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thodes de défenfe. Moins on conçoit un art, moins
on en foupçonne les difficultés. Lorfqu on voit
opérer un artiile, on lé flatté' aifément de tatreaiim-
bien ôt-mème mieux que lu i, & ce îont les plus
fimples & les plus belles produirions des arts qui
paroiffent les plus faciles à égaler.
On continua donc de faire des fyfiemes, & notre
fiècle en a vu naître un affez grand nombre dans
toute l’Europe. Les'uns ont adopte les deten es
obliques , pour fe mieux couvrir ; les autres , les
défenfes perpendiculaires, pour fe mieux détendre,
Vauban avoit pris lé milieu. Ces dernières oetenies
ont été propofées principalement dans un ouviage
intitulé : Nouvelle méthode pour fortifier les places 6 »
pour remédier à la foiblejje des anciennes , par J.
4n t. d'Herbort. Augsbourg 1735- Et un ingénieur
Suédois nommé Stohlfwerd, a fait ufage de cette
tléfenfe ou fortification perpendiculaire dans les
différents fyfiêmes qu’il a publiés à Stockholm en
- .0
Vauban ne publia rien fur fon art ; mais il laiffa
des mémoires fur prefque toutes les places auxquelles
il fit des correaions fur les trente-trois
places neuves qu’il fit conftruire. Le corps royal
du génie poflede ce riche dépôt ; mais il a toujours
cru devoir imiter la fagefle de ce grand homme ,
& ne publier ni fes précieufes obfervations , ni la
méthode qui en réfulte. On a reproche a ce corps
refpeaabledans plufieurs écrits modernes, ion attachement
aux principes de Vauban ; on 1 a blâme
d’avoir adopté excluiivement les modèles de cet
homme célèbre pour la défenfe des places, & pour
fortifier les pofitions des armées , fans avoir jamais
énoncé les motifs de cette préférence; on a
porté Finjuftice jufqn’à les juger fans les avoir entendus
, & on a dit publiquement « qu ils etoient
de froids & ferviles imitateurs de léur maître ,
faute de talents pour fortîr du cercle étroit de leur
imagination ; qu’ils n’ont jamais fu raifonner leur
Objet ; que leur filence & leur imitation démontrent
une coupable & apathique négligence ».
Le corps royal du génie a fupportê patiemment,
durant un demi-fiècle, ces reproches ha fardes &
ces audacieufes inculpations. Satisfait de pofteçier
toutes les découvertes d’un homme dont 1 Europe
admiroit le génie créateur, il les approfondifîoit
dans l’intérieur de fes écoles ; il ne cherchoit point
à faite une parade;orgüèilleufe de fes talents « dés
connoiffances , mais il'les réfervoit polir 1 utilité
particulière de la patrie. Cependant ces clameurs ,
auffi. indifçrètes qu’injuftes, ont été tant de fois
répétées par tant de perfonnes intéreffées par cupidité
& par vanité, qu’il a craint qu elles nm-
fluaffent enfin fur l’opinion publique , fur celle des
militaires les plus diftingués, fur celle même du
gouvernement au préjudice di.reél des interets de
l’état ; & il a crd devoir publier quelques-uns des
principes qui dirigent Vauban dans fes travaux &
qui lejuftifisnt. Pour remplir cet objet, il a tait
imprimer un ouvrage intitulé : Mémoires fur la
SYS
fortification perpendiculaire, par plufieurs officiers du
corps' royal du génie. Paris , 178 6 , Nyon Vains ,
i/z-40. On peut dire , à leur honneur & à la gloire
de celui dont ils prennent la défenfe , que cet Ouvrage
eft le premier & le feul qui renferme fur
l’art de fortifier, ce que l’on peut véritablement I
appeller des principes. Ce font, ainfi que 1 exige
toute fcience phyfico-mathématique, des calculs
fondés fur des faits ,; c’eft une méthode rigoureufe,
employée par Vauban pour comparer exactement
entre eux tours les modèles quelconques de fortification.
Le corps royal du génie a cru devoir fou-
mettre cette efpèce de caufe au jugement de l’académie
royale des fciences , tribunal auffi impartial |
que févère ; & voici un abrégé du compte qu en
ont rendu les commiffaires qu elle a nommes.
« Les mémoires dèpofés dans les bureaux de la
guerre renferment la connoiffance exaéte des détails
des fièges entrepris ou foutenus par les François
depuis plus d’un fiecle. Cette connoiffance
met à portée d’évaluer à très peu près les obfta-
cles qu’oppofent à l’attaque ou la- facilité que
donnent pour la défenfe , les parties d’une fortifi- I
- cation ; & les circonstances particulières des différents
fiègès fourniffent un affez grand nombre de
données, pour que cette méthode puiffe être appliquée
aux différents cas qui fe préfèntent', &
même à ce qu’on appelle des fyfiêmes nouveaux,
parce qu’ils ne diffèrent des anciens que par une I
combinaifon différente des memes moyens de fureté
ou de défenfe. On peut donc, par ce moyen ,
connoître les avantages d’un projet de fortification
, tas comparer avec ceux d’un autre projet,
les balancer avec les dépenfes que l’un & l’autre
exigent, & prononcer entre eux ». ,
n C ’eft par cette méthode que les officiers François
du génie font parvenus, depuis M. de Vau*
ban , à pouvoir , comme lu i , prévoir d avance
- avec affez de certitude la durée d’un liège ; & ce |
fait, qui paroît n’ètre pas coutèfté , doit donner de
cette méthode une idée avantageufe »;
» Il nous paroît donc que cette méthode mérite
- d’être connue ; que fa publication peut être utile
aux progrès d’un art important; que la méthode
en elle-même eft abfolument fondée fur l’expe-
rience & Fobfervation ».
Il eft donc évident que ceci n’eft point un jeu
de l’imagination, comme le font touts \ es fyfiêmes >
& que c’eft très improprement qu’on donne ce
nom aux découvertes de Vauban , comme le donnent
à celle de Newton ceux qui ne la connoiffent
pas. Après avoir porté l’attaque à fa perfeftion par
une longue expérience, Vauban a découvert ce
qui rendoit les places plus ou moins capables de I
refiftance ; après avoir démontré nèceffaire l’exii-
tence d’une force qui rétienne les corps céleftes
dans leurs orbites, Newton a calculé la quantité
de cette force; voilà deux vérités inébranlables,
parce quelles font déduites de calculs rigoureux
fondés fur l’obfervation & l’expérience.
c Parmi
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Parmi la foule des fyfiêmes propofés, MM. les
officiers généraux du corps royal du génie ont
choifi ceux de M. le marquis de Montalemfiert,
pour les foumettre à l’examen , parce qu’ils font
les plus modernes, & « qu’aucun auteur de ce
genre, difent-ils, ne nous avoit prodigués fes préceptes
fi abondamment ni d’un ton plus ferme &
plus décidé, que l ’a fait celui-ci par fon livre en
quatre tomes in-40. ( aujourd’hui en cinq ) fur la
fortification perpendiculaire ».
M. de Monralembert profcrta les fronts baftion-
nés , & ta premier tracé qu’il leur fubftitue , il le
nomme front à tenaille angulaire. C ’eft un grand
fort étoilé, ayant fept fronts , compris dans un
cercle de trois cents cinquante rayons. La même
idée fe trouve dans l’ouvrage Suédois que nous
avons cité plus haut ; mais ce dont on a lieu d’être
furpris , c'eft de voir ic?, à chaque rentrant, après
la profcription générale des baftions, un petit bafi
tion étroit à petites faces & à longs flancs, tels
qu’il y en a aux angles faillants dans le fyfiêmè de
Scheirer, aux rentrants dans Suttinger, ou tels que
les demi-lunes de Rofetti.
Les auteurs des mémoires établiffent leur parallèle
entre un front de trois cents fix toifes de cet
heptagone à tenaille, & le front moderne du décagone
baftionné, comme étant tours deux également
& néceffairement l’objet de l’attaque réglée’
de deux places de même grandeur. Ils fuivent ces
deux attaques jour par jour, félon les progrès que
robl'ervation & l’expétience 'onï prouvé devoir
être faits , en fnppofant l’attaque & la défenfe
également bien conduites; il réfulte du parallèle,'
que le front baftionné foutiendroit trente jours de*
liège, & le front à tenaille angulaire, feize jours.
« Encore , eft-il dit dans 1e mémoire, eftimons-nous
trop la force abfolue de ce dernier front, puifque,
par un grand nombre d’exemples, les connoi fleurs
jugeront aveqjfraifon , qu’un tel chemin couvert
feroit facilement couronné tout entier en deux
nuits au plus de travail, au lieu de trois que nous
y employons ».
MM. du génie ofofisrvent auffi que, foit qu’on
dirige le centre de l’attaque fur une des tenailles
ou petits baftions des rentrants , foir qu’on le place
fur la capitale du redan , le fiège ne fera pas plus
long d’un inftant ; mais qu’il n'en féroit pas. ainfi
du front baftionné moderne. Si Fafliégêant choi-
fiffoit pour centre d’attaque la capitata de la demi-,
luûe, il- faudroit qu’il s’emparât de trois demi-
lunes , au lieu de deux, & qu’il doublât fes traverses,
fes logements St fes pertes en deux rentrants
également périlleux. Ainfi, l’ordonnance
baftionnée dodécagonale a encore l’avantage capital
de reftreindre l’attaque fur un féul baftion de la
tête attaquée. De plus , la force abfolue de trente
jours qu’a ce front, n’eft pas ta maximum de cette
force; qnahd le local permet de difpo.fer plufieurs
de ces fronts fur une ligne droite, lé maximum de
a défenfe va jufqtfà quaranté'jours.
■ Art Militaire. Tome JH.
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1 La fortification ayant pour objet d’obtenir la
plus grande refiftance avec le moins de moyens
poffible, on doit faire entrer les frais de conftruc-
tion dans la comparaison de deux ordonnances ,
afin d’avoir les quantités qui expriment leur valeur
pour la guerre , & par conféquent leurs forces
relatives. Cette quantité pour chaque ordonnance ,
fe trouve en divifant la fomme de fes effets , ( ou
fa force abfolue ) , par la depenfe de fa conftruc-
tion. Par exemple, la force abfolue du front moderne
dodécagonal étant de 30 jours, & fa dé-
penfe 16 , -ff = 1,87 eft l’expreflion dé fa valeur
pour la guerre ; & la force abfolue du front à tenailles
étant 16 jours & fa dépenfe 18 , fa valeur
à la-guerre eft -j-g z=z 0,89 ; c’eft-à dire que la valeur
du front dodécagonal eft à celui du frçnt à tenailles
comme 19 à 9.
Il refte encore.un-élément qui doit entrer dans
le calcul : c’eft le nombre d’hommes nécèffaire
pour la défenfe. L'heptagone à tenailles a cinq baftions
de moins que le dodécagone moderne ; « or ,
cinq baftions de moins , dit Fauteur de ce fyfiéme,
à 600 hommes d’infanterie & 60 de cavalerie par
baftion, fuivant les règles établies par le maréchal
de Vauban , font 3,000 d’infanterie .& 300 de cavalerie
de moins en fuivant .cette méthode » , c’eft-
à-dire , en faifant fept ùonts de 306 toifes chacun ,
au lieu de douze fronts de 180 toifes.
En effet, Vauban preferit ce nombre d’hommes
par baftion, & Fauteur du front.à tenaille offre
ici une économie de quarante pour cent, fur l’important
objet du nombre des hommes & de touts
leurs befoins ; mais Vauban avertit que fa règle eft
générale, qu’il ne faut pas la fuivre à la lettre,
qu’il faut régler le nombre d’hommes fur l’éten-
due à garder , & les approvifionnements fur l’efti-
rnation de la durée du fiège ; o r , un front d’attaque
de -r8b toifes eft à celui de 306 »toifes comme 3 à
5 f ;& >s’il faut , fuivant Vauban , 2,640 hommes
de garde par Jour pour le premier, il en faudra
4,700 pour Fauire, & au lieu du nombre total
7,920 pour le dodécagone, il faudra plus de 14,000
pour l’heptagone à tenailles; ainfi, au lieu déco-
nomifer 40 pour 100 fur le nombre des hommes ,
o.n Faugmenteroit de 85 pour ioo4 MM. les officiers
du génie conviennent que ce raifonnement
qu’ils oppolemà l’auteur de l’heptagoneà tenailles,
n’eft qu'un paralogifnie, comme le lien n’eft qu’un
fophiftne; parce qu’il faut, fuivant le précepte de
Vauban , faire entrer dans le calcul l’élément de la
durée du fiège. « Cependant, ajoutent-ils, cet argument
eft propre à faire voir dans quels écarts on
peut tombera chaque pas, lorfque fion veut donner
des préceptes pour un art dont on ne connoît
pas les bafes n.
L’autenr de l’heptagone à tenailles fe flatte de.le
rendre beaucoup meilleur, en réduifant fon front
de 306 toiles à 86 , & y ajoutant plufieurs ouvrages.
MM. du corps royal du génie l’eftimant d’après
leur méthode, trouvent que dans cet état fa
Û o o o