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l i plupart des gens , & principalement des officiers
d’artillerie, il faut mettre du canon en batterie
des le premier jour de la tranchée ; pratique
qui dans le fond n’eft bonne qu’à faire du bruit, &
a cônfomçner des munitions très inutilement, parce
que du canon tiré de ç ou éoo toiles n’a point .de
force contre des parapets à l’épreuve, & n’ajufte
que par le plus grand hafard du monde c’eft pourquoi
on ne doit placer de batterie dès le commencement
du fiège, que lorfque quelque rideau vous
approche de la place à jufte portée ; autrement il
faut de néceffité avancer jufqu’à la première ligne ,
8c même jufqu’à la deuxième, pour faire des batteries
qui puiflent faire l'effet qu’on fs propofe, qui
eft de démonter le canon de l'ennemi, & de le
chaffer de fes défenfes.
Au premier cas on peut travailler aux batteries le
troifième jour , pour tirer le cinquième«
Au fécond , on ne doit pas el'pérer d’en pouvoir
tirer avant le fixième ; je crois ce fécond parti le
meilleur, parce que fi l’on attend jufques-là , on
pourra placer les batteries fi avantageufement qu’on
ne fera pas obligé de les changer de place tant que
îe fiège durera ; ce qui eft un grand bien & un
ménage confidérable, en ce qu’on bat déplus près ,
& qu'on ne confomme point tant de munitions
mal-à-propos.
L’objet de ces batteries doit être double ; favoir,
de démonter le canon qui eft devant vous, & d’éteindre
le feu de l’ennemi en le chaffant de fes dé*
ienfes. Pour cet effet, il n’eft pas nèceffaire de
placer les batteries différemment, fi elles fe trouvent
bien pour l’un, elles feront bien, pour l’autre.
Soit donc le front de la place attaqué A B {fig»
326, ayant pour dehors la demi-lune C , il faut
chercher le long des parallèles les points où les prolongements
des faces attaquées , tant de la demi-
lune que des baftions , viendront les couper & le
marquer ; rendre ces lignes fenfibles par des piquets,
comme S , & en meme temps réfoudre la
firuation des batteries qui doivent toujours fe placer
en avant , & hors la place d’armes, comme eft
G , H , I , K , L.
Ces fituations étant déterminées, on ouvrira
des fapes pour y communiquer par un bout de
tranchée fait exprès ; après quoi on en diftribue le
terrein à l'artillerie , qui fait inceffamment fes préparatifs
pour cet effet»
Quand la nuit commence, on achève de les
difpofer , fur quoi on doit obferver:
i De faire front dire& à la partie qu’on veut
battre.
IL De porter tellement les découvertes fur l’intérieur
des pièces attaquées, que les deux tiers des canons
puiffent enfiler direélement, & par plongée, i
les faces des pièces oppofées aux attaques.
III. D'ouvrir les embrafures de manière que des
memes pièces on puiffe écharper tm revers fur les
chemins couverts qui font face aux attaques.
1Y . D ’établir les plates formes de ces batteries I
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auffi haut que le niveau de la campagne i 8c pïü'â
fi l’on peut ; qiais parce qu’il eft impoffible de
bien ajufter, que les plates formes font pliantes &
mal faites, comme il arrive fouvent, on donnera
ici le détail d’une batterie telle qu’il faudroit qu’elles
fuffent toutes, pour qu’on en tirât touts les avantages
poffibles. .
Conflrutfion. d’une batterie.
Il feroit à fouhaiter que le lit du canon fût élevé
de 5 ou 6 pieds au deffus de la terre ferme , pour
être à raifonnable hauteur; mais cela pourroit faire
perdre plus de temps que cet avantage n’en peut
faire gagner. Il faut donc fe réduire à l’ufage or-,
dinairè, qui eft-de les élever jufqu’au niveau de
la campagne, & quelques pieds de plus s’il eft
poffible.
Difpofer refpace fur le pied de 15' à 20 pieds
du milieu d’une embrafur.e à l’autre, fur la largeur
de 18 à 20 pieds de plate forme.
Faire les parapets de 3 toifes d’épais fur la hau**
teur de 7 pieds & demi au moins. La matière de
fes parapets , que l’artillerie appelle èpaulement »
doit être de la terre prife furie lieu au devant dè la
batterie, foulée de lit en lit, & fafcinée. en boutiffe
& parement, proprement vêtis, & bien piquetés,
ce qui doit faire liaifbn avec les lits pofés en bou*
tiffe, afin que le parement fe foutienne, & ne
furplombe pas, remarquant que celui des embrafures
doit être auffi fait de même.
Les embrafures doivent avoir 2 pieds & demi »
& trois pieds d’ouverture à la gorge au plus étroit,
& 8 ou 9 pieds au plus large , lur 2 pieds & demi
& 3 pieds de genouillère.
Les plates formes doivent êtrecompofées de 3à
6 gîtes par embrafures de bois quarrés, à 5 à S
pouces, fur 18 à 20 pieds de long, d’un heurtoir
de 6 à 7 pouces quarrés, 8c de 6 à 7 pieds de long,
de 18-madriers d’un pied de large, 2 pouces &
demi d’épais, fur 7 pieds & demi de long, pris du
heurtoir, revenant à 13 pieds & demi fur le derr
rière des plates formes.
Les gîtes de ces plates formes doivent être pofés
fur la terre battue, & bien également appla-
nis , affemblés par entailles avec leur heurtoir en
égale diftance , ouvrant également fur le derrière,
comme il eft figuré à leur plan particulier; ce s
gites proprement arrêtés par des piquets, & l’en-
tredeux rempli de même de terre battue, & bien
preffée, fur laquelle on pofe après les madriers.
Toute la plate-forme d’une pièce doit avoir i&
à ao pieds de long, fur 7 & demi de large au
heurtoir, revenant à 13 pieds & demi fur le derrière
, avec une pente de 4 ou 6 pouces du derrière
au devant, obfervant de la tenir toujours la plus
élevée qu’il fera poffible.
Il faut de pins porter l’intérieur de chaque attaque
d’un cordon de fafcine.S, & le blinder avec
de gros rouleaux bien liés, les armer de portières
PLA
i l’épreuve du moufquet, & que chaque pièce
ioit munie d'un fronteau de mire.
Les batteries achevées , on y mene le canon, oc
ce qu’il faut pour le fervir. Au furplus, pour
bien faire une batterie il y faut au moins employer
deux jours & une nuit, ou deux nuits &
un four, & relayer fouvent les ouvriers; il vau-
droit mieux y mettre plus de temps, & qu’elles
fuffent bien faites.
Tant qu’il s’agira de démomerle canon ennemi,
on pourra battre à pleine charge ; mais aufliiôt
qu’il fera démonté, il faut battre en ricochet ; pour
cet effet il faut mettre les pièces fur la femelle,
c’eft-à-dire, à toute volée, & charger avec des
mefures remplies & raclées avec exaâitude, ver-
fant la charge dans la lanterne, & la conduifant
doucement au fond de la pièce , fur laquelle on
coule la bourre, appuyant deffus avec le refou-
loir , fans battre la pièce chargée de la forte ; pointée
& pofée fur la femelle , comme il eft dit ci-
deffus, il n’y aura plus -que le trop ou le trop
peu de charge qui puiffe empêcher le coup d'aller
où l’on veut ; mais on a bientôt trouvé la véritable
charge qu’il lui faut, car en chargeant toujours de
même poudre Sc de même mefure, on l’augmente
& diminue jufqu’à ce que l’on voie le boulet entrer
dans l’ouvrage, effleurant le foromet du parapet;
cequife voit aifément, parce qu’on conduit
le boules à l’oeil.
Quand on a une fois trouvé la vraie charge,
il n’y a qu’à continuer ; comme la pièce ne recule
pas au moins fenfiblement, à caufe de cette
charge qui eft beaucoup plus petite que la charge
ordinaire ; tant que la même poudre dure, le boulet
fe porte toujours où il doit aller.
Obfervez aufii que quand on change de poudre
Il faut pr’sndre garde au ricochet, & le régler de
nouveau, & quand il eft trop fort, c’eft-à-dire,
quand il eft élevé confidérablement, il fera bon
del’appaifer, & d’employer pour cet effet le coin
de mire, Sc augmenter la charge afin de le roidir
un peu d’avantage; il en devient plus dangereux.
Mais.il faut prendre garde à deux chofes : l’une,
de ne pas trop roidir, parce qu’il pourroit paffer
fans plonger ; & l’autre, qu’il rafe toujours les paniers
dont les foldats affiégés fe couvrent, & quand
il en abat quelques-uns, il n’eft que meilleur; car
c’eft la perfeâion de bien tirer, que de rafer le
fommet du parapet, le plus près qu’il eft poffible ,
fans le toucher ; un peu d’exercice Sc de bon fens
l’ont bientôt réglé.
Il faut encore bien prendre garde à une cbofe,
c’eft que le ricochet ne doit pas faire bond fur le parapet
des faces prolongées, mais fur le rempart
qui eft derrière ; c’eft pourquoi il faut toujours jaif-
fer 4 toifes ou environ , depuis le devant des
pièces qu’on bat, jufqu’à l’endroit où l’on pointe.
. Quand il y a lieu de changer d’objet, Sc de
battre en revers fur le chemin couvert, ou dans
le foffé, ou fur l’arrière des baftions, il n’y a qu’à
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donner un peu de flafque à la pièce, la repointer,
& toujours l’abattre fur la femelle, & remonter
enfuite le ricochet jufqu’à ce qu’on foit ajufté;
après quoi il n’eft plus nèceffaire d’y toucher.
Quand les pièces font dirigées fur ce qu’on veut
battre, comme elles ne reculent point, on peut le*
affermir pour la nuit & le jour, & quand même
il faudroit les contenir par des tringles,clouées fur
les plates-formes pour s’en mieux affurer, Cela
n’en feroit que mieux. Voye^pour les figures le dic-
lïonnaire <£ artillerie.
Le nombre des pièces aux batteries à ricochets
doit être depuis 5 jufqu’à 8 ou 10 , fi l’on en met-
toit moins le ricochet feroit trop lent, & îaifferoit
du temps à l’ennemi, dont il pourroit fe prévaloir
pour fe traverfer & travailler à fes retranchements.
Pour cette raifon, on ne dôit jamais permettre
de tirer en falve, mais toujours un coup l’un après
l’autre, par intervalles égaux.
On ne doit non plus tirer à ricochet qu’ôn ne
charge avec des mefures ; c’eft de quoi il faut être
abondamment fourni.
Les mefures néceffaires doivent être de fe*
blanc, comme celles dont on mefure le fe l, fa-
I v oir , d’une once, de 2 , de 3 , de 4 , de 8 onces ,
qui font la demi-livre, & enfin de ï6 onces qui
font la livre.
Cette quantité par chaque pièce peut fuffire, &
même on pourroit s’en paffer de moins, car s’il
s’agit de charger d’une once, vous en aurez la mefure
; fi de 2 „vous l’avez auffi ; fi de 3 , de même ;
fi de 4 , vous l’avez encore ; fi de 5 , ajoutez 1 à 4 ;
fi de 6 , ajoutez 2 à 4 ; fi de 7 , ajoutez 3 à 4 , la
huitième fait la demi-livre, q u i, répétée i . fois ,
fait la livre ; 3 fois fait la livre & demi, & 4 fois
fait 2 livres.
Il vaut mieux néanmoins avoir quelques mefures
de plus, pour ne point tâtonner, & les faire toutes
numérotées avec bien de l’exa&itude; on eft
bientôt accoutumé au ricochet, qui eft la meilleure
& la plus excellente manière d’employer utilement
le canon dans les lièges.
Les propriétés de ces batteries dans les çommen-
cements d’un fiège , font :
I. De démonter promptement les barbettes * &
toutes les autres pièces montées le long des faces
des baftions & demi lunes, qui peuvent incommoder
la tranchée, en battant à pleine charge*
II. De plonger les foffés, y couper les communications
de place, aux demi-lunes, principale-,
ment s’ils font pleins d’eau.
III. De chaffer l’ennemi des défenfes de la
place, oppofées aux attaques, en battant à ricochet.
IV# De chaffer l’ennemi des chemins couverts ,
& de tellement l'y tourmenter par la rupture des
paliffades , en les plongeant d’un bout à l’autre ,
qu'il foit obligé de les abandonner*
V. De prendre le derrière des flancs & des courtines
qui peuvent s’pppofe.r aux paffages des fof?
lé s , & lés rendre inutiles*