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faut réellement faire précéder extérieurement à
fon égard quelque mauvais traitement de votre
part, ainft que je le dis plus particulièrement par
rapport a une autre matière.
Trois mille Macédoniens fe révoltèrent en Capa-
doce contre Antigonus , n étant pas polHble de les
foumettre alors , à caufe de la iituation forte du
terrein qu’ils occupoient. Antigonus fe fervit de
Léonidas , q u i, faifant femblant de fuivre ce parti,
fe retira parmi eux , & ayant gagné leur affeélion
il fut élu leur chef. Léopidas commença d’abord à
leur perfuader'de ne pas fe joindre avec les ennemis
d’Anrigonus. Peu après leur ayant fait quitter
le lieu efcarpé où ils étoient pour defcendre dans
la plaine , la cavalerie d’Antigonus les attaqua avec
avantage , & dans ce combat Holcia & les autres
chefs de la révolte furent faits prifonniers.
Comment an peut femer U divifion parmi les révoltés.
Ces perfonnes affidées dont nous parlons doivent
tâcher defemer des défiances & des divifions entre
les hommes & les chefs de différent métier, & des
diverfes rues, paroiffes & confrairies qui forment,
le corps des révoltés , afin qu’en détachant quelqu’une
de ces communautés, vous en renforciez
votre parti, en affoibliffant.celui des rebelles.
En 1647, ua des foulèvements du peuple de
Païenne finit par la divifion qui fe mit entre les
pêcheurs & les gens des autres profeffions. Cette,
divifion fut adroitement femée par la nobleffe , &
en particulier par un gentilhomme de la maifon de
Branciforte, qui, ayant rendu Jofeph Alexio fuf-
peél, attira au parti du roi ces pêcheurs, dont la
nobleffe fe fervit pour faite prifonnier Alexio &
les principaux auteurs de cès troubles.
Pour mieux réuffir . vos troupes doivent plus ^
épargner les terres & les maifons de quelques
communautés^ que celles des autres. Dans les conversations
, donnez à entendre que vous êtes beaucoup
moins irrité contre ces premiers ; alléguez de
fpécieux motifs pour faire voir que leur crime eff
pardonnable ; & quand vous ne réuffirez'pas par-là
a infpirer de la défiance contre ces communautés ,
il eft à croire que ces corps ou ces particuliers que
vous diftinguez, feront fenfibtes à cette forte de
bon traitement, & que leur reconnoiffance les portera
à fe foumettre. Les exemples de Sifebute , de
Craco & d'Alexandre, que j’ai rapportés en traitant
des premières démarches d’un général , en
font une preuve, a Si vous voulez, dit Beyerlincfc,
répandre la diffention & le foupçon parmi les
chefs de l’armée ennemie , quand vous ravagerez
les champs des ennemis , épargnez non feulement
les leurs, mais donnez-leur encore des marques
d’amitié par des lettres, ou de quelque autre manière
». . . . ... , 1
Si la nobleffe commence la révolte,tachez d’abord
de mettre le peuple dans votre parti ; fie
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faîtes eh fofte de gagner la nobleffe , fi le peupte
fomente la fêdition.
.Le peuple de Naples ayant exeité une révolte,
Philippe IV , roi d Efpagne , mit touts fes foins à
retenir dans fon parti la nobleffe , qui lui rendit
des fervices confidérables contre les rebelles.
Il eft aifé de féparer le peuple de la nobleffe,
par rapport à l’eppofition qu’il y a entre leurs intérêts
8c leur génie. La nobleffe veut toujours primer
8c commander. Le peuple, las de toujours
obéir, tire de fa fervitude un motif d inimitié, 8c
s’ennuie d’être fournis parla qualité de la nailîance
à ceux qu’il pourroit aflujettir par le nombre. D ailleurs,
la jaloufie , toujours hardie , ne craint pas
de regarder comme ennemis tours ceux qu elle re-
connoît pour fupérieurs ; 8c les riches , ordinairement
orgueilleux , irritent encore plus par leur
façon d’agir , que par leurs richeffes. C ’eft S. Thomas
qui m’a fourni cette réflexion ; 8c les livres
facrés nous apprennent, que 1 humilité eft une
abomination pour le luperbe , & que le.pauvre eft
. l’exécration du riche ».
Si la nobleffe & le peuple entrent également
dans la révolte, je penie qu il eft plus aile d infpirer.
de la défiance au peuple » parce qu il eft plus
ignorant & plus. fufceptible\d impreflion que la
nobleffe, qui a plus d’habileté pour découvrir l’artifice
8c plus de confiance pour fupporter la perte.
Ainfi< lorfque vous ruinerez les biens dés rebelles
, que ce foient ceux des plus avares, des
plus turbulents , 8c dont on fe défie le plus , en
épargnant les biens de ceux avec qui on peut foup-
çonner que vous êtes en intelligence.
Coriolan voulant défunir le peuple 8c la nobleffe
de Rome, épargna les biens des patriciens.,
8c ne ravagea que ceux que le peuple avoir aux
environs de cette capitale.
11 me paroît que la manière la plus fure pour dt*
vifer le peuple 8c la nobleffe , eft d’offrir aux roturiers
la propriété des biens pour lefquels ils
payoient une rente aux nobles, 8c de diminuer les
exemptions 8c les prérogatives que la nobleffe
avoir fur eux. De cette forte , le peuple cachant
fon avarice fous le voile de la fidélité, fera fa
caufe propre de celle du prince.
Gùftave I..dr , roi de Suède , ne pouvant plus
compter fur là fidélité du clergé de fon royaume,
fe foutint fur le trône par la faveur du peuple »
dont il gagna l’affeflion- par des édits qui élevoiem
le peuple fur les ruines du clergé , qui s erait
prefque déjà déclaré ennemi de Guflave. Cette politique
ne doit pas être imitée dans le cas injune
où ee prince la mit en ufa'ge.
Je fuppofe que vous ne promettez au peupleras
biens de ces nobles que lorfqu’ils auront, par une
révolte ineonteftable, 'donné au fife un droit clair
de les confifquer, &un légitime pouvoir au prince
d’en difpofer à fa volonté; ,
Je fuppofe encore que vous ne mettrez cet expédient
en ufage qu’après avoir éprouvé inutilement
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les autres moyens qui pouvoient faire ren*
„et la nobleffe foulevée dans fon devo.r , parce
que ce feroit fermer, par-là les voies a toutaccom-
11 Ouelqu’un ayant confeillé au marquis de Saint-
PkiUppe, envoyé du roi d’Efpagne à Cènes, de
oropofer à fa majefté catholique un parti facile a
nrendre avantageux & honorable , mais violent,
ce fa«e miniftre répondit qu’il y avoit toujours
iffezSe temps pour prendre une extrême reiolu-
tiori , & que le coup de la mort^ ne devoit le
donner que dans la dernière néceffité. '
. Les différents moyens que je propote ailleurs
pour faire rtaître des divifions entre les princes
d’une ligue ennemie , & pour pouvoir , par des
intelligences , attirer an parti de votre prince les
fuiets d’un autre fouverain , qui, par une injufte
guerre, détruit leur religion & leurs biens , peuvent
auffi convenir à là matière dont je traite.
On peut inférer de ce qu’e je viens de dire.,- que
vous ne fauriez avoir trop d'attention a ne pas
vous laiffer furprendre par-les artifices que les
ennemis peuvent mettre en ufage pour vous donner
du foupçon & de la défiance' de“quelques peuplés
on de quelques particuliers , q u i, dans une
province foulevée , fe confervent fidelles a votre
prince; je fai fort.bien que l’exemple fuivant le-
toit d’une dangereufe conféquence dans la pratique,
parce qu’il n’efi pas permis de tetidre_ un
piège à l’innocence ; mais comme on connoir le
mal par le remède qu’on y applique, je ne-le rapporte
que pour fervir de précaution.
Annibal voyoir à regret en Italie trop de bravoure
& trop de bonne conduite dans Q. Fabius ■,
fon compétiteur , qui commandoit 1 armee Romaine
,8c qui, le premier, fufpendit le cours des
vi&oires d’Annibal ; pour reuftir à faire oter le
commandement à Fabius , Annibal fit ruiner tout
le pays jufqu’où fes partis pouvoient venir, à la
réferve des biens qui appartenoient à Fabius. Le
fénat Romain en ayant conçu du foupçon , ©ta le
commandement à Fabius , 8c envoya en fa place
Paul Emile 8c Térence Varron, qui donnèrent
moins d’inquiétude à Annibal, 8c qui furent défaits
peu après dans la bataille de Cannes. L in-
jtiftice d’Annibal ne demeura pas impunie : car les
ambaffadeurs Romains qui étoient à la cour d An-
tiochus , donnèrent de la défiance ce prince
contre Annibal. Craignant d’être livre à fes ennemis
, il paffa à la cour de Perfe', où ne fe croyant
pas encore en fureté, il fe donna la mort par le
poifon, pour ne pas tomber entre les mains des
Romains.
Des emplois qu!il faut donner à la nobleffe qui , dans
une révolte , fuit ouvertement le parti du prince.
Comme les plus qualifiés d’un pays qui y ex-
citent une révolte en trouvent d’autres d un meme
rang qui s’oppofent volontairement à leur deffein ,
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foit par fidéKté à leur prince, foit dans la vue de
profiter de cette occafion pour fatisfaire certaine
inimitié qu’il y a entre les familles des provinces,
fervez*vous de ces compétiteurs des rebelles, &
confiez-leur le commandement des habitants affectionnés
à votre prince , 8c même quelques petites
troupes, pour les encourager , pour leur apprendre
la dtfcipline 8c les foutenir ; par-là vous ferez voir
aux peuples que cette nobleffe embraffe avec zèle
le,parti de votre fouverain; 8c celle-ci, jaloufe
du pouvoir que quelques autres tâchent d.e s acquérir.,
cherchera touts les moyens de détruire le
parti contraire.
C ’eft fur-tout dans les dernières guerres contre
la France, que nos généraux ont éprouvé combien
le fervice des Miquelets étoit utile, puifqu’on
donnoità Trincherie , leur che f, des détachements
de troupes , qui, fe joignant aux payfans , leur apprennent
à. fervir avec plus de valeur 8c de dif-
cipline.
Dans les guerres civiles on croit ordinairement,
dit Fracheta , que celui qui a plus de nobleffe dans
fon parti , a la meilleure caufe. C ’eft pour cela
qu’Augufte marchant contre Marc Antoine , mena
avec lui lès principaux chevaliers & fénateurs Romains.
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Julius Florus ayant foulevé une partie du pays
contre l’empereur Tibère , le général des Romains,
pour détruire ce parti, fe fervit de Julius Indus ,
compatriote 8c ennemi particulier de Florus , étant
I bien perfuadé que cette inimitié lui feroit faire de
publiants efforts contre Florus , qu’il défit avec
un détachement de troupes que les Romains lui
avoient confié. . ■ , 'M
Si les révoltés s’obftinent à défendre de petits
poftes à la dernière extrémité , 8c vous font perdre
ainfi un temps dont vous auriez befoin pour de
plus grandes entreprifes , il faut en faire un^ rigoureux
exemple , afin que dans la fuite la même
chofe n’arrive plus , parce que ce feroit perdre
de précieux jours, 8c occuper une armée contre
quatre vieux châteaux , plus propres peut-être à en
faire des colombiers ; 8c c’eft pour cela que j’ai
déjà confeillé de démolir ces poftes.
Le nuréehal de Montluc rapporte qu’étant nouvellement
arrivé dans le Bearn , ou il commandoit
les troupes de Charles IX , roi de France , ij prit
d’affaut Rabaftiens, 8c fit paffer au fil de,l’épée les
foldats 8c tours les habitants , afin que ce fànglant
. exemple apprît aux autres peuples qu il avoit ordre
de conquérir dans ce même pays ,. à quel traitement
iis dévoient s’attendre , s’ils réfiftoient avec
obftination.
Cæfar fit couper les mains a touts les rebelles
qui, à Cadenac , lui firent une réfiftance obftinée.
Le maréchal de Theffé fit pendre le gouverneur
du château de Miravet , dont les rebelles qui le
défendoient, lui. firent perdre , par leur réfiftance ,
un temps qu’il vouloit employer à de plus grandes
entreprises*