoi
il faudra s’en tenir la première nuit ; un peu avant'
le grand jour, il faudra foire retirer les fufils à chevalets
dans le chemin couvert, & les bien nettoyer
, pour s’eu fervir pendant le jour les
tranfporter dans les angles du chemin couvert les
plus avancés.
On pourra encore tenir la garde de cavalerie
hors de la place, fur-tout fi la tranchée eft fort
éloignée , ou s’il y a quelque couvert ou l’on:
puifl’e la mettre, finon il faut la faire retirer dans
le chemin couvert y & là pofter dans les places
d’armes à droite & à gauche pendant le jour. Lorf-
qu’on découvrira pleinement la tranchée , il faur
la cannoner tant qu’on pourra , avec jugement &
non au hafard. Il faudra auffi difpofer les batteries
fixes fur le front des attaques, tant fur les faces des
baftions que fur les courtines , commencer par
l’établiftement des plates-formes & tout ce qui.
s’enfuit, & oppofer nos batteries aux fiennes ;
mais de les prendre en brais , autrement fon canon
auroit bientôt démonté celui que nous pourrions
lui oppofer.
Il faudra reflerrer les gardes de la place fur cette
a v en u e ,mettre beaucoup de monde aâns le ehô-
*nin couvert, & garnir les demi-lunes & les autres
dehors ; à l’égard du corps de la place , il faut
mettre le bivouac derrière & vis-à*vis l’attaque.
De la ligne de contre-approche.
L e jour qui fuit la première nuit de l’ouvemïre
de la tranchée, le gouverneur doit connoître # par
ce premier travail de l’ennemi , ce qu’il p«urra
faire la fécondé , & jufqu’à quelle diftance des travaux
de la place. il pourra conduire fon attaque.
S’il juge que la tête de la tranchée puiffe arriver à
la portée du piftolet de fes dehors, il ira, par une
livne de contre-approche, fur la droite & fur la
gauche des attaques , &. enfilera par-là une ou plusieurs
lignes du travail de l’ennemi, félon qu’il les
aura plus ou moins avancées, & fuivantla dire&ion
qu’il leur aura donnée.
Tant de gens ont parlé de cette ligne de contre-
approche fans l’expliquer, que plufieurs perfonnes
ont cru que c’étoit une ligne imaginaire. Quelques-
uns ont pris pour cette ligne, les logements qu’on
a fait furie bord d’une rivière que l’affiégeant étoit
obligé de paffer pour conduire Ion attaque vers' la
place aftiégée, comme il arriva au paffage de la
rivière d’Aifne, au fiège de Sainte-Ménehould., &
dans la défenfe de plufieurs autres places ; mais
la vérité eft que perfonne ne l’a mile en ufage de
notre temps. Cette ligne eft une efpèce de tranchée
que l’affiêgé fait depuis fon chemin couvert , à
droite & à gauche des attaques , pour enfiler les
travaux de l’ennemi ; elle doit être, à mon avis ,
éloignée de cinquante à foixante toifes de l’attaque,
& d’une longueur telle que l’on jugera né-
ceffaire , pour voir de revers l’ennemi dans fon
travail. L’ouverture doit être faite en dehors des
places d’armes ou réduits , placés dans l’angle rentrant
de la contrefearpe, entre la demi lune non
attaquée & le baftion attaqué.
Il faut placer aux côtés de l’ouverture de cette
ligne de contre-approche, de petites pièces d’artillerie
, & dans la demi-lune, vis-à-vis cette même
ouverture, de bonnes pièces de canon , pour la
nettoyer en cas que les ennemis vouluffent s’y loger
après en avoir chaffé les afliégés. .
L’ennemi fera.des retours pour s’épauler contre
tetre cOntre-aporoche, où il pouffera une ligne
pour la joindre, croyant la rendre fans effet ; mais
Cette même ligne qu’il fera, rendra fa cavalerie
inutile contre les forties des afliégés outre qu’une
autre ligne plus éloignée & plus étendue fera le
même, effet que la première , & rendra à cette
première ligne l’ufage pour lequel elle avoit été
faite avant la jon&ion qu’en avoit l’ennemi avec
l’attaque ; d’autant que le feu de cette fécondé
ligne de contre-approche verra en flanc, & de
revers , celle de la jondion, laquelle étant vue fera
inutile & favorable aux afliégés.
Si la tranchée eft fur une ligne droite hors l’enfilade
des travaux de la place t & nffurée feulement
par des redoutes de diftance en diftance , les
lignes qui feront dans l’intervalle des redoutes
feront affarément vues de la ligne de contre-ap-,
proche, & 'p a r conféquent elles feront défertes*
îii entre les redoutes les ennemis ont fait de grandes
places d’armes , le feul remède eft de les attaquer
de front, à force de grenades , tandis que les
gens commandés les chargeront en flanc, & que
le canon & la moufqueterie de la place feront uik
feu perpétuel fur les redoutes.
Des forties *
Les forties faites à propos peuvent confidérâ*
blement retarder les approches. L’ordre qu’il fau-
droit y obferver feroit de faire-marcher à la tête
un petit bataillon de quatre-vingt-dix hommes ,
trente de front, fur trois de hauteur, & trente
grenadiers formeroient un quatrième rang allant
aux onnemis , où étant arrivés iis pafferoient par
les intervalles , & fe porteroient entre le premier
6c le fécond rang, ou bien ils prendroien,t le devant
fans l’affujetcir à l ’ordre du bataillon , félon l’oc-
cafion qui fe préfenteroit.
Les quatre-vingt-dix hommes feroient armés de
toutes pièces, ayant en main de fortes 6c longues
pertuifanes, ou fourches à crochets , ou autres
armes de pareille nature, l’épée 8c les piftolers à la
ceinture. Un autre bataillon de cent - quatre-vingt
hommes fuivroit de près, à trente de frontfur fix
de hauteur, dont le premier rang feroit auffi armé
de toutes pièces, & les autres à l’ordinaire, & les
chefs de files ainfi armés , feroient l’arrière-garde
dans la, retraite. Après le fécond bataillon marche-
roient deux cents travailleurs, avec des outils,'
; pour rafer le travail de l’ennemi ; quinze ou vingt
ieroient chargés de feux d’artifice, pour brûler ce
qui ne pourroit pas être détruit promptement, &
quelques-uns porteroient les çhofes néceffaires à
eaclouer le canon, fi l’on n’avoit pas le loifir de
l’amener dans la place, ou de l’expofer à l’artillerie
des afliégés. Derrière tout cela un bataillon de trois
pu quatre cents hommes doit marcher au petit
pas, à la tête des travaux ennemis, 6c là faire
halte, fi ce n’eft que ceux qui les précèdent euflent
befoin de fon fécours pour achever de vaincrej
Il eft peu d’adion dans la guerre où la diligence,
la vigueur 6c la-bonne conduite foient plus nécel-
faires qu’en celle-ci. Par la diligence, vous fur*
prenez les ennemis ; par la vigueur, vous les mettez
en défordre, & les contraignez d’abandonner
un travail qu’ils ne gagneront & ne rétabliront pas
facilement quand vous l’aufez détruit ; & par la
bonne conduite vous"vous fervez de leurs travaux
contre eux-mêmes, & faites enfuite d’une fuite
forcée, une belle retraite. Enfin, la bonne conduite
garantit prefque toujours des dangers qui
fuivent la mauvaife.
La première fo u ie , qui a pour objet la déftruc