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feront mêlés, & chacun de ces partis prendra le
rang qu’il doit garder, foit pour attaquer , foit pour
donner une alarme de diverfion. Il faut auffi que
les voitures reftent dans cet endroit avec une ef-
corte de cavalerie. _ _ t
Je dis que ce doit être à une demi-lieue loin ,
patee qu’il n’eft pas poffible que dans cette répartition
il ne fe fafle du bruit q u i, de plus près ,
pourroit être entendu par les gardes avancées ou
par les patrouilles de la place. De cet endroit juf-
qu’au polie qu’on va furprendre, il faut marcher
avec tout le lilence poffible ; la cavalerie , qui fait
toujours du bruit, doit marcher à une certaine
diflance de l’arrière garde, à l’exception des partis
qui doivent fervir pour faire diverfion ; les partis
ne doivent même devancer que très peu , par la
raifon que' Melzo en a donné plus haut. Les partis
deflinés à faire diverfion prendront un détour convenable
, pour ne pas donner l’alarme avant le
temps à la place que vous devez invertir.
Lorfque les fentinelles ennemies crient de toute
leur force à vos troupes alte-là, elles doivent fe
dire troupes du prince qui eft maître de la place ,
fuppofer qu’un détachement les pourfuit, & répondre
en la langue des ennemis qu’elles approchent
pour fe mettre à couvert fous les murailles
de la place ; dans ces derniers moments , chaque
inftant qu’on tarde de donner l’alarme vous épargne
beaucoup de vies ; car il ne fe paffe pas bien
du temps depuis que les fentinelles crient jufqu*à
ce que vos premières troupes efcaladant la muraille
» empêchent les ennemis d’avancer & de
pouvoir faire des décharges de fufils & de canons
l'ur le relie des affaillants.
De ce qiion doit faire quand les ennemis fe défendent
dans la place furprife.
S i , dans la ville qui a été furprife, il y a quelque
vieux château fans garnifon , ou quelque autre
édifice fort par de petits remparts, ou par des parapets
qui l’environnent, il faut d’abord tâcher de
s’ en rendre maître , li vous croyez ne pouvoir pas
vous maintenir allez de temps dans la ville pour
prendre par famine les ennemis qui pourroient s’y
retirer ; faites attention à l’exemple luivant.
En 1708 le régiment de Louvigni fe trouvoit de
quartier à Bénavarre , dont les officiers, qui n’a-
voient pas encore eu le temps de reconnoître la
ville ni le pays, ne mirent point de garde à un
vieux château qui étoit à l’entrée de ce lieu ; les
ennemis fe faifirent en filence de ce château, &
attaquèrent la ville avec grand bruit. Les foldats
de Louvigni fortant des maifons de leurs hâtes ,
alloient pour fe réfugier dans ce château , & à me*
fure qu’ils arrivoient, ils étoient faits prifonniers.
C e régiment fut ainli perdu par la précaution que
Frédéric Shover, commandant Allemand , eut de
fe faifir d’un porte qui pouvoit fervir de retraite
au régiment de Louvigni , en attendant que les
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troupes du quartier de Graus, éloigné de trois
ou quatre lieues , yinfient à fon fecours.
Je fais voir , en parlant des fièges , c^ que peuvent
faire vos troupes qui entrent dans un lieu où
il y a une citadelle, foit que vous ayez deflein de
la furprendre en même-temps que vous donnez
l’affaut à la place, foir que vous prétendiez l’attaquer
enfuite ou la bloquer. Çornrne je fuppofe
alors une armée entière qui foutient les affié-
geants , je n’y traite pas des précautions à prendre
contre des afliégés qui fe rallient. J’avertis donc
ici que fi en proportion des troupes que vous employez
dans la furprife , les ennemis en ont fuf-
fifamment pour que , remis de leur première
frayeur, ils ofent attaquer les vôtres quand elles
fe feront débandées pour le pillage , vous devez
dertiner un gros détachement qui empêche la garnifon
de fe joindre à celle de la citadelle ; ou ii la
garnifon de la citadelle a déjà été renforcée par
celle delà place , votre détachement doit fe retrancher
pour éviter qu’elle ne fafle des forties.
Dorimaque, capitaine des Etoliens, furprit la
ville d’Egire ; mais plufieurs des habitants s’étant
retirés dans la citadelle , firent une fortie contre
les Etoliens , 8c les chaflerent de la place.
Contre les enfilades de la citadelle , il fuffira d’élever
dans les rues qui doivent vous fervir de fréquents
partages , quelques épaulements avec des
coffres & des tonneaux remplis de chiffons , ou de
la laine des matelas que vous trouvez dans les
maifons.
En traitant des difpofitions avant une bataille
je parle des ordres que vous devez donner par
avance, pour éviter que vos foldats ne commencent
le pillage avant le temps. J’établis, dans le
même endroit, qu’il eft néceflaire de faire précéder
un fignal au pillage ; ce fignal peut être, dans
une place furprife, un drapeau d’une telle couleur,
pofé fur une telle tour, ou le fon des cloches d’un
clocher défigné ; mais de peur que les foldats , par
l’avidité de piller, ne devancent le fignal, vous
mettrez dans la tour & dans le clocher des gardes
avec des officiers, qui ne permettront pas qu’on
fonne les cloches ou qu’on arbore l’étendart fans
un ordre figné de votre main , que vous n’eXpé-
dierez qu’après avoir commandé que la moitié de
chaque bataillon, ou de chaque compagnie, ou
de chaque petite troupe reliera fous les armes,
pour être prête contre tout ce qui pourroit fur-
venir.
Scipion l’Africain défendit à fes troupes de commencer
le pillage de la place de Carthagène , qui
avoit été furprife, avant qu’on leur en donnât le
ijgnal. Polybe, qui le rapporte, dit que la coutume
des Roumains étoit de tenir toujours la moitié
des troupes rangées en bataille, tandis qu’ils
détachoient l’autre pour le pillage.
Comme je parle ailleurs des mefures à prendre
par avance pour la jufte répartition du butin , des
ordres pour empêcher que les troupes deftinées à
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être fous les armes ne fe débandent pour courir
au pillage, 8c de la punition exemplaire qu’il ne
faut pas différer contre ceux qui commencent le
pillage avant que la permiffion en ait été donnée,
j’y renvoie mon leéleur.
On ne doit pas piller un lieu qu’on veutconfer-
yer ; en ce cas défendez abfolument le pillage aux
troupes; mais alors faites-leur efpérer une autre
forte de récompenfe.
Avant que le temps du pillage arrive , la réfiftance
des ennemis fera peut-être qu’il fe paffera
quelques heures depuis que vos troupes auront
franchi la muraille jufqu’à ce que vous vous foyez
entièrement rendu maître de la place ; examinons
la manière de vaincre toutes fortes de réfiftance
que les ennemis peuvent oppofer.
Si les ennemis fe défendent dans une rue & fi
leur feu vient des maifons , il faut que vos troupes
marchent fur deux files ; que celle de la droite tire
contre les fenêtres des maifons du côté gauche ; 8c
celle de la gauche contre les fenêtres du côté
droit. S’il fe rencontre des piliers de portiques ,
quelque petit mur qui environne un bâtiment, ou
quelque muraille de jardin où il foit facile de faire
des meurtrières , poftez-y quelques bons tireurs
qui puiffent diminuer le feu des ennemis jufqu’à
ce que votre arrière-garde ait franchi ce partage.
Le meilleur feroit d’éviter cette rue , fi vous en
trouvez d’autres qui ne foient pas défendues , fur-
tout fi les ennemis tirent auffi fur vous à travers
des meurtrières ; car alors le feu que vous ferez
fur eux n’empêchera pas le leur.
Lorfqu’il y a une obftination générale de tirer
fur vous de toutes les maifons, il n’en eft point
qui ne vous coûtç un affaut, 8c vous perdez plus
de monde feulement par les pierres, les outils &
les autres poids que les ennemis, fans paroître ,
jetteront de leurs terraffes ou de leurs fenêtres,
que vous n’en perdez à franchir les portes pu la
muraille ; ainfi que les troupes du roi d’Efpagne
l’ont éprouvé en ce fiècle à Villa-Réal, dans le
royaume de Valence.
Diodore parlant des Thébains, qui avoient déjà
furpris la ville de Platée, 8c mis en déroute ceux
des défenfeurs qui fe préfentèrent dans les rues,
dit qu’à la fin les femmes 8c les enfants qui étoient
dans les maifons jettèrent par les fenêtres tant de
pierres , de briques ,8c de tuiles, que les Thébains
furent contraints de prendre la fuite.
Dans ce c a s , quelques-uns veulent que vos
troupes entrent dans les premières maifons, 8c
que faifant ouverture aux murailles contiguës ,
elles pénétrent fucceffivement dans les maifons
qui touchent, pour éviter le ravage auquel elles
feroient expofées en marchant dans les rues, fur-
tout dans celles qui font enfilées par quelque château
ou quelque fort édifice détaché.
Les Portugais en ufèrent ainfi dans la prife de
yilla-Nova dél Frefno.
L’expédient qui vient d’être propofé me paroît
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bon lorfqu’il y a quelque château qui enfile les
rues ; mais fi les maifons fe défendent par elles-
mêmes , chaque appartement coûteroit un affaut ,
8c l’expédition feroit trop longue. Je penfe donc
que le meilleur 8c le plus court, eft de mettre le
feu aux maifons qui font de la réfiftance, afin que
les flammes en chaffent les ennemis.
Ferrucio, commandant d’un corps de troupes
au felvice de la république de Florence, tira un
grand avantage du feu qu’il fit mettre à quelques
maifons de Voterra, dont les habitants foutenoient
opiniâtrement1 l’attaque , 8c qui n’abandonnèrent
les poftes qu’ils défendoient que lorfque les flam-,
mes les eurent forcés d’en fortir.
On doit fe fouvenir qu’il faut mettre le feu du
côté d’où vient le vent, afin que le feu faffe plus
de progrès contre les ennemis, 8c qu’il n’incomr
mode pas vos troupes.
S’il arrive que vous ne puiffiez pas, des autres
maifons, entrer dans l’édifice que les ennemis défendent
, parce que cet édifice eft fort ou ifolé ; 8c
f i , par la même raifon , le feu que vous faites
mettre à différents bâtiments ne peut pas l’incommoder,
voyez s’il vous convient de le bombarder,
de le battre, de le brûler ou de le miner, puifque
le plus mauvais de touts les partis feroit celui de
donner l’aflaut à l’efcalier 8c enfuite à chaque appartement.
Le premier de ces partis fera le plus court 8c
celui qui coûtera le moins , pourvu que vous trouviez
dans la ville furprife des mortiers 8c des bombes
, 8c que l’édifice n’ait pas des voûtes à l ’épreuve
de ces mêmes bombes. C ’eft pour cela que
j ’ai dit que s’il n’y a point d’artillerie dans la place
que vous allez furprendre , vous devez faire porter
fur des charrettes ou fur des mulets quelques
pièces de campagne qui fuffifent contre les murailles
d’une mailon, ou q u i, du moins, caufent
beaucoup de défordre 8c de ravage parmi les
troupes qui la défendent, en tirant dans les fenêtres,
des boulets qui rebondiffent dans les appartements.
Les pièces de campagne fervironr auffi à
battre les portes, afin de pouvoir envoyer miner
ou brûler l’édifice.
Si le premier plancher eft de bois , il n’y a ,
pour le brûler , qu’à y allumer deffous de la paille
8c des fafcines.
Lorfque ce plancher eft une voûte, on la mine
de la manière que je le dis en traitant des fièges ;
fi la voûte fe trouve avoir des meurtrières , votre
mineur peut fe couvrir avec la galerie que j’ai
propofée en faveur de celui qui va attacher le pétard
, ou avec de groffes 8c larges planches appuyées
8c étayées contre la même voûte pour en
boucher les meurtrières.
On fait fauter en très peu de temps une voûte
qui n’eft pas extrêmement forte , par le moyen
d’un pétard appliqué contre la voûte avec des
poutres que vous faites couper d’une mefure proportionnée
à la hauteur de la voûte.
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