
wne hifloire générale militaire françoife ? Cette
hifloire , qui commenceroit avec la monarchie,
pourroit etre divifée en fix livres : le premier contiendrait
touts les événements militaires arrivés
depuis la bataille de Tournai en 434 , jufqu’en
1 » époque de l’avénement de Charles V au
trône. Dans le fécond livre, on renfermeroit tout
le temps qui s’eft écoulé depuis 1364 jufqu’à la
•11r rt»^e ^ou‘s ^ en 1515 > Ie troifième iroit
jufquà la mort de Henri III en 1389 ; le quatrième
, qui commenceroit avec le règne brillant
du grand Henri, finiroitavec celui de Louis XIII :
le fiecle de Louis XIV , ce fiède fi fertile en évé-
nements militaires, rempliroit le cinquième livre.
Te fixième & dernier , conduiroit jufqu’à l’année
ou 1 ouvrage feroit terminé.
La première de ces fix époques "renferme un
nombre d’années beaucoup plus confidérable que
les autres, parce que ces temps reculés font environnés
d’une nuit épaiffe, & parce qu’on ne I
lavoit alors que fondre fur l’ennemi avec impé-
tuofité , fe battre fans ordre , & laiffer à la fortune
le foin de décider de l’événement.
Si la fécondé époque eft infiniment moins longue
que la première , c’eft parce que l’obfcurité fe
difliDe , & parce qu’on eft arrivé à ces temps
illuftres par la chevalerie & immorralifés par les
du Guefclin , les Dunois , les Richemont, les la
H ire , &c.
_ La rivalité de Charles-Quint &^le François Ier,
les batailles de Marignan , de P a to l, & de Saint-
Quentin , nos guerres , dont la religion étoit le
prétexte & les pallions des grands Je mobile , font
les objets qui nous ont engagés à né donner que
ioixante - quatorze ans de durée à la troifième
époque.
Comme les auteurs de cette hifloire s’arrêteront
lans doute avec complaifance fur le règne de
Henri-le-Grand ; comme ils fe plairont à parler I
des vertus militaires de ce prince , de fon aélivité, J
de fa vigilance & de fon humanité ; comme ils
voudront le fuivre pas à pas dans toutes fes conquêtes,
la moitié du quatrième livre fuffira à peine
à ces objets, le relie fera delliné aux campagnes
de Richelieu, de Rohan, & à touts les grands
évènements militaires qui ont préparé le fiécle de
Louis XIV,
Le règne de Louis-le-Grand auroit abfolument
pu remplir deux livres: la mort de Turenne auroit
naturellement terminé le premier ; mais de-
vroit-on divifer un règne qui fait époque dans
l’Europe entière ? C ’eft dans ce règne long &
brillant que l’on verra l ’art de l’attaque & de la
défenfe des places, croître & s’agrandir entre les
mains du célèbre Vauban ; le génie.maîtrifer la fortune
, & les armées françoifes enchaîner la vi&oire
toutes les fois qu’elles font conduites par des généraux
habiles.
La fixième & dernière époque, fera une des plus
intéreffantes & des plus inftruàives; les auteurs f
pourront vérifier les rapports des divers hiftoriens i
comparer les defcriptions que les écrivains auront
données avec les endroits qu’ils auront décrits , 8c
confulrer enfin fur chaque fait une foule de témoins
oculaires ; cette époque fera celle dont le gouvernement
tirera le^plus d’avantages, que la nation
lira avec le plus de plaifir, 8c que militaire con-
fultera avec le plus de fruit. Quel grand nombre
d’écueils l’auteur n’aura-t-il pas à éviter? De combien
de force & d’adreffe n’aura-t-il pas befoin
pour préfenter toujours l’augufte vérité , pour
qu’on lui pardonne de l’avoir montrée, & qu’on
: ne la confonde jamais avec la baffe flatterie oh la
fatire mordante ?
A la fin de chacune de ces époquès, & plus
fouvent même fi les circonftances l’exigent, on
fera connoître le nombre de troupes que la nation
avoit fur pied , pendant la paix & pendant la
guerre ; la manière dont ces troupes éioient levées
, formées, ordonnées, payées , nourries, vêtues
, logées , guerries , inftruites . exercées , &c. ;
on donnera une idée des loix militaires auxquelles
ces mêmes troupes étoient foumifes ; on parlera
de leurs armes de main , de leurs armes mécaniques
& de leurs armes défenfive*. ; on s’occupera
de leur manière d’attaquer 8c de défendre les
places , de marcher, de camper & de combattre;
on y joindra , autant qu’on le pourra, un récit détaillé
des marches , des évolutions, des campements
8c des batailles ; on remarquera quels effets
ont opéré fur le deftin des combats la fupériorité
de la conflitution , de la difcipline , de la formation
, de l’inftru&ion & de l'efprit des troupes ; on
cherchera quelle a été l’influence des moeurs des
guerriers fur les événements militaires & fur les
moeurs de la nation. O11 fera connoître touts les
générauxvpar leurs allions à la guerre &par des
traiis caraélériftiques de leur vie privée. On recueillera
les faits héroïques des officiers fubalternes
& des fimples foldats ; on rapportera les mots fu-
blimes ou heureux des uns 8c des autres ; on donnera
une analife fuccinte, mais claire, des ouvrages
fur l’art militaire qui auront vu le jour pendant la
durée de chacune des fix époques. Dans les dernières
on parlera de la conflitution des troupes de
nos ennemis & de leur armement ; on fera connoître
les qualités 8ç les vices de leurs généraux ;
ainfi on mettra le leéleur à portée de prendre une
idée jufle pii rapport de ces différents objets , avec
le bonheur & la gloire des peuples. On offrira à la
fin de chaque volume un réfumé des principes ,
des maximes 8c des préceptes militaires , que les
faits qu’il contiendra auront naturellement infpi-
rés , ainfi on laifféra au leéleur déjà inflruit, &
qui aime à réfléchir , le plaifir de tirer lui-même
une moralité de chaque événement, 8c on facilitera
cependant aux jeunes guerriers le moyen d’arriver
fans peine au même réfultat.
Si nous avions les premiers parlé de la néceffité
de faire compofer une hifloire particulière pour
chacune des principales claffes de la nation, nous ,
répondrions d’avance à quelques objeélions qu’on
pourroit nous faire ; mais des favants du plus
grand mérite l’ont démontrée avant nous : ils ont
avancé qu’il étoit impoffible qu’une même per-
fonne eût affez de eonnoiffance pour parler dignement
de la religion , du gouvernement, de la politique
, des moeurs , des ufages , du commerce ,
des fciences & des arts ; ils ont d it, avec raifon ,
que fi chaque hiftorien écrivoit fur les objets qu’il
connoîtroit le mieux , il pourroit facilement en
montrer les commencements , les progrès 8c la
décadence ; ils ont prouvé enfin que le moyen
que nous venons de propofer , eft le feul capable
de procurer à une nation plufieurs hifloires éga
lement curieufes , 8c toutes propres à donner à
chaque citoyen les connoiffances néceffaires au
rang où le fort l’a placé.
Nous avons en France un corps militaire connu
ious le nom d'état major de l’armée ; ce corps ,
compofé d’officiers inftruits 8c laborieux, eft peut-
être le feul qui puiffe entreprendre Yhiftoire militaire
françoife; les membres de ce corps ont été
élevés au milieu de nos armées ; ils ne perdent jamais
les troupes de vue , beaucoup ont acquis
des grandes connoiffances fur l’art militaire , le
refte travaille fans ceffe à s’en procurer ; ils pof-
fèdent l ’art de faire des reconnoiffances militaires
& celui de lever des plans; pendant la guerre ils
voyent tout ce qu’il eft important de tranfmertre à
la poftérité, 8c pendant la paix leurs devoirs font
relatifs à la tâche que nous leur impofons ici. Sup-
pofons donc que le miniftère leur confie le foin
d'élever le monument hiftorique qui nous eft fi
néceffaire , nous les verrons deux à deux parcourir
depuis le mois de mai jufqu’à la fin d’oétobre l’intérieur
de la Franco, fes frontières 8c les pays cir?
convoifins. L’un ira d abord vifiter les environs
de Trêves pour parler du fiège qu’en fit Pharamond ;
l'autre les plaines de Tournai, pour nous retracer
la pofition de Clodion ; un troifième cherchera à
deviner comment le même prince s’empara de
C. mbrai ; un quatrième prendra des norions juftes
du fiège d'Orléans par A ’tila ;un cinquième , après
avoir parcouru les plaines de Soiflons , (aura com
ment Clovis vainquit Syagrius , &c. En raffem-
felant des matériaux pour l'hifloire de ees temps
éloignes , ils en recueilleront encore pour celle
des temps modernes ; ainfi ils n’auront pas befoin
de revoir Tournai pour décrire le fiège qu’en fit
Louis XV ; O’léans pour celui que Jeanne d'Arc
fit lever, &c. Vers la fin de l’automne ces différents
détachements , chargés d’un riche butin , fe
réuniront à Paris ; ils remettront ce qu’ils auront
recueillis entre les mains de quelques membres de
leurs corps exercés dans l’arr d’écrire , 8c bientôt
le premier tome de Yhifloire militaire françoife pa-
roitra. Si les nombreufes occupations du corps
dont je viens de parler ne lui permetroient pas de
ie charger de la rédaction de Y hifloire militaire françoifie
, il ne feroit pas impoffible de trouver dans
l ’armée quelque militaire laborieux qui, employant
avec art les matériaux que l’état-major de l’armée
auroit raffemblés , pourroit, finon le remplacer, du
moins fuppléerà fon défaut.
Cet ouvrage feroit pour nous un art de la guerre
d’autant meilleur, que l’exemple feroit à côté du
précepte , il nous inftruîroit en nous amufant ; il
préfenteroit à nos neveux les exemples les plus
-propres à enflimmer le. r jeune courage ; il leur en-
feigneroit à juger s’ils font doués des qualités fortes,
n?celfaires aux guerriers; il leuroflriroit les traits
des hommes fameux par leur dévouement à la patrie,
& il conferveroit ces traits pour leur gloire
8c pour notre inftruélion.
Quoique nous ayons cherché à faire entrer dans
ce plan d’une hifloire militaire françoife touts les
objets que nous avons cru néceffaires aux gens de
guerre, nous ne prétendons pas qu’il foit parfait,
quil foit même le meilleur; nous faifonsdonc des
voeux pour voir quelque militaire favant ©ù en
tracer un moins imparfait, où ajouter à celui-ci ce
que nous pouvons avoir omis, où faire une diftri-
bution nouvelle, fi l’ordre que nous avons affigné
n’eft pas bon. Puiffions-nous , fur-tout, apprendre
qu’on s’occupe à élever cet édifice fi néceffaire ;
puiffions-nous le voir parvenu à fa perfeélion avant
que l’âge nous ait mis dans l’impoffibilité de le
parcourir 8c de profiter de tout ce qu’il renfermera
d’utile & d’agréable ! Nous nous eftimerions heureux
, fi nous pouvions nous rendre le témoignage
que nous avons contribué en quelque chofe à fon
exécution , car nous aurions rendu un fervice
fignalé & à notre pays 8c aux militaires qui, après
nous , fe dévoueront à fon fervice. ( C )
HOMME D ’ARMES. C ’étoit dans l’ancienne
gendarmerie un gentilhomme qui combattoit à
cheval, armé de toutes pièces , cataphraElus eques.
Chaque homme d'armes avoit avec lui cinq per-
fonnes; fçavoir, trois archers 9 un couùllur ou un
écuyer , ainfi appelle d’une efpèce de couteau ou
baïonnette, qu’il portoir au côté , & un page ou
varlet. Charles V i t , ayant réduit la nobleffe françoife
en corps réglé de cavalerie , en compofa
quinze compagnies , chacune de cent hommes
d'armes , appellées compagnies d*ordonnance ; 8c
comme chaque homme d’armes avoit cinq autres
hommes à fa fuite, chaque compagnie fe trouvoît
de fix cents hommes,& les quinze enfemble fai-
foient neuf mille chevaux. Il y avoit, outre cela ,
une grande quantité de volontaires qui fuiroient
ces compagnies à leurs dépens, dans l’efpérance
d’y avoir , avec le temps, une place de gendarme.
Le nombre d’hommes qui étoit attaché à Yhommo
d armes , ou qui compofoient la lance fournie ,
comme on parloit alors, n’a pas toujours été le
même. Louis X I I , dans une ordonnance du 7
juillet 1498 , met fept hommes pour une lance
fournie ; François Ier huit, félon une autre ordon-
, nance du 28 juin de l’an j 52C Les archers de ces