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magnfiris prêts & à portée dés places fur lefqitelleê
l'on a deffein; mais nous n’avons pas dit quels
dévoient être ces magafins , & combien de chaque
efpèce ; cela eft difficile , & ne fe peut guère régler
que par rapport aux places qu’on attaque. On
ne fauroit manguer de compter fur un mois de
tranchée ouverte , parce qu’il n’y a guères de
place qui ne puiffe tenir ce temps-là , quand elle
eft un peu conûdérable & défendue par gens intelligents
, qui veulent faire leur devoir. Le plus
de munitions ne fauroit rien gâter ; mais le moins
peut faire échouer l’entreprife. Nous compterons
donc pour les poudres :
8- ou 9000 , félon que la place eft plus ou moins
forte.
. 60000- gros boulets.
20000 de huit à douze.
80 pièces de gros canons bien fain & en bon
£tat.
30 à 3-5 de 8 & de 12 livres de balle.
10 ou 20 de 4 pour les lignes.
k à 16000 bombes.
. 40000 grenades.
10 milliers de mèches-.
180 milliers de plomb.
100,000 pierres à fufil, fortes & bien choifies.
50000 facs à terre.
30000 petites charges à poudre d’un bois dur ,
pour mettre dans la poche.
100 plate-formes de canon complexes.
60 plate-formes de mortiers.
2.4 mortiers;à bombes & autant à pierres*
60 affûts de rechange.
30 pour les mortiers./
Plufieurs crics , chèvres, triqueballes & traîneaux.
^
Des-étoupes pour jetter de l'eau fur le feu, fem-
blables à celles dont les blanchiffeufes fe fervent
en Flandres.
Quantité de bois de charronnage , des madriers
de réferve & de menue .charpenterie.
200 brouettes.
Autant de hottes avec les bretelles.
40000 outils bien emmanchés pour la tranchée
& les lignes ; car rarement les payfans en apportent
de tels qu’il faut , on eft toujours obligé de leur
en fournir de -l’artillerie.
11 y a plufieurs autres chofes dont il faut fe pourvoir
, comme d’outils de mineurs , de bois de
mantelets, de plufieurs forges , forgerons , charpentiers
& de charrons , & fur - tout d’un gros
équipage des chevaux d’artillerie. On fe fert encore
de charriots & de charrettes de payfans commandés
pour cela.
Si c’eft une place confidérable, dont la circonvallation
puiffe avoir quatre à cinq lieues de tour ,
y compris les inégalités qu on lui fait faire , il
faudra commander au moins 15 à 18000 payfans ,
& 2. ou 3000 charriots , même 4000, félon que la
place eft grande , & que la circonvallation doit
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aVoîr cî'éteftclue, parce qu’il y aura toujours beaucoup
des uns & des autres qui manqueront ; il
faut avoir de la rigidité pour cela châtier févè-
rement les défaillans & ceux qui défertent; autrement
plus de la moitié vous abandonnera dès les
premiers jours. Quand les lignes font achevées, on
congédie les payfans ; mais il eft bon de retenir
cent charriots pour voiturer les gabions & fafcinés
à la queué de la tranchée, & les bleffés à l’hôpital ;
& 5 ou 600 payfans pour faire des fafcines & des
gabions, & pour entretenir les ponts & les chemins.
On fait donner le pain double aux payfans ,
& rien de plus. Tout ce qu’on leur fait faire étant
ouvrage de corvée., ils font payés ;par leurs v illages,
avec qui ils ont coutume de s’accommoder.
J’eftîme pourtant qu’il •ferèk raifonnable de payer
ceux qu’on retient, à raifon de 6 f. par jour , & le
pain double ; cela leur féroit prendre patience Sc
les empêcheroit -de déferter.
De Vinvefiiture des places.
Suppofons préfentement qu’on puiffe éluder
touts les inconvénients dont nous venons de parler:,
que toutes les mefures foiônt bien prifès,les
réfolutions d’un fiège arrêtées enfin les armées
en campagne &.en état d’agir. Toutes chofes étant
préparées,le général, par l'es mouvements, doit
faire fon poflible pour éloigner les foupçons que
l’ennemi peut avoir de fes deffeins , & les détour-
| ner autant qu’il pourra.. Quelquefois cela va juf-
i qu’à invertir une place qu’on ne veut pas attaquer,
pour faire- prendre le changé à l’e n n em i& lui
donner lieu d’affo&lir la garnifon de celle fur laquelle
on a deffein. C'efl ainfi que les alliés en 1701,
paroijfant menacer Y près , nous donnèrent occafion
de tirer la meilleure partie de la garnifon de Tour-
nay 1 qui , ayant-été invefiie le lendemain , cette ville
' qui.efi une des plus fortes places des Pays-Bas, ne
fut pas en état de faite la iréfifiance jqu'on devoitrert
attendre. Quelquefois on pouffe l’ennemi pendant
quelques jours pont l’éloigner de h place que l’on
a deffein d’attaquer ; après quoi, & quand les^af-
faires font réduites au point qu’on le défire , la
première chofe qu’on doit faire , c’eft l’inveftiture
de la place; ce qui fe fait ordinairement par un
détachement de 4 à 5000 chevaux , plus ou moins ,
félon que la garnifon eft forte, commandés par un
lieutenant général, & deux ou trois maréchaux de
camp. Ges troupes doivent marcher jour & nuit,
avec toute la diligence poflible, jufqu’à ce qu’elles
foient à une lieue ou deux de h place , où faii'ant
halte , elles règlent leur retranchement particulier
& les difpofitions de l’in vert iture, en forte qu’elles
puiffent arriver toutes à la même heure à un peu
plus de la portée du canon cle la place.
On ne fe doit montrer devant la place que par
des détachements qui , pouffant de touts côtés juf-
qu’aux portes de la v ille ,. enlèvent tout ce qui fe
trouve dehors, hommes & beftiaux. Ces détachep
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ftents doivent être, foutent* .j?ar quelques efca-
2 § S qu'on fait avancer autant qn .1 eÛ néceffaire ;
il eft même avantageux d’effuyer quelques volees
de canon, poitt avoir lieu d en remarquer la portée.
Pendant que cette petite expédition refait, on
doit fe fcifir de toutes les avenues favorables aux-
feçours qui pourraient fe jetter dans U place ; en
un mot, bien inveftir la place , la ferrant le plus
près qu’on peut., par les polies que l’on prend tout
amour. Le jour bn fe tient hors de la portée du
canon , & toujours en état de fe. foutenir les uns
les autres ; de' nuit on s’approche a la portée du
moufquet, pour pouvoir former autour de a place
un cercle garni de troupes, en forte qu il n y relie
point ou peu de vuide qui n'en foit rempli, Lu cet
étalon tourne le dos à 1a place , & on difpofe de
petites gardes devant & derrière pour nette pas
fnrpris. On fait enfin tête à l’ennemi, de quel côte
qu’il puiffe fe prèfenter j tenant toujours la moine
de là cavalerie à cheval, pendant que 1 autre met
pied à terre pour faire un peu repoler les hommes
& les chevaux. Le matin l ’on fe retire peu à peu
avec le jour , failant iouvent halte, jufqu à ce que
le Lever du foleifdonne lieu de fe retirer au quartier.
On pofe des gardes ordinaires qui font tête à
h^placey & d’autres plus fortes fur les avenues du
coté des fecours ; après quoi les efcadrons qui ne
font pas de garde fe retirent au camp pour le re-
pofer, fans fe déshabiller ni defceller les chevaux ,
qu*autant de temps qu'il efl néceffaire pour les
parafer.
Pendant ce temps-là celui.qui commande envoie
des" partis à la guerre pour apprendre des nouvelles
des ennemis ,. & continue de s arranger &
dérégler fes gardes. On commence auffi à recon-
noîtreda fuuati.on la plus convenable pour affeoir
les camps & les lignes quand 1 armee fera arrivée,
& c’eft à quoi les ingénieurs, qu’on fuppole devoir
être arrivés auffitÔt que le détachement, fe
doivent particulièrement appliquer quand ceux qui
inveftiffent ont. quelques troupes d’infanterie avec
eux ; on les difpofe p.ar petites gardes lur les
principales avenues de la place, foutenus par de
plus grandes qu’on porte derrière, elles.; au défaut
de l’infanterie on y emploie des dragons.
Dès le jour même que la place eft invertie., tout
fe met en mouvement ; l’artillerie & fa fuite , les
vivres & touts les caiffons , les payfans & les charriots
font commandés ; enfin, tout fe charge devant
les places voifines , & fe met en marche pour
fe rendre devant la place invertie , ce qui fe fait à
la diligence tant de l ’intendant de l’armée qui a
fes correfpondances avec ceux des provinces, &.
qui fait les envois dans, les.pays voifins quelques,
jours avant l’invertiture, qu’à celle du lieutenant-
général d’artillerie , qui de fa part tire les munitions
de touts les magafins où il a fait fes amas ; il emploie
à cet effet des chevaux d’artillerie, & les charriots
que l’intendant lui fait fournir, le tout en con-
féquence des ordres du général qui , pour l’ordi-
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naire, a le commandement fupçrieur fur les provinces
vpifines, & à portée de la place, dont on
veut faire le fiège.
Pendant que les difpd.fitipiis de rinveffiture fe,
font, l’armée, in arche à grande journée’ & arrive,
devant la place pour l’ordinaire 3 , 4 ou 5 jours
après l’inveftiture. Le lieutenant-général qui l'a
faite, va au devant de l’armée environ une demi-
; lieue, pour rendre compte au général de fes dili--
gences, & le général fur fon rapport fait ènfuite
là dernière difpofition pour le campement de
l’armée au tour de la place:
! Le lendemain il le reélifie, & il fait a.yec les of-‘
ficiers généraux & les principaux ingénieurs, le
i tour de la place pour en déterminer la circonvallation.
Après avoir réfolu la figure & le circuit des
lignes , qui eft toujours celui qui doit être la règle
du campemènt , toutes lés troupes fe placent félon
Iles quartiers qui leur font deftinés, & le général
; diftribue aux officiers généraux chacun le leur. On
jrègle en même temps le quartier du roi , celui des
vivres, & le pas de l’artillerie, ce qui fe reétifiè les'
■ jours fuivan.ts., & autant qu’il eft poflible , par
; rapport aux attaques de la place dont on doit déjà
[êtreconvenu au moins en partie; il faut cependant
: difpo.fer de petites gardes avancées aux environs
de la place, foutenues par de plus fortes pour la réf-
: ferrer autant que l’on peut, & les porter le plus
;avarirageufèmenr qu’il fera p’ofljble, pour einpê,-
cher.la garnifon de fôrti'r & de fourrager, & après’
i quoi les ingénieurs tracent les lignes à la perche $c
au piquet, afin que les troupes puiffent régler leur
camp à demeure, ce qui fe fait en établiffant le
[front de manière parallèle aux lignes, à la dirtànce
[de 60, 80, 100 où 1 io toifes ail plus ; on les trace
.après cela au cordeau avec un peu plus de loifir 6c
d’exaéiitude.
De la conflruêliori-des ponts pour fervir à la commua
nicqtiondes quartiers, & de la difpofition 6* façon
des lignes»
Si les quartiers font féparés par des rivières,
grandes ou petites , il y faïidra faire des ponts fur
des chevalets fi l’on- peut ©u fur des bateaux , mais'
plutôt fur des chevalets , parce qu’ils font ordinairement
plus furs & plus fermes; principalement fi
la placeëtoit en état de lâcher quelque grande éclufe
d’eau qui fût capable de rompre ceux de bateaux,
comme il arriva au fiège de Valenciennes en 1656,
qu’on fut obligé de lever avec perte. Cette place fut
iafliégée en 1656, parles François commandés par
i les maréchaux de Turenne & la Ferté-Senneterre ;
; mais les Efpagnols commandés par dom Juan d’Au--
: triche & le prince de Condé, leur fit lever le fiège ,
& leurs quartiers ayant été divifés parla rupture de
leurs ponts de communication , le maréchal de la
F’erté demeura prifonnier. L’an 16 77, le roi de
France en fit le fiège en perfonne, & la prit d’affaur.
Le meilleur eft de faire à chaque partage trois ou