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pas que le folié foiï rempli en fort peu de temps
par la grande quantité de fafcines que l’ennemi y
jette.
Il faut obferver que l’élévation de la pointe ne
doit furpaffer celle du fommet du parapet que de
15 à t8 pouces au plus, autrement elle pourroit
nuire au feu de la ligne. Il faut encore mieux la
planter tout-à-fait hors de la ligne, à 25 ou 30
pas du folié , comme D , auquel elle doit être parallèle,
ôtpancher la pointe vers le dehors d’environ
45 degrés , enterrée de 3 pieds mefurés à
plomb , en ayant 4 de faillie hors de terre, & la
tête élevée de 3 pieds au-deffus de la campagne.
En cet état , elle ne fera que peu ou point d'empêchement
au feu de la ligne, & l’ennemi ne la pouvant
couper, ni faire l’auter, elle l’arrêtera tout
court un efpace de temps allez confidérable , pendant
lequel le feu de la ligne le fera beaucoup fouf-
frir ; mais ce moyen eft plus à délirer qu’à efpérer ,
à caufe de la difficulté, & prefque impoffibilité ,
d’avoir une allez grande quantité de palilïades , &
de la longueur du temps qu’il faudra y employer,
qui eft absolument contraire à la diligence avec laquelle
on eft obligé de faire-les lignes. Il faut donc
fe réduire à la façon commune , les faire bonnes ,
& leur parapet avec fa banquette , quand on ne
peut autrement.
2°. Mais comme elles ne font pas toujours ac-
«ffibles de touts côtés, & qu’il fe peut trouver des
rivières , étangs , marais , quelque grand ravin ou
'efcarpement qui en fortifie les approches & en
couvre une partie , il peut arriver que la place
affiégée fe trouvant dans un pays de bois , on pourroit
en armer les endroits les plus foibles ; & en ce
cas , il ne faudroitpas manquer de faire la palif-
fade D , & faire, s’il eft poffible , quantité d epau-
lements à la moitié de la diftance, entre la ligne &
la tête des bataillons , parallèle à l’un & à l’autre ,
comme il eft repréfenté planche 53. Ces épaule-
ments ayant 40 toifes environ de long, & 9 à 10
pieds d’épais, mefurés au fommet , fur autant de
hauteur, en diftance les uns des autres de 50 à 60
toifes, fervent à couvrir la cavalerie qui fe met
derrière , & même les bataillons contre les plongées
du canon & du moufquet pendant une attaque.
Le prince d’Orange , Maurice , Frédérich &
Henri, fe faifoient une fi grande application de bien
faire leurs lignes, qu’ils y employoient des mois
entiers ; auffi étoient-elles fi bonnes , qu’on ne les
y a jamais forcés , quoiqu’elles ayent été fouvent
attaquées. Ils ne fè contentoient pas de faire de
bonnes lignes , ils y ajoutoient des forts particuliers
, de diftance en diftance, & fortifioient leurs
quartiers féparément, félon l’ufage de leur temps ;
ils y ajoutoient même des dehors fur les endroits
les plus expofés, qui arrêtoient les ennemis, &
don noient le temps aux troupes des quartiers voi-
fins d’arriver & de fecourir les endroits attaqués ,
ce qui les a toujours fait écheoir , & mis en danger
d’être battus dans leur retrait«, On y faifoit auffi
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des avafl! foffés, E ; mais l’expérience à fait con-
noître qu’ils n etoient bons qu’à fournir un grand
couvert à l’ennemi.
30. Il faut faire des bûchers de deux ou trois charretées
de bois fecs, à quelques 40 ou 50 pas hors de
la ligne , vis à-vis des angles flanqués & fur le mi-,
, lieu des courtines , également efpacées, & mettre
le bois debout, garniflant le milieu de même bois
& de paille fèche , laiflant une petite ouverture
pour y mettre le feu quand on a donné le fignal.
Voye{ la planche 33.
Voilà quels peuvent être les préparatifs les plus
pratiquables des lignes contre les fecours ; mais il
faut avouer que toutes ces précautions font toujours
mal obfervées & ne nous garantirent pas
d’infultes. L’exemple récent de Turin en eft une
preuve , & il faut convenir que lorfqti’on peut
avoir une armée d’obfervation, elle remédie mieux,
fans contredit, à touts les inconvénients des fe-
cours , & pour lors il n’eft pas nécellaire de fe tant
précautionner.
Il n’y a que quatre manières de fecourir les
places t qui font :
i°. D'y conduire des fecours à la dérobée ,
comme il eft arrivé à Lille, ce qui n’oblige pas
toujours à la levée du fiège.
2°. De vive force , quand l’affiégeant fortant de
fes lignes , va au-devant de l’armée du fecours, &
lui donne bataille. ,
3*. Quand l’ennemi prend le parti le plur fûr ,
qui eft de faire diverfion en attaquant une des
places des affiégeants qui puiflè lui tenir lieu d’une
efpèce d’équivalent.
4. Quand il prend le parti d’attaquer les lignes
de jour ou de nuit.
Nous avons dit à-peu-près ce qu’il y a à dire fur
le premier dans l’article de l ’I n v e s t it u r e , il
nous refte à nous expliquer un peu au long fur les
trois autres.
Il arrive donc affez fouvent que quand l’armée
affiégeante fe fenr fuoérieure ou' égale à celle du
fecours , elle fort des lignes, marche au devant, (e
pofte le plus avanrageufement qu’elle peut, & lui
préfente bataille
Pour fe mettre en cet état, l’armée affiégeante
laifte au moins la tranchée garnie & fortifiée de
quelques troupes , & le furplus faiblement invefti
de quelques autres pour gajder le camp & les bagages
; ce moyen eft très hafardeux & peu lur , fi
l’armée affiégeante n’eft très fupérieure à celle de
fecours, qui , profitant fouvent de la fortie des
troupes hors des lignes , jettent des fecours de
troupes & de munitions dans la place, pendant
qu’elle vous arnufe d’un autre côté par une difpofi-
tion apparente de fe préparer à combattre ; c’eft
pourquoi ce moyen ne fe doit employer qu’à
bonne enfeigne 9Si en prenant bien fes avantages
pour n’êrre point furpris.
Il y a celui de la diverfion , au lieu de fecourir,
la place prend le parti d en affiéger une de fon
côté.
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cô té Celui-ci ne fecoure pas la place affiégée ;
W is il cherche à fe cenfoler de fa perte par la
prîfe d’une autre place qui lui puiffe tenir heu d é-
^"ce qu’il y a à faire pour le premier affiégeant, eft de bâter d’achever le fiège entrepris , & de marcher
promptement au fecours de celle que l’ennemi
aflièee pour la fauver. . ,
Venons à la manière la plus ordinaire de donner
fecours à une place affiegée.
Une armée qui fe difpofe à affieger une pla£e Ie
précautionne , premièrement, de touts fes befoins
ordinaires & extraordinaires. Ses ordinaires font les
outils à remuer la terre & couper le bois, le canon
& fon attirail , ceux-là la Vivent par-tout ; fes
extraordinaires confident à fe munir de beauccmp
de fafcines 8c de clayes pour combler les foliés
des lignes, ceux-ci fe trouvant fur les beux , &
dans le temps & félon que le befoin requiert. Cette
armée ne manque pas de tirer aulï tout ce qu elle
peut de troupes de fes garnifons pour fe renforcer.
Cela fait & l’armée en corps , elle s’approche peu
à peu , & prend pofte près des lignes , le plus
avantageufement qu’elle peut.
A Arras, l’armée françoife fe campa a Mouchy-
le-Preux , pofte avantageux , & s’y retrancha. A
Valenciennes, les ennemis fe poftèrentà Famars,
autre pofte avantageux, où elle fe retrancha pareillement.
Il ne faut pas douter que toutes les armées
de fecours n’en faffent autant, & qu elles ne
commencent par-là; car elles n’iront pas étourdiment
donner dans des lignes au moment de
leur arrivée. On veut voir clair à ce que 1 on fait ;
& de plus , comme il eft bon de lairter affoiblir les
affiégeants, elle prend fon temps, & fe choifitune
fituation avantageufe à une lieue ou environ des
lignes. L à elle fe retranche , & attend le moment
favorable , pendant lequel elle faifit des petits
portes des environs qui peuvent lui être bons à
quelque chofe. Après cela, elle fait reconnoitre .
les lignes, & ne manque pas de donner toute la :
jaloufie poffible aux affiégeants , & cela de touts
côtés, ce qui ne fe parte guères fans plufieurs ef-
carmouches de cavalerie qui ne décident rien , St
qu’on n’engage de la part dçs ennemis que pour
avoir lieu d’approcher les lignes de plus près, &
d’en reconnoître mieux les approches , de la part
des affiégeants pour empêcher. Pendant que cela
fe parte , l’armee de fecours fe prépare des chemins
, fait des ponts fur les rivières , s’il y en a ,
& qu’il lui fait nécertaire d’en avoir, & fe met en
état de donner de la défiance aux affiégeants de
touts côtés, donne de fes nouvelles à la place , en
reçoit des fiennes , & fe concerte avec elle pour
le temps & la manière d’attaquer les affiégeants ;
ceux-ci, qui l’obfervent, & qui ont dû fe tenir pour
bien, avertis depuis qu’ils ont, vu l’ennemi prendre
pofte près d’eux & s’y retrancher , donnent, de
leur part, tout le bon ordre qu’ils peuvent à leurs
affaires, en réglant & partageant les portes que
Art militaire. Tome 111.
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châtras régiment doit foutenir' ; on couche ordinairement
au bivouac , pour n’étre pas furpris
pendant la nuit, on ordonne des piquets & des
corps de réferves par touts les quartiers, afin de
pouvoir, en diligence, fe pofter aux lieux attaqués
, à quoi les dragons font plus propres que les
autres troupes, parce qu’ils fe peuvent porter avec
promptitude fur les lieux, fuppléer au défaut d infanterie
, border les lignes pour un temps , & char-
ger à cheval quand il en eft befoin. On diltribue
des munitions aux troupes , afin qu elles n en
manquent pas ; on fait de petits magafins aux
portes ; on difpofe le canon aux endroits ou on le
croit mieux placé ; on envoyé de grands & petits
partis hors des lignes pendant la nuit , pour
avoir des nouvelles des ennemis , & tâcher de découvrir
leurs mouvements, on réveille les intelligences
& les efpions. ^
Le temps pris pour l’attaque étant venu , elle le
fera de jour ou de nuit ; fi c’eft de jour, toutes
feintes étant inutiles, L’ennemi fe met en bataille,
l’infanterie en première & fécondé ligne, & la
cavalerie derrière e lle, en deux ou trois autres
lignes , chaque bataillon portant des fafcines pour
combler les fortes de la ligne. En cet état,
après avoir cheifi l’endroit qu’il veut attaquer, il
marche droit à la ligne, toujours en bataille avec
plufieurs détachements devant lui pour effuyer les
premiers feux. ..
L’afliégeant qui a dû fe préparer de la forte , M
n’eft guère* poffible que l’ennemi puifle forcer là
li<rne, & je n’ai point ouï dire qu’on y ait reuffi »
fi°ce n’eft à celle de Cazel par M. le comte d Harcourt
, qui en vint à bout comme par miracle, apres
y avoir été repouffé trois ou quatre fois, 8t il y a
plus de 6o ans que cela eft arrivé.- L’exemple de ce
qui eft arrivé devant Turin en 1706, ne prouve
pas qu’on doive attendre de grands fuccès de ces
attaques; les lignes y étoient mal formées, les
retranchements trop ferrés, enforte que la cavalerie
ne s’y pouvoit tourner, 8c que l’on n’y pouvoit
déployer que dix ou douze bataillons ; ajoutons à
cela la mèfintelligence des généraux.
Si l’ennemi prend le parti d’attaquer de nuit,
c’eft-à-dire , à la pointe du jour, l’affaire fera bien
plus férieufe, comme il dérobera fa marche, 8c
cachera fou deffeinle plus quil lui fera poffible,
fera mine de vouloir l’attaquer par un endroit de
ligne , pendant qu’il fe préparera a tomber fur-
L autre , tâchant par touts moyens de donner le
change par de fauffes apparences, s’il peut les trouver
en cet état ; c’eft hafard s’il ne réuffit quand
l’affaire eft bien menée, car tel parti qui fera gardé
par mille hommes, peut être attaqué par mille
autres , foutenus par plufieurs corps l’un devant
l ’autre, qui, fe portant vigoureufement, il eft bien
difficile d’empêcher que l’ennemi ne parvienne
jufqu’à la ligne, & que s’attachant au parapet, il
ne le borde de fon côté , & ne charte les affiégeans
de l’autre par un feu fupérîeur à celui du dedans,
B b b