
4 5 * . ,KÊV . .... faux ou mdifcret 1 par ignorance ou par interet j
propofent certains expédients qui, a la première
vue , paroiffent avantageux pour le prince , & fe
trouvent fi onéreux pour les iùjets, qu ils font
naître en eux une averfion contre leur fouverain ,
parce que totits n’ont pas la prudence de confidé-
rer que l’injuftice ne difpenfe pas de Infidélité.
Childéric, roi de France, chaflé.du trône par
fes fujets , qui y firent monter Gillon, recouvra
la couronne par le moyen de Guyemans, qui ,
s’étant infinué dans les bonnes grâces de Gillon,
lui perfuadâ de ne pas fe fier aux François , & de
les gouverner avec rigueur. Gillon fuivit ce pernicieux
confeil ; il les traita durement, & les chargea
d’impôts, fans épargner les fnpplices ; ce qui irrita
fi fort les François, qu’ils rappellèrent Childéric.
L’ infame comte dom Julien, pour faire tomber
l’Efpagne'enfre les mains des Maures, confeilla
au roi dom Rodrigue, dont il était le miniftre, de
défarmer les peuples , en lui donnant à entendre
que par-là il auroit moins à craindre une l'édition ,
gc d’envoyer fes vielles troupes fur la frontière de
F ran c e , fous prétexte de la mettre à couvert des
infultes des François. Alors les Maures ne trouvant
plus que des places fans garnifon, des peuples
défarmés, & des fujets qui n’affeélionnoient pas
un prince fi mal confetllé, fe rendirent à peu de
frais les maîtres de l’Efpagne.
Alcami, vifir du calife Mofladen, réufiit par
la même voie , à faire chaffer fon prince du trône,
que lui enleva Olaga ^empereur des Tartares ,
avec qui ce vifir étoit d’intelligence.
Afin qu’un pays ne foit pas mécontent du gouvernement
, on ne doit pas , fans raifon , en mal-,
traiter les particuliers ; il les faut conferver dans
leurs biens, leurs loix, leur religion „ leurs privilèges,
& ne pas les furchàrger d’exceffives contributions.
, , ,
Les coneuffions de Florus , gouverneur de la
Judée peur l’empereur Néron , & les mauvais traitements
qu’il exerça furies peuples qui étoient
fous fes ordres, les portèrent à un foulèvement
qui fut fuivi d’une longue & cruelle guerre entre
les Juifs & les Romains. -,
La révolte de l’Angleterre contre Charles 1er,
vint du mécontentement des Anglois , qui virent,
avec dépit, que le roi s’emparait des bois & des
biens de ceux qui ne repréfentoient pas de titres
pour prouver qu’ils en jouiffoient légitimement,
malgré la longue poffeffion qu’ils alléguoient en
leur faveur. . ■
Antigonus I I I , rot de Macedoine , furnpmme
Dofon , connoiffoit parfaitement1 le danger qu’il y
avoit d’agir contre les anciennes loix , puifque
dans tours les ordres qu’il adreffoit aux magiftrars,
il finiffoit par ces paroles:« fi ce que j ordonne
par ma lettre eft contraire aux lo ix , ne m’obéiffez
pas, & ne l’attribuez qu’à un effet de mon igno-
"L'empereur Caligula voulant faire mettre fa
ftatue dans le temple de Jérufalem^ en envoya
l’ordre à'Pétrone , gouverneur de Syrie. Pétrone,
qui favoir combien chaque peuple le relient des
nouveautés qu’on introduit dans la . religion , répondit
à Caligula : que ce qu’il lui ordonnoit étant
contraire au rite des Juifs, ils pourroient en venir
à une guerre contre les Romains.
Une des caufes du tnmulte qui arriva à Naples
en 1646 > fut que le vice-roi ôta aux Napolitains
certains privilèges que l’empereur Charles V leur
avoit lailïes. ■ ,
Le foulèvement que les Cofaques fufeiterent
prefque en même-temps contre Vladiflas > roi de
Pologne , vint de ce que Komielpoleki, enfeigne
de la couronne , ^voit logé des officiers de fes-
troupes dans la maifon de Bogdan Kemelnicski. *
qui prétendoit avoir le privilège d’exemption de
logement.
Bifaccioni attribue une partie des foulevements
de Naples contre Philippe I V , & de ceux d’Angleterre
contre Charles Ier, aux exceffives contributions
que' ce prince & le vice-roi de Naples
avoient m ifes furî’un & l’autre de ces peuples.
Ces règles , comme toutes les autres , ont leurs
exceptions , puifqu’il faut quelquefois appauvrir
adroitement un fujet qui s’eft trop enrichi, & qui »
par fon ambition & fon orgueilvoudroit fe faire
un chemin à l’infidélité., .
Les circonf^ances du temps obligent allez fou-
vent à faire de nouvelles loix , pour conferver
quelque proportion entre ces mêmes loix & les
coutumes, qui changent par la fucceffion des années.
Il eft au 15 à propos quelquefois de donnes
une nouvelle interprétation aux loix qui font déjà
établies , & de décerner de plus grièves peines
contre les infra&eurs , afin de les mieux faire observ
e r , & détruire les abus qui s’étoient introduits»
On ne doit pas cependant, fans une extrême ne-
ceffité, changer les coutumes,les modes & les loix
d’un pays ; &.lorfqu’on fe trouve, contraint d y
faire quelque changement, on doit chercher 1 expédient
où il y a le moins de rifque à courir.
Les nouveautés en matière de religion peuvent
avoir des fuites funeftes. S’il faut attacher les fujets
à la religion catholique , on doit auffi prendre le
temps convenable lorfqu’on veut l’introduire dans
un pays où régnent les autres fedes.
Dans diverfes occafions où il faut faire des dé-
penfes extraordinaires, par exemple, en temps de
guerre, les impofitions ordinaires ne fuffifent pas
au prince ; on doit alors tâcher de les augmenter
fans indifpofer les fujets.
J’ai dit qu’on ne devoit pas toucher aux anciens
privilèges ; je ferai voir plus bas qu’on ne doit pas
non plus accorder à un pays de trop grande
exemptions.
Il fe peut que certains biens ayent été notoirement
ufurpés au prince , & qu’il veuille les rec^
vrer : il doit alors choifir un temps ou il ne pume
-as craindre ce que nous venons de voir que
Charles I " , roi d’Angleterre, avoit éprouvé.
Des accufations en matière d'état.
Le nombre des faux accufateurs fait croître celui
des fujets infidelles. Un injufte foupçon qu’ un
commandant fait paroître rend fouvent rebelles^
ceux qui auraient été les plus fournis. Le reftenti- *
ment de la mauvaife opinion qu’on a conçue d eux,
ou la crainte de ne pouvoir pas convaincre le
prince de leur innocence, les fera recourir aux
armes pour fe mettre à l’abri dès jugements des
tribunaux & des dépofitions -de leurs ennemis ;
âinfi ne faites jamais paroître de la défiance qu apres
avoir vérifié lé crime & vous être affuré de la per-
fonne du coupable.
Me promenantain foir, il y a fept ans »avec
dom Maurique, capitaine général d’Andaloufie, je
lui demandai de quels moyens il s’étoit fervi pour
éviter , pendant la dernière guerre, qu’on ne; vit
dans ce royaume aucun des troubles qu’avoient
éprouvé divers autres lieux où les Anglois & les
Hollandois n’avoient point de.commerce , ni par
conféquent nulle plus grande oeçafion d y établir
des intelligences ? Il me répondît : en n’ajoutant
jamais foi aux rapports & aux accufations.
Silvain , général de l’armée de Confiance, apprit
que ce prince le foupçonnoit injuftement de
trahifon. Ne fe croyant pas en. fureté contre les
accufations de fes ennemis , il prit la refolution de
faire foulever les troupes , qui le proclamèrent
empereur. L’ambition de dominer ne 1 y détermina
pas ; mais la crainte de la mort , & le dépit fie voir
que la défiance de fon prince étoit la^ récompenfe
de fa fidélité , lui firent prendrë ce parti.
Selon Bonini, un chef des conjurés ne s’adrefte
pas pour l’ordinaire à des hommes capables de révéler
le fecret ; d’où il conclut que n étant pas
poffible d’avoir une preuve complette de la conspiration
, il faut ajouter foi aux fimples avis.
Mécène repréfentoit au contraire à Augufte,
qu’il y avoit un très grand nombre de faux accufateurs
capables d’agir par haine , ou de fe laiffer fu-
bôrner a prix d’argent par quelque ennemi de l’ac-
eufé. Sur ce fondement il confeilloit à Augufte de
né pas ajouter foi aux rapports contre divers particuliers
que fes émiflaires acciifoient d’ambitionner
l’empire, & de vouloir attenter à fa vie.
Dans la dernière guerre des alliés contre les
deux Couronnes , nous avons vu des accufateurs-,
pouffés uniquèment par un motif d’intérêt, dans
l’efpérance que paroiflant zélés auprès des mi-
nîftres pour le fervice du prince, leurs avis, fe-
roîent récompenfés. Je panche infiniment plus
pour le fentiment de Mécène que pour celui de
Bonini ; & quoiqu’en matière importante il ne
faille pas entièrement négliger le moindre avis ,
comme je l’ai déjà prouvé , il ne faut faire éclater
aucune réfolution contre l’honneur 9 les biens ou
la Vie de l’accufé § qu’àprès avoir éclairci la vérité
de fa faute. Il fuffira jufqu’alors de faire adroitement
obferver fes démarches , & de mettre de
bonnes gardes* aux endroits qui. pourroient, être
infultés; « car où eft-ce , s’écrie Jufte-Lipfe après
Ammien, que fe trouvera 1 innocence , fi pouf
être coupable , c’eft a fiez d’être accufé » ? _ .
Punir, fans- obferver les formalités de la lo i ,
’ c’eft expofer la juftice à paffer pour. tyrannie ,
quand même elle feroit accompagnée de quelque
motif fecret de raifon. . \ ' *' . ,
Si les ennemis s’apperçoivent qu’on peut fi aife-
ment féduire votre crédulité , il n’y aura point de
rufe que leur malice ne mette en ufage pour vous
donner de là défiance des plus fidelles fujets, afin
que vous ne vous trouviez environné que de mécontents
& d’infidelles. J’en rapporte ailleurs divers
exemples.
Si vous ne'devez pas entièrement meprifer un
papier d’accufation fans feing qu’on fait tomber
entre vos mains, il faut tout au moins le regarder
comme fufped , parce que le foin que fon auteur
prend de fe cacher eft un indice de la fauflete
qu’il contient. Trajan écrivant à Pline, lui difoit :
u qu’il étoit d’un très pernicieux exemple & contre
les moeurs de fon fièd e, de fonder une accufation
fur des libelles préfentés fans nom d’auteur ». ^
Lorfqu’on découvre un faux accufateur qu une
intention perverfe a fait agir , nulle raifon ne doit
lé délivrer de la mort infâme que l’accufe auroit
méritée fi fon crime avoit été certain. Selon Salor
mon , « le faux témoin doit périr ».
Nous lifons dans le deutéronome : « fi apres
d’exades recherches vous trouvez quelque faux témoin
qui ait menti contre fon frère, vous le punirez
de la même peine qu’il vouloit faire fouffrir
à fon frère , 8c vous Voterez du milieu de vous ,
- afin que ceux qui en entendront parler craignent
de tomber dans une pareille faute »^
Domitien eut un foin particulier de faire châtier
févêrement fes faux accufateurs.
Il faut changer les garnifons & les commandants dont
les peuples font mécontents.
Vous devez changer la garnifon d une place
lorfque les habitants mécontents pour quelque démêlé
qu’ils auront eu avec elle, en confervent du
reffentiment, ou lorfque les troupes auront commis
quelque autre défordre confidérable qui pour-
roit infpirer au peuple un défir de vengeance , qui,
pour l’ordinaire , eft un commencement involontaire
de révolte.
Florus , gouverneur 'de la Judée pour l’empereur
Néron, tira de-Jérufalem les troupes R o maines
qui y étoient, & y fit entrer à leur place
une autre cohorte , fur les inftances -que lui firent
les habitants , qui , ayant reçu quelque mauvais
1 traitement delà première cohorte , auroient pu ,
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