
au lieu d’y être arrondie , s’y trouve taillée en forme
dé bifeau 5 & cette configuration fut la plus folide
& la plus appropriée à l'effet qu’on en attendait.
L ’art vint après coup arrondir les formes ruftiques
de la charpente , y multiplier les parties, y mêler
des membres capricieux 8c des ornemens -fantaftique >
(V o y e z Dorique. ) Ces formes , ainfi dénaturées ,
deviennent enfin un problème & un fujet de difpute
pour ceux qui en perdent de vue l’origine. 'C e qui
eft arrivé aux chapiteaux ; cette métamorphofe
q u ’on ne fauroit révoquer en doute, n’exp!ique-t-
eile pas les changemens que l’art dut faire fubir aux
bafésï Si les monumens ne nous en ont pas tranfmis de
preuves aufG inconteftables , c’eft que l’ordre Dorique
,• celui de tous les ordres qui eft refte le plus
conftamment attaché en Grèce aux formes premières
de fon origine , a toujours été employé fans bafe. Sa
forme pyramidale, & bien d’autres raifons y rendirent
inutile l’emploi de cette partie. Cependant, dans
quelques-très-anciens monumens, on croit l’y voir
exhauffé fur des dez de pierre quarrés. Si cette
cfpèce de focle qu’on remarque au temple de Ségefte,
& à un temple cité par M . le R o i, ne font point l’effet
de la dégradation dans les pierres du foubaflement,
il en faut conclure, indépendamment de l’analogie
déjà démontrée , que -l’origine des bafes ne peut
s’expliquer autrement que celle du chapiteau ; & que
les tores de la bafe ne font également que le réfultat
du travail & des embelliffemens de l’art.
L e propre de la bafe , dans la colonne où on l’em-
p lo y e , eft donc de l’exhauffer & en mênie-terns de
la confolider , en lui donnant une efpèce de pied
fur lequel elle repofe plus fùrement, comme le chapiteau
lui fait une tête capable de mieux recevoir
& fupporter le poids 8c la forme de 1 architrave. La
bafe a été imaginée comme un empâtement neceflaire
pour affeoir la partie inférieure de la.colon n e, &
le chapiteau comme une manière de couflinet, pour
l’aider à porter plus facilement l’entablement. Dans
un bâtis de charpente, les pièces qui portent debout
font buttées par en-bas & par en-haut : la folidice
le veut ainfi. C ’eft à cette imitation qu’ont été imaginés
les .chapiteaux & les bafes des colonnes. Les
moulures & ornemens qui décorent ces parties peuvent
donc fè varier à l'infini. Cependant le. raifonnement
doit en cruider le goût & préfider a leurs proportions^
Les parties qui buttent par en bas doivent s’écarter
en, detcendan*- ; 8c celles qui buttent par en haut
doivent s’écarter en -montant. Delà cette règle qui
veut que darra^la bafe les mou ises diminuent de
force èc de faillie , à mefure qu’elles s’approchent de
la tige ; & que , dans le chapiteau, elles augmentent
de force & de faillie, à mefure quelles s’en éloignent:
c’eft-à-dire qu’en-bas le foible doit toujours être fur
le f o r t , & qu’en-haut le fort doit toujours être fur
le foible. En e f fe t , comme dans la bafe. les parties
les plus baffes ont le plus grand diamètre , il eft
naturel qu’elles ayent aufiî plus de force 5 & que le
contraire arrive dans le chapiteau , où ce font les
parties les plus hautes qui ont le plus grand diamètre.
C ’eft par cetre raifon que la bafe attique mérite
& aura toujours la préférence fur IeS autres. Outre
qu’elle fortifie convenablement le bas de la colonne,'
la diminution de fes moulures & de leur' faillie eft
telle qu’on peut la délirer. Il n’en .eft pas de même
de la bafe Ionique, où le fort eft porté fur le foible
d’une manière choquante , ni de la bafe Corinthienne
où le même défaut fe trouve , quoique moins fen-
fible & moins révoltant.
Rien de plus arbitraire'1 que les formes & les proportions
dés bafes y & Tapplicarion qu’on en a faite
aux différens ordres. Ordinairement elles fe compo-
fent d’une plinthe , de tores, de (codes 8c de filet*.
Mais l’ordre , la difpofition & la forme de routes
ces parties lie fauroient recevoir des'règles pofitivés,
Les autorités antiques & celles des modernes n’ont
pu encore en fixer les principes. On doit feulement
y éviter la trop grande multiplication des moulures,
pour ne pas ôter à l’architecture fa nobleile 8c fa
grandeur par trop de petites parties.
Vitruve ne nous indique que deux efpè ces de.
bafes générales , l’ Atticurge & l’ionique. Comme il
appelle l’ordre Corinthien Atticurge , chap. 6. 1. 4.
M paroît que la première dè ces b -/éi étoît confacrée
à cet ordre. Cependant on v o it , d’après fes propres
paroles , qu’on donnoit auffi à Monique la bafe Atû-
curge ; ce qui indique que les propriétés refpedives
de ces ordres n’étoienr pas alors mieux reconnues
qu’aujourd’hui. Les' modernes y ont introduit plus de
.confufion encore par la nécefïité de donner une bafe
au Dorique, & c’eft encore 1a- bafe Atticurge quia
été affeétée. à cet ordre. L a diftinétion équivoque
entre le Doriqne & le Tofcan a fait aufîi imaginer
une forte de bafe à ce dernier. Quel que foit le peu
de (olidité de toutes^îes règles qu’on a voulu établir
• fur cette matière, nous allons les expofer i c i , les
foumettant plutôt à l’examen qu’à l’approbation du
Le<fteur.
Bafe de tordre Tofcan. On n’a , comme on le-fait,
aucune certitude fur la nature propre 8c caradériiO
que de cet ordre. Les Romains feuls nous* en ont
tranfmis une tradition , mais incertaine 5 & ce que
Vitruve nous en apprend ne fauroit trop éclaircir la
matière. Cependant on peut en déduire une diftinc-
tion bien pofitive entre, cet ordre & le Dorique.: c’eft
que le premier avoit une bafe , lorfque le fécond *
d’après les paroles même de Vitruve , n’en avoit
point. Cet auteur nous a décrit la bafe des colonnes
Tofcanes. On lui donnera , d i t - il, en haute1..” la
moitié de fbn épaiffeur.. La plinthe fera circulaire &
aura de hauteur la moitié de fôn diamètre. On w*
donnera, en outre, un tore qui avec un congé aura
la hauteur de la plinthe. Spira ear:: n alla d'uni d
parie craffttuJinis fianu Jiubeant fp.iroe e ai uni. plintm®
dû circinnutn altum fu a crajjitudinis dimidiâ parle ,
torum infuper curn apophyfi crajfum quantum plinthus.
À trois milles d'AJbe, parmi les ruines d’un temple
très-ancien, .Piranéfi rencontra une bafe qui femble
n’avoir pu appartenir qu’à l’ancien-ordre Tofcan ,
gc qui fe rapproche de la forme que Vitruve en
donne. Toutes fes proportions s’accordent avec celles
qu’on vient de rapporter, aux très-petites différences
près que comporte l’emploi des parties , félon la
diverfité des édifices. On y remarque fur-tout que
la plinthe eft arrondie comme Vitruve le recommande.
C ’eft là tout ce qu’on peut avoir de plus
probable fur la bafe Tofcane. {V oy e^laYiG. 6.)
Son tore offre une particularité : il n’eft point en
portion de cercle ; mais il décrit une ellipfe. ( Voyez
Eirufque architeéïurè.) ’
La proportion générale que les modernes ont afïi-
gnée à la bafe Tofcane eft celle-ci : on lui donne
un tore qui comprend le filet du bas du fût de. la
colonne. Elle a la hauteur d’un demi-diamétre , ou
d’un petit module' & demi j 8c elle fe divife en
deux parties dont une eft pour la plinthe. L ’autre
partie , étant divifée en fix , on en donnera cinq
au tore., 8c une au filet. A l’égard de la baje du piédeftal
, elle eft formée du focle & de la moulure
delà bafe de,1acolonne. (Voye^YiG. 13,)
Bafe Dorique. Ce t ordre, comme on le verra ailleurs
(V o y e z Dorique), n’eut jamais de bafe chez
les Grées. On peut même.affirmer que les Romains ne
lui en donnèrent point, à proprement parler. Les autorités
qu’on a cru trouver dans les monumens Romains,
n’ont d’autre fondement que le mélange qui
s’introduifit à Rome entre le Dorique & le Tofcan, 8c
qui a fait fouvent attribuer au premier ce qui con-
ftitue le fécond. Ainfi d’après le prétendu Dorique
du. colifée, 011 a affeifté à cet ordre une efpèce de
bafe, ou du moins on en a inféré 'la nécefïité dè
lui en affigner une , malgré Le témoignage même
des autres édifices' Romains, où cet ordre , employé
avec tous les caractères qui peuvent J e faire recon-
noître, ne préfente pas même l’idée d’une bafe. Le.
fèul Dorique véritable qui permette d’y appercevoir
l'indication de cette partie , eft celui du temple d«
Coia. Le pied de la colonne y eft ©rné d’une efpèce
de tore elliptique! ou de talon renverfé , fans plinthe
, fans filet, faits aftragale 8c fans feotie ; en forte
que cette autorité même eft plus contraire que favorable
au fyftême nouveau, & à l’ introduction de la
bafe au Dorique. ‘Vitruve ne nous . a tranfmis à ce
fujet que la certitude de cette privation Ae.bafe. .Ainfi
les règles que nous allons rapporter font imaginées
par les modernes j & n’ont d’autre force que celle
de l’exemple & de l’autorité des maîtres.
La bafe Attique ou Atticurge a pour elle le plus
grand nombre de fuffrages j 8c les plus célèbres architectes
fe font accordés à la reconnoître pour celle
qui convenait le plus au Dorique.. Léon-Baptifte
A lb erti, Bacbaro , Catana , Palladio , Scamozz i,
Sçrlio , Perrault l’ont adoptée généralement. Vitruve
en a donné les règles. (V o y e z Attique. ) Cette bafe »
comme on l’a d i t , eft la plus belle de toutes : fes
deux tores , de module différent, réunis par une
feotie , font un très-bel effe t, parce que la fohdité
s’y trouve jointe à l’agrément. Cependant V ignole ne
l’a pas employée au Dorique. Celle qu’il lui affsgne
eft peu différente de la bafe Tofcane. L a proportion
générale eft la même , à la réferve du tore-qui a une
partie de moins , laquelle fe donne à un aftragale
qui fépare le tore du fi'et. ( Voyeç F ig . 1 ƒ.)
L a bafe du piédeftal de cet ordre , fuivant Perrault
, a la quatrième partie de tout le piédeftal.
On la divife en quatre parties, & une de ces parties
• en fept , dont on donne quatre à un tore qui eft fur
le fo c le , trois à un cave t, y compris fon filet en
deffous ; ce 'qu i fait les trois moulures donc cette
bafè eft compofée , félon prefqüe tous les architeéles
qui fuivent aujourd’hui Vignole. C a r Palladio lui
donne un quatrième membre qui eft un . filet mis
entre le tore & le filet du cavet 5 & Scamozzi -y met
une doucine.
Bafe Ionique. Vitruve décrit une bafe pour la
colonne Ionique, commune en même tems au Corinthien.
L a plupart des modernes ne l’employent qu’au
feul Ionique. Elle ne fe trouve dans aucun des ouvrages
Ioniques des anciens , qui paroiffent y avoir toujours
employé labafe Attique. Cette dernière fe trouve
à Monique d’Athènes , avec cette particularité qu’elle
y eft fans plinthe. Quelques, modernes, comme A l-
berti 8c V io la , y ont mis la bafe affeétée au Corinthien
; & n’ont fuivi Vitruve que dans la liberté qu’il
laiffe de donner à ces deux ordres, une bafe .commune.
Les proportions de la bafe Ionique , félon V itruve,
fe prennent, en divifant toute fa hauteur en trois
parties. On en donne une à la plinthe , comme dans
la bafe Attique. Lè refte étant partagé en fept parties
, on en donne trois à un tore qui eft a 1 haut de
la bafe : ce qui refte fe divife encore en dcùx parties
qui fé fubdivifent en dixaurres, dont on'donne deux
à un filet qui eft fous le tore , cinq à une feotie ,
une à l’autre filet de la feo tie, ceux à Un aftragale,
accompagnée d’un autre aftragale pareil ,' & d’une
autre feotie aufîi fémblabié à la première avec les
mêmes filets j le grand filet étant fur la plinthe.
Vitruv-e n’a .point donné les faillies de cette bafe.
On les règle ordinairement par le moyen de la divi-
fion du petit module en cinq. On donne deux cinquièmes
& demi à la faillie du tore , deux à celle-
des aftragales un & demi au filet de defïous le
tore , une 8c trois quarts aux filets-qui accompagnent
les aftragales, & deux & trois quarts au filet qui eft
fur la plinthe.
Le caractère de cette bafe a quelque chofè de ô
biztrre , à caufe de la groffeur du tore qui t ft en