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TROUPES. Homtr.es armés & affemblés pour
combattre.
Les troupes font composées principalement de
deux fortes de perfonnes; (avoir, de (impies combattants
& d’officiers.
Les Amples combattants font ceux qui ne font
chargés d’aucune autre chofe que d’employer leur
perfonne 8c leur force dans les fonctions de la
guerre.
Les officiers font ceux qui, outre l'obligation de
(impies combattants , doivent encore être employés
à la conduite des troupes, & à y maintenir
l’ordre & la règle.
'Les troupes font formées de gens deftinés à
combattre à pied, & d’autres à combattre à cheval.
On ne mêle pas confufément ces deux efpèces de
combattants. On fait combattre enfemble les gens ;
de pied', de même que ceux de cheval ; on les
partage en différents corps , appelles bataillons
pour les premiers , & efcadrons pour les féconds, il
y a des troupes qui combattent à pied & à cheval,
fuivant l’occafion. Voye£ I n f a n t e r ie ,■ C a v a l e r
ie , D r a g o n s , Es c a d r o n , B a t a il l o n &
Ev o l u t io n .
Outre les troupes de cavalerie & d’infanterie .
dont on vient de parler, il y a des troupes légères ,
compofées de Tune & l’autre efpèce , dont l’objet
■ eft d’aller à la découverte , de roder continuellement
autour de l’ennemi pour épier fes démar- ■
ches-, le harceler, &c. Ces troupes diffèrent des
autres en ce qu’elles ne font pas, comme celles
ci , deflinées à combattre en ligne.
Les troupes d’un état font nationales ou etran- ;
gères. Il y a plufieurs inconvénients à en avoirmn
trop grand nombre d’étrangères ou d’auxiliaires
•dans les armées ; car outre qu’elles coûtent plus
que’ les .nationales, elles font plus difficiles à conduire
., & bien plus difficiles à ramener lorfque l’ef-
prit de fédition & de mutinerie s’y introduit. « Les
premiers Romains , dit un auteur célèbre , ne met-4'
soient point dans leurs armées un plus grand nombre
de troupes auxiliaires que de romaines ; &
quoique leurs alliés fuffent proprement des fujets,
ils fie vouloient point avoir pour fujet-s des peuples
plus belliqueux qu’eux-mêmes. Mais dans les
derniers temps, non-feulement ils n’obfervèrent pas
cette proportion des troupes auxiliaires, mais même
•ils remplirent de foldats barbares les corps des
troupes nationales, ce qui contribua beaucoup à
leur décadence ». Voye£ fur cette matière \e commentaire
fur Polybe , de M. le chevalier Folard ,
:gom. //, pag. 379 ; les réflexions militaires de M. le
marquis de Santa-Cruz, tom, I , c. 11 &fuiv. &c.
Les troupes que chaque état entretient doivent
être proportionnées à fa richeffe 8c au nombre d’habitants
qu’il contient, autrement il efl difficile de
Jes entretenir longtemps.
Suivant M. le prêfident de Montefquien, « une
expérience continuelle a pu faire connoîrre >en
iÉurope, qu’un prince qui a un million de fujets ,
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ne peut, fans fe dé* ru-ire Uii-méme , entretenir plus
de dix mille hommes.
» On doit, dit M. de Beaufobre fur ce même fu-
je t , établir une proportion entre la quantité de
troupes-h entretenir, & celle des citoyens que l’on
a. Quoiqu’un prince puiffe en ménager une' partie
par un fupplément de troupes étrangères , ce fup-
plément cafuel ne doit pas le difpenfer d’obferver
cette proportion dans fon état ; il doit-regarder
comme un gain de foulager les nationaux d’une
partie des occafions, qui peuvent en diminuer le
nombre, fans cependant laiffer perdre le .goût des
armes 8c le point d'honneur de la nation. Les Carthaginois
périrent pour avoir outré ce ménagement
& rendu leurs citoyens pareffeux. Jufqu’à
Augufte , les Romains obfervèrent très exactement
la proportion entre les légions des citoyens &
celles des alliés. Les empereurs ayant négligé cette
proportion , elle fut perdue de vue 8c s'évanouit
avec l’empire ».
« Un état, continue le même auteur , qui auroit
de grandes villes., dont les terres devroient être
néceffairement-cultivées , où il ÿ aurait beaucot p
d’employés, d’artifans , dè célibataires , de ma-
giftrats , d’eccléfiaftiques , dé fabricants , de littérateurs
, & qui contiendroit vingt millions d’ames,
ne ponrroit pas entretenir plus de deux cent mille
hommes fous les armes , c’eft-à*dire , eu arracher
un plus grand nombre à la culture des terres , aux
arts 8c aux procédions néceffaires à l’intérieur de
l’état ; encore faudroit-ïl que cet état n'effuyâtpas
de longues guerres , 8c fût fondé fur des loix qui
encouragea(Tent la population. Sans ces deux conditions
, on auroit peine à en entretenir cent mille,
» i l faut confidérer les hommes qui compofent
la milice , comme vivant beaucoup moins que les
autres ; comme célibataires,& les plus vigoureux
d’entre eux , comme incapables de faire la guerre
avec Taâivité requife dês qti’ils ont fait vingt campagnes.
Otez de ces vingt millions d’ames les
femmes , les vieillards, les enfants , les hommes
hors d’état de fervir par leurs infirmités & leur défaut
de force- ou de courage ; ceux qui font mal
conformés^ les gens exempts du fervice par leur
aifance, les charges & les emplois ; les eccléfiafti-
ques , les-magiftrats & gens de loix, & les hommes
en état de travailler dont les provinces ont be-
foin , & vous verrez qu’il ne vous en reliera pas
davantage pour porter la guerre au dehors & pour
l’entretenir. Plus unétatéft étendu, moins il eft
peuplé à proportion d’un petit ; plus il .eft urba-
nifé, & moins il contient de foldats.
» Rome ne renfermoit aucun cultivateur. ;Les
efclaves y compofoient la claffe des domeftiques
& celle des artifans. Le célibat y étoit, regardé
avec ignominie ; les citoyens , à Texceptipn d’un
très petit nombre de prêtres & d’augures, n’éroient
deftinés qu’aux armes, & elles étoient unies aux
charges du gouvernement. Sur la fin du règne
d’Augufte* cette capitale contenoit quatre millions
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cent trente-fept mille citoyens inferits dans le dénombrement
, & d’âge à être admis aux charges
ou dans la milice ; le total du peuple‘ de tout âge
& de tout fexe étoit de treize millions cinquante-
un mille cent foixante-dix-huit âmes. La milice
compoféè de citoyens, n’étoit que de cent quatre-
vingt-fept mille deux cent cinquante, tant infanterie
que cavalerie , en forte que le nombre des
âmes étoit à celui des foldats , comme 75 ou 76 eft
à 1 ; il auroit été au moins de 150 à 1 ,f i l’ancienne
Rome eût eu en citoyens le nombre de
domeftiques 8c de célibataires de toute condition
qu’on trouve dans les villes modernes ». Tableau
militaire des Grecs imprimé à la fuite du commentaire
fur Ænée le taélicien.
C e n’eft pas tant le grand nombre de troupes qui
fait la fureté des états, que des troupes bien dif-
ciplinées & commandées par des chefs confommés
dans Tart de la guerre. Les Romains firent toutes
leurs conquêtes avec de petites armées, mais bien
exercées dans toutes les manoeuvres militaires.
« Car une armée formée 8c d.ifciplinée de longue
main , dit un grand capitaine, quoique petite , eft,
plus capable de fe défendre & même d’acquérir ,
que ces armées qui nes’affurent que fur leur grand
nombre. Les grandes conquêtes fe font prefque
toujours faites par les armées médiocres , comme
les grands empires fe font toujours perdus avec
leurs peuples innombrables ; & cela parce que
ceux qui avaient à combattre ces armées fi nom-
breufes , ont voulu leur oppofer une exaéle difei-
pline & un bon ordre j 8c les autres ayant négligé
toute bonne difeipline & ordre , ont voulu récom-
penfer ce défauripar le grand nombre d'hommes ,
qui leur a caufé route confufion , 8c n’a fervi qu’à
les faire perdre plus honteufement ». {Traité de la
guerre par M. le duc de Rohan ).
Que Texaéte difeipline puifle fuppléer avantage
u fera eut au nombre des troupes, c’eft ce que les
Grecs & enfuite les Romains , ont fait voir, dans
le degré le plus évident. Les ; remiers, avec leurs
petite - armées, furent vaincre celles de Xercès 8l
de Darius , infiniment plus nombreufes ; & les
autres celles de Mithridate 8c des autres princes
de i’Afie qui avoient armé des peuples entiers
contre eux. Les anciens, bien perfuadés que le
nombre de troupes fans une bonne difeipline ne
fait rien à la guerre , ne négligeoient rien pour
mettre les leurs en état de ne rien trouver d’im-
poflible ; 8c quels que fuffent leurs foldats , ils fa-
voient en faire de bonnes troupes. Lorfque Scipion
eut le commandement de l’armée romaine en Ef-
pagne , les troupes étoient mauvaifes 8c découragées,
parce qu’elles avoient fouvent été battues
fous les autres généraux. Ce grand homme s’appliqua
d’abord à les remettre fous les loix de la
difeipline, & il trouva bientôt enfuite le moyen
de prendre Numance , qui , jufques-là , avoit été
1 écueil de la valeur romaine. C’eft par-là queBéli-
faire fe diftingua fous Juftinien , & qu’il fut le bou-
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levard dé l’empire. Avec un général qui avoit
toutes les maximes des premiers Romains, il fe
forma, dit Tilluftre auteur de l'Efprit des loix ,
une armée telle que les anciennes armées Romaines
(-Q. )
Changements dans l'infanterie françoife,
Quelques avantages que Charles VII eût tiré de
la milice des francs-archers, Louis XI les caffa ,
8c déchargea par-là les bourgs 8c les vil liges qui
étoient chargés de leur entretien ; mais comme
avec fa gendarmerie , compoféè des compagnies
d’ordonnance , il vouloit avoir aufiî de 1 infan:e-
rie fur pied il commença par lever fix mille
Suiffes , contre la maxime du roi Charles V I I , qui
ne s’accoçnmodoit point des troupes étrangères
mais Louis XI prenoit volontiers 8c par inclination
, le contre-pied de fon prédécefieur.
Outre ces fix mille Suiffes, il leva dix mille
hommes d’infanterie françoife pour être à fa folde i
.& pour cela, il mit un grand impôt fur le peuple.
Dès qu’il les eût levés, il établit un camp auprès
du pont-de-TArche à trois lieues de Rouen , T'a 11
1480, où toutes ces troupes marchèrent avec les
compagnies d’ordonnance & deux mille cinq cents
pionniers. Il faifoit faire dans ce camp touts les
exercices militaires , & obferver la difeipline avec
autant de régularité que s’ils'euffent été en pays
ennemi. Il y alla lui-même , & ce fut la première
& la dernière fois qu'il les vifira, fes maladies &
d’autres affaires l’ayant empêché d’y retourner pendant
trois ans , au boutdefquels il mourut en 1483.
Charles V I I I , fon fucceffeur, l’imita ; il gromt
fes armées de troupes Suiffes, & y ajouta des
Lanfquenets , c’eft-à-dire , de Tinfanterie allemande;
il avoit des uns & des autres , & desfran-'
çois à pied à la conquête de Naples ; mais les Suiffes
&. les Allemands étoient beaucoup mieux difcipli-
nés que Tinfanterie françoife , où , à la vérité, il
y avoit, dit Brantôme dans fon ftyle ordinaire ,
de bons hommes ; mais la plupart, gens de fac 8c
de corde , méchants garniments échappés de la
juftice , 8c fur tout force marqués de la fleur de-
lys fur l’épaule, eflbrilTés, & qui cachoient les
oreilles, à dire vraie , par longs cheveux herrif-
fés , barbes horribles, tant pour cette raifon que
pour fe montrer effroyables à leurs ennemis. L’infanterie
françoife étoit donc encore alors fur un
mauvais pied. L’auteur du Livre de la difeipline militaire
attribué à M. de Langey , dit en effet que
les autres nations levèrent & difeiplinèrent l’infanterie
fur le modèle des Suiffes. « Les exemples de
la vertu, dit-il, que les Suiffes ont montré avoir
au fait des armes à pied , font caufe que depuis le
voyage de Charles VIII au royaume de Naples,
les autres nations les ont imités , même ment les
Allemands & Efpagnols, lefquels fe font montrés
en la réputation que Ton les tient aujourd’hui ,
pour , autant qu’ils ont voulu , imiter Tordre que
A a a a a ij