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points , jufqu’à ce que les troupes , qui marchent
Secrètement pour vous venir joindre, étant arrivées,
vous puifliez parler fur le ton qui vous convient;
car alors les rebelles ne pourront pas attribuer
à votre mauvaife - foi, mais a leur ignorance,
s’ils font trompés fur l’efpérance d’un traité qui n a
point de force, s’il n’a pas été conclu, Signé &
ratifié. _ , „ ,
Tacite, parlant de la dèfobéiflance des Thraces, ,
qui menaçoient Tibère de lui déclarer la guerre
s’il ne leur rendost pas certaines libertés qu’ils de-
rr.andoient avec violence, pendant que Sabinus
étoit chef de l’armée qui combattoit pour Rome
dans ces pays , s’explique ainfi : Sabinus, pour
avoir le temps de joindre fes troupes , entretint les
Thraces par de belles promeffes; mais dès que
Pomponius Labe'o, gouverneur de Méfie, fut arrive
avec fa légion, & le roi Remethabz avec les hommes
de fon pays qui nous étoient demeurés fidelles,
joignant à ce fecours les troupes qu’il avoit toutes
prêtes , il marcha contre les rebelles.
Les foulevés de Hongrie proposèrent à leur roi
Bêla X." , des articles de capitulation tout à fait in-
folents. B êla, qui n’étoit pas alors en état de leur
répondre par les armes, leur demanda trois jours
pour y penfer. Au bout de ce terme, ayant af-
femble un nombre fuffifant de troupes , il tomba
lur les rebelles, & les dé5 t entièrement,
A l’égard du ferment, vous devez abfolument.
' vous en excufer fi vous n’avez pas une ferme in-
tention de vouloir l’accomplir ; & laiffant aux Ca-
fuiftes le foin d’en déduire plus au long les raifons ,
je me contenterai, pour toute preuve , de reporter
l’autorité d’Ifidore, que Jufle-Lipfe a adoptée : « de
quelque détour de parole,dit-il, que fe fervecelui
qui jure ; Dieu, qui eft le témoin des confciences,
reçoit ce ferment comme l’entend celui en faveur
de qui il eft, fait ».
Mefures à prendre pour fe faifir du chef des rebelles.
Si le chef des rebelles s’enferme dans quelque
place que vous vous trouvez en état d’aflïéger ,'
hâtez-vous de vous emparer de touts les pûftes
d’alentour, & mettez toute votre attention à empêcher
qu’il ne s’échappe, fur - tout un peu avant
de capituler, ou durant la capitulation^ pareeque
vtaifemblablément ce fera alors qu il tachera a le
faire. .. . ' .
Au lieu de permettre quon capitule.pour lui,
réfervez - vous le droit de pouvoir le prendre.dans
les bateaux, ou fur les charrettes couvertes qu’on
accorde à la garnifon. Doubles! les fentinelles de
votre ligne , afin que s’il veut fe fauver, il puiffe
£tçe arrêté de toute part. Faites reconnaître les
déferteurs de la place, les officiers, les foldats ,les
valets, & autres qui fe’ retirent apres la reddition
de la place , de peur qu’il ne'tâche de s’échapper
^ous quelqu’un de ces deguifements.
§ i tout cela ne fuffit pas pour le trouver, con-
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fervez ces fentinelles jufqu’à ce qu’on le découvre
ou que vous.ayez fait publier un ban , qui ,à peine
d'être pendu , enjoigne à tout habitant qui l’auroit
dans fa maifon de le repréfenter , & promettez une
récompenfe confidérable à quiconque vous donnera
avis de l’endroit où il eft caché ; ordonnez en-
fuite à des officiers aéfifs & défintérefles de re-
connoître les maifons.
Si malgré touts ces foins & toutes ces recherches
on ne le trouve pas , faites femblant de ne le plus
chercher, & retirez les fentinelles du camp ; mais
poftez, pendant plufieurs jours , des hommes qui
le connoiffent, & qui demeureront cachés auprès
de touts les chemins au tour de la place, & dans
les maifons qui font à vue des portes , afin qu'on
puiffe l’arrêter s’il fort déguifé en eccléfiaftique,
en foldat, en religieux, eil payfan , en femme ,
&c. ; car, fouyent un homme de cette forte,
qupique d’une baffe naiffance, eft capable d’ejîle-
ver le royaume à fon prince, comme il arriva
dans celui de Valence à l’égard de Bazet : ainfi il
importe davantage de (p faifir du chef que de
i prendre la place.
Il coûta cher aux Impériaux d’avoir laiffé échapper
le comte de T ek e li, chef des rebelles du château
de Rus , & enfuite de celui de Licuba , pendant
que le général Heiffer attaquoit ces châteaux.
Antiochus Sidete , roi de Syrie , affiègeant Do-
ria , où le rebelle Trifon, fon ennemi, s’étoit enfermé
, fit venir tout exprès une efeadre de vaif-
feaux à la vue de cette place, pour l’empêcher de
pouvoir fe fauver par mer, ayant fait fermer par
terre touts les paffages par cent vingt - huit mille
hommes, v . t
Bomba , roi XXIX des Goths en Efpagne , ne-
pargna ni travaux , ni périls , ni dépenle pour pouvoir
fe faifir d’un nommé Paul, chef des rebelles.
Il lui erf coûta un fiège, mais il le prit enfin à
Nîmes , & fon châtiment acheva d’abattre entièrement
le parti des foulevés.
Je propofe ailleurs divers moyens pour faire
prifonnier un général un jour de bataille , ou pour
le furprendre fur un chemin que par vos ennemis
vous favez'qu’il doit prendre pour reconnoître un
pofte, ou pour faire une partie de chaffe ; ces
mêmes moyens peuvent auffi fervir pourfe faijij
d’un chef de rebelles. , ,
Quand,, par un tribunal légitime, un chef de
rebelles aura été déclaré traître, & fa tête mife a
prix , il ne me parôît pas qu’un général^ fe doive
i faire un fcrùpule de faire atten ter à fa vie par les
imoyens que la r e lig io n en ce cas ne défend pas,
parcé qùe'fon châtiment alors eft commis à toute
perfonne qui trouve une manière licite de 1 exécuter.
Le chevalier Cômazz, parlant de l’action
de l’empereur Galba qui appaifa les foulèvements
d’Afrique , de Germanie & de Rome, en fanant
«ffaffmer Claudius Fonteyus & Nufidius, s’exprime
ainfi : Galba , ayant fur cés rebelles une jurittic-
- tion de prince, l’aflaffm étoit le bourreau, « “
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mart des conjurés étoit leur jufle cbâtim ent. C ’eft
faire trop d’honneur à un traître de lui déclarer la
finerre.; il. ne faut pas le vaincre, mais le punir.
Le duc de Noailles, du temps de Charles II,
roi d’Efpagne, ne voulut pas permettre que les
habitants de Catalogne., qui fe préparaient à une
révolte en faveur de la France, égorgeaflent les
troupes Efpagnoles qui étoient en quartier dans
leur pays. Joab , général de l’armée de David ,
confentit que les habitants d’Abela tuaflent Séba ,
chef des rebelles , qui s’étoit réfugié dans leur
ville avec une femme , dont Joab le fervit pour
traiter de la mort de SébaT Faites attention aux
paroles de l’écriture : « remettez-nous Séba feul,
Sc nous nous retirerons de devant la ville ».
Cette femme répondit à Joab : on vous jettqra fâ
tête par deffus les murs. Elle s’eft donc adreffée à
tout le peuple, & lui a parlé avec fageffe ; & ayant
fait couper la .tête de Séba , fils de Boçhrus, on la
jette à Joab , qui fit fonner.de la trompette, & chacun
fe retira de devant la ville dans fes tentes ».
Salomon ayant fu dans la fuite que le même Joab
favorifoit le parti d’Adonias, le fit tuer dans le
temple par la main de Bananias.
L’empereur Adrien donna fes ordres pour faire
périr quatre chefs d’une confpiration, qui dès lors
s’évanouit. Malet Scach , troifième fultan des Sé-
leuc.ides, fit fecrètement «naffacrer Caderd, gouverneur
de la Caramanie Perfienne, ne fe croyant
pas, fans cette mort, en fureté fur le trône de
Malec.
Tacite , qui rapporte comment Corbulon s’y
prit pour faire périr Tanafque , fugitif des troupes
de Rome , & chef des Cauques rebelles , dit que
les embûches qu’on lui avoit dreffées eurent leur
effet, & qu’on ne fauroit les défapprouver contre
un perfide & un déferteur. L ’empereur Honorais
en ufa de la même manière contre Stilicon , déterminé
à commettre une femblable perfidie. Quoique
le crime de voleur & de bandit ne foit pas aufli
grand que cêlui de chef de rebelles , j’ai déjà dit
dans un autre endroit qu’en Sicile on pardonnoit au
bandit qui préfentoit à la juftice la tête d’un autre.
Quiconque a quelque teinture de l’hiftoire
n’ignore pas comment on voulut attenter à la vie
du comte de Waleftin , & à celle du prince d’O-
range , parce que ces deux grands hommes avoient
mal foutenu le vrai mérite des fouverains en af-
pirant à une injufte fouveraineté. On trouvera
d’un autre côté que Fabrice ne permit pas qu’un
infidelle médecin attentât à la vie de Pyrries, fon
ennemi, & que l’empereur Charles V ne voulut
pas que par des voies inufitées dans la guerre on
donnât la mort au fameux Turc Barberouffe.
Touts ces différents exemples me perfuadent
.qu’on peut licitement mettre en ufage certains
moyens contré un chef de rebelles , qu’on ne doit
pas employer contre un général d’un prince ennemi.
3s laiffe aux Cafuiftés à décider quelles bornes la re-
A r i militaire. Tome 111%
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Iîgion donne fur ce point ; je fuppofe que vous
les confulterez dans touts des cas qui ne vous paroî-
tront pas ordinaires , & que pour toutes les chofes
du inonde vous ne voudriez pas faire un pas contraire
à votre confcience ; j’ajoute feulement que
vous ne devez pas donner à connoître au public
que c’eft vous qui avez pris ces mefures fecrettes
contre le .chef des conjurés., L’emperèur Adrien
& le fultan Malec usèrent de cette politique dans
les deux cas dont je viens de parler.
Des ordonnances à publier dans un pays on des
troupes de rebelles courent ta campagne.
Faites publier les ordonnances fuivantes dans
les lieux dont vous foupçonnez les habitants
d’avoir quelque commerce avec les rebelles qui,
s’étant retirés fur les montagnes , courent la campagne.
Que touts les habitants trouvés hors des limites
de leurs lieux , avec armes ou fans armes , feroht
réputés ennemis s’ils n’ ont pas des .paffeports des
commandants ou des juges de ces mêmes lieux ;
ce paffeport, outre le nom & le portrait de 1 habitant,
exprimera encore l’endroit où il v a , le
chemin qu’il doit tenir, & pour combien de jours
il eft valable ; de cette manière , les habitants ne
pourront pas aller librement porter les nouvelles
aux ennémis ; car s’ils font furpris hors du chemin , '
ou au-delà du temps marqué par le paffeport, ils
encourront la peine portée; ils ne pourront pas non
plus fe joindre fecrètement avec les rebelles pour
faire , pendant quelques jours , des courfes ,& des
vols , & s’en retourner enfuite dans leurs maifons 9
en laiffant leurs armes cachées dans les cavernes
des montagnes , parce que le juge ou le commandant
de chaque lieu, ou les commiffaires de chaque
quartier dans les grandes villes , auront foin ;
toutes les nuits , de faire des vifites , pour voir ü
ceux qui font fortis avec un paffeport pour leurs
affaires particulières, rapportent, à leur retour,lin
i certificat d’avoir été à l’endroit pour lequel le
paffeport leur avoit été donné ; car il faut obliger
les habitants de faire vifer ce paffeport par les ma-
giftrats , ou par le commandant de touts les lieux
où ils paffent, afin qu’il paroiffe s’ils fe font écartés
du chemin qui leur étoit preferit par le paffeport.
• .. „
Qu’il foit enjoint à chaque heu d arrêter touts
les étrangers qui y paffent, lorfqu’ils feront trouvés
fans ce paffeport ; que défenfes foient faites à
toute’s perfonnes tenant hôtelleries & à touts autres
, de loger ou donner des vivres à ceux qui ,
fansW paffeport, viendront dans leurs maifons ,
quand même ils feroient de leur connoiffance ; ils
feront , au contraire , obligés d’avertir ftir-le-
champ le juge ou le commandant de l'arrivée de
ces étrangers , afin qu’on examinôcjui ils font ,
d’où ils viennent, où ils vont ,* êrpourquoi, &c.
Ces paffageis, dans un p,ays foulevé , font pour