
aux acteffoires variés de la décoration des eut As
qu’on doit l’in'cêrtitnde de leur pofition.
L e defir d’embellir les autels Chrétiens', & de
fixer l’attention 5c le refpe&par la richeflè fk la magnificence
, a fait imaginer une infinité d’acceflbires &
de décorations , qui ne laiffent pas néanmoins que de
produire un effet contraire à celui qu’on en devroit
attendre. Les plus anciens autels qu’ on voit dans les
bafiliqnes de Rome & ailleurs ,.font furmontés de ce
qu’on appelle le ciboire, efpèce de petite coupole
portée par quatre colonnes. ( Voye\ C ib o ir e . ) Aux
ciboires a fùccédé l’ufage des baldaquins qui n’en
furent qu’une imitation plus pompeufe 5 mais cette
décoration paroît avoir été particulière aux autels
ifolés & placés au centre , ou du moins en avant de
l ’hémicycle , ( Voyez Bafilique 6* Abfide. ) tels qu’on
les voit dans les bafiliqnes & aux plus anciennes
églifes. Les autels aioffés ont cherché la magnificence
dans ces rétables ornés de colonnes, de tableaux, de
bas-reliefs & autres objets. Les autels fitués au rond
point des églifes ont emprunté leur décoration des
deux autres efpèces ; 5c comme leur pofition leur
permet la réunion des deux genres , on a vu le génie
de la décoration s’y épuifer en toutes fortes de com-
pofitions plus déréglées les unes que les autres. Tantôt
un vafte frontifpice d’architecture, dont le goût & la
forme font étrangers au relie de l’édifice , vient
obftruer le fond de l’églife. Tantôt c’eft une efpèce
de baldaquin, mal fupporté par des colonnes qui n’y
ont aucun rapport, couronné par les amortiflemens
les plus ridicules , qui vient rompre l’ordonnance
générale, & gâter le point de vue. Ici des nuages de
pierre, & des Gloires fans éclat, furchargées d’anges
êc de grouppes d’enfans, détruifent les membres
d ’architeClure, & n’offrent au fpeétateur raifonnable,
que le preftige ridicule d’une illufion puérile. Ailleurs
la bigarure des marbres , la confufion des bronzes,
des métaux Sc des pierres précieufes offrent l’idée
d ’un étalage de curiofités, peu compatible avec la
dignité de l’objet pour lequel on les a raffemblés.
Parmi tant d’inventions différentes que l’ufage a
confacrées à l’embelliflèment des autels , le bon
goût auroit de la peine à en citer une feule qui ne
(dégrade , tout à la fois , & la majefté du lieu &
jes formes de l’archite&uxe.
C ’eft pourtant à cette manie de décoration, & aux
faulfes idées qu’on s’eft faites de la nobleffe & de la
dignité des autels, qu’il faut attribuer l’indécifion
dont on a parlé fur la nature de leurs pofitions,
ce V o i c i , dit Laugier, ce qui m’engage à ne point
» placer le maître autel'au centre de l’églife. C ’eft
a» qu’il eft très-difficile d’imagiuer un defîtn $ autel,
«a capable de faire une fenfation tant foit peu maje-
v> ftueufe au milieu d’un vuide auffi grand que celui
qui fe rencontre dans le centre d’une croifée, n
N u l doute cependant que la pofition du maître
autel ne doive dépendre de la forme de l’églife plutôt
que des caprices de la décoration. D ’apres c e la , il
femble que le grand autel doit néceffairement être ,
placé au centre dans les églifes en cro ix, puifqu’étant
fait pour fixer les yeux & l’attention, ce lieu devient
le centre de tous les points de vue de l’églife : cette
confîdération doit l’emporter fur toutes les autres.
Dans les églifes faites en forme de bafilique , c’eft-
a-dire fans croifée , le maître autel ne doit point
occuper d’autre place que celle du rond point ou de
| l’hémicycle. Soit que le choeur &: les ftalles foient
placés en avant de l'a u te l, foit qu’on les difpofe
dans la partie circulaire qui forme la tribune , ou le
rond point, comme on le voit aux bafiliques de Rome.
Enfin, dans les deux cas , c’eft l’afpeCt général, & le
point de vue du plus grand nombre , qui doivent
décider de leur pofition félon les formes des églifes.
Mais quelle que foit la pofition du maître autel, fa
forme doit être grandé , & fa décoration fimple,
Puifque l’idée de tombeau eft celle qui s’accorde le
mieux avec l’ufage reçu , & l’opinion adoptée & con-
facrée par le rite , rien n’empêche qu’on n’y adapte
les formes les plus belle^des tombeaux antiques. Si
l’autel fe trouve au centre de l’ég life , qu’il foit élevé
fur un vafte foubaffement, & que de chaque côté
des marches y conduifent : que de grands candélabres
pofés à terre , félon l’ufage Romain , en ornent le
circuit, & en éclairent les cérémonies: que le, tabernacle
feule pyramide fur Y autel ; & que le goût le
plus fage préfide à cette fainte décoration. L e caractère
de la gravité , de la fimplicité doit être celui
des autels. Qu ’on en bannifle tous ces colifichets,
tous ces faux brillaas dont l’éclat déplacé déshonore
les myftères, & détourne l’attention de l’objet qui
doit feul la fixer,
U autel placé à l’extrémité de l’Eglife fera peut-
être fufceptible d’une plus heureufe décoration; mais
qu’elle foit toujours motivée , toujours analogue &
toujours fage. Par exemple, on placera avec avantage
, au fond de l’ég life, la ftatue cololfale du Saint
qui donne fonnom au temple. Ungrouppe femblable
à celui de Y autel de Ste Marie des Fleurs à Florence,
ou de Notre-Dame à Paris, ou de Y autel de la V ierge
à St Pierre de Rome, pourra faire un point de vue auffi
noble qu’intéreifant & vraifembjable. Une croix élevée
fur l’autel, des figures dont la préfence feroit motivée
par une aCtion analogue au fuje t, des ftatues placées
dans les entre-colonnemens, ou adoffées même aux
colonnes , ne pourroient que contribuer à embellir
Y autel, & à enrichir fes alentours* Mais , dans le
choix des décorations ', nous croyons que la plus
fimple fera toujours la plus conforme aux idées reli-
gieufes qu’on doit y attacher, & au bon goût de I’ar-
chiteCture. Le fervice Divin s’y feroit avec plus de
facilité 5 fes cérémonies s’y rendroient vifibles à tout
le peuple. Cette noble fimpheité., qui feroit l’effet
de l’a r t , 5c dont le caractère ne feroit pas encore fi
facile à faifir , l ’emporteroit, fans doute , dit Laugier
, fur tous ces rétables ridicules, qui , jufqu’à
préfent, ont fait la décoration de nos autels j rétables
chargés de colonnes déplacées, de niches, de frontons,
4e cartouches, d e ftatues, de piédeftaux jettes ça $
la fans ordre & fans delfein V rétables q u i , bien loin
défaire un tout avec l’architecture de l’édifie , ne
: pervent qu’à la mafiquer, à l’interrompre , a la défigurer
, à y mettre de la confufion & du défotdre.
Les autels des chapelles devroient aulfi avoir tous
une certaine uniformité de defiin ; & c’eft là que la
peinture ou la fculpture peuvent être employ ées avec
fuccès , (V o y e z Chapelle. ) fans contredire l’effet
général, par une variété mal-entendue, 5c toujours
dificordante.
Il eft encore plufîeurs autres obfervations à faire
fur la pofition des autels particuliers dans les églifes ,
pour lefquelles nous renvoyons à l ’article eglifie. ( Voye£
! ce mot. )
A U T O R IT E , f. f. C e mot s’applique à Tarfhi-
tefture , & s’employe fouVent à ce îu je t , .mais dans
des fens différens.
Autorité fe d i t , Sc s’entend particulièrement du
droit que certains ouvrages, certains artiftes,ou certains
fiècles ont acquis , de fixer l’opinion générale,
de donner la l o i , de fe faire relpeéter, & même imiter
aveuglément.
De tout .tems lès arts ont porté le joug de Y autorité.
Peut-être èft-ee parmi eux que fon empire
trouve le plus de facilité à s’établir, & fe détruit le
plus difficilement. Les fciences peuvent éprouver fon
pouvoir j mais l’expérience tôt ou tard l’affoib lit, &
la vérité, tardive, il eft v r a i, ne manque jamais de
le renverfer. Dans les arts , au contraire, le tems
femble le fortifier : s’il paroît quelquefois s’atténuer,
c’eft qu’il change de forme. Enfin on diroit que le
defipotifime de Y auto rite augmente dans les arts, à
mefure qu’il diminue dans les fciences.
Voici les raifôns de cette différence:
Les fciences tendent à connoître les principes &
| les caufës de la nature : les arts ne vifient qu’à en
étudier.çufaifir les effets, & à nous affeCfcer par les
memes moyens què ceux de la nature. Mais on voit
[ que les effets font plus aifés à fentir , que les caufes
| ne le font à, deviner. Dès lors , les premiers pas des
[ ftiences n’étant & ne pouvant être que des conjec-
tu^ s> lorfque les premiers regards des arts fe dirigent
i déjà vers le vrai naturel qui ne fauroit être équivoque
, les arts ont fait de grands progrès 3 que les
f. fon ces n’ont point encore apperçu la route qu’elles
| doivent fuivre. Il y a plus : la nature qui fait l’objet
' des fciences, femble te cacher aux premiers effais,
le refufer aux premiers, efforts du philofophe : on
•diroit qu’eii6 veut être furprifé ou forcée. L a nature
IJ11 ej* l’objet des arts , ne fe montre jamais avec
p us de liberté ni dans un plus grand éclat qu’aux
premiers q^i là recherchent.
Les fciences rèffemblent à une mine , lono--tem,=
cachée, dont les premières fouilles ftériles, c o n d u i t
entement a la découverte dès tréfors qu’elle récèle.
r j f f arc? ^°nt un champ dont les premières récoltes
cnlm CS « S fo n d âm e s , qui s’ëpuife bientôt par la
re 11161116 x & ne tarde pas à devenir infruftueuxi
De la différence qui exifte entre les fciences & les
arts, refulte celle de Y autorité qui s’y établit. Les
fciences commençant par l’erreur, les nouvelles découvertes
défabufent de plus en plus des préjugés de
Y autorité , & la font enfin difparoître. Les arts commençant
par la vérité, la force de Y autorité y devient
d’autant plus grande , qu’on voit s’éteindre peu à peu
cette lumière précieufe , dont on ne retrouve plus, à
la fin d’étincelles que dans les. ouvrages mêmes de
J art. Quand les fciences apperçoivent la nature , le
flambeau de Y autorité pâlit devant elle. Quand les
arts perdent la nature de vue , le fanal de Y autorité
peut feul les empêcher de s’égarer. V oilà pourquoi le
pouvoir de Y autorité diminue dans les fciences 8c
augmente dans les arts en raifiôn de la perfection des
unes, 5c de la décadence des autres.
M a is, dira-t-on , fi les arts d’imitation trouvent
dans la nature matérielle, des modèles palpables d’un,
beau vifible comment fe peut-il qu’ils ayent befoin
d'autorités 3 pour fixer ce qui ne fauroit être fujet à
contradiction ? Faut-il des autorités pour prouver ce
qu’on voit.
N o n , fans doute , Yautorité n’auroit jamais eu lieu
dans les a r ts,,fi ce beau matériel ne fe trouvoit liés
lui-même au beau intellectuel, & par cela fujet à
toutes les variétés de l’opinion. Mais ce q u i , plus
que tout le refte a introduit , & comme néceflité
dans les arts , la puiffance de Y autorité , le voici •.
cette raifon tient à la nature des chofes , & à l ’hiftoire
même des arts.
L ’expérience nous prouve q u i mefure que l’art
marche en avant , la nature de fon côté femble fe
reculer & s’éloigner. Les ouvrages de l’art , en fe
multipliant autour de leur modèle , parviennent , li
l’on peut dire , à en cacher la vue. Ainfi l’art perfectionné
fe nuit à lui-même, & trouve dans fa perfection
lacaufe de fa ruine. Quand la nature s’avoue
en quelque forte , vaincue par l’a r t , on fent bien
que l’imitation des ouvrages de l’art' remplace aifié-
ment celle de leur modèle. L ’art devient alors le
miroir dans lequel les artiftes prétendent exclu'five-
ment confidérerla nature. Delà le danger de Yau~
torité.
Mais alors celui q u i , dédaignant cette imitation
fubalterne des ouvrages de l’art , précendroit n’interroger
que la nature ^ ne- courroit-il pas le rifque
attaché aux. premiers pas dans tous les genres d’invention
; ne. s’expoferoit-il pas aux, difficultés infur-
montables que les leçons de l’art peuvent feules épargner?
S i , dé p lu s , des;caufës étrangères viennent
encore a rendre la, nature ' moinx vifible à l’artifte !
q u i, du milieu de nos fociétés policées, ne l ’apper-
£oit plus que dans un lointain confus & qui échappe
à fes yeux, n eft-il pas néceffaire que, s’attachant aux
ouvrages de l’a r t , & choififfant les plus parfaits il
en fubftitue l’imitation à celle de l’original qu’i l
ne fauroit plus voir. D e là , la force de Y au torité dans-
les arts.
Vouloir la bannir .fe ro it vouloir l'ioepoj(fibre;.fsvoi*