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Canada, des fouliers ferrés à doubles femelles fortes
, garnis de clous rivés entre deux cuirs, qui ré-
fiftent longtemps aux plus rudes épreuves , & préfervent
le pied de toute humidité ; il feroit à defirer
que l’ufage en fût rendu général pendant l’hiver &
dans les marches difficiles; mais la vanité françoife
révoltée ne manquera pas de profcrire encore cette
falutaire invention.
Le maréchal de Saxe relève avec raifon l’incommodité
& le danger de la coëffure de nos foldats.
« Je voudrois , dit-il, au lieu de chapeaux, des caf-
ques à la romaine ; ils ne pèfentpas plus, ne font
point du tout incommodes /garantirent du coup
de fabre , & font un très bel ornement ». Il ajoute
plus bas : « les cafques font un fi bel ornement,
»1 qu’il n’y en a point qui lui foit comparable ».
Le régiment'de hullans que ce général comman-
doit en France , étoit ainfi & très^bien coëffé.' en
effet, le cafque donne au foldat un air de guerre
que le chapeau ne pourra jamais lui prêter, quelque
effort que l’on faffe pour lui donner delà grâce
par la manière de le retaper.
Nous avons obfervé que les habits font coupés
fur des patrons de trois hauteurs 8c largeurs. Lorf-
que le temps & les lieux le permettent, la coupe fe
fait fur la taille des cavaliers, dragons 8c foldats;
ce qui eft toujours plus expédient. Si l’on n’en a
pas l’aifance , la diftribution partielle des juftau-
corps , veftes 8c culottes fe fait dVn tiers de la
grande taille , & de deux tiers de la moyenne pour
la cavalerie , les dragons 8c les compagnies de grenadiers
où les hommes font ordinairement de haute
ftature 8c bien traverfés;"8c pour l’infanterie, de
moitié de la moyenne taille , d’un quart de la
grande , & d’un quart de la petite.
Le roi, comme nous l’avons dit, fournit de les
magafins & arfenaux, Y habillement 8c Yarmement
aux bataillons de milice ; c’eft l’ufage, voici l’abus.
L’officier qui n’attache pas plus de gloire qu’il n’a
d’intérêt à la confervation de ces effets, n’y donne
qu’une médiocre attention. Les armes dépériffent
l ’habit s’ufe, & le foldat mal armé refte mal-propre
& mal vêtu. Un infpeéleur arrive, on exagere encore
à fes yeux les befoins de la troupe ; il ordonne
des radoubs aux armes , des réparations à Y habillement
, 8c la dépenfe toujours enflée tombe à 'la
charge du roi, qui bientôt après, eft obligé de
faire remplacer le tout à neuf.
Les vifites des commiffaires des guerres ne font
que des palliatifs contre le mal. Le fpécifique feroit
de charger les capitaines de milice de l ’entretien
del’ habillement, de Yéquipement 8c de Y armement de
de leurs compagnies,en lèur accordant un traitement
particulier affe&é à cet objet, ou un fonds de maffe
fur le pied de celui des troupes réglées, pour les
temps d’affemblée des bataillons de milice : le bien
du fervice exige , l’humanité même follicite ce
changement, & nous l’efpérons du zèle des minif-
'très, malgré le jeu intéreffé des refforts fecrets qui
f f oppofepta
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Il fuffit d’avoir expliqué les réglements généraux
fur Y habillement , Y équipement 8c Yarmement des
troupes. Les bornes que nous nous prefcrivons
dans cet article ne nous permettent pas de parler
des cas d’exception réfultants foit de l’infiitution
primitive , foit de la nature du fervice de quelques
I corps. Le détail des différences d’uniformes des régiments
n’entre pas non plus dans notre plan ; on
les diftingue foit par la diverfité des couleurs de
Y habillement ou de quelques-unes de fes parties ,
foit par la forme des pattes de poches , par le nombre,
la couleur , le mélange ou l’arrangement des
boutons; foit enfin par la couleur des galons de
paremens 8c des bords de chapeaux.
En général, la cavalerie eft habillée de drap
bleu, rouge, ou gris piqué de bleu , avec parements
8c revers jufqu’à la taille en demi-écarlate.
Les dragons de drap bleu, rouge-garënce ou en
vermillon.
L’infanterie de drap gris-blanc , bleu ou rouge.
Toutes les milices, foit de terre , foit gardes-
côtes , en drap gris-blanc.
Il feroit fans doute bien utile que chaque arme
fût diftinguée par fa couleur exçlufive; la cavalerie
par le bleu, les dragons par le rouge , 8c l’infanterie
par le gris-blanc , fans mélange de couleurs
de l’un des corps à l’autre. L’attachement de quelques
régiments aux anciens ufages , ou à quelques
antiques prérogatives , ne doit pas balancer les
avantages fenfibles qui réfulteroient d’un tel réglement
, ni empêcher l’établifTement invariable de
l’uniformité refpeélive , fi effentiellement nécef-
faire dans toutes les parties du genre militaire ( Article
de M.\D OR IV AL le cadet).
Habillement. Ce terme comprend touts les
vêtements dont les troupes font ufage.
Quoiqu’il foit poffible à une armée mal habillée
de remporter une viéloire fur des troupes bien vêtues
, on peut cependant affirmer que dans le cours
d’une longue guerre la puiffance qui aura donné à
fes foldats le meilleur eoftume militaire ] aura fur
Ion ennemi de grands^avantages , tandis que celle-
ci verra fés foldats entrer en foule dans les hôpitaux
, y refter longtems , en fortir foibles 8c lan-
guiffants 8c y rentrer bien pour n’en fortir jamais ,
celle-là verra tous les fiens autour de leurs enfei-
gnes ; leur vifage brillant de fanté , leur air fier,
leur démarche vive lui préfageront des fuccès pref-
que. certains. Si le meilleur habillement militaire ne
devoitpas produire un bien confidérable , le maréchal
de Saxe auroit-il rabaiffé fon génie jufqn’à le
faire entrer dans les détails qu’ils nous a donnés fur
cet objet ; un grand nombre d’autres écrivains recommandables
par leurs talents, auroientdls em-
ployé leurs loifirs à chercher le mieux en ce genre ?
8c des miniftres fages 8c habiles auroient-ils abandonné
le foin des grandes parties de la guerre
pour s’occuper de Y habillement des troupes ? Non :
les écrivains 8c leshemmes d’état favent également
qu’une conftitution militaire eft une chaîne compofée
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pofée de plufieurs grands chaînons 8c de beaucoup
de petits ; que la bonté de ceux-ci eft auffi effen-
tielle que la bonté de ceux-là à la force de la chaîne
entière : ils fëntent que fi Y habillement ne doit pas
être rangé parmi les chaînons du premier ordre,
au moins doit-il être placé parmi les plus importants
du fécond ; 8c ils conviennent que la forme ,
les proportions 8c la couleur des habits , la qualité
dès étoffes, la manière dont on les met en oeuvre ,
les entretient 8c les répare , font des objets qui méritent
de fixer leur attention.
Si nous avions cru que le eoftume militaire des
peuples de l’antiquité eût pu convenir aux guerriers
du dix-huitième fièclé; fi nous avions penfé
que la connoiffance de ces coftumes eût pu leur
être de quelque utilité , nous les aurions décrits
dans cet article ; mais la différence immenfe qui
exifte entre nos moeurs, nos armés, notre manière
de faire la guerre 8c celle des anciens, rendant cette
connoiffance purement fpéculative 8c en faifant un
objet de fimple curiofité , nous nous contenterons
de renvoyer nos leéleurs au diélionnaire des Antiquités
, qui fait partie de cette encyclopédie ; aux
mémoires de l’académie des inferiptions, à l’antiquité
expliquée du père Montfaucon ; aux ouvrages
de M(yl. Winckelmaan 8c Lens , 8c fur-tout à.
l ’étude des monuments antiques. Nous nous bornerons
auffi, par la même raifon , à jetter un coup-
d’oeil rapide fur l’habit que les militaires françois,
ont porté jufqu’au moment où les, uniformes ont
été établis ; 8c nous ne parlerons enfin du eoftume
militaire aéluel des peuples de l’Europe, qu’autant
qu’il pourra nous aider à perfectionner le nôtre.
Chez un peuple frivole , naturellement imitateur
, ami de la nouveauté , très occupé de fa parure
8c gouverné par la mode, l ’habit militaire doit
éprouver fouvent de grandes variations ; chez ce
peuple, on doit plutôt chercher un habit élégant
qu’un habit commode , une couleur brillante
qu’une couleur folide ; en un mot, on doit facrifier
prefque toujours l’utile à l’agréable. Tel fut toujours
en effet le fort de notre habit militaire ; les
françois après avoir porté fucceffivement le fayon ,
le haubert, la cotte d’armes, l’armure complette 8c
le hoqueton, s’habillèrent chacun à fa guife ; quand
on leur ordonna, fous Louis XIV, de porter des habits
femblables , l’habit national fut adopté ; mais
quoique le même, quant au fond , il n’en fuivit
pas moins, quant aux formes , les caprices de la
mode ou ceux de chaque individu; car il fut alternativement
large, étroit, long 8c court. Après un
laps de temps affez confidérable ; 8c pendant lequel
l’habillement militaire n’éprouva que de petites variations
, l’habit national fut abandonné ; on adopta
un eoftume nouveau qu’on a abandonné depuis,
pour reprendre l’ancien habit de la nation , 8c c’eft
celui que nous portons aujourd’hui.
Le règne de ce dernier eoftume fera-t-il long ?
C ’eft fur quoi nous ne hafarderons pas nos conjectures.
Toutes les fois qu’on eft fournis à la yol&nté
Art militaire. Tome ƒ//.
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des hommes 8c aux caprices de la mode , il eft im-
poffible de former des conjeéhires folides ; mais,
eft-ce qu’il n’y a donc point de principes certains
fur Y habillement des militaires ? Eft-ce que touts les
habits font également bons aux gens de guerre ?
Non affurément, touts les habits ne font point également
propres aux guerriers ; il n’en eft qu’un qui
foit le meilleur ; mais quel eft-il? Eft-ce celui que
M. le maréchal de Saxe a imaginé ; celui que M.
de Saint-Germain a donné ; celui dont les nouvelles
conftitutions militaires ont parlé; celui que
nous portons actuellement; celui que l’auteur du
foldat citoyen propofe ;ou bien celui qu’a donné
l’auteur de l’examen critique du militaire françois ï
Il n’e ft, je crois, qu’une manière certaine de
bien répondre à ces différentes queftions ;ellecon-
fifte à fe former une idée claire 8c diftinéîe des qualités
que doit réunir un bon habillement. Si nous
' parvenons 4 former ce type , nous verrons aifé-
ment, pour peu que nous en rapprochions les différents
habits, quel eft celui qui mérite la préférence.
Mais le problème du meilleur habillement militaire
eft-il un de ceux qui peuvent être réfolus
d’une manière générale ? Le meilleur habit-pour un
guerrier des pays méridionaux de l’Europe , fera-
t-il le meilleur pour un foldat deftiné à vivre dans
ces climats malheureux où règne une glace perpétuelle
; ou pour celui qui , comme le fi ançois ,
n’eft prefque jamais expofé ni au foleil brûlant du
midi, ni au froid rigoureux du nord ? D ’ailleurs, un
habit excellent pour un cavalier fort 8c robnfte ,
monté fur un bon cheval, eft-il propre à un foldat
des troupes légères qui, obligé à faire des marches
longues 8c vives , fuccomberoit, fans doute , fous
le poids d’un lourd manteau ? Il faut que l’habit
militaire varie avec les climats. qu’il varie avec les
armes , qu’il foit même accommodé aux moeurs de
la nation à laquelle il eft deftiné, fans être fournis
néanmoins aux caprices qui la gouvernent. L ’écrivain
qui voudroit donc affigner à chaque peuple
l’habit militaire qui lui convient le mieux, devrait
fe former un type différent pour chaque peuple
fitué fous une latitude différente, 8c varier encore
fon modèle intellectuel d’après l’efpèce de troupe
pour laquelle il travaillerait ; pour nous , qui nous
occupons principalement de l’habit militaire françois
, nous ne ferons qu’une fuppofition relativement
au climat. Mais nous en ferons trois relativement
à i’efpèce de troupes : une poùr l’infanterie,
une pour la cavalerie , 8c une pour les troupes légères.
Sous cette dernière dénomination nous comprenons
nos dragons, nos huffards 8c nos chaffeurs,
tant à pied qu’à cheval.
§• i-
De Informe de /’habillement de îinfanterie françoife.
L’habillement du fantaffin françois doit i°. être
alternativement chaud îr froid. Nos foldats peuvent *
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