
A queduc, ( conjlru filon.) Rien n'exige, -plus d intelligence
, de fugacité , de foins & de précautions
que la conftr,notion des aqueducs. M
L e canal où doit couler l'eau étant la principale
partie d'un aqueduc , e>eft celle qui demande à être
exécutée avec le plus grand foin. Les qualités effen-
tielles d’un canal d'aqueduc , font d’avoir une pente
réglée & uniforme 5 & que les parties qui le compo-
fent foient fi bien unies , qu’elles ne forment qu’un
feul corps, afin que l’eau ne puilfe fe perdre nulle
part.
Pour donner a un canal la pente convenable, par
rapport à l’endroit où il doit arriver , il faut commencer
par faire des nivellemens juftes du pays qu’il
doit parcourir. Vitru ve, 1. 8. c. 7. dit qu’il faut donner
un demi pied de pente fur 100 pieds de long:
cependant Vaqueduc d’Arcueil n’a que 6 pouces de
pènte fur '100 toifes : Vaqueduc de Roquéncourt n’a
que 3 pieds fur iy oo ' toifes j d’autres exemples, &
l ’expérience ont prouvé que ja pente la plus convenable
étoit de 3 pouces pour 100 toifes 5 & quelle
ne pouvoit pas être moindre d’un pouce fur cette
longueur.
I l fa u t , dans la conftnnStion d’un aqueduc apporter
la plus grande attention, fur-tout lorfqu’on à peu
de pente à lui donner j parce que les moindres^ défauts
du travail peuvent ôccafionner des effets .qui
dérangent la pente, & qui empêchent l’eau d’arriver
à fa deftination. C ’eft fur-tout au x fondations qu’il
faut veiller le plus foignement, afin qu’il ne puilfe
jamais fe faire aucun talfement irrégulier qui nuife
à l’uniformité de la pente.
Pour réuffir, il ne faut former le canal qu’après
que les malïifs ou arcades qui doivent le foutenir
auront été faits dans, toute la longueur de Y aqueduc. -
I l faut même ie^laiffer repofer quelque tems, afin
que tout l’ouvrage'prenne* de la confiftance , & qu’il
ne puilfe plus s’y faire d’effet.
On confirait les aqueducs de plufieurs manières : f
r°. E n pierre de taille, comme celui de Yuéqua-
Claudia à Rome , celui du pont du Gard en Provence
, celui de Ségovie en Efpagne, &c.
2.0. Partie .en pierre de taille , & partie en moi-
lo n s , comme ceux de Vaqua Felice à Rom.e, reftau-
rés par Sixte V , ceux de Maintenon en France, &c.
3 °. En maçonnerie de blocages revêtus de briques
ou de petites pierres, comme la plupart des aqueducs
des anciens.
L a première manière eft la plus magnifique & la
plus durable 5 & la troifiéme la plus économique.
Mais la fécondé eft plus relative à notre manière de
bâtir. L ’aqueduc de Maintenon eft le plus beau mo- ‘
dèle qu’on puilfe citer de ce genre de conftruftion,
tant par rapporr à la'folidité , que par rapport à la
dilpofition analogue aux matériaux. (Fü ywci-de lfus .)1
JLes anciens Romains formoient le’ canal de leurs
aqueducs en maçonnerie de b riques, revêtue d'un fort
enduit de ciment qui acquérait avec le tems, une
confiftance plus forte que les pierres les plus dures •;
enforte que ces canaux- étoient plus bolides que
s’ils éulfent été d’une feule pierrer C e cim'ent étoit
compofé de chaux 9 de fable & de tuileaux bien
broyés & bien battus. ( Voyc\ C iment. ) Les canaux
formés, de cette manière valent mieux que oepx qui
font conftruits en pierre de taille , avec les joints en
maftic g ra s , ainfi qu’on l’a pratiqué dans plufie.urs
aqueducs. modernes 5 parce que , malgré la bonté .du
maftic , & les foins qu’on pourrait avoir de bien,
garnir le s joints , le moindrè petit mouvement caufé
par la dilatation ou la ^condenfation de l’air, , les
défunit j ce qui rend les canaux fujets à un entretien
perpétuel. C ’eft pour- cette raifon que les anciens
revêtiffoient d’un enduit de ciment, même les canaux
en pierre de taille , ainfi qu’on le voit à différens
aqueducs antiques de Rome.
Lorfqu’on veut former le canal d’un aqueduc en
pierres, de taille, il faut doubler-en plomb la partie
inférieure fur laquelle l’eau doit couler ; & , pour éviter
le trop grand nombre de foudures ou de ehevau-
chures qui. pourraient. déranger l’uniformité de la
pente, fur-tout lorfqu’elle eft peu confidérable , il
eft bon d’amincir , les deux parties, qui dqivent fe
couvrir, afin que le fond du canal puiffe Ȑtre parfaitement
d ro it , & fans la moindre ondulation.
Le canal dans lequel coule l’eau -, doit toujours
être accompagné de deux banquettes, qu’il foit pratiqué
dans un conduit voûté., ou qu’il foit en plein
air. Les banquettes doivent avoir 18 pouces de
large pour qu’on puiffe y marcher, commodément,
afin de pouvoir les vifiter , & y faire les réparations
néceffair.es.
, Si le canal eft pratiqué dans un conduiç voûté
il faut qu’il foit éclairé de diftance en diftance , &
qu’il ait affez de hauteur pour qu’un ' homme
puilfe y marcher deb out, fans toucher, la voûte. Si le
canal eft découvert, il faut qu’il y ait au-delà des
banquettes deux efpèces de parapets pour ralfurer
ceux qui y marchent. ( Voye£ la Fig. iz qui repréfente
la coupe d’un aqueduc prife en travers fur le
milieu d’une arcade).
Il vaut mieux pratiquer le canal d’un aqueduc dans
un conduitrvoûté, que de le faire à découvert, parce
l’eau y eft moins expofée aux intempéries de l’a ir , &
s’y cônferveplus pure. Les anciens avoient.la précaution
de creufer dans la longueur de leurs aqueducs,
à des diftances égales d’environ 40 à 50 toifes, de petits
iréfervoirs plus profonds que lé ca n a l, & dans lefquels
l’eau pouvoit dépofer le limon , & les autres ordures
que lle charioit.
Il faut avoir, l’attention de mettre à l’entrée du
cariai d’un aqueduc, une grille à mailles un peu ferrées
, pour empêcher les groffes ordures &. les racines
d’y entrer. Sous le c a n a l,il ferait à propos qu’il y
eût dans toute la longueur un conduit voûté de 6 pieds
a Q u
de haüteilt environ , afin qu’on put le vifiter en-
deffous , & reconnoîtredes endroits où l’eau pourrait
fe perdre. Le pavé de cette galerie ou'conduit, aurait
des pentes- & des tuyaux de diftance en diftance,
pour Jetter en dehors l’eau dont la filtration fe ferait
au travers du canal. C e conduit préferveroit les
conftrnétions inférieures de tout endommagement
de fa filtration: j & il épargnerait des dépenfes confi-
dérables qu’on eft obligé de faire quelquefois, pour
découvrir les^endroits où l’eau fep e rd , & les répare^
Toutes ces précautions font effentielles pour affûrer
la durée des aqueducs , & pour ménager les frais
d’entretien continuel qu’ils entraînent. Lorfque les
aqueducs font très-longs, & qu’ils ’doivent être élevés
fur un ou plufieûrs rangs d’arcades, il faut proportionner
la grandeur des arcades à la manière dont
ils doivent être conftruits. Si c’ eft:en pierre de taille,
les arcades, pourront avoir depuis 14 pieds .jufqu’à
48 d’ouverture 5 fi la. conftruétion eft partie en pierres
de taille , partie en moilons/, on peut leur donner
depuis 18 jufqu’à y 6 pieds 5 enfin, fi elle eft en maçonnerie
de blocages , . revêtue de briques ou de p.e,-
rits: moilçms équarris;, là largeur des arcades, peut
être depuis 1 z pieds jufqu’à Z4.
Les anciens dorinoient peu de- largeur aux arcades J
de leurs aqueducs y là plupart n’ont que i z ou 1 y pieds ,
de large 5 cependant au pont au Gard qui eft compofé
dë trois rangs d’arcades , la plus grande du
fécond rang a 7 ; pieds 8 pouces 5 mais celles du trob- :
fiéme rang n’ont que 14 pieds 5 & il paraît qu’on
ne fit celles du fécond rang - fi large que pour le !
raccorder a celles du premier rang qui forment le
pont,
A Y aqueduc de Moritpellier , qui eft b â t i1 fur je ’
modèle de celui du Gard , les grandes arcades, au
rez-de-chauffée, n’ont que z i pieds ,. & celles au-
defiustqui porterie canal, n’ont q.ue'8 pieds.
A Vaque.-uc de Caferte , près de -Naples.'; les,,arcs
ont zo pieds de large.
Les arcades de l’ancien aqueduc de M etz ont ï 6
.pieds - j& celles de Y aqueduc de Ségovie.,en ont' .17. •
Par rapport à riâriargeiif des piliers qui portent les •
arcs tes aqueducs , lorsqu’ils étoient conftruits. en :
blocage revêtu de briques ou de petits moilons
équarris , les anciens, leur donnôient environ les deux
tiers d e là largeur des arcades ,ria-moitié lorfqu’ils .
etoient.conftruits en pierre de faille , & quelquefois
e quart 3 &.mêmé , lorfque les“ arcades étoient très-
larges;, comme au pont du G a rd , ils ne leur don-
noient que le cinquième.
uraiceapierres, de. taille, pofée^fans mortier, comme
au pout du Gard., lqs piliers.n’ontfque rie quart de
la largeur .des .arcades., - . ■ , •
1 , .v ■ , ƒ * iv-uvciu, par aes*-endrooe
éloignés des chemins & des. habitations oii
1 “ »»pores .de .materna* & d'éqoipages fe-foh t
péniblement, & les grandes arcades qui exigent de forts
matériaux, étant plus fujetjes aux taffemens que les
petites, vu l ’inégalité de réfiftance du fol fur lequel
elles doivent pofer , on doit éviter de trop grandes
dimenfions dans leur conftruétion. C ’eft pourquoi
lorfque les aqueducs doivent être lon g s, 8ç palier
par des endroits difficiles , pour éviter des ceintres de
charpente des écaiemens & des échafauds extraordinaires
, il ne faudrait pas que les, arcades eufient
plus de Z4 pieds de largeur , fi elles dévoient être
en pierre de raille3 zo à z r pieds -ftiffiroient-’ pour
celles en moilons avec des 'chaînes de pien-e j on
donnerait 1 ; à 18 à celles qui font tout en moilons
, à moins qu’il ne fallût paffer- fur une rivière'
ou qu’on fût forcé par d’autres circonftances dé leur
donner plus de largeur. ^Quant au nombre de fanes
d’arcades , voici quelles peuvent être lés dimehfiôri's
à obferver. On peut donner 8-4 pieds- à^un feul ràn«*
en hauteur j deux rangs peuvent, av-ojr depuis 90
jufqu’à 160 p ied s, & trois avoir depuis 180 jusqu’à
i f o . •
L.orfqu’un aqueduc^ n’eft compofé que d’un feiil
rang d arcades, la plus., élevée, ne .doit pas .avoir , en
hauteur plus de deux fois. & demie fa largeur. Lorf-
qu’il eft compofé de plufieurs ; rangs d’arcades, il
faut.dpnneria celles du fécond rang { de moins qu’à
celles du premier, & à. celles du. troifiéme rang j de
moins qu’à celles du . fécond rang , &c. : : . ;
Suppofons, par exemple, que 3e canal d ’un aqueduc
doive être élevé de 60 p ieds, alors il fuffira d’un feül
rang d arcades. Pour, trqu vec les.,dimenfions qui leur
conviendraient le. mieux , on diyifera cette hauteur
en fix p.artjes...-égales, dont on donnera deux; à la
I.argeur, dps arcades 9 'quatre pour .la hauteur- des
pied-droits , jufqu’à la naiffanc.é du ceinrre . & cinq
jufques fous Ja clef. Quant à la largeur des piles^
fi elles doivent être en. pierre de"taille,, on leur 'don*
liera le quart, de la largeur -de. l’arcade 5 fi elles doivent,
être., partie en moilons a partie en pierres,, de
ta ille , on leur donnera le riefs ,-& la moitié,fi elles
doivent être en maçonnerie de blocages revêtue en
ri>riques ou .en moilons équaris. A in fi, dans l’exemple
ou les arcades auraient zo pieds de large , & où la
plus élevée aurait 5 o pieds de hauteur fous le cein-
tre ', les piles auraient alors y pieds de laro-e ,"fi elles
étoient conftruitès en pierres de taille 3 6 pieds 8 pouces
, 3î ellesiétoient en moilons & -pierres de taillé • &
enfin iopieds , fi elles'dévoient ëttê en maçonrierie de
blocages, revêtue îde briques’ ou de petits moilons
équaris.
Si la hauteur du canal devoir être de 1 z 1 pieds-,•
alors on ferait deux rangs .d’arcades. Pour trouver
leufs dimenfions, on divi fera cette hauteur en onze
parties, dont qn prendra deux pour la laro-eur des
àrcàdè’s , & cinq pour la hauteur dé la plus l?aute arcade
du premier rang , quarre.pour celles du fécond
■ rang , une pour l’intervalle d’un rang à l’autre , &
autant depuis le deffous du ceintrë des arcades jufques
fous le canal. (Foye^ la'-Fig . 1 3 .)