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touts les partis lorfqu’il jugera qu’il eft temps de
i'e retirer ; Si en attendant il y aura toujours une
garde avec les tambours Si les trompettes, pour
éviter qu’aucun ne déferre vers l’ennemi..
Si les- ennemis, à caufe de la hauteur de votre
retranchement & de la fmiation baffe du terrein
où ils font, ne peuvent voir que quelques-unes de
vos tentes en petit nombre , & fuppofé que les
défilés qu’il y a fur le chemin demandent de ga-
gner beaucoup de temps, afin d’affurer votre re-
r.il:e , dans ce cas laiffez ces tentes dreflées, &
mettez fur le retranchement des cadavres foutenus
par des pieux fichés en terre , ou des fantômes de
paille revêtus d'habits de foldats , & des morceaux
d’étoffe ou de toile de la couleur des drapeaux ,
mais fans armes, parce qu'il ne feroit pas honorable
fie perdre les véritables drapeaux.
Jean Acout, général des Florentins , voulant
faite retraite à la dérobée , trompa fes ennemis , en
laiffant quelques drapeaux plantés fur des endroits
éminents ; Si les Aquiléens , afin de n’être pas
pourfuivis dans leur retraite, mirent fur la muraille
des ffatues au lieu de fentinelles.
Pour faire une retraite fecrette lorfqu’on eft
campé en préfence de l’ennemi, Contarini veut
qu’au lieu de donner le fignal par des tambours &
des trompettes , afin de commencer la marche, il
vaudroit mieux avertir les colonels que le fignal
fe fera par un feu qu’on mettra à de la paille fur
une telle hauteur défignée. Pour moi , je ne crois
pas cette précaution néceffaire, puifqu’il fuffit de
prévenir les colonels de difpofer leur régiment à
marcher à mefure que ceux qui les précèdent fe
mettent en marche ; il fera bon néanmoins qu’ils
foient avertis par avance de l’heure de la marche,
& du poffe où ils doivent envoyer l’équipage.
De quelque manière que cela fo it, il faut que
chaque capitaine , lorfque fa compagnie fera af-
femblée , foffe la revue de fes foldats, afin de
chercher ceux qui pourroient être demeurés endormis
; & fi après être rangés, il doit fe paffer Un
temps un peu confidérable jufqu’au moment de la
marche , le capitaine leur permettra de dormir fur
le terrein fans quitter leur rang.
Comment on peut éviter d'êire fuivi dans fa retraite.
En traitant des oçcafions où il faut éviter le
combat, j’ai dit comment on peut feindre d'avoir
des intelligences avec quelques troupes des ennemis
, ou d’avoir reçu un renfort de votre armée,
afin que le général ennemi ne prenne pas la réfo-
lution de s’oppofèr à votre retraite pendant ce
temps que la prudence exige pour éclaircir ce
foupçon.
Si par quelqu’un de ces moyens, par le nombre
de vos guerriers , ou par les ordres que vous feigniez
avoir de votre cour pour rifqiier une bataille
, il peut paroître vraifemblable que vous
avez deffein de la donner, détachez quatre ou fix
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partis de cavalerie avec quelques tambours &
quelques trompettes bien montés , afin qu’après un
détour convenable, ils viennent donner l’alarme
à l’armée ennemie par différents côtés, à l’heure
de la nuit que vos troupes vous, paroîtront prêtes
à faire retraite; vous avertirez les commandants des
partis que fi les ennemis les chargent, ils tâchent
de fe retirer par des chemins éloignés de celui que
le gros de votre armée doit tenir dans fa retraite.
Dans ces circonftançes , il eft probable que les
détachements ennemis fuivront vos partis par ces
chemins écartés de celui de votre retraite, ou que
toute l’armée ennemie demeurera de pied ferme
pour obferver ce que c’eft que cette allarme, &
elle vous donnera ainfi le. temps d’avoir quelque
avantage de chemin pour votre retraite, que vous
commencerez aufîitôt que vous entendrez les
coups de fufil de vos partis. .
C ’eft de cette manière, félon Polien dans fes
ftratagêmes de guerre, qu’Iphicrate trompa fes
ennemis, & Carète les Thraces.
Si votre armée eft affez nômbreufe pour que
votre réfolution d’attaquer les ennemis puiffe paroître
croyable a vos propres troupes 9 répandez
parmi elles le bruit de cette réfolution avant que
vos partis fortent du camp ; donnez a t te n d r e que
vous les détachez , afin que les troupes ennemies
qui voudront courir après eux fe trouvent de
moins dans le combat, lorfque vous chargerez de
front l’armée ennemie , ou afin que les ennemis fe
mettent en confufion & en défordre, lorfqu’en
leur donnant l’alarme de touts côtés, 6c en fondant
Air eux en même-temps que vos partis fe
découvrent , ils ne fauront à quel endroit ils
doivent préférablement accourir avec leur plus
grandes, forces ; tout cela fer-t pour que fi quelque
foldat des partis eft fait prifonnier ou déferte, il
trompe les ennemis , lorfqu’il. croit leur donner
un avis fidelle j, c’eft aufîi par rapport aux efpions.
qui fortent du camp.
Dans ce même cas rangez. l’armée pour la retraite
comme fi c’étoit pour le combat^ on pourra
aufli pallier l’ordre de charger & dé faire retirer le
bagage, fous le prétexte de ne vouloir pas l’expo-
fer au fort douteux d’une bataille., ou afin qu’il
fe trouve tout prêt pour fuivre votre armée vic-
torieufe ou vaincue.
11 peut arriver que cette feinte d’avoir reçu un
renfort de troupes ait lieu pendant quelques heures
parmi les ennemis, fans que vos troupes y ajoutent
foi ; dans ces çirconftances, faites fortir du camp
vos partis avant qu’ils ayent obfervé vos difpofi-
tions pour la retraite, parce que fi quelques défer-
teurs cle ces partis les découvrent aux ennemis ,
en les diffuadant en même-temps fur ces prétendus,
renforts de troupes,, ce feroit leur donner à con-
noître que vous vous préparez à décamper, &
leur foire prendre aufiitôt des. me fur es pour vous
fuivre. dans votre retraite.
Quelquefois vous pourrez perfuader à votre
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armée qu’un fe cours quëvous attendez eft proche,
en faifant arriver au camp des officiers en ghjn&l
qui avec un vifagè. riant & des paroles mille -
ri eu fes , le donneront à entendre. M. le maréchal
de Berwick fe fervit utilement en 1706 de ce ftra-
tagême , dans la vue peut-être d’empêcher que
l’armée de la ligue n’attaquât la nôtre , avant que
le fecours que nous attendions de France fut arrivé
; moi-même je fuis monté le foir à cheval pendant
huit à neuf jours de fuite , pour aller au camp
de Xadraque fur le chemin d’Almanza, afin^de
voir fi je ne rencontrerois pas les troupes que 1 on
difoit chaque jour être fort proche.
Si vous marchez par un terrein couvert Si coupe ,
ayant gagné affez de temps pour y introduire votre
arrière garde avant l’arrivée de l’armee des ennemis
, il eft à croire que le général ennemi, dans
la crainte de quelque embulcade, principalement
la nuit, n’ofera pas détacher des grenadiers , ou de
la cavalerie pour harceler Votre arrière-garde ; &
les ennemis arec le gros de leur „armée , ne pourront
jamais vous ôter le petit avantage que vous
aurez pris en vous mettant en marche avec eux.
Annibal évita d’être atteint par Marcellus, en
marchant toujours la nuit, Si en faifant retraite par
des.chemins propres pour des embufeades.
Le vicomte de Turenne pour fe retirer en furete
à Mariendal, après que les Impériaux eurent fur-
ptis fes quartiers, leur fit face derrière un défilé
jufqu’à la nuit ; alors , à la faveur de 1 obfcurite Si
des bois , il continua fa marche fans être fuivi de
près, parce que les Impériaux, dans l’appréhen- :
fion de quelque embufeade , réfolurent d attendre
lejout.
Annibal feignant de craindre les troupes de Paul
Emile & de Térence Varon , fit femblant de décamper
, Si laiffa dans fon camp quelque bagage ,
afin que les Romains , par le défir du pillage , fe
débandaffent & fe miffent en défordre. Ce ftrata-
gême fervit enfuite à Annibal pour éviter que 1 armée
de Rome ne le fui v ît, lorfque peu après il fit
effeftivement retraite. Selon lès paroles de Tite-
Live, rapportées par Frachetta , « Annibal fe mit
en marche la nuit comme il avoit foit la première
fois; il laiffa aufli deux feux dans le camp & quelques
unes des tentes qui étoient les plus expofées
à la vue des ennemis, afin que la crainte d’une
embufeade femblable à la première, arrêtât les
Romains , Si les empêchât de le fuivre ».
Quand ou dit pour mettre ce dernier ftratage’me
en 11 (âge, d’abandonner le camp , cela doit S en-
tendre-lorfque ce camp n’eft pas fortifié , & qu’il
eft àifé d’en occuper un autre d’une égale force.
S i, par les moyens que j’ai propofés, vous pouvez
décamper quelque temps avant que les ennemis
en ayent connoiffance , dirigez d’abord votre
marche vers un endroit, & changeant enfuite entièrement
de chemin, continuez là vers un autre
cote ; de cette manière les premiers déferteurs 8c
les efpions ne pourront pas porter aux ennemis la
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nouvelle de cette fécondé marche, contraire à la
première , Si fi les ennemis reçoivent enfuite
d’autres avis, ce ne fera peut-être que lorfqu’ils feront
déjà engagés , trop avant dans le faux chemin.
En 1706’, l’année de la ligue décampa d’auprès
de GuatUlxara , Si fe mit en marche la nuit ,
comme fi elle alloit à Aicala ; quelques déferteurs
portèrent cette nouvelle au camp du roi d’Elpagne;
auffnôt les troupes du roi catholique marchèrent
en droiture vers Aicala ; mais les ennemis qui
avoient fait cette rufe pour nous tromper, avoient
changé de route , de forte qu’une partie , du jour
fuivant fe paffa avant que nos généraux pu fient découvrir
ce que l’armée ennemie étoit devenue.
Ne différez pas de quitter le faux chemin , que
les ennemis , qui auraient un prompt avis de
votre déeampeir.ent, puiffent vous couper le véritable
, fur-tout lorfqu’ii y a autant de vraifem-
blance que vous pourriez avoir pris l’uu comme
l’autre. Imitez les Platée ns, qui, dans la retraite
dont je vais bientôt parler , ne marchèrent dans le
faux chemin que pendant fept ftades , Si huit
ftades , à peu de différence près , ne font que mille
pas géométriques.
Commencez la retraite par le chemin que plus
v rai feaib lahl e ment il vous convenoit de prendre,
Si continuez-là. par celui qu’on peut moins vous
foupçonner d’avoir pris.
Lorfqu’Eupolpidas & Théenette, capitaines des
Platéens , eurent, dans une nuit obfcure., forcé la
' ligue du Péloponèfe , pour abandonner Platée Si
fe retirer dans le pays ami d’Athènes, iis trompèrent
leurs ennemis, en commençant leur marche
1 par le chemin qui les menoient vers Athènes , 8c
1 en fe retournant enfuite pour prendre celui qui
; les conduifoiî à Thèbes, puiffans ennemis alors
| des Platéens ; de forte que les troupes du Péloponèfe
, qui ne purent jamais penfer que les Platéens
enflent pris cette route , manquèrent abfo-
lument le chemin par lequel les ennemis faifoient
retraite. -
Un coude qu’une rivière forme du côté des ennemis
, les montagnes inacceflâbles & les défilés
' qui pourroient faire quelque obftacie aux ennemis
, doivent vous déterminer à prendre la fouffe
ou la, véritable marche par un chemin plutôt que
par l’autre, afin qu’il ne foit pas fi aifé aux ennemis
de pouvoir vous approcher ; ce qui peut principalement
arriver, lorfque les differents rameaux
d’un chemin fourchu s’éloignent toujours davantage
, & que pour paffer enfuite de l’un à l’autre ,
il y a des ravins ou des montagnes qui obligent
à revenir fur fes pas ,ou qui expofent, par
leurs défilés , à beaucoup de retardement & de
danger.
Si le péril d’être pourfuivi eft égal de touts les
côtés , choififfez pour la véritable retraite le terrein
le plus avantageux au nombre, à la qualité »
aux armes 8c à la coutume de vos troupes. Pai fois
I ailleurs divèrfès réflexions à ce fujet.
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