pagne , & que paf conféquent aucune fille ne réfutera
un foldat, quelque eftropié qu’il toit, parce
qu’il ne peut lui être à charge , 8c parce que toutes
les filles veulent jouir de la liberté qu'elles croyent
appercevoir dans l’état de femme ; il prbpole ,
comme nous l’avons d it, de forcer les invalides à
fe marier , 8t de rendre les enfants mâles provenus
de ces mariages foldats nés, ou miliciens de
droit. Ce fera la ioi, dit-il, « chaque enfant mâle ,
cohtinue-t i l , recevra , à commencer du jour de fa
naiflânce jufqu’à celui de feize ans accomplis., une
fùbfiftance de deux fols par jour , ou 3 livres par
mois , de la part de la communauté où il eft n é , &
pour laquelle il doit fervir. Ces 36 livres par année
-que le foldat recevra pour chacun de (es fils, feront
fon bien-être & le mettront en état de les élever.
Il eft étonnant combien parmi les gens de
cette efpèce, deux fols de plus ou de moins par
jour procurent o 1 ôtent d’aifance; l’objet ne fera
point à charge à la communauté, 8c chaque père
de famille croira voir dans l’enfant du foldat, le
milicien qui empêchera quelque jour fon fils de le
devenir ».
« Au refte il feroit défirable que cette dépenfe
devînt par la fuite alfez onéreufe , pour exciter les
plaintes de ceux qui la fupporteronr, & qu’eiles
fuffent de nature à forcer l’état de venir à leur le-
cours ».
M. Collot fentant qu’on pouvoit lui faire beaucoup
d'objeéfions bien fondées , cherche à les lever
d’avance ; il réduit d'abord à un tiers le nombre
des invalides qui feroient forcés à fe marier. Mais
il ne nous dit, ni qui, fera le choix de ceux qu'on
forcera à fe marier , ni qui obligera les jeunes filles
à donner à un vieux foldat, toujours ufé par les
travaux guerriers , & trop fouvenr par le vin 8c la
débauche , la préférence fur un pâtre jeune 8c
lefte , ou fur un laboureur plein de vigueur 8c de
fanté. Ah ! fi jamais un roi ordonnoit des alliances
de cette efpèce , il feroit aulfi barbare que le tyran
qui faifoit lier un vivant à un mort. La 'fécondé
objeélion que fe fait M. Collot eft celle-ci u il y
auroit des invalides qui , accoutumés au célibat ,
préféreroient d'y refter , 8c on ne pourroir charitablement
fe refufer à leurs défir» ». Voici comme
l ’auteur y répond : « après avoir pofé pour principe
que chaque fujet eft à l’état ce que chaque
membre eft au corps , & que fans fe rendre cou
pablë du crime de lèfe-fociété, un particulier ne
peut féparer fon intérêt de fa nation , il demande
la permiflion de faire deux queftions , & d'y ré
pondre. Les voici l qu’eft ce que le célibat, qu’eft
ce que la charité » ?
u Le célibat ne peut être une vertu ; car fon
exaéle obfervation , loin de contribuer au bonheur
public , qui eft le terme de toutes les vertus,, prépare
fourdement la ruine d’un empire ».
« La charité eft une vertu chrétienne qui confifte
à aimer Dieu par deflùs tout , & fon prochain comme foi même. Ce n’eft pas offenfer l’être fuprême
que de forcer le prochain à multiplier le
nombre des créatures faites à l'image de la divinité
, car ces créatures, ainfi multipliées., en pré-
fenteronr plus d’objets à la charité ».
Je ne ferai aucune réflexion fur cette dernière
reponfe , elle reffemble trop à un pur badinage.
Dans la réponfe à la troifième objeéfion qu’il s’efl:
faite , M. Collot cherche à prouver de nouveau
que les filles de villages prendront aufli volontiers
un vieux invalide , qu'un jeune laboureur ; les
raifons qu’ilaliègue font bonnes , fans doute , mais
comme les paysannes ne liront jamais ces raifons
viéloneufes, il y a apparence qu'aucune ne fera
vaincue par elles.
M. Collot prévoyant enfin que les paroiffes trotte
veroienr beaucoup trop pefante la charge de
36 livres par an pour ,chaque enfant ^invalide ,
propofe de la répartir fur toute la province ; mais
tenant toujours 1 fa première idée , il cherche à eu
prouver la bonté, & pour cela il f lit le calcul fui*
vant. « Si le roi fe chargeoit, dit-il, de cette dépenfe,
les particuliers conrribuables en feroient-
ils pour cela déchargés ? Quand les befoins relatifs
à l’objet militaire augmentent l’extraordinaire
des guerres demande de plus gros fonds au tréior
royal ; ils y font portés par les trèforiers généraux
des finances, qui !e> reçoivent des receveurs des
tailles , auxquels ils ont été faits par les collecteurs ,
qui les ont perçus en Augmentation fur chaque habitant
de la communauté; on n'a donc propofé
que d’abréger la forme » ?
M. le chevalier de Servan qui , dans fon livre
du Soldat Citoyen, s’eft occtioé de tout ce qui peut
concourir au bien de larm.e trançoife., n’a pas
oublié de parler des invaides: <* veut-on , d i- il,
jerter un coup d’oeil fur cet éiabliffement élevé par
le fafte 8c la magnificence à la p„orte de la capitale
, on y voir une mulriru 'e de foldats 8c d officiers
qui ont à peine le pnr néceffaire, tandis que
les bâtiments qu; les renferment coûtent énormément
par leur entreden , leurs décorations, leur
magnificence 8c leur étendue , 8c qu’un gouverneur,
un lieutenant de roi , un major , un intendant
, 8cc., (ont loges 8c entretenus dans ce meme
hôtel avec profufion. On y voit le foldu eftropié ,
confondu avec celui qui n eft qu infirme.; 8c celui-
ci mêlé fans diftin&ion avec des hommes vigoureux
qui pourroieir être utiles à la patrie par des
ouvrages- peu pénibles, 8c qui augmenteroient leur
bien-être ».
« Pourquoi toutes les entreprifes pour l’hôtel
des invalides font-tlles autant recherchées ? C ’cft:
que toutes font la fource de fortune*, très rapides
& t es confid râbles; letatle» paye , 8c les foldats
en font la viétime. Rien de plus fage , fans doute ,
que les ordonnances que l’on fit à l’époque de cet
êtabliffement ; mais elles font devenues bientôt
inutiles , comme beaucoup d autres. Elles n’ont
pas:détruit le grand inconvénient de remplacer
ment de cet hôtel , dans l'endroit du royaume où
les vivres font le plus chers, 8c elles ne pouvôïent
que bien peu , contre les abus qui 11e manquent
jamais de fe gllfîer dans radminiftration 8c les entreprifes
pour les vivres , le vêtir 8c le couvert
d’un aufli grand nombre d’hommes raffemblés
dans la même maifon ». Telle eft l’opinion de M.
de Servan fur l’hôtel des invalides ; nous ne tranf-
crirons pas les moyens de remplacement qu’il employé,
ils tiennent à un fyftème général de régénération
militaire que nous ne pouvons faire con-
noître dans cet article.
M. le comte de Saint - Germain , qui, comme
nous l’avons déjà vu , à fait fubir à l’hôtel des invalides
des changements bien confidérables , avoit inféré
la phrafe fuivante dans le mémoire qu’il remit
au roi ; mémoire qui l’éleva auminiftère : « Depuis
Louis XIV , prince qui avoit l’efpritgrand 8c élevé,
toutes les inftitutions , touts les établiflements
tiennent plus de l’oftentation que de l’utilité ; 8c rarement
la raifon de l’économie a été confultée.
L ’hôtel royal des Invalides, deftiné à recevoir de
pauvres vieux foldats, pour les laiffer mourir en
paix 8c en tranquillité, devoit donc être proportionné
à cet objet. Mais on leur a bâti un des-plus
beaux palais de l’Europe, pour les y faire vivre
comme des moines ; 8c la dépenfe annuellede cet
êtabliftement, fuffiroit feule pour entretenir plus de
10,000 invalides , qui, répandus dans les provinces,
s’y rendroient encore utiles. Ce n’eft que dans les
édifices publics , comme les églifes , les palais des
rois , les tribunaux de juftiee , les maifons-de-
yille , 8cc. que l’on doit mettre de la grandeur 8c de
la magnificence , qui annoncent la puiffance 8c la
félicité d’un peuple ; dans tout le refte , 8c fur-aout
dans ce qui concerne le militaire, on ne doit cher
cher que l’utilité, dirigée par l’économie. C ’eft un
corps deftiné à vivre dans la peine 8c le travail,
dans la fobriété 8c dans la privation ; il ne faut donc
rien y admettre qui puiffe lui infpirer des moeurs
contraires ». Dans le mémoire qu’il avoit compofé
pour juftifîer fes opérations , on trouve le développement
des idées qu’il n’avoit fait qu’annoncer dans
l'on mémoire au roi : « La paflion , la prévention ,
dit l’auteur, la haine 8c l’ ignorance , fe font vivement
élevées contre mon arrangement des invalides:
on a crié à l’injuftice 8c à la barbarie, fans rien
examiner. Cette partie de radminiftration militaire
étoit dans un fi grand défordre, qu’il en coûtoit des
fommes immenfes au roi pour faire languir dans
l’opprobre 8c dans le malheur ceux que leur fitua-
tion forçoit à recourir à cette reflource , au lieu d’y
trouver un afyle qui pût les faire jouir de la confo-
lation 8c du bonheur que l’état devoit à leurs fer-
vices. Le nombre excédoit toujours celui que çom-
portoit l’emplacement : je n’ai donc fait autre chofe
que de ramener cet êtabliftement aux vrais principes
de fon inftirution : j’ai Amplifié fon adminif-
tration , 8c diminué la dépenfe. Ceux qui font aujourd’hui
dans la néceflké de recourir à cette ref-
fouree,' jouiffent d’un bonheur mérité : ils font
Art militaire. Tome 111,
1 N v • m
proprement tenus, 8c parfaitement folgnés ; 8c cependant
le nombre des débouchés n’eft pas diminué.
J’ai augmenté les compagnies détachées dans
la même proportion. Tout le monde fait combien
la plus grande partie de ceux qui étoient à l’hôtel
de Paris, briguoient 8c follicitoient des places dans
les provinces. Ce même défir 8c ce même empreffe-
ment n’exiftent plus : il faut donc conclure de-la
qu’ils font mieux. J’avouerai même que ce n étoit
pas-là mon plan. Je voulois au contraire anéantir &
détruire ce monument de la vanité plutôt que de la
bienfaifance de Louis XIV. Mon intention étoit de
former 36 établiflements de récompenfes militaires
dans les 36 principaux gouvernements , dont le
nombre, dans chacun, n’auroit pu excéder 268 bas-
officiers ou foldats invalides ; à la tête defquels eta-
bliffements j’aurois placé d’anciens officiers d’un mérite
8cd’une probité reconnus , pour être chargés de
l’adminiftration , fous l’autorité 8c l’infoeétion des
commandants des provinces 8c des officiers-généraux
employés. En entretenant ainfi un nombre
plus confidérable d'invalides, j’aurois procuré à ces
vieux militaires, la douceur fi confolante de vivre
au milieu de leur famille, 8c de terminer leur carrière
dans le bonheur 8c le repos ».
M. le B. D. B. a confacré à l’hôtel des Invalides ,
une portion du X X V e chapitre de fon Examen critique
du militaire François : il blâme touts les écrivains
qui ont élevé la voix contre cet êtabliftement :
c’ eft fur-tout contre M. de Saint Germain qu’il parole
diriger fes coups les plus violents. Après avoir
dit que.fa voix eft deftînée à faire l’éloge de ce que
les détracteurs des invalides condamnent, il d it:
« Si l’hôçel dés Invalides étoit à bâtir, 011 auroit “
peut-être, raifon de ne choifir, ni la capitale pour
fon emplacement, ni le plan exécuté pour fon modèle
: mais ce monument exifte ; il eft un des plus
beaux du royaume ; 8c le meilleur pa ti qu’on en
puiffe tirer, eft encore de l’employer à l’ufage auquel
il eft deftiné. Les approvifionnements 8c confom-
mations -jQurnalières de l'hôtel peuvent, être telle?
ment ordonnés qu’ils ne coûtent guères plus à Paris
que dans les provinces. L’hôtel doit avoir fa boulangerie
8c fa boucherie : les farines 8c la viande ne
doivent payer aucuns droits d’entrée ». L’auteur
donne enfuite fon fyftème : il fuppofe qup chaque
foldat ne dojt coûter que 1 liv. 1 f., chaque bas officier
1 liV. 7 f . , 8f chaque lieutenant 2 liv. 4 f. : il
veut qu’on porter 3000 liv. le nombre de places ;
fçavoir, 2000 foldats, 600bas officiers 8c 400 lieutenants.
La compofition de fon état-major eft, à peu
de chofe près , celle de M. de Saint-Germain.
M. le B. D . B . n’admet à l’hôtel que les lieutenants
de fortune qui. ont perdu quelque membre , ou qui
ont 42 ans de fervice, dont 12 en qualité d’officiers.
Les bas-officiers doivent avoir perdu un membre,
ou avoir fervi 40 ans confécutifs , dont 8 en qualité
de fergent ou de maréchal-de-logis. Les foldats feront
aufli obligés d’avoir le même nombre d’années
de ferYice, Pour fupplèer à l’h ôtel, l’auteur fait de$