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chevaux. Lorfque les partis ennemis découvrent
votre cavalerie par le flanc, renforcez-le par deux
rangs de plus. . ’ .w
Si vous faites retraite de jour par un terrain
propre à drëfler des enibufcades , votre détachement
étendra fur les flancs quelques foldats. q u i,
comme par mégarde , fe laifferont voir entre les
arbres, ou au-deffus des montagnes, afin que les
ennemis, qui foupçonneront quelque embufcade,
perdent du moins le temps qui eft nècefiaire à leurs
batteurs d’eftrade pour aller jufqu’à ce polie , &
rapporter qu’ils n’y ont point trouvé d’embufcade.
Xénophon nous apprend que ce firatagême lui
avoit parfaitement réufli , lorfqu’il. faifoit retraite
vers Trébifonde, par un terrein rempli de bois.
Quand même votre détachement aurait mis entièrement
en déroute un autre des ennemis , il ne
doit pas le fuivre trop longtemps , parce qu’il
s’expoferoit à être battu à fon tour en s’approchant
de trop près du gros des ennemis ; & fi vous contre-
marchiez avec votre armée pour le foutenir, ce
ferait agir contre l’intention que je fuppofe que
vous avez, de ne pas retarder votre marche & de
ire pas vous engager dans un combat j par confe-
quent il faut avertir le commandant de votre détachement
de ne pas pourfuivre trop loin le détachement
ennemi qu’il auroit défait. La règle qu’on
pourrait établir ferait de le fuivre jufqu’à l’entrée
d’un défilé, s’ihs'en trouvoit un à une diftance rai-
fonnable.
Corbulon donna ces mêmes avis au commandant
de mille chevaux qu’il détacha de fon arrière-
garde , afin que l’armée de Tiridate ne chargeât’
point la fienne.
Si, pendant une longue retraite, votre arrière-
garde ou fon détachement eft obligé de combattre,
vous devez changer de temps en temps les troupes
qui auront combattu , parce que les foldats qui feront
prévenus par avance qu’ils n’ont que quelques
heures de danger à efluyer , s’y expoferont avec
plus de courage ; & les nouvelles troupes qui entreront
fraîches au combat , foutiendrant mieux la
fatigue & le choc que celles qui font déjà haraffées
& bluffées.
Cæfar l’exécuta de cette forte , lorfque dans fa
retraite de Zêta, Labiénus & Afranius chargebient
continuellement fon arrière-garde.
Pour ne pas retarder votre marche en tirant de
divers régiments les hommes d élite dont j ai parle
’dans l’article précédent, il faut, en fe mettant en
marche, placer à l’arrière-garde les deux ou trois
détachements qui doivent fucceflivement .la couv
rir; vous me direz peut-être qu’au lieu de détachements
, les derniers régiments de l’arrière-garde
pourraient fuffire ? Je réponds que pour bon que
foit un régiment, il y a toujours un tiers de nouveaux
foldats , de convalefcents ou de lâches ; 8c
il eft aifé de conclure paules exemples du dite de
Mayenne & de l’archiduc Albert, que j’ai rappor-
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tés un peu auparavant, que de tels hommes ne
font pas propres pour l’opération que je propofe.
Chacun peut facilement comprendre que ce
changement de troupes ne doit pas fe faire dans
un défilé, parce qu’elles fe confondroient & fe
mettroient en défordre les unes les autres. Le meilleur
pofte pour cela eft à la fortie d’un défilé , où
celles qui doivent entrer en a&ion fe rangeront en
bon ordre , en biffant aux autres un paffage pour
déboucher librement, & joindre l’arrière-garde de
l ’armée, tandis que ce nouveau détachement arrête
l’ennemi, qui vraifemblablement n’ofera pas défiler
en préfence de cette troupe rangée en bataille.
Je ne me fouviens pas précifément fi j’ai dit
dans quelque autre 'endroit de cet ouvrage , que le
comte de Pezuela, colonel de dragons, & aujourd’hui
brigadier, avoit choifi une femblable fitua-
tion de terrein , lorfqu’il eut ordre , pendant notre
retraite de Talamanque, de couvrir avec fon régiment
notre avant-garde, qui cemmençoit d’être
maltraitée par les Miquelets & les volontaires. Le
comte dérint de cette manière les ennemis, qui
n’ofèrent point déboucher par un défilé à la vue
de fes dragons , qu’il avoit formés en bataille dans
une petite plaine qui fe trouvoit a l’iffue du défilé;
c’eft ainfi que me l’ont rapporté divers officiers
qui avoient été préfens.
Du paffage <£un gué , d'un pont ou d'un défilé.
S i, par la proximité & la vigilance des ennemis ;
vous prévoyez qu’il vous fera difficile d’avoir -gagné
affez de chemin pour que toute votre arrière-
garde foit entrée dans le défilé kvarit que l’ennemi
vous joigne , craignez d’être battu , quand
même vous auriez une armée fupérieure , parce
qu’alors les ennemis choifiront le nombre de -vos
troupes qu’ils trouveront à propos d’attaquer, fans
que les autres , déjà engagées dans le défilé ,
puiffent foutenir celles qui font chargées.
Notre armée de Flandres , compofée de foixante
mille hommes, en 1674, alla chercher celle des
François, qui n’étoit que de quarante mille , fous
les ordres du prince de Condé. Cet illuftre général,
pour fe difpenfer d’en venir à un combat,choi-
fit un camp fort par fa fituation. Nous n’çfâmes
plus attaquer les François, & nous nous mîmes en
marche vers un endroit. Le prince, qui n’avoit pas
voulu donner la bataille, eut bientôt avis que dans
notre nouvelle marche nous avions certains étroits
défilés à paffer. Il laiffa le temps aux Allemands &
aux Hollandois , qui formoient l’avant-garde & le
centre , de s’y engager, & ayant chargé les J£fpa-
gnols , qui faifoient l’arrière-garde, il remporta fur
nous des avantages confidérables dans ce combat»
qu'on a nommé la bataille de Sénéf
L’armée de l’empereur Othon avoit prefque^
fans oppofition, traverfé toute la F r a n c e jufquà
Paris ; mais elle fut enfuite fort maltraitée par les
troupes du roi Lothaire, qui, ayant attaqué Othon
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au pairage delà Marne, défirent entièrement fon
Ondoit conclure de ce que je viens de dire ,
ou’ï fin qu’une armée puiffe faire une femblable «-
traite dans les circonftances dont il s agit , il faut
enfermer dans le retranchement de 1 armee la tete
du défilé & conftruire une autre ligne intérieure
ou deux, pour que les troupes, à mefure qu elles
paffent le défilé, puiffent tenir ferme , & fe rf t^er
duerand retranchement au petit , félon, qu elles
reftent en plus petit nombre ; car s il n y avoit
qu’une feule ligne , les derniers régiments ne lut-
firoientpas pour la couvrir ils ferment forcés
par le flanc. Ils fe trouveroient fort éloignés d ailleurs
du gué ou du défilé qu’ils ont derneVe,, &
à la tête duquel il y aura un iront avec de profonds
& larges foffés, afin que votre arrière-garde, qui
rompra le pont-levis lorfquelle 1 abandonnera.,
ne puiffe pas être chargé promptement par les ennemis,
qui auront befoinde quelque temps pour
remplir une partie du foflé & entrer dans le fort.
Alexandre Pharnèfe , gouverneur du pays-bas
pour Philippe II, tint cette conduite lorfqu il paila
le Vaal en préfence de l’armée Hollandoife, qui
fe préparoit à charger celle d’Efpagne.
Dom Diego d’Alava veut, que dans un cas pareil
, on imite Sertorius, qui, fe voyant en Ef-
pagne obligé de paffer une rivière en préfence de
fes ennemis, tira entre eux & fes troupes une
ligne , & l’ayant remplie de bois fec , il y mit le
feu; ce qui empêcha les ennemis de franchir la
ligne pendant que Sertorius paffoit la rivière,
Polien nous apprend que Pélopidas ,Brafidas &
Créfus avoient fait la même chofe. | ^
Je crois qu’il ne feroit pas inutile , ni meme trop
difficile, de mettre en ufage cet expédient dans
les foffés de la redoute conftruite à la tête d un gue
ou d’un défilé, parce qu’une médiocre quantité
de bois fuffiroit pour caufer un grand incendie
dans une fi petite enceinte, &. pour peu que cela
retarde les ennemis, ce fera affez pour que vos
dernières troupes , qui d.:fendoient la redoute ,
ayent le temps de fe retirer. Ænéas le taâicien propofe
auffi l’expédient du feu , pour empêcher d entrer
dans une place par les portes.
On fuppofe qu’on aura fait retirer par avance
les malades , les bleffés , le bagage , & le train de
l’artillerie & des vivres avant de mettre les troupes
en marche pour la retraite.
A mefure que les troupes auront paffe de 1 autre
côté d’un gué ou d’un défilé, elles prendront du
terrein fur l’un & l’autre fl inc , afin de laiffer un
paffage libre aux autres , S de flanquer les ennemis
qui fuivent les dernières.
Après la mort du jeune Cyrus , les capitaines
Grecs agirent de cette forte au paffage du fleuve
Centrite.
-• Vous pourrez auffi mettre en batteries quelques
légères pièces de canon que vous n’aurez pas envoyées
avec le gros train de l’artillerie, afin.de
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flanquer les ennemis , quand même .vous ne devriez
couvrir ces pièces qu’avec des mantelets ,
ou avec des facs de farine , de laine ou de terre. .
S’il vous paroît, nonobstant toutes ces précautions
, qu’il y aura beaucoup de danger à craindre
pour les dernières troupes de l’arrière-garde , je
réponds qu’il y aura encore plus d inconvénients
à y expofec le gros de l’armée.
Des retraites en pays de plaine,
J’ai déjà fait voir qu’il failoit prendre un grand
avantage de chemin lorfqu’on avoit a faire retraite
par des plaines , parce que les ennemis, qui ne
craignent point alors d’embufeades , /eront avancer
à grands pas leur avant-garde pour joindre votre
arrière-garde , la harceller , la retarder dans^ fa
marche, & donner ainfi le temps au gros de 1 armée
ennemie de s’approcher. L’avant-garde des
ennemis peut, dans ce terrein , marcher avec un
front confidérable , & étendre fur les ailes^ des
batteurs d’eftrade, pour reconnoître s’il n’y a
point d’embufeades ; & par conféquent les moyens
que j’ai propofé jufqu’ici pour retarder leur marche
deviennent inutiles.
En traitant des marches , j’ai dit en quel ordre
& avec quelles précautions une armée doit marcher
dans un pays de plaines, & dans celui qui,eft
coupé alternativement par des plaines & des défilés.
Comme je fuppofe à préfent que vous êtes
inférieur en nombre , & que vous avez réfolu de
ne pas hafarder un combat, je vous avertis de couvrir
vos flancs & votre arriéré - garde avec les
charrettes du train de l’artillerie , des vivres & des
équipages des officiers, principalement fi la fupe-
riorité des ennemis confifte dans la cavalerie ; car
j’ ai prouvé dans un autre endroit de cet ouvrage »
que le moindre embarras qu’on lui oppofe , fert
d’une véritable défenfe contre elle.
Les charrettes avec lefquelles Timothee couvrit
fes troupes lorfqu’il marchoit vers Olympie , les
mirent à couvert des infultes de la cavalerie des
Corinthiens. .
Lorfqu’Alexandre Pharnefe fe retira de France
en Flandres, il fe fervit de charrettes pour couvrir
fon armée , & elles lui furent d’un grand fe-
cours pour fe défendre contre les troupes Fran-
çoifes, qui incommodoient continuellement iarr
rière-garde de l’armée Efpagnole. ^
Il y aura encore moins d’embarras à entourer les
flancs de l’arrière-garde de chevaux de frife , dont
chacun feroit manié par deux foldats, en les fuf-
pendant par deux efpèces d’anfes à leurs extrémités
, parce qu’il eft plus aifé de régler la marche
d’ un foldat ou de le remplacer quand il eft tué ,
qu’il n’eft aifé de gouverner ou de remplacer un
boeuf ou un mulet qui s’eft épouvanté, ou qui a
été bleflé.
Ce feroit encore une meilleure dstente oc moins
embarraffantè, de garnir vos ailes & votre arrière; Qq q»j