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forte que dans la légion de Picardie , par exemple
ii n’y avoit que des Picards ; dans celle de Normandie,
que des Normands; dans celle de Bretagne
, que des Bretons , & ainfi du refte.
Il y avoit fix capitaines dans chaque légion ,
dont-l’un étoit le colonel qui commandôit toute la
légion; le roi pourtant fe réfervarit la liberté de
nommer un colonel différent des ftx capitaines ,
qui commandoient chacun mille hommes ; chaque
capitaine avoit fous lui deux lieutenants, qui corn-
mandoient chacun cinq cents hommes, ou bien
l’un les arquebufiers, & l’autre les piquiers avec
les hallebardiérs ; au-deffous des deux lieutenants
étoient deux enfeignes ; & pour commander chaque
centaine d’hommes, il y avoit un centenier.
Ainfi ils étoient foixante centeniers dans chaque
légion.
Pour chaque bande de mille Kojnimes , il y avoit
quarante caps d’efcadre , quafre fourriers, iix fer-
gents , quatre tambourins & deux fifres.
Les (impies foldatsétoient exempts delà taille,
fuppofé que dans leurs paroiffes avant l’enrôlement
, ils ne fuffent taxés qu’à vingt fols ; car fi
leur taxe étoit plus forte ,: ils n’étoient exempts ,
par le fervice ,-què des vingt fols, & payoient le
fur plus ;que fi parmi ces légionnaires , il fe trou-
voit quelques gentilshommes , ce fervice les
exempt oit des autres qu’ils dévoient en vertu de
leurs fiefs , comme, par exemple , de fervir à cheval
, fi l’on convoquoit l’arrière-ban.
Le ror fe réferva la nomination des colonels 8c
des capitaines ; mais il leur laiffa celle de leurs
lieutenants & des autres officiers fubalterries.
Les capitaines étoient des perfonnës de qualité*
Voici ce qu’en dit M. de la Noue dans fon quatorzième
Difcours militaire. « Le fieiir de Langey,
dit-il, témoigne que les chefs & capitaines des légions
de Normandie & de Picardie , étoient touts
de'forr bonne rnaifon , & nomme les fieurs Baque-
v ilîe , de Cantelou, de Mailli & de Cani. François
I er le voulut àinfi, parce, dit encore M. de la
Noue, que l’expérience nous a fait connoître que
ce qui a abatardi notre infanterie , eft que les nobles
s’en font retirés, & ont dédaigné non-feüle-
ment d’y porter l’arquebufe & la pique, ains fou-
vent d’y prendre charge ».
Ceux des foldats qui devenoient invalides par
leurs bleffures , étoient exempts de tailles & de
tout fubfide pour le refte de leur vie , & fervoient
dans les garnifons avec la folde de morte-payes ,
s’ils étoient en état de le faire.
Si un foldat fe diftinguoit par 'quelque belle action
, fon colonel ou fon capitaine devoit lui donner
un anneau cfor, que le foldat avoit droit de
porter au doigt ; & fi montant de degré en degré ,
il parvenoit jufqu’à être lieutenant , dès-là il étoit
cenfé annobli.
Comme François Ier inftitua ces légions fur
l’idée de l’ancienne milice romaine , ce fut fur le
même modèle qu’il penfa à introduire l’honorable
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récompenfe de l’anneau d’or ;. car nous apprenons,
de Polybe & d’autres auteurs de l’hiftoire romaine
, que jamais un foldat ne fe fignaloit par
quelque aélion éclatante, fans qu’on lui donnât
quelque marque d’honneur , qu’il gardoit précieu-
fement dans fa famille , & avec laquelle il afliftoit.
aux jeux publics ^mais je n’ai pas remarqué /dans
notre hiftoire, que l’ordonnance dé François F‘r
eût été communément mife en exécution pour
l’anneau d’or. Fera trouve un exemple environ
deux ans après que l’ordonnance eût été publiée*
Ce fut lorfque François Ier s’empara des états du
duc de Savoye , l’an i $>36. L’amiral de Chabot
étoit campé à Chivas , 8c entreprit de paffer la
grande Doire en préfence de l’armée des ennemis^
« Un légionnaire , dit M. du Bellay dans fes
mémoires , paffa là, rivière à la nage pour aller
quérir un bateau, d'e l’autre côté , lequel.il amenai
en dépit des ennemis , encore qu’ils lui tiraflent
des coups iTàrquebufe fans nombre ; mais jamais
il ne fut touché. Monfeigneur l’amiral pour donner
coeur aux autres , lui fit donner en préfence de
touts un anneau d’or , en fuivant l ’ordonnance
du roi ».
Ce prince , dans la même ordonnance, d’où j’àî
tiré la plupart des chofes que je viens de dire., établit
plufieurs lois pour, la difcipline de ces légions.
Cette nombreale milice ne fut pas longtemps
complette, ou plutôt elle ne le fut jamais-; car
l’auteur du livre de la Dïfciplïne militaire , qui écri-
voit fous FrançoisIer, fe plaint en divers endroits
de fon livre , que ce beaii. deffein qui rendoit la
France indépendante des étrangers c.’eft-à-dire
des Allemands & des Suifies, n’avoit point été
mis parfaitement en exécution ;. mais de plus ,
cette milice ne fubfifta que quelques années, fit
on en revint à l’ancien nfage des bandes de trois
cents & de quatre cents hommes , qui. étoient
toutes des compagnies féparées fous un capitaine.
Nous avons l’époque de la fuppreffion de la légion
de Dauphiné, qui étoit compofée des troupes
de cette province, dé celles, de Provence, du
Lyonnois & d’Auvergne..C’eft par une lettre que
François Ier écrivit à M. d’Eftouteville, gouverneur
du Dauphiné,. par laquelle il lui donne ordre
de cafter cette légion., pour le peu de difcipline
qu’il y avoit, & pour les violences qu’elle faifoit
dans le pays. Cette lettre eff datée du mois de
juillet de l’an 1536. Je l’ai eue de M. de Valbo-
nav , premier préfident de la chambre dés comptes
de Grenoble , qui s’eft acquis une grande, réputation
de capacité parmi les favants de notre temps ,
par fes doéles ouvrages & fes curieufes recherches
, principalement en ce qui regarde l’hiftoire
du Dauphiné. On voit, par cette date, que cette
légion fut caflee deux ans après fon inftitution»
Quelques-unes des autres légions durèrent encore
quelques années.
"Je trouve même que dès la première année de
l ’inftitution des légions, on n obferva pas un des
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principaux sftlcles de l’or don fiance, félon'lequel
les officiers & les foldats.devoiçnt être du pays
dont la légion portoit le .nom ; car Mon duc parlant
de la légion de Languedoc, dit ce qui fuir: « au
premier mouvement de guerre , le roi François
dreffa les légionnaires, qui fut une très belle invention
, fi elle eût été Fui vie . . . L e roi en donna
mille au fénéchal de Touloufe, feigneur de Fau-
douas., lequel me fit fon lieutenant ; 8c .encore que
ce fur de la légion .„de Languedoc, & qu’il en tût
colonel -, je lui dreiïai toute fa compagnie en
Guyenne , & lui fis fes centeniers , caps-d’efcadres
& enfeignes ». Ainfi la légion de Languedoc fut-
dès-lors compofée .en grande partie d’officiers 8c
de foldats'de Guyenne & de Gafcogne , & non
de Languedoc , contre un des articles de l’ordonnance.
Cette levée de bouclier ne fit point d’honneur
à François I er ; plus ces fortes de-pro jets font
grands & éclatants., & plus doit-on penfer avant
que de commencer à les mettre en exécution , fi on
■ liera en état de les foutenir. ( Dan. mil.franç
J)es,troupesqui ..compofent'les armas..
Les armées font pr’érentement compofées d’infanterie
, de cavalerie & de dragons. Touts ces
■ corps font diftribués par régiments vleS. régiments
par bataillons ou par efcadrons, 8c les uns & les
autres par compagnies.
Je trouve les régiments en trop grand nombre.
Il y en a plufieurs d’infanterie d’un feul bataillon.;
ils en devrôient avoir "au m oins-deux.
• Je trouve.ies bataillons de douze compagnies ,
fit la treizième., qui eft celle des grenadiers, trop
■ peu nombreux. Il n’eft pas poffible queies régiments
qui n’ont qu’un bataillon de ce nombre de
•compagnies , fe puiffenr foutenir après quelque
•échec , foit par une aélion foit par des maladies ,;
& je les voudrois au moins de quinze ou feize
«compagnies, fans ies.grenadiers , comme,ils étoient
.autrefois. Cela rend les corps plus folides , & les
met en état de fourenir la fatigue d’une fin.de campagne
avec,d’autant plus de rai fon-, que.le fervice
général de l’armée fe fait toujours par bataillons*
Les compagnies même neffont pas -afiez fortes ;
lèiles devrôient être au moinsale cinquante ou cinquante
cinq hommes , comme elles avoient été
réglées en 1672.
Les régiments de cavalerie font à préfent de
deux ou „trois-efcadrons. Quand ils feroient de
vÇjuatre 8 c de cinq efcadrons, ils n’en feroient que
•meilleurs, & ils épargneroient au robun grand
.'nombre d’états-majors.
Les efcadrons font bien de quatre compagnies,;
«nais les compagnies devrôient .être de cinquante
maîtres , comme autrefois , parce que fur „-le, pied
sqne font pr.éfentement les compagnies , il n’eft pas
tpoftibîe que les efcadrons marchent fit ..combattent
•fo.ft,
' L e s dragons ont été,, dans ces .dernières gus rr.es,
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en trop grande quantité. Ce corps ne doit être con-
fidéré que comme une infanterie que l’on met à
cheval;, pour la pouvoir porter avec plus de diligence
dans les endroits où l’on a befoin d’infanterie,
pour fe faifir d’un pofte , 8c donner le temps
à la véritable infanterie d’y arriver ; encore ne
faut-il pas que ce pofte puiffe être attaqué par l’infanterie
ennemie , avant que icelle qu’on y fait
marcher foit arrivée , parce que les dragons, qui
ne font point accoutumés à combattre ehfemble à
pied, ne peuvent jamais réfifter au.corps folide
d’infanterie qui les attaque.
Usine peuvent pas auffi réfifter aux bons efcadrons
; la longueur de leurs fufils les embarraffe, &
le manque de genouillère à leurs bottes leur ôte
auffi la force dans le choc. On les a trop bien montés
dans ces derniers temps.,.& on les a voulu éga-.
ler.de trop prés aux chevaux de la cavalerie. La
jufte crainte que les officiers ont de perdre les
chevaux de leurs dragons., les force toujours à
Jaiffer trop d’hommes pour les garder, Jorfqu’oa
les fait mettre pied, à .terre, 8c fait qu’ils craignent
de fe .commettre contre ,l’infanterie.
Je voaidrois .donc moins de régiments'de dragons
dans une armée, & qu’ils fufient moins bien
montés , c’eft-à-dire, fur des chevaux moins hauts
& de moindre prix.
On a., dans ces demi ers temps, formé des corps
entiers de carabiniers. Cela ne peut être que bon,;
c’eft -un corps choifi fur la cavalerie entière, &
même diftingiié par- fa paye.
On a auffi confidérablement augmenté la mai-
foii.du io i fie la gendarmerie. Il eft donc d’une
vérité confia me , que plus les ailes d’une armée
font fermées par des troupes diftinguées & d’élite,,
plus elles font propres à,rompre celles des.ennemis
qui leur font oppofées, & plus elles font elles-
mêmes difficiles à mettre en défordre. Tout.ce qui
eft troupes de diftinélion doit toujours , dans une
affaire , l’emporter fur les troupes ordinaires.
En général il faut convenir' que les compagnies
font plus judicieufement réduites , en temps de
guerre K au nombre de cinquante ,, que fi .elles
étoient beaucoup plus nombreufes, parce que,-par
ce moyen , les corps font bien plus fournis d’officiers
, dans lefquels feuls l’expérience nous fait
connoître que réfide la -réuffite d’une aétion ; mais
les corps , principalement d’infanterie, ne font pas
d à fiez de bataillons dans les armées , non plus
< que _ceux de cavalerie d’affez d’éfeadrons.
Il eft d’expérience qu’un corps s’intéreffe toujours
plus à la confervation d’une de fes parties.,
qu’il ne fait à celle d’un autre corps.
Le fervice du prince fouffre même de-cette multitude
de corps, de deux maniérés : la première,,
en ce qu’elle produit trop d’état-majors , qui, quoique
trop bas en France , ne 'laiffent point;, par
leur quantité , d’augmenter'la dépenfe.
La fécondé ,.qm eft la plus effentielle pour 'le
ife.rvi.ee , -c’e-ft qu’il.n’.eft pas :poffiMe d.e .trouver la