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battre , il vent finir la guerre & les fatigues , en
réunifiant aujourd’hui en unfeul tous les triomphes
qu’il vous ré fer voit ».
O de’ nemici di Giefù flagello
Campo mio domator delT Oriente ,
lEcco l'ultimo giorno : eccovi quello
Chegià tanto bramafte ornai prefente.
Nè fenza alta cagion chef fuo rubello
Popolo in un s’accoglia , il ciel confente...
Ogni voftro nemico hà. qui congiunto , '
Per fornir moite guerre in un fol punto.
Lorfqu’il y a à craindre que les troupes ne témoignent
de la répugnance pour l’entreprife à laquelle
vous voudriez les engager , faites agir les
colonels, afin qu’ils portent des officiers de confiance
de leurs régiments à faire de l’ardeur pour
cette entreprife auffitôt qu’elle fera propofée , & à
entraîner , par leurs exemples , leurs camarades ,
qui n’oferont pas s’y oppofer , de peur de palier
pôur moins courageux & moins obéiffans.
Ce ftratagême fut heureufement mis en ufage
par Cléarque, lorfque les Grecs dêfapprouvoient
l’entreprife du jeune Cyrus"& refufoient d’obéir.
Quelques troupes de Cortez fe révoltèrent ,
parce qu’elles vouloient qu’on fît fortir l’armée de
l’ifle de Cuba ; Cortez fit femblant de condefcendre
à leur demande , mais en même-temps il gagna
fecrèrement quelques autres officiers & foldats ,
q u i, comme d’eux-mêmes , formèrent, avec de
grands cris , des plaintes contre Cortez , fur ce
qu’il les avoit jufqu’ici trompés fous l’efpérance
qu'il leur avoit donnée d’habiter & de peupler la
riche contrée où ils fe trouvoient. Ils ajoutoient
que fi Cortez vouloir à préfent fe retirer fans fujet,
ils nommeroient un commandant pour y demeurer
fous fes ordres ; cette feinte fit tant d’effet fur l’ef-
prit des véritables mutins , que tumultuairement
& d’un ton de menaces , ils demandèrent touts
d’en pourfuivre la conquête, ce qui é.toit l’intention
de Cortez.
Manière £ empêcher que la difgrâce du général qui
aura été fait prifonnier, ou à qui on aura enlevé
fes feeaux & les clefs de fes chiffres , nexpofent
pas le pays où Varmée à un nouveau malheur.
J’ai examiné en quelles occafions & de quelle
manière le général doit expofer fa perfonne aux périls
d’un combat. En parlant des difpofitions avant
la bataille, je l’ai averti de mettre en fureté, avant
d’entrer au combat ,,les ordres qu’il a reçus du fou-
verain , les feeaux , les lettres de correspondance
avec les perfonnes affidées & les efpions qu’il a
parmi les ennemis, les clefs des chiffres & antres
papiers, parce que s’ils étoient enlevés par les ennemis
, ils leur apprendroient les deffeins de votre
cour, vos intelligences, & la manière de déchiffrer
les lettres qu’ils avoient auparavant interceptées
, ou d’en fuppofer d’autres à la faveur du véritable
cachet & d’un feing contrefait. Un général
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qui tombe entre les mains d’un barbat'ë ennemi
peut être preffé par des menaces & des tourments
de découvrir les perfonnes avec lefquellès il a entretenu
des intelligences fecrettes , d’écrire à un
commandant d’un corps de troupes de faire un
mouvement préjudiciable, ou à un gouverneur
d’une place de la rendre à une troupe qui , tra-
veftie 8c parlant la langue de fa nation , parôît être
compofée de ces régiments. On peut voir à ce fujet
l’exemple de Croye , que j’ai rapporté en traitant
des fièges. Il n’effipoint de menaces & de dangers
qu’un général ne doive méprifer pour donner
une preuve éclatante de fa confiance & de
fon zèle pour le fervice de fon maître.
LebachaSinan ayant fait prifonnier dom Gaf-
pard de Valiez , gouverneur deTripoly , pour la
religion de Malthe, envoya à la place un autre
chevalier de faint Jean , pour dire aux défenfeurs
que s’ils différoient de rendre la place , il alloit
faire couper la tête au gouverneur prifonnier.
Dom de Valiez, en préfence de qui cet ordre fe
donnoit, ayant pris la parole, ajouta avec fermeté
: dites auffi à mon lieutenant & aux autres officiers
% que fans s'ernbarraffer de mon fort, ils ne
penfent qusâ remplir leurs devoirs , & à faire une honorable
6» opiniâtre défenfe.
Alonzo Pérez de Guzman , de qui eft defeendu
l’illuftre maifon de Médina Sidonia, étoit gouverneur
de Tarifa pour dom Sancho IV , roi de
Caftille, lorfque cette place, en 1293 , futaffiégée
par les Maures ; pendant ce fiège un fils unique de
Guzman fut fait prifonnier, les Maures menacèrent
le père dé faire mourir cg fils, s’il ne rendoit au
plutôt la place; mais ce père magnanime répondit
: que quand il auroit cent enfans entre les mains
des ennemis , il ne voudroit pas les racheter par une
infamie ; que s'ils avoient tant de dèjir de lui ôter la
vie , il leur envoyoit le glaive, & en même temps
il le leur jetta de deffus la muraille. Quelques
.heures après, comme il étoit à table, les foldats
vinrent en foule , en l’appellant par des cris réitérés
, il fe leva pour fa voir ce que c’étoit, & voyant
que ces barbares faifoient mourir cet illuftre prifonnier
, hélas ! dit-il, avec un vifage tranquille,
je croyois que Us ennemis avoient furpris la ville,
& s’étant remis à table , il continua à manger avec
la même tranquillité. Ce trait'de confiance, qui
lui attira l’admiration des hommes dans touts les
fiècles , procura la liberté de la place ; car les barbares
intimidés par cet exemple de fermeté & de
valeur, levèrent le fiège, parce qu’il leur parut
plus difficile de vaincre le coeur de ce héros que
de renverfer les murailles de la place.
Pendant que Soliman II afiîégeoit Zighet, fes
troupes firent prifonnier un trompette du fils aîné
du comte d’Edrin, qui défendoit cette place. Soliman
envoya à la place la trompette à laquelle
pendoit les armes de la maifon d’Edrin , & fit dire
au comte qu’à fes armes il pouvoit connoître que
fon fils étoit prifonnier, de qu’il alloit le faire
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«ourir s’il ne rendoit la place à l’infiam. Le
comte crut la chofe ; mais fa magnanimité l’ayant
emporté Am* fa douleur, il fe tourna vers les défendeurs
& leur dit : ;Vne dois point remédier au préjudice
du bien public à un malheur particulier, Si ma
difgrâce vous touche , affermiffei-moi dans ce fenti-
ment, & aide[-moi à me .venger. Celui qui ejl né
pour les grandes avions doit être prêt à foutenir les
'grands revers ; c ejl par la fermeté dans les malheurs
que nos ancêtres ont éternifé leur mémoire. Ils nous
ont laiffépour héritage Uurs vertus & la gloire de les
imiter, peut-être ne trouverons-nous jamais une plus
belle occafion de fauver notre patrie ou de mourir
avec elle, \
Catherine Sforce, dame d’Immola , fut affie-
gée dans fon château par Cæfar Borgia, duc de
Valenrinois , qui la menaça de faire périr par le
glaive fes fils prifonniers en préfence de leur mère,
i\ elle refufoit de rendre la place. Sforce à ce dif-
cours & à la vue de fes fils prêts à être immolés ,
entra dans une forte de fureur , & lui répondit du
haut des murs , en levant fes jupes , qu’elle avoit
encore là le moule pour faire d’autres enfans. Cette
afiion , qui marquoit tant de fermeté , intimida fi
fort les affiégeants , qu’ils levèrent le fiège ; & le
duc de Valentinois , en punition de fa cruauté,
eut la honte d’être vaincu par la valeur d’une
femme..
Si vous apprenez que les ennemis ont enlevé
vos feeaux & les clefs de vos chiffres que vous
aviez tâché de mettre en fureté avant d’entrer au
combat, dépêchez auffitôt des officiers de confiance
aux gouverneurs des places & aux coraman-
dans des autres pofies , pour les avertir de ne pas
fe fier aux ordres qu’ils pourroient recevoir cachetés
de votre cachet, & écrits en votre ancien
chiffre , jufqu’à ce qu’on leur ait donné une nouvelle
marquera laquelle ils ne pourront difeerner
les véritables ordres des faux, parce que les ennemis
en contrefaifant votre feing, pourroient, à
la faveur de votre chiffre & de votre cachet, les
faire tomber dans des pièges pour vous caufer des
échecs confidérables.
Dès que Titus Quintius Crifpinus , général de
l ’armée Romaine, eut appris que le corps mort
de Marcellus, fon collègue dans la même armée ,
étoit demeuré parmi les ennemis , il donna avis in-
ceffamment à toutes les places d'Italie de ne pas
ajouter foi aux lettres fcellées de l’anneau de Mar-
. cellus ; précaution qui empêcha Sélapie & les autres
pofies de tomber entre les mains d’Annibal.
Quand ejî-ce qu'il ejl nécejfaire de faire retraite par
divers chemins en plufieurs corps féparés.
Toute retraite eft une marche , & comme j’ai
déjà traité des marches , je renvoyé à ce que j’en
ai dit fur ce qui pourroit manquer ici ; en parlant
«e la conduite d’un général après fa défaite, je
propofe divers moyens pour rallier les troupes
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qui avoient été mifes en déroute ; j’ ai donné aüffi
quelques avis par rapport à l’endroit où il faut
arrêter les troupes qui, après avoir été battues au
lieu de faire retraite, prennent la fuite ; enfin j’ai
dit dans quelle province fe doit retirer le refte
d’une armée qui a été défaite, afin que les ennemis
puiffent moins profiter de leur vi&oire.
Soit quhme armée ail combattu ou non, il eft
fouvent à propos de faire retraite par divers chemins
& en corps féparés , lorfqu’on fe voit abfô-
lument obligé de fe retirer, & que l’on prévoit
une déroute , ou d’être pourfuivi par les ennemis ;
dans ce cas voyez les avis que j’ai donnés fur cette
matière en traitant de la conduite d'un général après
fa défaite, „
En 1585 , le prince de Condé ne pouvant faire'
retraite vers la Rochelle fans fe mettre évidemment
en danger d’être atteint & battu par les
troupes d’Henri III , roi de France , divifa fon
armée en divers corps, qui prirent différent« chemins
& arrivèrent touts bagues fauves ,‘ fans avoir
reçu aucun dommage , parce que les catholiques
étonnés de cette retraite extraordinaire du prince.,
perdirent. le temps à réfoudre lequel de ces corps
ils fuivroient.
Moyens de gagner quelques heures de chemin , & pour
quelle raijon il faut faire retraite le même jour que.
L'armée ennemie arrive en préfence de la vôtre.
Le maréchal de Montluc dit qu’une armée qui fe
retire à la vue de l’ennemi fans avoir pris quelque
avantage de chemin , eft prefque affurée d’être
battue, principalement fi elle marche avec l’embarras
d’un grand charrois. Cet écrivain confirme
fon fentiment par divers exemples.
Le danger augmente, s’il faut paffer un défilé où
toute votre arrière-garde ne pourra être entrée
lorfque l’avant-garde des ennemis arrivera. Je l’ai
prouvé dans un autre endroit.
Afin d’affurer la retraite que l’on fait par un ter-
rein où il fe rencontre des défilés, il fuffir d’avoir
pris affez d’avantages de chemin pour paffer le premier
défilé, le pont ou le bois , & prendre enfuite
les précautions dont je parlerai ci-après.
H Dans un pays de plaines , il eft néceffaire d’avoir
un plus grand avantage , à moins que vous ne
vous retiriez auffitôt que l’armée ennemie arrive
en préfence, fatiguée par une marche longue &
rude, parce qu’alors les ennemis ne pourront pas
vous fuivre a auffi grand pas que vous faites retraite
, fur-tout fi vous avez eu la précaution de
vous délivrer par avance des embarras dont je parlerai
dans l’article fuivanr. Quand même la marche
des ennemis nouvellement arrivés n’auroit pas été
fatigante, ils ne pourront pas fe joindre promptement,
fi vous leur donnez le temps de fe débander
& de s’éloigner pour aller chercher de l’eau
du bois, des piquets & des fourrages.
En traitant des occafions où il faut éviter le com