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fous un habit d’homme, les piftolets & les poignards
dont on doit fe fervir contre la garde de la
porte ; cette garde a moins de foupçon de voir une
troupe de femmes que fi c’étoit des hommes. Les
payfans qu’on a coutume de mettre aux portes
pour obferver ceux qui entrent & ceux qui for-
ten t, feront moins furpris de ne pas cônnoître ces
feintes payfannes , touts ces foldats répartis en ces
deux fortes de traveftiffement, faifant l’efpece
moindre, ne paroiflent pas tant en nombre.
Phalaris demandant à Técite, prince de Befla,
fa fille en mariage, l’ayant obtenue, il envoya
quelques jeunes foldats fans barbe habilles en
femme, fous prétexte d’accompagner cette prin-
cefTe dans fon voyage j étant arrivés a Befla, ils fe
fervirent des armes qu’ils portoient caches, 8c Phalaris
étant furvenu aveG un plus grand nombre de
troupes, fe rendit maître de la place. _ ,» . •
Avec chaque petite troupe de cinq jufqu a huit
foldats, il y aura un officier 8c un fergent ; touts
ces petits partis ne feront pas d un nombre égal,
de peur que cette particularité ne fît entrer en
quelque foupçon la garde ennemie ; toutes ces
petites troupes auront un commandant ; les officiers
feront clairement inftruits de tout ce qu ils
ont à faire , & ils ne s’arrêteront pas pour parler
enfemble à la vue de la garde ennemie.
Lorfqu’au devant de chaque porte, de chaque
barrière, aurdeflùs de chaque herfe, & à la tete de
chaque pont-levis, il y a une de ces charrettes, ou
quelque autre de ces embarras dont on a parle ,
le commandant des troupes travefties fe trouvera
vis-à-vis des armes du corps-de-garde, accompagné
de dix ou douze des meilleurs foldats, tirera
deux coups de piftolet de fuite, ce qui fera le
fignal convenu , afin que fes gens fe faififfent des
armes de la garde ; mais fi ces charrettes ou ces
embarras ne fe trouvent pas auprès des ponts , des
îierfes 8c des barrières , le même commandant aura
foin de ffiftribuer les petites troupes de manière
que les premières & les dernieres puiuent fe
rendre maîtres de ces ponts , de ces barrières, de
ces herfes , .de ces portes & de leurs fentinelles ,
en même-temps que la petite troupe du centre fe
jette fur les-armes de la garde , autrement le commandant
refteroit pris entre les portes.
Ces charretiers déguifés, avant d’a rrivera la
place » prendront garde que les clavettes des effieux
foient aifés à for tir, afin quêtant arrivés à l’ênr
droit deftiné , ils püiffent, fous prétexte de les
raccommoder, ôter aifément une roue de chaque
charrette j ils auront foin auffi de fe munir de
bons .couteaux pour couper lés tirans ou lesvcour-
roies , & de dételer les mulets, les chevaux ou
les boeufs , afin que ces animaux ne traînent pas
plus loin les charrettes lorfqu’ils feront piqués par
les ennemis , qui »pour, baifler la herfe ,■ fermer
la porte & lever le pont » tâcheront de retirer l’emr
barras qui les en empêchent.
Je fais bien que fi l’officier de garde entend fon
SUR
métier , il ne laiflera entrer qu’une charrette à la
fois , & fera fermer les portes & les barrières que
la charrette aura paflees à mefure qu’on ouvrira les
autres qu’il faut encore pafler. Cependant touts les
officiers n’ont pas cette prévoyance, que les ignorants
ne regardent que comme des attentions &
des longueurs inutiles. Enfin , avant que de' prendre
votre réfolution pour unefurprife, vous pouvez
être inftruit par vos efpions, de ce qui s’obferve
aux portes de la place ennemie. D ’ailleurs, indépendamment
du fecours des charretes, on peut
réuffir par les autres moyens que je viens de pro-
pofer, excepté que les ennemis ne foient dans une
extrême défiance , qui leur faffe prendre des précautions
inufitées.
Si vous favez , que par une vigilance intéreflee,
par les commis de la douane, ou par une précaution
militaire dans les officiers de guerre, on vi-
fite à la porte dans les habits des étrangers qui entrent
, ne donnez pas à vos premiers foldats traveftis,
des piftolets & des poignards, mais feulement
des haches à ceux qui conduifent des charrettes de
bois, 8c aux autres des couteaux, qui paroiflent
faits pour leurs ufages ordinaires , & de longs &
gros bâtons tels que les payfans les portent parce
que ces premiers hommes n’ont à lé battre que
contre les fentinelles, 8c quelque peu de foldats
que le hafard pourroit leur Faire rencontrer auprès
de ces fentinelles ; s’ils fe font une fois emparés des
armes de la garde, ils s’en fervent en attendant que
les autres foldats traveftis , qui ne feront point
encore arrivés à la garde de la porte , viennent avec
des piftolets, des poignards, & des cartouches de
réferve.
Dès que vosx foldats fe font faifis des armes de
la garde , ils doivent arrêter les chevilles du pont-
levis , clouer le p ont, ou rompre les chaînes,
mettre en pièces les barrières ou les portes , ou les
ôtçr de deflus leurs pantures, excepté la barrière
intérieure du côté de la place , qu’il faut tenir fermée
pour fe défendre contre, les premières troupes
de la' garnifon , qui accourent avant que les détachements
dont on va parler foient arrivés. Ces
précautions prifes, vos gens tâcheront de retirer les
charrettes des portes , des barrières 8c des ponts ,
afin que ces mêmes détachements ne trouvent pas
ces embarras fur leur paflage.
Ghoififlez pour votre grofle embufcade , un en-
; droit écarté, un peu éloigné , 8t qui ne foit jamais
| battu de nuit par les patrouilles de la garnifon , ni
par les partis-, q u i, avant que d’ouvrir les portes,
forrent par les guichets pour reconnoître la campagne.
S’il vous eft aifé de fürprendre fans bruit
quelque hermitage ou quelque maifon de campagne
plus proche de la place , il vous fera avantageux
d’y mettre un détachement de cavalerie qui pourra
accourir plus promptement pour renforcer les petites
troupes de foldats traveftis.
Il n’importe pas que votre embufcade foit utî
peu loin , fi vous pouvez faire entrer dans la plaçç
SUR
ennemie autant de foldats traveftis qu’il en faut
pour conferver la porte contre le bivac & les piquets
des cafernes, qui arriveront beaucoup plutôt
que leurs bataillons ; 8c comme les armes de la
garde furprife, les poignards 8c les piftolets des
foldats déguifés ne fùiiiroient pas pour foutenir
long-temps le combat contre ces piquets , il fau-
droit que vos foldats traveftis que vous employez
les premiers pour la furprife, portaflent dans des
tonneaux 8c fur des charrettes , une bonne provi-
fion de munitions d’armes , de la manière dont je
le dirai dans la fuite.
Il faut que la cavalerie de votre embufcade ait
avant le jour des fantaflins en croupe, pour les
mener à toute bride dès qu’elle entend des décharges
réitérées dans la place ; car les troupes de l’em-
bufcade ne doivent pas marcher à un ou deux coups
de fufils , qui, quelquefois , pourroient être tirés
par un chafténr, par quelque habitant qui décharge
ion fufâl pour le nettoyer, ou par quelque foldat
de qui le refîort de fon arme s’en va de fon repos ,
avant que vos troupes commencent de mettre à
exécution la furprife.
Les jours de marchés, de foire, de fêtes 8c autres
jours , auxquels il y a coutume d’avoir dans la
place un grand concours de gens de dehors, fendes
plus propres pour une furprife par des troupes travefties
, fur-tout fi vous êtes inftruit que le gouverneur
ces jours-là ne > prend pas la précaution
néceflaire de renforcer les gardes , de faire avancer
des patrouilles dans la campagne , 8c de mettre
quelques bataillons fous les armes.
Guichardin rapporte qu’en 1 5 14 , Barthélemi
d’Albiano, général des troupes Vénitiennes , voulant
fürprendre la place de Robigo fur les Efpa-
gnols, attendit un jour où il y avoit marché , afin
d’y faire entrer plus facilement cent foldats, vêtus
en payfans, qui s’étant rendus maîtres de la porte ,
la confervèrent jufqu’à ce qu’un plus grand nombre
de troupes entrât par cette même porte.
Excepté que le gouverneur ne foit extrêmement
négligent, il ne manquera pas dans un concours
extraordinaire de monde , de prendre de plus
grandes précautions ce jour-là ; ainfi il me paroît
qu’il faudroit tenter la furprife un jour de marché
qui fe tient régulièrement chaque femaine, jour auquel
certainement on ne prendra pas de nouvelles
précautions. Cette occafion eft favorable, parce
que les gardes ne font pas beaucoup d’attention
aux payfans de la contrée qui viennent à l’heure
ordinaire de la place.
Si vous êtes avertis aflez tôt qu’un convoi de
Vivres ., de paille , de bois , de travailleurs pour
^ fortifications, eft attendu dans la place, feignez
d etre vous même ce convoi, & devancez de quelques
heures celui qu’on attend.
Antiochus fachant qu’on attendoit dans la place
de Sueda un convoi de bled, l’enleva , & ayant
fait vêtir des foldats des habits des payfans qui
ïonduifoiçnt le convoi, & qu’il arrêta, le convoi
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continua fa marche vers la même place, accompagné
feulement des foldats traveftis , qui furprirent
la porte, 8c la confervèrent jufqu’à ce que les autres
troupes d’Antiochus furent entrées.
Dans la dernière guerre des alliés contre les
deux couronnes, les Allemands eurent avis que les
François attendoient à Brifack une troupe de pionniers
: ils trayeftirent de cette manière un bon
nombre de fantaflins qui avoient déjà commencé
d’entrer par la porte , lorfqü’uri aide - major de
la place donna d’un bâton à celui qui feignoit d’être
le chef de fes payfans , parce qu’il arrivoit plus
tard qu’à l’heure qui lui avoit été prefcrite. Ce
prétendu chef qui étoit un officier, ne pouvant fup-
porter ce châtiment, tira à l’aide - major un coup
de piflolet, avant qu’il fût entré aflez de foldats
pour pouvoir fe rendre maître de la garde , 8c de
la porte par laquelle le détachement qui étoit pofté
auprès devoir s’introduire, & la furprife fut manquée.
Des moyens de fürprendre les places entourées et eau.
Darts les pays froids , les places qui ont des fofles
d’eau font or dinairementfurprife s dans les nuits d’hiver
; lorfque les efpions donnent avis que le gouverneur
n’a pas la prévoyance de faire rompre la
glace des fefîes , alors , afin que les échelles ne
gliflent pas fur la glace , elles doivent fe terminer
en bas par des pointes de fer. Le comte Maurice de
Naflau furprit (Eachtendonch fur les troupes de
l’archiduc Albert, en profitant d’une nuit ou l’eau
des fofles de cette place étoit gelée.
Je fuppofe que vous ferez aflùré par vós efpions
que la glace fupportera bien le poids de vos échelles
8c de vos troupes. Perfonne n’ignore que la
partie du fofle qui fe gèle ordinairement plus vite
& plus fortement, eft celle qui regarde le nord, ou
celle oùJ’eau court avec moins de force, & où il y
aura moins de profondeur.
Au lieu de fouliers ordinaires , je voudrois
donner des fouliers de corde aux troupes qui doivent
être employées dans une pareille occurrence ,
pour éviter les chûtes dans le fofle , 8c le retardement
8c la confufion que ces chûtes caufent. Pour
empêcher encore que les foldats ne gliflent fur les
échelles, à caufe que la rofée de la nuit, qui pendant
la marche tombe fur le bois des échelles, s’y
eft gelée.
*5 Pour fürprendre une place environnée de fofles
d’eau qui n’eft pas gelée,on fait provifion de bateaux
qui, après être chargés de troupes, ne demandent
pas plus de fond que celui qu’a l’eau du fofle j chaque
bateau aura à la proue un emboîtement pour
l’échelle qui doit s’appuyerxontre la muraille. On
transporte ces bateaux fur des charrettes jufqu’à
environ une demi-lieue de la place : delà on les
fait porter par des foldats ou par des chevaux. On
peut les garnir d’eflieux & de roues, car s’ils