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Tiers , ces teflères parvinflent aux tribuns avant la
nuit ; lorfqu’elles étoient toutes revenues, le tribun
étoit certain que le mot & les ordres avoient
pafles dans toute l’armée. Si quelqu’une manquoit,
il en cherchoit auflitôt la caufe ; l’infcription qui
diftinguoit chaque teffère lui apprenoit celle qui
n’avoit point été rendue , & celui qu’il trouvoit en
faute étoit puni fuivant l’exigence du cas. Lorfqu’il
étoit néceflaire de donner pendant la nuit de nouveaux
ordres , on faifoit pafler de nouvelles tef-
fères. Appian. Bell. Hifpan. c. 36 , ad fin. ).
Police du camp.
Le camp étant marqué , les tribuns alTembloieot
touts les hommes de chaque légion , tant libres
qu’efclaves , & leur faifoit jurer de ne rien dérober
dans le camp , de rapporter aux tribuns les effets perdus
quils pourraient trouver ; tel étoit ce ferment au
temps de Polybe. Plus anciennement les foldats le
prêtoient lors df la levée & de l’enrôlement; voici
quelle en étoit la formule vers le temps de Cinéïus
Alimentus , qui vivoit environ cinquante ans avant
Polybe ; elle eft rapportée par Aulugelle , qui l’a-
voit extraite des livres de Cinéïus fur l'Art mili-
taire.u. Pendant la magiftrature du conful C. Loe-
lius, fils de Caïus , & du conful L. Cornélius, fils
de Publius, tu ne feras dans l’armée & à. dix
milles aux environs , ni feul ni avec plufieurs , aucun
vol excédant un fefterce , ( 3 f. 11 yV d. ) ; &
fi tu y trouves ou ramaffe quelque chofe qui ne
t’appartienne pas & qui vaille plus d’un fefterce ,
excepté une hafte, une hampe, du bois , un fruit,
du fourrage, un outre, un fac , un flambeau, tu
le porteras au conful C. Loelius , fils de C. ou au
conful L. Cornélius, fils de P. fuivant qu’il fera
prefcrit ; ou tu déclarera dans l’efpace de trois
jours, fans fraude, tout ce que tu auras trouvé ou
ramafle , ou tu le rendras à celui auquel tu croiras
qu’il appartient, fuivant que tu jugeras convenable
de le faire ». ( Aul. Gell. I. X V I , c. 4. De R. 563 ,
av. J. C. 190 ). |
On faifoit aufli jurer aux foldats , lorfqu’ils s’af-
fembloient dans le camp pour la première expédition
, de ne détourner aucune portion du butin , &
de le conferver entier fuivant le ferment.
Deux manipules des triaires & des haftats de
chaque légion étoient chargés de balayer & d’ar-
rofer le terrein qui étoit devant les tentes des tribuns
, parce que c’étoit dans cette rue que la plupart
des foldats fe tenoient prefque tout le jour ;
les dix huit autres manipules étoient répartis par
la voie du fort entre les fix tribuns, chacun d’eux
en avoit trois qui remplifloient auprès de lui les
fondions fuivantes : lorfque le camp étoit marqué,
ils tendoient fa tente, applanifloient le terrein aux
environs , & l’entouroient d’un palis lorfqu’il étoit
néceflaire pour la fureté du bagage ; ils y four-
niffoient deux petites gardes ou fa&ions de nuit,
( <pu?dt3ttM ) , chacune dé quatre hommes. L’une
pofoit une fentînelle devant la tente, & Pautfe;
une fentinelle derrière la tente auprès des chevaux.
Comme chaque tribun avoit trois manipules
, & chaque manipule plus de cent hommes,
non compris les triaires & les vélites, qui ne fai-
foient point cette efpèce de fervice ; il étoit peu
onéreux, puifque le tour de chaque manipule ne
revenoit que touts les quatre jours, & il étoit commode
& honorable pour les tribuns.
Les manipules des triaires en étoient exempts ;
mais chacun d’eux fournifloit touts les jours à la
turme campée derrière lui , une petite garde de
nuit deftinée fur-tout à veiller fur les chevaux , de
crainte qu’en s’embarraflant dans les attaches, ils
ne fe miflent hors de fervice, ou que fe détachant
& fe jettant fur les autres chevaux , ils ne caufaflent
du bruit & du tumulte dans le camp. Touts les manipules
montoient la garde de jour, ( excubice ) ,
tour à tour, à la tente du conful, pour la fureté de
fa perfonne & pour les honneurs dû à fon rang.
Quant aux gardes ou faâions de nuit, le prétoire,
les tentes des tribuns, les turmes avoient
celles dont il vient d’être parlé. De plus, chaque
manipule en fournifloit un àfes tentes, & le général
ordonnoit les autres comme il le jugeoit néceflaire.
Lorfqu’il y avoit des envoyés dans le
camp , on mettoit toujours une faâion de trois
fentinelles à la tente de chacun d’eux, & une de
deux à celle de chaque officier membre du confeil.
Les vélites poftés chaque jour le long des retranchements
garnifloient les faces extérieure^ ; on
en plaçoit dix à chaque porte ; un ferre-file de
chaque manipule conduiloit le foir au tribun les
foldats de fon manipule qui dévoient être mis les
premiers en fentinelle dans chaque faélion. Le tribun
remettoit à chacun d’ eux des tablettes fort petites
ou teflerules , marquées d’ un caractère particulier
, & ils alloient enfuite aux poftes qui leur
étoient aflignés.
Vers l’heure du fouper, touts les trompettes &
baccinateurs raflemblés à la tente du général, don-
noient le fignal pour pofer les poftes & fentinelles
de nuit. ( Polyb. /. X I V , c. 3 j.
Les foldats fàifoient fa&ion avec toutes leurs
armes ; dans la guerre de Macédoine , Paul Emile
introduifit un nouvel ufage, en défendant que les
fentinelles de nuit portaffent leurs boucliers. « Une
fentinelle, difoit-il, ne va point ati combat & n’a
pas befoin de fes armes ; fon devoir eft de veiller,
& lorfqu’elle voit l’ennemi, de fe retirer & donner
l’alarme. Quand le foldat tient fon bouclier
devant lui, il s’appuie fur le pilüm, lorfqu’il fe
trouve las, & pofant la tête fur le bord du bouclier
, il s’endort ; alors il ne peut rien obférver, &
l’ennemi apperçoit de loin l’éclat de fes armes ».
( Liv. I. X L IV , c. t de R. 593 , av. J. C. 158 ).
Ces poftes & fentinelles étoient à l’intérieur du
Icamp ; mais il y en avoit aufli au dehors de jour
& de nuit, tant d’infanterie que de çavalerie, &
d’autant plus nombreufe ,.que l’ennemi étoit moins
él-oîgnè. Avant Paul Emile, celles de cavalerie
palloient le jour entier à leurs poftes , en armes &
les chevaux bridés. Expofés ait foleil brûlant des
jours d’été , les hommes & les chevaux perdoient
leurs forces , & venant à être attaqués par des
troupes fraîches, ils étoient maltraités , quoiqu’elles
fuflent en plus petit nombre. Paul Emile ordonna
qu’on les fît relever à midi par de nouvelles gardes.
Lorfque l’armée féjournoit pendant quelque
temps dans un camp , les fentinelles avaient des
guérites faites de gafon & entourées de paliflades,
au haut dcfquelles étoit une petite ouverture quar-
rée où l’on plaçoit de nuit un flambeau. Elles
avoient aufli des fignaux & des cris , foit pour
avertir de la fin des veilles , foit pour fe tenir mutuellement
éveillées. Quand les Sabins, marchant
de nuit au camp de P. Valérius , à deflein de le fur-
prendre , n’y virent point la lueur des flambeaux
& n’entendirent point les voix des fentinelles, ils
fe flattèrent d’un plein fuccès. Lorfque les Germains
eurent furpris le camp de Cériaftis, les fen-
ti-nelles en rejettèrent la honte fur leur général, en
difant qu’il avoit ordonné le filence, de crainte que
les cris noélurnes n’interrompiflent fon repos, &
que n’entendant ni fignaux ni voix , elles s’étoient
endormies. Dans le camp de Coecina, entouré de
nuit par lés troupes d’Arminius, fières de l’avantage
qu’elles avoient.eu la veille, les feux, dit Tacite
, furent languiflants & les cris interrompus.
(Colomn. Trajan. PL /. 2 ,5 . Q. 78. De R. 249 , av.
J. C. 304. Tacit. Hifi. I. V^p. 362» Jufi. Lipfi. 4®.:
Annal. I , p . 23 ).
Le foin de faire les rondes étoit confié aux cavaliers
; le premier chef de turme dans chaque lé-
ion ordonnoit à un de ces ferre-files de comman-
e r , avant le dîner ; quatre jeunes gens ou tirons
de fa turme pour faire la ronde ; enfuite il aver-
tifloit vers le foir le chef de la turme fuivante de
pourvoir à ce même fervice pour le lendemain.
Celui-ci faifoit le jour fuivant ce que l’autre avoit
fait la v eille, & ainfi des autres.
Lés Romains divifoient la nuit en quatre parties
de trois heures, qu’ils appelloient veilles ; la
première commençoit à la fixième heure après
midi.
Les quatre cavaliers de la première turme commandés
par le ferre-file , ayant tirés les veilles au
fort, fe rendoient chez le tribun , & en recevoient
par écrit l’état des poftes & fentinelles qu’ils
avoient à vifiter ; enfuite ils fe rendoient & ref-
toient au premier manipule des triaires , parce que
le foin/de faire donner le fignal des veilles par la
buccine étoit remis aux centurions de ce manipule
; ils remplifloient alternativement cette fonction,
& mefuroient le temps avec des clepfidres.
Sous Titus , c’étoit la trompette qui donnoit ce
fignal. Au temps de Végèce, (-de J. C. 383 ) , la
trompette aflïgnoit lé commencement, & le cor la
fin des veilles. ( Liv. I. VU y c» 35. Propert. I. IV.
SU. lu i. I. n i . Veget. I. 1 1 1 , c. 8. Jofeph. Bell.
Jud. I. III ,jp . 833. F. ).
L’heure étant venue , celui à qui la première
veille étoit échue fe mettoit en marche , ayant pour
témoins quelques-uns de fes amis ; il vifitoit les
fentinelles dont on a parlé , tant celles du retranchement
& des portes , que des manipules & des
turmes ; lorfqu’il trouvoit éveillés les fentinelles
de la première veille, il recevoit d’eux la tefférule ;
s’il en trouvoit quelqu’un ou abfent ou endormi, il
en prenoità témoin ceux de fes amis qui l’accotn-
pagnoient, & paflbit outre.
Au point du j o u r l e s cavaliers de ronde por-
toient au tribun toutes les tefférules ; s’ il y en avoit
autant qu’il en avoit donné, toutes les fentinelles
avoient été trouvées en ordre. Si on lui en rappor-
toit moins, la marque indiquoit auflitôt quelle étoit
le pofte dans lequel manquoit la teflérule y alors le
centurion du foldat trouvé en faute étoit mandé par
le tribun, & le lui amenoit pour qu’il fut jugé en
préfence du cavalier de ronde; celui c i , lorfque la
fentinelle étoit coupable, le prouvoit auflitôt par
le témoignage de ceux qui l’accompagnoienr, &
ce témoignage étoit néceflaire ; s’il manquoit, la
faute & le châtiment retomboient fur raccufatetir.
Lorfque le délit paroifloit avéré, le tribun aflem-
bloit le confeil, y rapportoit l’affaire, & les juges
prononçoient la Sentence. ( Polyb. c. 3 4, /. VI. Id.
1 )• Sous Valentinien I I , la fonélion des rondes étoit
un emploi particulier , & on nommoit circitores
ceux qui le remplifloient. Sous l’empereur Léon ,
quelques hommes fidelles & (urs étoient chargés de
vifiter les gardes pendant la nuit & d’ordonner le
filence , de forte que nul foldat n’ofa même appeï-
ler fon camarade à haute voix par fon nom. Ce
filence, dit le prince dans fes inftitutions, à fou-
vent fait découvrir & prendre des efpions; & au
contraire, les clameurs ont fouvent caufé de grands
maux. ( Veget. ibid. ).
Ordre des marches.
Les Romains avoient trois fignaux du départ î
au premier, on détendoit & on plioit les bagages ;
il n’étoit permis à qui que ce fût de mettre bas fa
tente , ainfi que de la dreffer, avant que celles du
général & des tribuns füflent tendues ou détendues
; au fécond fignal , on chargeoit ; au troi-
fième , les premières troupes fe mettoient en marche
& toute l’armée en mouvement. ( Polyb. I. VI
c. 38 ).
Le plus fouvent les troupes nommées extraordinaires
avoient l’avant-garde , l’aile droite des alliés
les fuivoient. Les bagages de ces deux troupes
marchoient enfuite; après eux, la première légion
fuivie de fes bagages ; après celle-ci, la fécondé, &
enfuite les bagages avec ceux de l’aile gauche des
alliés qui faifoit l’arrière - garde. Les turmes fuivoient
chacune fa cohorte, ou marchoient fur les
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