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marche pour l'aller fecourir, & donnèrent dans le
piège. Comme il y avoit fur leur chemin un vallon
qui n’avoit qu’une feule entrée très difficile, &
une fortie très rude , que les Samnites avoient barricadée
& qu’ils gardoient , dès que l’armée Romaine
fut entrée dans le vallon , les Samnites occupèrent
delà même manière cette entrée ; de forte
que les Romains fe virent inopinément enfermés
dans ce vallon , fans pouvoir ni avancer ni fe retirer,
& furent, faute de vivres, contraints de fe
rendre & de fubir le joug , fans en excepter les
deux confuîs-, qui, aux dépends du nom Romain ,
rendirent fameux celui des fourches caudines.
Vous devez auffi marcher par des défilés lorfque
vous êtes inférieur en nombre de toutes fortes de
troupes, afin que dans quelque endroit que les ennemis
vous attaquent fur votre marche, vous puif-
fiez mettre autant de front qu’eux, & éviter le danger
d’être enveloppé par les flancs. __
Lorfque dom Stugne de Cardona fe mit en
marche en 1503 pour aller fecourir Terra-Nova , '
attaquée par les troupes de Louis XII , roi de
France, commandées par le comte de Méléto , il
conduifit les fiennes par des défilés , parce qu’il
étoit inférieur en nombre, & quoi qu’il fut invefli
fur fa marche, Méléto fut battu.
S i, inférieur en nombre de troupes, vous vous
voyez forcé de marcher dans la .plaine , couvrez
vos flancs parles charrettes de l’armée, par des chevaux
de frife, ou autres cliofes femblables , principalement
lorfque vous n’èt-es pas fort en cavalerie.
Si vous craigniez d’être •attaqué fur votre marche,
& fi vous avez beaucoup de troupes armées d’une
armure pefante , vous devez rechercher la plaine
où elles ne fatiguent pas exceffivemenr. Si les ennemis
, en plus grand nombre que vos foldats, font
armés de piques , de lances où de fagayes, qu’on
ne fauroit bien manier dans les bois , vous devez
les côtoyer. Si vous appréhéridez d’être attaqué
par des payfans, il faiit marcher dans la plaine &
dans un pays découvert. Enfin , un terrein, de
quelque forte qu’il puifle être, vous fera favorable
ou défavaqtageux, félon que vos troupes ou celles
des ennemis feront plus ou moins accoutumées à
fe battre dans l’un ou dans l’autr'e , Toit par pelotons,
ou en une ligné formée, qui n’agit pas commodément
hors de la plaine.
Des marches dans un pays oit Veau manque.
Si vous avez deux ou trois journées de marche
par un pays où l’eau manque , donnez ordre de
bonne heure que chaque foldat & chaque officier
d’infanterie s’achète une bouteille de cuir, qui
contienne a fiez d’eau pour les deux ou trois jours
de c-ettè marche; faites encore remplir d’eau une
quantité d’outres & de barrils , qui feront tranïpor-
tés fur des charrettes ou fur des mulets ; il faut que
les bouteilles de cuir des foldats & des officiers dé
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cavalerie foyent plus grandes , afin que'l’eau quî
leur réfiéra & celle qui fe porte dans les outres &
les barrils, ferve pour faire boire les chevaux. Les
valets, les vivandiers' & les autres perfonnes qui
fuivent l’armée, auront l’ordre auffi de fe pourvoir
de bouteilles de cuir. On aura foin de prendre
garde qu’ils en ayent touts , pour ne_pas voir en-
fuite des hommes & des chevaux mourir de foif fur
le chemin. L’exemple fuivant de Merellus ajoute
une circonftance à ce que je viens de dire.
Le conful Meteilus dans la guerre contre Ju-
gurtha, fe fervit fort utilement du même expé-,
dient, lorfque pour aller en Thrace il traverfa un
pays où pendant plufieurs jours on ne trouvoit pas
d’eau. Salufie, qui rapporte ce fait , ajoute que
Meteilus,fit laifler le bagage & charger fur les bêtes
qui le portoient les outrés pleins d’eau. Cet expédient
eft encore meilleur, parce qu’autremenr ces
chevaux ou cés mulets qui feroient chargés des
équipages , ne pourroient pas porter la quantité
d’eau néceffaire.
Le marquis del Vafto , qui commandoit l’armée
d’Efpagne fous les ordres de l’empereur Charles V,
ufa de certO précaution dans la marche qu’il fit depuis
la Goletre , parce qu’il fut de Mulcafen , roi
chaflé du trône de Tunis , qu’Adrien Barbe-Roufie
avoit fait empoifonner toutes les eaux qui fe trou-
voiènt fur la marche que fon armée devoir tenir.
Sallufle nous apprend que Marins avoit fait aufli
porter de l’eau dans des outres lorfqu’il marcha à
Garpa , s’étant fervi à cet effet des peaux d’une
; quantité de beftiaux qu’il avoit fait enlever ; & Sallufle
rie dit pas que Marins fe contenta de donner
ordre d’avoir de ces peaux , mais qu’il eut foin
que fon ordre fût exécuté. *
Afin que l’eau dont vos troupes feront pourvues
puifle mieux fuffire, fi le temps eft fort chaud, marchez
de nuit, lorfque cela fe peut fans inconvénient,
& repofez vous de jour fous la meilleure
ombre que vous trouverez, car moins vos foldats
fe fatigueront, moins ils auront foif, & il fe con-,
fommera moins d’eau.
C’eft ainfi qu’agit Iphicrate dans un pareil cas ;
& c’eft le confeil de l’empereur Léon , dont voici
: les paroles : « Si vous devez pafler par des lieux-
fecs & arides , portez avec vous autant d’eau que
vous pourrez; marchez la nuit, depuis le foir juf-
qu’au matin, & donnez tout le jour au fommeil &
au repos ; ce qui fera que les chevaux auront
moins de foif, & qu’une moindre quantité d’eau
fera fuffifante ».
Lorfque Pompée marcha contre les Albanois, il
ufa de la précaution que l’empereur confeille.
Des fourrages lorfqiion marche pour aller camper;
près des ennemis.
L’empereur Léon donne pour confeil , qu’en
marchant pour aller camper à la vue des e hnemi s .
la cavalerie doit porter du fourrage pour vingt-
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quatre heures , à caufe de la difficulté qu il y au-
roitd’en aller chercher le même jour que vous ai>
riverez , fur-tout lorfque les ennemis font fupé-
rieurs en cavalerie.
Je penfe que la même difficulté d envoyer au
fourrage fubfiftera. touts les.jours fuivants que
vOus ferez à la vue des ennemis; ainfi il y a lieu
de croire que l ’empereur Léon fuppofe que vous
devez combattre le lendemain. En ce cas fa précaution
eft fort bonne , parce que vos chevaux auront
de quoi manger jufqu’à l’heure du combat ,
fans vous expofer au danger d’aller au fourrage ; &
fi les ennemis y envoyoieat un peu loin , vous
pourrez les attaquer , quand les troupes qu ils auront
détachées pour cela leur manqueront. £
Cette même précaution de l’empereur Leon eft
bonne encore , fi vous avez deffein de vous éloigner
le lendemain des ennemis.
Plufieurs auteurs rapportent divers exemples de
quelques généraux de l’antiquité dont les uns
avoient découvert les embufeades dans les bois ,
& les pays couverts par le vol des oifeaux qui re-
montoient en l’air lorfqu’ils paflbient par-deffus
l’endroit où étoit l’embufcade, & les autres parla
pouflière qui ' s’élevoit du pofte où-les ennemis
étoient. Pour moi, je m’en tiens aux précautions
que dans les premiers chapitres de ce traité j’ai con-
feillé de prendre par rapport à ces poftes ; car fi à
ces marques vous difeontinuez votre marche, vous
pourrez être très fouveot trompé , parce qu un
feul chalTeur ou un renard fait autant relever le vol
des oifeaux qu’une armée , & un troupeau de boeufs
élève autant de pouflière qu’une troupe d hommes.
Perfonne n’ignore la ridicule aventure qui arriva
en Flandres , où la marche d’une nouvelle mariee
fufpendit celle de toute une armée. Ainfi tout ce
qu’on peut faire par rapport à ces remarques , eft
de détacher vers cét endroit des partis qui reviennent
promptement pour rendre_coiripte de ce
qu’ils ont découvert.
Lorfqu’à la vue du chemin que les ennemis ne
peuvent pas ignorer que vous êtes le maître de
prendre , On trouvera des troupeaux épars dans la
campagne , craignez qu’on ne les y ait conduits
exprès afin qu’une troupe d’ennemis tombe fur
vous lorfque vos foldats fe feront débandés pour
les enlever, ce qui doit s’entendre lorfqu’il y a
dans le voifinage quelque lieu propre pour un em-
bufeade. En ce cas , ne permettez pas qu’aucun de
vos foldats fe détache qu’après que vos partis au-;
rorit reconnu la campagne par le front & par les
flancs ; car autrement vous éprouveriez ce qui arriva
à Attinas à l’égard des Ba&riens.
Vous devez encore craindre quelque embuf-
cade lorfque les ennemis prennent avec précipitation
la fuite devant vos troupes , quoi qu’ils ne
foyent pas inférieurs en nombre , & qu’aucune
autre eirconftance les y oblige.
11 faut être aufli beaucoup dans la défiance lorfque
vous ne trouverez perfonne fur un chemin
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que les payfans ont coutume de fréquenter, parce
que c’eft une marque que les ennemis arrêtent touts
les payfans , de peur que fi , par hafard , quelqu un
avoit découvert l’embufcade, il ne vous en donnât
avis.
Du départ & des marches en pays ami.
Si vous voulez que les troupes fe mettent en
marche promptement , après avoir donne les ordres
nécefîaires 61 le temps qu’il faut pour les exécuter ,
paroiffez à cheval devant votre armée, car lorf-
qu’on vous verra tout prêt , perfonne ne voudra
être le dernier à fe,faire attendre..
Cæfar fouhaitoit avec impatience de paflef de
Lilibée en Afrique ; afin que l’armée fût bientôt
prête à s’embarquer, il mit le premier fa. tente fur,
le bord de la mer , pour faire connoître qu’il alloit
partir, & que rien ne l’arrêtoit plus que le retardement
des troupes.
Si quelques brigades ou quelque régiment eft
plus parelfeux que les autres, faites-en des re-.-
proches au brigadier ou au colonel.
Chacun fait que pour ôter les tentes, on donne
ordre de commencer à telle heure de battre la générale
, par le régiment de l’aile qui doit faire l’avant
garde , ou toujours par la droite, de commencer
à battre l’aflemblée par la même aile , afin dq
charger le bagage ; de commencer de la même manière
lorfqu’on bat pour aller aux drapeaux , Ce
qui eft pour fe former ; & afin que les troupe»
commencent à marcher, on bat la marche ; la difficulté
eft , que les tambours qui commencent, le
faffent aux heures preferites ; parce que fi , pour
dormir , ils retardent de battre , la marche eft retardée,
& s’ils devancent confidérablement, ils ne
donnent pas aux; troupes le temps néceffaire à leur
repos & à leur fommeil, & l'on crève les chevaux
& les mulets de' bât, eu leur laiffant pendant plufieurs
heures la charge fut le dos ; je me fouviens.
d’avoir été repris par le comte d'Eftaing, parce que.
m’ayant donné ordre de faire battre la générale an
point du jour, je la fis battre à minuit, ayant été
trompé par la lueur de laiune, couverte de quelques
nuages ; ainfi le commandant du régiment par lequel
on doit commencer de battre , remettra une
montre aux officiers de piquet, dont un d’eux doit
être toujours éveillé , & leur donnera par écrit
l’heure à laquelle on doit commencer de battre.
Dans le pays ami, ne permettez pas que les
troupes marchent dans les terres enfemencées^ car
la guerre caufe affez de dommage par néceffité aux
pauvres fujets , fans lui prêter encore un préjudice
qu’on peut lui épargner.
Annibal marchant dans le Tarentin » dont il ai-
moit les habitants , ne fouffroit pas que les troupes
s’écartaflent du chemin , de peur qu’elles n’endom-
mageaffent lés terres enfemencées.
Dans là dernière guerre quelques-uns traitèrent
un général de ridicule, 8i les autres de cruel, pour