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rappella Magne de ion ex il, & cette réfolution lui
fit perdre le trône & la vie.
J’ai déjà prouvé par plufieurs raifons qu’il ne
faut pas avoir la foibleffe de complaire.à des peuples
qui, fans de très légitimes fujets de plainte
bien avérés , demandent qu’on leur change leurs
gouverneurs. Si cette précaution eft néceffaire à
l ’égard de ceux dont la fidélité eft fufpeâe, elle
l ’eft infiniment davantage à l’égard des révoltés ,
afin de ne pas vous priver d’un bon officier qui
fait obftacle à des mécontents qui cherchent d’en
venir à une révolte ouverte. D’ailleurs , il n’eft jamais
permis d’appaifer par le fan g des innocents ,
la foif enragée des mutins , dont Dieu , en punition
de votre injuftice , permettroit que l’obftina-
tion augmentât, parce qu’un dés effets de la bonté
divine eft de détourner des crimes par le châtiment
des coupables.
Les princes Valdemar 8c Eric, pour monter fur
le trône de Suède, occupé par Birgère I I , leur
frère , commencèrent par lui perfuader que les révolutions
précédentes avoient été caufèes par la
régence du grand maréchal Torchile ; & fur de pareilles
calomnies, ils portèrent Birgère à le faire
mourir ; mais dès qu’il manqua de cet appui 8c
qu'il n’eut plus Torchile, qui étoit le principal &
le plus fidelle fujet de fon royaume, les foulevés
ne trouvèrent plus d’oppofition pour ôter à Birgère
la couronne. C ’eft dans cette vue que Louis XIV ,
malgré une grande partie de fon royaume , laiffa
longtemps dans le miniftère le cardinal Mazarin.
Les Anglois s’étant révoltés contre Charles I . e r ,
leur roi , cherchèrent des prétextes apparents ,
mais injuftes, pour faire faire le'procès à touts
ceux qu’ils connoiffoient attachés au parti du ro i,
& donnèrent à connoitre que les troubles fini-
roient, fi ©n puniffoit le comte de Straford , vice-
roi d’Irlande , de touts les fujets le plus fidelle.-Le
roi refufa d’abord de vouloir ligner la fentence de
mort contre le comté ; mais aveuglé par l’efpé-
ranceque les révoltés lui donnèrent, il y a con-
fenti enfin , malgré les remords de fa confidence.
Quand Charles I er. fe vit enfuite fur l’échafaud ,
ou il alloit perdre la couronne & la vie , il avoua
qu’il attribuoit le fnnefte état où il fe voyoit réduit
, à la mort qu’il avoit fait injuftement fouffrir
au comte de Straford.
De Vattaque des rebelles nombreux,
Si le nombre des foulevés eft petit à proportion
de ceux qui font fournis à votre obéiffance , & fi
vous craignez que le nombre des révoltés n’augmente
, ne différez point d’attaquer les rebelles ;
puniffez avec rigueur les auteurs de la fédition ;
reprenez févérement les complices , 8c immédiatement
après, faites publier un pardon , afin de leur
©ter la crainte & le foupçon qui pourroient les
rendre obftinés dans leur crime. C’eft ce que fit en pareil cas Guftave I.cr, roi de
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Suède , Iorfqu’en 1526 fes troupes fe foulevèrenl
à Upfal.
Si auparavant de pouvoir y apporter remède
le nombre des rebelles eft devenu confidérable *
& fi en les attaquant il y a à craindre de ne 'pas
les foumettre, ou de rendre la vi&oire trop chère
au prince par la grolîè perte des fujets de l’un &
l’autre parti, je crois alors que vous devez confi-
dérer fi vous êtes plus aimé ou plus craint des
troupes foulevées, & fi ce font de nouvelles ou de
vieilles troupes , parce que dans un chef aimé les
prières & les careffes ont plus d’effet ; & dans celui
qui eft craint, les mépris 8c les menaces peuvent
davantage ; Malvezzi dans fes difcours fur Tacite,
fait la même diftinéfion. Si ce font de nouvelles
troupes, il eft plus aifé de les intimider ; mais il
eft plus fûr de les piquer d’honneur , fi ce font de
vieux foldats; comme ils connoiffent leur force 8c
favent la mettre en oeuvre, la douceur feule peut
réprimer leurs mouvements, en les attaquant du
côté de l’honneur, puifqu’elles font invincibles du
côté de la force.
Germanicus, qui étoit aimé fans être craint de
fes troupes , courut rifque de fe voir maffacré ,
lorfqu’ il voulut leur empêcher de prendre l’étendard
qui étoit dans fa tente ; mais il les calma bientôt
après par un aimable difcours qui les attendrit,
& qui mérite d’être lu dans les annales de Tacite.
L’armée de dom Sancho I V , roi de Caftille,
s’étant foulevée , ce prince févère 8c craint fe jetta
au milieu des féditieux, arracha à un la lance de
la main entre deux qui lui parurent les chefs de la
fédition , reprit févérement 1er autres > 8c appaifa
ainfi le tumulte.
Lorfque les troupes vétérantes de Rome fe fou-
levèrent en Frife, Mennius les obligea de fe retirer
dans leurs quartiers d’hiver , en leur difant,
après avoir pris lui-même un étendard à la main ,
8c en s’avançant vers le Rhin : que quiconque
abandonnerait fon pofte , auroit la honte de fe
voir traité comme déferteur.
La première 8c la vingtième légion de Germanicus
s’étant révoltées , le foulèvement s’appaifa
dès que Germanicus leur eut repréfeméque,puif-
aue fon fils 8c fa femme n’étoient pas en fureté
dans le camp , il alloit les envoyer fe réfugier à
Trêve , en leurfaifant connoître par ces paroles,
qu’il devoît fe fier davantage aux habitants de cette
v ille , qu’aux Romains foulevés.
Si les troupes rebelles unies à celles qui font
1 obéiffantes , forment un nombre affez confidérable
pour donner bataille aux ennemis , 8c s’il n’y a
pas d’autre obftacle que celui de la révolte même,
effayez de porter votre armée à combattre. Vous
pouvez aifément faire paroître que c’eft là votre
intention, quand même vous n’en auriez pas le
deffein, en vous fervant des expédients que je pro-
pofe, afin que les ennemis refùfent un combat
que vous leur préfentez ; alors les révoltés mettront
tome leur attention contre les ennemis coav.
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fcutffs de leur patrie, 8c touts donneront le temps
de prendre les mefures néceffaires pour appaiier
le foulèvement. La crainte de 1 ennemi, dit Sa-
lufte avoit fbuvcnt retenu la ville dans fon devoir
» J 8c l’on voit dans Tite-Live, que les Romains
avoient mis diverfiss fois avec fuccès cef
expédient en ufage , lorfqu’ ils n avoient pas trouvé
d’autre moyen d’appaifer les troubles civils.
Si vous marchez en effet pour combattre , on fi
le général ennemi ayant connoiflance du foulève-
ment de vos troupes, vient vous livrer bataille,
dites à vos foldats par la bouche de ceux de leurs
officiers les plus aimés, 8c repréfentez-leur vous-
même que c’eft ici le teriîps d’eftacer par la victoire
la tache de leur défobéiffance , pour faire
voir que les tumultes paffés n’ont été qu’une faute
d'intrépidité , fans qu’elle foit parvenue jufqu au
crime d’infidélité.
Cette repréfentation fuffit à Germanicus pour
rétablir le combat que les légions Romaines, après
un foulèvement obftiné , avoient déjà prefque
perdu contre lesBruâères , les Tubantes 8c les
IJfipettes.
Si les foulevés refufent d’aller au combat, tâchez,
par toutes fortes de voies., de les éloigner
de plufieurs lieues de l ’armée ennemie, en mettant
entre eux des rivières ou des places, parce
que les ennemis , qui feroient proches , ne man-
queroient pas de leur faire des offres confidérables
pour les obliger 3 prendre leur parti , ou ils vien-
droient fondre fur votre armée, lorfqtie la divi-
fion parmi ceux qui la compofent en auroit détruit
la force, qui ne confifte que dan3 i’union 8c l’o-
béiffance.
Les Athéniens n’eurent point de peine à défaire
Orithie, reine des Amazones, parce qu’ils
furent profiter d’un tumulte q u i, un peu avant
le combat, étoit furvenu entre les Amazones 8c
les Scythes, leurs alliés.
Pendant que les foulevés feront à une diflance à
pouvoir recevoir du fecours des ennemis, tâchez
de leur complaire autant, qu’il vous fera poffible ,
fans néanmoins leur remettre des places, ou leur
donner quelque autre facilité de fe rendre plus
formidables.
Raifons pour employer la douceur avant la force.
Quand on voit qu’il n’y a pas lieu d’appréhender
que le nombre des foulevés devienne plus
confidérable, je crois qu’avant de répandre le fang
de l’un 8c l’autre parti dans un combat, il eft à
propos d’ufer de douceur, afin de guérir la playe
fans l'irriter contre la main qui la panfe , pour juf-
îiner enfuite la févérité à laquelle on eft forcé de
recourir , lorfque la clémence a été inutile , pour
ne pas vous priver par la mort -des rebelles, du fecours
de ceux qui feroient revenus à l’obéiffance ,
&afin que l’exemple de ceux qui fe confervent
«déliés, ramène les féditieux. à. leur devoir.
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Il en eft des troupes comme delà poudre, il faut
très foigneufemenc éviter que le feu n’approche 5
mais fi une fois il y- a pris , il n’y a plus de remède
que la laifler exhaler en petite flamme 8c en fumée,
parce que le-ravage augmente à mefure de l’op-,
pofition quelle trouve ; ainfi, il y auroit une ef-
pèce de cruauté d attaquer à Huilant un gros corps
de troupes foulevées., fans leur donner le temps
de difîiper les nuages de leur colère, 8c de les
rendre fenfibles à la raifon, à l’honneur 8c à la
crainte d$i> châtiment.
Tacite , parlant du foulèvement de la: cinquième
8c vingt - unième légion de Tibère , quand la première
8c la vingtième-, après s’être révoltées
avoient elles - memes puni b s auteurs des révoltes,
afin d’obtenir plus, aifément leur pardon de Germanicus,
leur général, s’exprime ainfi : quoique
Germanicus, après avoir raffemblé fes troupes,
fe trouvât en état de châtier les rebelles, il crut
qu'il étoit plus, à propos de leur donner le temps
du repentir, pour voir fi à l’exemple des deux
légions ils devanceraient fa vengeance en puniffant
eux - mêmes les principaux coupables.
Drufus donna auffi le temps à fes troupes foulevées
de reconnoître leur faute , 8c de demander
leur pardon.
Précautions contre les troupes foulevées.
Pendant le temps que vous donnez aux troupes
révoltées pour fe repentir de leur crime , les officiers
qu’elles chériffent le plus , 8c en qui vous
avez confiance, leur rappelleront leurs fervices
précédents, afin que la confidérarion de ce que
leurs fervices font encore préfents, 8c l’efpérance
de la récompenfe , les portent à abandonner la
révolte.
Dans les lettres que Tibère écrivit aux trois
légions qui s’étoient foulevées , 8c que Drufus
leur porta, ce prince les faifoit reffouvenir des
fervices qu’elles avoiènt rendus à l’empire Romain.
Ces mêmes officiers iront d’un foldat à l’autre
pour leur faire comprendre en même - temps toute
î’énormité de leur crime, le danger évident qu’ils
courent, 8c combien ils perdent de leur gloire s’ils
ne réparent leur faute en livrant les auteurs de la
fédition , ou du moins en abandonnant leur parti»
D ’un autre côté , ils leur repréfenreront qu’en agif-
fant ainfi , leur crime fera fincèrement oublié. Par-
là , ceffant de craindre un châtiment rigoureux,
ils ne balanceront plus à fe foumettre : pour mieux
réuffir, il eft à propos d’affefter de vous plaindre
feulement des auteurs du tumulte, afin que les
autres.efpèrent, avec moins de défiance , leur par j
don, en croyant que vous ferez fatisfait par le
châtiment du chef.
Ce fut de cette manière que Drufus appaifa le
foulèvement des trois légions de Bléfus, 8c que
les féditieux, en témoignage d’un fincère repentir^