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nels , elles paroiffoient nues , danfoient 8c chafl-
foient devant l’affemblée des jeunes gens. Elles
louoient dans leurs chanfons ceux qui fe diftin-
guoient le plus , & lançoient des traits fatyriques
contre ceux qui les menrôlent. Ainfi le jeune Spartiate
dont elles avoient honoré les vertus, fe retiroit
le coeur plein.de joie & d'émulation : celui qu’elles
avoient noté de leur blâme étoit plus puni que par
un châtiment corporel. Cette efpèce de jugement
fe prononçoit devant les rois, les vieillards & le
relie des citoyens.
La gravité de l’aflëmblée , l’attention de touts les
efprits occupés de l’arrêt que l’on alloit porter , &
de l’honnêteté des moeurs dirigées contre le bien
public , voiloient mieux ces jeunes filles que les vêtements
ne le font dans une ville fans, moeurs. Leur
nudité n’excitoit à Sparte que le défir du mariage.
Cette union même y tenoit quelque chofe de la
guerre ; chacun des jeunes gens enlevait la femme
qu’il s’étoit choifi, ne la voyoit jamais qutpn fecret,
peu de temps chaque fois. Ainfi l’amour conjugal
ne s’altéroit point par l’habitude, ni le tempérant-
ment par l’excès.
Ces loix, contraires à toutes les autres , pro-
thiifirent une. race extraordinaire , grande , ro-
bufre , grave, filencieufe , fupérieure à touts les
plaifirs recherchés par les autres hommes, principalement
occupé' de l ’art de la guerre, n’afpirant à
d’autre gloire qu’à celle des armes , fi exceffivement
auflère en fes moeurs , qu’il lui étoit difficile en rétrogradant
, de revenir à la corruption.
Quoique les rois ne fuffent pas ftriétement affu-
jettis à ces règles, on les accoutumoit dès le plus
bas âge à obéir aux loix , à vivre frugalement, à
fupporter la fatigue, le froid & le chaud, la faim &
la foif comme touts les autres citoyens.
Tels étoient les exercices jufqu’à l’âgede puberté.
A cette époque on fe relâchoit un peu de l’autorité
de la difepline : on permettoit aux jeunes gens
de lai fier croître leurs cheveux, de porter des armes
& l’habit des hommes. La carrière militaire leur
étoit ouverte; ils recevoient le titre d’apprentifs ou
de nouveaux ( m s ) , & faifoient ferments d’avoir
les mêmes amis & les mêmes- ennemis que leurs ;
rois , & de partager avec eux , en tout lieu & en |
tout temps, les biens & lés maux. Alors ils vi- ;
voient dans la v ille , fous» la même difeipline que
dans un camp, uniquement occupés du fervice de
U république , & agiffant conftamment d’après ce
principe, qu’ils n’appartenoient pas à eux-mêmes ,
mais à la patrie. Lcrfqu’ils n’étoient pas retenus par
aucun autre devoir, ils alloierit infpeéter & inftruire
les enfants , ou'apprendre des vieillards à foutenir
dignement le rang de citoyen. Ce rang appartenoit
à touts ceux qui étant nés"en mariage légitime de pa- j
rents Lacédémoniens ou même étrangers, avoient :
été élevés dans Sparte dès le berceau , & qui per- i
févéroient dans la même inftitiition jufqu’à l’àge de
trente ans. Le droit de cité fut accordé aux Itéran
te s ? descendants de Proclès & dEuripthène,
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( P lut ar ch., Lycurg. , p. 33 & $4 , D. Athencci.
Dipn. Ælian. V a r . hifl. Alex. ah. Alex, 1. IV, c. 10).
- On le donnoit aujfi , mais rarement, à ceux des
alliés, ou même à. des étrangers qui s’étoient diftin-
gués par des fervices éminents*rendus à la république
, ou qui étoient défignés par des oracles,
comme le furent Thalès de Crète, Therpandre ,
Pherecide, T y r tie , Tifamène. On l’accorda même
à des hilots, dans la guerre de Meffène. Ceux - ci
étoient les defeendants des anciens habitants d’Hi-
lo s , qui furent vaincus par Agis, fils d’Euryfthëne ,
& réduits à la fervifude. ( Plutarck., Lycurg., Pau-
fan. attic. , Arïflïd., Platon, oral. 2 , Lycurg. orat. ,
Athenai. dipnos ,p . 271 ).
Les Mefféniens affujettis par les Spartiates ( av.
J. C. 1060)’, fubirent le même for t, & furent compris
fous le même nom. Ce fut à cette efpèce de
corps mitoyen, entre les efclaves &les domeftiques
citoyens, que furent confiés l’agriculture & l ’exercice
des arts méchaniques : ils en étoient chargés
fous la condition d’un tribut déterminé , qu’on ne
pouvoir augmenter ni diminuer. Il arriva donc que
certains hilotes devinrent plus riches que leurs
maîtres. Une ancienne loi d’Agis ordonnoit qu’ils
ne pourroient être ni affranchis, ni vendus par leurs
maîtres, hors de Laconie, efpèce d’efclaves publics.
Il n’appartenoit qu’au peuple de les mettre en liberté.
Ces hilotes nuifirent fouvent à Lacédémone
par la révolte & la défertion t c’étoit un peuple ennemi^
nourri dans fon fein. ( Strab., liv. VIII, p.
365 , A . B. Arijlot. polît., liv. II } .
Les Lacédémoniens étoient obligés au fervice
militaire jufqu’à foixante ans ou plus, exactement,
jufqu’à environ quarante ans après lage de puberté.
S’ils contrevinrent à cette loi, ce ne fut que rarement,
puifqu’ilsl’obfervèrent même après la bataille
de LeuCtres ; mais il paroît par l’exemple d’Agéfilas,
qui paffa ei\Egypte à quatre-vingts ans , qu’il étoit
permis aux rois & peut-être aux généraux de prolonger
leurs fervices autant que l’amour de la patrie
le leur infpiroft, & que leurs forces le leur permettoit.
La république armoit les hilotes, lorfque desbe-
foins preffants l’exigeoient. Dans la fécondé guerre
contre Meffène(av. J. C., 681.) , Sÿrtée confeilla
d’enrôler les plus robufles de ces efclaves , & ce
confeil fut fuivi à la bataille de Platée ( av. J. C .,
4g 1 .) ; il y avoit cinq mille Spartiates , dont chacun
avoit fept hilotes armés à la légère. On les voit
aufîi dans la guerre du Péloponèfe , à l’attaque de
Pyle en Thrace, fous Brafidas ; en Sicile., fous
Euritus, & en plufieurs autres lieux. ( Paufan. Mef-
fen. Athen. , p. 271. Herodot. p. 3 06 6» 524 , id,
Thucid., p. 255 , c. D. av. J. C ., 424 , & p. 306 ,
C. , av. J. C., 406).
Les affranchis étoient admis au fervice militaire,
& formèrent quelquefois une grande partie des armées
Lacédémoniennes. Agéfilas ' demanda , pour
fon expédition en Afie", trois mille affranchis ou
Néodamodes : c étaient des hilotes mis en liberté,
non
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non par les citoyens dont ils cultivoient les terres
& adminiftroient les biens, mais^ par l’autorité publique.
Quoique cette efpèce d’efclave fervît des
maîtres particuliers, le peuple confervoit quelque
droit fur eux.
Compofition des troupes.-
Lycurgue divifa l’infanterie & la cavalerie de la
république en fix corps appelles mores, commandés
chacune par un polémarque, quatre locagues,
huit pentecofières , feize enomertagues. Xénophon
qui nous inftruit de cette diviûon , n’ajoute point
le nombre dont chaque partie de la more étoit com-
pofée. ( Av. J. C. , 876. de Lacadem. répub. , p.
6% , B . ) . r r -C
Si on prend le mot pentecojüre dans fa lignification
propre, c’eft-à-dire, de troupes de cinquante,
le loffe étoit de cent, l’énomotie de trente - cinq,
la more de quatre cents, & les fix mores formoient
deux mille quatre cents hommes. Il le peut que
ces nombres ayent été employés au temps de
Lycurgue, & que dans la fuite celui des jeunes
gens en état de porter les armés s’étant accru , on ait
augmenté celui des mores, ou leur force , & peut-
être touts les deux.
Thucydide (liv, V ,p . 391 , C. , & 3 9 2,-» \ avy \
J. C ., 418.) nous préfente une compofition différente
, mais en nous avertiffant que ce n’eft qu’une
eftimation. C ’eft dans le récit de la bataille qu Agis
livra aux Argiens & à leurs alliés , près de Manti-
née. « Je ne puis, dit-il, donner exactement le
nombre des troupes dans tes deux armées, ni en
général, ni en détail. Celui des Lacédémoniens n e-
toit point connu , parce qu’ils cachent leur inftitu-
tion. Cependant on peut trouver par 1e calcul fui-
v ant, 1e nombre des troupes qu’ils avoient à cette
bataille : ils formoient fept lojfes, fans les feirites
qui étoient au nombre de fix cents. Chaqiie loffe
étoit de quatre pentecoftères , de quatre énomoties.
Chaque énomotie combattoit fur quatre à fon premier
rang. Quant à la profondeur, elles n’étoient
pas toutes formées également, mais fuivant la vp- ;
lonté du locague. En général elles étoient fur huit. -
Quant à la totalité, le premier rang étoit de quatre
cents quarante-huit hommes ». D’après ceci, chaque
loffe avoit à fon premier rang 64 hommes, & étoit
de Ç72, chaque pentecoftes de cent vingt- huit,
chaque enomote de trpis cents vingt-cinq : & l’éno-
îiiQte étoit fur huit de hauteur, combattoit fur
quatre de front, comme 1e dit cet hiftorien.
Suivant Diodore , la more, au temps d’Agéfilas ,
étoit de cinq cents à Leuélres ; tes enomoties
étoient fur trois de front, & douze de hauteur, c’eft-
à-dire , de trente-fix hommes.
Outre tes troupes ordinaires , il y avoit dans les
armées Lacédémoniennes un corps d’élite nomme
feintes ; c’étoit la feule troupe qui eût le privilège
d ’être placée en ligne , féparément, à la gauche de
l’armée. Ils l’occupôient à la bataille qu’Agis livra
-^ux Argiens , près de Mantinée , & leur nombre
Art militaire, Joint I l f
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étoit de fix cents. Ils étoient auffi tes feuls qui mar-
chaffent devant 1e roi avec les cavaliers explorateurs
; mais ce n’étoit que lorfque nul ennemi ne
paroiffoit. Dans l’adion ils foutenoient tes divifions
trop preffées par des forcesfupérieures. Cette troupe,
compofée des plus braves foldats , étoit d’un grand
fecours , & fouvent caufe de la viâoire. ( Thucyd.,
liv. V 9p. 390 , D . , 392., A. Xenoph, de Lactzd. rej
puhl. , p. 688 , F. D io d o r l iv . X V , p. 473 , —
350, C. ). r
Il y avoit dans tes troupes de Lacédémone des
efpèces de fervants ou écuyers nommés upafpites ,
qui étoient chargés de porter tes armes des chefs ,
& d’emporter tes bleffès hors du champ de bataille.
(Xenoph., liv. IV , p. 529, A , 543 , D .) .
Solde. v
On ne voit pas que tes troupes de Sparte ayent
jamais été foudoyées par la république.Chaque Spartiate
ayant des terres , pouvoit s’entretenir a la
guerre, & tes hilotes affranchis étoient fouvent
plus riches que leurs maîtres. Mais lorfque les Lacédémoniens
s’engageoient au fervice d’un prince
étranger, ils en recevoient une folde.
Troupes alliées.
Les fecours que Lacédémone tiroit de fes alliés,
étoient en hommes ou en argent. C ’eft; du moins
ainfi que futftipulé celui quelle reçut dans la guerre
contre Olinthe. Elle envoya demander aux villes
alliées unq levée de dix mille hommes, en ajoutait
quelles étoient libres de fournir des hommes ou de
f argent,à raifon de trois oboles d’Ægine par hommes*
" ( 13 fous 7 den. 6c dem.) , & que ceux- des alliés
qui fourniroient de la cavalerie , donneroient à
chaque cavalier la paye de quatre opli tes.
Lorfqu Agéfilas entra en Bæotie, tes Lacédémoniens
& leurs alliés étoient divifés en dixelaffes ,
relativement aux levées des troupes. Comme cha-
• cune fourniffoit plus ou moins d oplites , de cavaliers
ou de pfiles, on avoit évalué, pour égalifer les
contingents , qu’un oplite feroit compté pour deux
pfiles un cavalier pour quatre oplites. (Diodor. ,
liv. X V , p. 349 î ad fin. av. J. C . , 375 ).
Les troupes des alliés furpaffoient toujours de
beaucoup celtes de Lacédémone. Dans cette expédition
d’Agéfilas , il avoit dix-huit mille hommes ,
dont deux mille fix cents feulement étoient Lacédémoniens.
Le même général demanda, pour paffer
en Afie, trente ou quarante Spartiates, deux ou
trois mille.affranchis, & fix mille alliés. (Xenoph.,
Agefil., p* 652 , B . , av. J. (7. , 392).
La principale force des armées de Sparte confif-
toit en infanterie. Lycurgue inftitua une cavalerie ,
& un e claffede citoyens nommés chevaliers, qui
entretenoient tes chevaux, mais qui ne les mon-
toient pas. Ils préferoient alors 1e fervice de l’infanterie,
parce que dans ce temps-là celui de la cavalerie
n’étoit qu’un fervice de troupes légères.
Lycurgue divifa la cavalerie en fix corps , nommés