
plus abufer de fon pouvoir. L ’examen des monu-
mens antiques demande un difcernement fain , un
efprit jufte & exempt de partialité. ( Voyc£ A ntique.
architecte doit commencer de bonne-heure à inventer
& produire. Dès qu’il aura acquis une idée
générale de l’architeCtiire , quelque facilité dans le
deflîn, & qu’il aura connu les beaux modèles antiques
& modernes, qu’il fe mette à compofer. Inventer
en architeCtiire , c’eft: produire de fon imagination
une idée d’édifice qui ne foit copiée d’aucune
autre. L ’invention fera bonne, fi les parties font diftri-
buées avec ordre , proportion & commodité ; fi les
ornemens font combinés avec fageffe, élégance & convenance
3 enfin fi l’édifice , dans fon tout & dans fes
partiès, eft approprié à l’ufage & à la deftination qui
lui convient 5 & s’il a toute la folidité requife. In-
V,e,ntf r man^ re 3 ue les projets Loient de nature à
s executer fans difficulté, & à contenter les perfonnes
inftruites des principes de l’art , c’eft le réfultat de
toutes les connoiflances" de l’architecture 5 c’eft le but
auquel doit tendre l'architecte. Mais il eft bien plus
difficile d’y arriver qu’on ne penfe : l’on ne fauroit
trop tôt y porter les efforts & l’ambition des jeunes
gens : ils ne perdent que .trop fouvent leurs plus pré-
eieufes années à -copier les ouvrages des autres ,
2 ramper & fe traîner fans fruit & fans honneur fur
des traces ftériles. ( V^oye^ In v en t io n »)
I l eft inutile de dire que le goût & la paffion de
l’art font une des premières conditions requifès pour
y réuffir 3 c’eft auifi un des caractères les moins équivoques
des véritables difpofitions , & de la véracité
du talent. Cette paffion doit être telle qu’elle laiffe
bien loin toute ambition de fortune & d’honneurs.
Elle doit être telle qu e , s’il falloit opter entre ceux-
-ci portés au plus haut degré fans les:jouiffances de
1 art , & l’exercice de l’art , accompagné de la
dernière médiocrité de richeffes , le choix ne dût pas
•être douteux. S’il balance un moment, 1xarchitecte
j i ’eft plus digne de ce nom ; qu’il quitte le fanCtuaire
des arts ; qu’il aille groffir la foule des courtifans de
Plutus.
Auifi l’on exige que celui qui fe deftine aux nobles
travaux de l’architecture, foit pourvu de cette honnête
médiocrité de fortune qui le mette au-deffus du
defir des richefles , & lui falfe méprifer les moyens
ordinairement fi vils de fe les procurer, ces baffes intrigues
, ces fpécuiations fordides qui déshonorent à la
fo is , & l’art & celui.qui leprofeffe. L ’honneur doit
-être la feule récompenfe des arts : les biens de la
fortune ne fauroient y fuppléer : ceux qui fe croyent
payes par eux , ne furent jamais dignes de recevoir
d’autre falaire : ils fe mettent eux-mêmes dans la clafle
des artifans dont il n’auroient point dû fortir. Cette
nobleffe de fentimens, & ce rare défîntéreflement font
la marque la plus sûre des qualités morales qu’on
exige d’un architecte, & que la dignité de cette pro-
feffion réclame & rend fi néceffaires. S i, comme l ’ob-
ferve un auteur Italien, la probité chez, les hommes
devoit être plus ou moins grande , & fe calculer e»
raifon de la qualité & de l’importance de leurs pro-
feffions , l’architecte devroit être par cette feule raifon
le modèle de toutes les vertus , félon l’expreffion de
Vitruve. Que l’honneur, & non un fordide intérêt,
foit donc le feul objet de fes démarches» Laugier
remarque judicieufement que, lorfque l’envie de s’enrichir
domine , tous les fentimens d’honneu’r font per •
vertis 3 & que les arts fouffrent de cette baflefle, autant
qùe les moeurs.
C’eft à cette honteufe cupidité qui ravale les arts
au-deffous des plus fimples métiers, qu’on doit attribuer
, & leur difcredit aCtuel, & la foibleffe générale
qu’on y remarque. L’architecture fur-tout, dépendant
plus que les autres arts des moeurs , des ufages,
& des goûts des peuples, ne tarde pas à fe dégrader,
lorfque , guidé par le vil appas du gain, devenu
l’efclave du riche , & le lâche infiniment de fes caprices
, Y architecte lui proftitue fon art, & lui vend
le droit de lui commander en le méprifant. Un
généreux défintérefTement feroit l’arme la plus forte
qu’il pourrait employer , pour réfifter à toutes ces
fantaifies d’un luxe ignorant, à toutes ces idées puériles
, à tous ces befoins faétic.es , enfans de la
molleffe , & de l’oifîveté , qui veulent faire plier fous
le joug de la mode, un art fait pour donner la loi
& non pour la recevoir.
Un auteur avoit propofé de rendre les propriétaires
refponfables des défauts qu’ils auraient néceflîté eux-
mêmes dans les édifices 3 il vouloit que Y architecte eût
le droit de protefter publiquement contre les change-
mens auxquels on l’aurait forcé 5 & que cette pro-
teftation fût écrite fur le monument lui-même, pour
' durer autant que lui. Mais , en attendant que cet
1 ufage s’introduire, le véritable architecte , jaloux de
l’honneur qui doit faire lé but de fes travaux , ne 1e
facrifiera jamais , ni aux fpécuiations intérèffées, ni
à la fottife des propriétaires. Inflexible dans Tes principes
, loin de regretter les ouvrages que cette rigueur
lui fera manquer , il fe réjouira d’avoir échappé aux
tentations du déshonneur 5 & il attendra tranquilement
I’occafion favorable, & qui ne fauroit fuir le mérite
réel, de développer librement & en entier toute l’intégrité
de fon talent.
C’eft par la réunion de toutes ces connoiflances &
de toutes ces .qualités, que Y architecte, vraiment digne
de ce nom , mériterait de commander aux artiftes , &
d’être le modérateur des arts 5 c’eft par elle que l’architecture,
ou Y art par excellence y reprendrait parmi les
autres le rang de primauté qu’elle occupa chez le premier
peuple de la terre , & dont il femhle qu’elle eft
déchue depuis Iong-tems.
ARCHITECTE. On en diflingue à Paris trois
clafles : favoir, les architectes, membres de l’académie
*oyale d’architeCture : les architectes experts bourgeois3
ils ont le titre d’experts par l’acquifition d’une charge
qui leur donne le droit, exclusivement à tous autres ,
de dreffer les procès-verbaux de rapport, fur. le fujet
des bâtimens dans les conteftations judiciaires entre les
particuliers , ou entre les.particuliers & les ouvriers.
La trpifîéme clafle eft celle des architectes qui ne font
ni de l’académie, ni de la communauté des experts,
mais qui exercent l’architeCture librement comme art
libre.
ARCHITECTONIQUE , adj. m. du latin archi-
teClonicus, qui appartient à l’architeCture 5 qui concerne
l’architeClure.
ARCHITECTONOGRAPHE. C’eft-à-dire hif-
toriographe des bâtimens anciens.
ARCHITECTONOGRAPHIE1, du latin archi-
teClonographia , defcription des bâtimens anciens,
comme temples, palais, arcs de triomphe , théâtres,
bains, aqueducs, Ponts, pyramides, obélifques, &c.
ARCHITECTORAL , adj. m. On fe fert de ce
terme pour exprimer les- opérations de l’architeCte.
Opération archite Cto raie : ce mot vient du latin archi- ■
te Cto rail s.
ARCHITECTURE, f. fi C’eft l’art de bâtirfui-
vant des. proportions & des règles déterminées.
Entre tous les arts , ces enfants du plaifir & de la ;
néceflîté, que l’homme s’eft aflociès, pour l’aider à fup- 1
porter les peines de la vie., & à tranfmettre fa mémoire j
aux générations futures , on ne fauroit nier que Yârchi- ;
teCture ne doive tenir un rang des plus diftingués. A
ne l’envifager que fous le point de vue de l’utilité,
elle l’emporte fur tous les autres arts. Elle. entretient
la falubrité dans les villes., elle veille à la fanté
des hommes , elle afsûre leurs propriétés : elle, ne
travaille que pour la sûreté , le repos & le bon ordre
de la vie civile. Mais, fi l’on confidère les rapports qui
l’uniflent aux autres arts & à la gloire des peuples,
quel art peut fe vanter d’une plus belle deftination?
Non-moins que la peinture & la fculpture, il écernife
le fouvenir des grandes’ aérions & de leurs autéurs.
Par lui les fameux conquérans peuvent efpérer, de
triompher encore dans la poftérité 3 par lui dés nations
anneanties depuis long-tems, furvivent à elles-mêmes,1
& réfiftent jufques dans leurs ruines'aux ravages du
tems. Dépofîtaire de la gloire , du goût & du génie
des peuples, il attefte aux fiècles a venir le degré
de puiflance ou de foibleflé des états, il imprime aux
princes qui l’ont employé^ le fceau de l’honneur ou
du mépris 3 il fert aux générations futures de règle
pour apprécier celles qui ne font plus. Deftiné plus
néceflairement par fa nature à fe fubordonner aux i
goûts des différens âges, il dépofe éternellement en
leur faveur ou contre eux : auflitous les fiècles avides
de gloire ont-ils regardé Y architecture avec une eftime
qui prouve affez combien ils fentirent l’importance J
de ion fuffrage dans la poftérité : auifi tous les fouve- J;
rains jaloux de 1 honneur de. leur règne , ont-ils eu
I ambition de lui confier le foin de leur renommée,
1 ont-ils accueillie, protégée.& careftëe. C'eftd'eux,
lans doute, que cet art doit ^tendre la plus grande
proteérion, comme c’eft entre leurs mains qu’il peut
faire les plus grandes chofes.
On définit trop généralement Y architecture , l’art
de bâtir : cette définition, qui eft plutôt celle du mot,
que celle de la chofe , n’emporte pas avec elle des
notions allez pofitives & allez.étendues. Si l’art de
bâtir s’ènvifage relativement à la fcience de Y architecture,
ce n’eft autre chofe que la conftruérion.
( V-oye^ et mot & art. de bâtir. ) Si on le confidère
relativement au befoin , il appartient à tous les tems
& à tous les pays 3 mais l’art de YdrchïtêClure, c’eft-à-
dire l’art par excellence, fuivânt l’étymologie du mot
Grec ei£%ij t s x t o vioc, loin d’être commun à tous les
peuples & à tous les fiècles, n’eft au contraire réfervé
qu’à quelques âges & à quelques pays privilégiés 5 &
doit Te définir comme nous l’avons fait, Y art de bâtir
fuivant des proportions b des règles déterminées b fixées
par la Nature & 'lie goût. L’art de bâtir fe trouve chez
les peuples même fauvages 3 l’art de Y architecture au
contraire n’a pu être que le fruit de la fociété la plus
perfeétionnée par la civilifation, par toutes les caufes
morales, par le concours de tous les autres arts.
L’architecture, ne commence à être un art chez les
différens peuples où elle peut s’introduire, que lorfque
déjà ceux ci-font parvenus à.un certain degré de culture,
d’opulence & de luxe. C’eft alors que , s’éloignant
toujours de plus en plus des travaux &. des occupations
ruftiques, & en s’enfermant dans les villes, les
hommes cherchent à remplacer les plaifirs de la Nature
qu’ils perdent de vue , par les jouiflànces des arts qui
en font les, imitateurs. Avant ce-tems, Y architecture
ne fe doit ,compter que parmi les métiers nécèflaires
aux befoins de la vie 3 & comme, à cette époque, les
befoins font .très-bornés, fon emploi le réduit à favoir
faire un abri qui puifle.mettre l’homme à couvert des
injures, du ciel?, & de l’intempérie des faifons.
C’eft pourtant à ce moment-de fa naiflance, que
Y architecture commence à prendre dans toutes les contrées,
& chez les diverfes nations, ces formes variées
qui, par la fuite lui impriment de fi remarquables-
différences. Ce premier foetus , tout informé qu’il
eft , porte déjà certains caratftères. qu’il ne faurok
jamais perdre , & qu’on reconneîtra dans fon plus
haut point de grandeur. Mais quel fera l’oeil aflez
exercé pour remarquer dans chaque pays ces nuances-
délicates l Lorfque l’art eft parvenu ' à fon dernier
degré', on s’avife quelquefois de rechercher les pas
de fon enfance, mais n’en eft-on point alors trop
éloigné pour pouvoir les découvrir?
Nous manquons, fans doute , des véritabies moyens
pour faire avec exactitude de femblables recherches,,
fur-tout chez les peuples fépares de nous par l'intervalle
immenfe des fiècles & des lieux. Il nous faudroir
cônnoître bien plus pofitivément que nous ne le pouvons
, la nature différente des climats » leurs diverfes»
productions , lès fîtes exafts des- premières fociétés
qui fondèrent des étais , leur origine , leur nombre
leur genre de vie , leur polîtion phvfique, leurs pce^