
étant prife de la nature & de l’extenfion de la
quantité ; car, de même qu’elle confifte à avoir les
• parties les unes hors des autres,- fa connoiffance aufli
dépend de difcerner que ces parties font les unes
hors des autres. A in fi, ce qui fait paroître une
chofe grande, eft le nombre des différentes marques
qu’elle a , & qui font qu’une grande partie
eft diftinguée d’une autre ; parce que , comme la
grandeur du temps dépend du nombre du mouvement
, celle des corps dépend aulii du nombre
des différentes parties que l’on peut compter. O r ,
une colonne qui eft toute unie, & qui n’a rien
qui diftingue les différens efpaces qui compofent
toute la circonférence, ne fait pas fi aifément
connoître quelle eft cette largeur, que celle qui
ayant plufieurs cannelures , préfente diftinéfement
à l’oeil le nombre des efpaces que l’on ne manque
point d’appercevoir , quoique l’efprit n’y fafle point
de réflexion expreffe,
« Au refte, il femble que ce raifonnement doive
fortifier l’opinion de quelques architeéies, qu’il
faut changer les proportions fuivant les différens
afpeâs. 11 eft cependant vrai qu’il n’y a point
de rapport entre augmenter la grandeur d’une
colonne élevée fort haut, de peur qu’elle ne pa-
roiffe trop petite, & multiplier les cannelures pour
la faire paroître plus groffe. ( Voyeç C hangement
de proportions ). La raifon de cette différence
eft fondée fur le jugement de la v u e , qui
formée par l’habitude, ne fe trompe point aux
chofes qu’il eft accoutumé de juger, & fe trompe
au contraire facilement à celles qui le furprennent
par leur nouveauté. Ainfi, parce que la vue trouve
a tous momens des occafions de comparer les objets
levés avec ceux qui font fitués en bas, elle le
fait avec facilité ; ce qui n’eft pas quand il s’agit
de juger les différens effets que produifent les
cannelures en grand _qil en petit nombre dans des
colonnes, çette difcuflion étanrutreas qui n’arrive
«ue rarement ».
On vient de voir fur quelles raifons Vitruve^
& fon commentateur fondent cet accroiffement
apparent de diamètre, produit dans les colonnes
par la multiplication des cannelures. Quelle que...
foit la nature de ce fyftême , on croit cependant
devoir avertir qu’il eft du. nombre de cejax dont
les applications ou les conféquences mal entendues
pourroient devenir dangereuses. C ’eft en
général un principe de -goût reconnu dans tous
les arts, '& fur-tout dans l’architeéhire , que les
parties liffes paroiffent plus grandes que la division
des mcmbres_en trop de petites portions,
atténue & affoiblit l’idée de grandeur, & que les
détails multipliés rapetiffent les objets & les fur-
faces.
Mais il eft une autre raifon à laquelle on trouvera
peut-être plus de fondement ,pour que les colonnes
cannelées doivent paroître plus greffes que celles
qui ne' le font pas. Voici cette raifon-
Si; dit point vifuei vous formez un angle dont .
le fommet aboutiffe à l’oe il, & les deux cotés,
touchent le nud de la colonne , vous verrez que
l’oeil embraffe à peine le plus grand diamètre de
la colonne lifte & fans cannelures. Au contraire
& vous pratiquez dans toute la longueur de fon
fût & tout autour des canaux ou cannelures, leuf
renfoncement permet aux lignes de l’angle que
nous avonsfuppofé, d’arriver au-delà même du plus-
grand diamètre ; d’où il réfulte que l’oeil apperçoit
réellement plus d’efpace dans la colonne cannelée
que dans celle qui ne l’eft pas, & voit par'con-
féquent la colonne plus groffe dans le premier
cas que dans le dernier. Cette raifon paroîtra fans
doute plus géométriquement vraie que celle de
Vitruve , dont la démonftration métaphyfique ne
paroît fondée que fur les imprefîions de nos fens
& fur la nature de l’extenfion de la quantité.
Cependant voici une objeéUon que je préfente
encore, moins contré l’évidence même de cette
augmentation de diamètre par les cannelures t que
contre l’effet qu’on en attend. On va juger du poids
qu’elle peut avoir.
Si la colonne, par le renfoncement des cannelures
y fait découvrir effeéfivement à l’oeil une plus
grande étendue de furface dans la circonférence
de fon fu t, elle perd aufli par l’enlèvement de
matière une partie de fa force & de fon épaiffeur
fpécifique. Je demande donc fi dans le même
tems que l’oeil y apperçoit plus de fuperficie,,
l’efprit ne juge pas qu’il y a moins de matière,.
Si cela eft, il en réfulte un débat entre l’oeil,
extérieur qui apperçoit plus , & l’oeil intérieur ,
fi l’on peut dire, qui nous avertit de la diminution
matérielle. Le fentiment de foibleffe que les.
cannelures impriment à là colonne (font on veut
augmenter l ’épaiffeur, ne détruit-il pas dans l’imagination.
ce que le preftige de l’optique amplifie,
pour l’oeil ? Et la diminution réelle de matière
ne peut-elle pas balancer l’effet de ràccroiffement.
apparent de fuperficie?.
^ Quoi qu’il puiffe être de la force de cette objec-
tribunal du fentimertt^-qat-Tre' peut ni
c a l c u l e r c a l c u l é , l’architeâure moderne
^a-adopté. ce fyftême d’augmentation de diamètre
par les cannelures. C’eft d’après cette convidion
qu’on a fait canneler les colonnes du pérjftyle de
Sainte-Geneviève-, pour remédier- à la ténuité de.
leur fût ; & c’eft peut-être d’après ces dernières
confidérations qu’on a tenu ces cannelures ruden-
tées dans toute leur hauteur , pour obvier aufli.
à l’affoibliffement qui provient de l’évafure. des
canaux, & dont l’effet eft capable de neutralifec
celui qu’on attend de la première méthode..
Voici les différentes dénominations des canner-
lures, félon l’eursacceffoires & les objets auxquels,
elles s’appliquent.
C annelures a cotes.. Cannelures qui. font fè-
parées par des liftels de certaine largeur, ornés-,
quelquefois d’aftragales ou baguettes , de côté ou.
deffus , comme ou en voit aux deux colonu.es dui
fanduaire Je l’églife de Sainte-Marie de la Rotonde
à Rome.
C annelures a v iv e arête. Ce font celles
qui ne font point féparées par des côtes. Ces
cannelures font propres à l’ordre dorique.
C annelures de gaine , de terme et console.
Cannelures plus étroites par le bas que par
le haut.
C annelures ornées. On appelle ainfi celles
qui ont dans la longueur du fût de la colonne,
ou par intervalle, au enfin depuis le tiers d’en
bas de petites branches , ou bouquets de laurier,
de lierre, de chêne, &c. ou fleurons. & autres
ernemens qui fortent le plus fouvent des rofeaux
©u hâtons formant la rudtnture.
C annelures plates. On défigne les cannelures
faites en manière de pans coupés au nombre
de feize, comme l’ébauche d’une colonne dorique.
On peut auffi nommer cannelures plates celles
qui font creufées quarrément en manière de petites
facettes ou demi-bâtons dans le tiers inférieur du
fût, comme aux pilaftres corinthiens du Val-de-
Grace à Paris.
C annelures rudentées. Ce font des cannelures
remplies de bâtons, de rofeaux, ou de cables
jufqu’au fût de la colonne.
C annelures torses. Cannelures qui tournent
en vis ou ligne fpirale à l’entour du fût d’une
colonne ou d’un vafe.
CANONNIÈRE, f. f. Ouverture pratiquée dans
les murs d’une ville ou d’un fo r t, par le moyen de
laquelle on tire fur l’ennemi fans s’expôfer à fon feu.
On voit de femblables ouvertures fur les monumens
antiques qui fervoient fans doute à lancer des
flèches & des pierres à l’abri des affaillans.
C anonnière. Voyeç Barbacane. & V oûte
IN CANNONIÈRE.
CANONS DE GOUTTIERE ou G O D E T S ,
f. ni. pl. Ce font des bouts de tuyaux de cuivre
'o u de plomb qui fervent à jetter les eaux de
la pluie au-delà d’un chaîneau & d’une cimaife
par les gargouilles.
CANOPE. C ’eft le nom qu’on donne à un
édifice ruiné de la Villa Adriana à Tivoli. Il eft
fitué fur une colline , & forme urr vafte baflin,
qu’on prétend avoir été une naumachie. Au fond
fe trouve une très-grande niche. Tout le devant
de cet édifice eft tombé, à moins qu’on ne le
fuppofe avoir été un temple demi-circulaire, ou
en forme de coquille. C’étoit le temple de Neptune
queles Egyptiens révéroient fous le nom
de Canope, & qui donna, fon nom à-cette partie
de la ville Adriene. ( Voyeç A driene , ville ).
C AN T A LA B R E , f. m. Ce mot n’eft ufité que
parmi les ouvriers. Il fignifie le chambranle ou la
bordure fimple d’une porte ou d’une croifée. On
croit qu’il eft formé du mot grec Cala,, autour
& du mot latin lahrum& lèvre ou bord.
n CANTERÏ1. C ’eft le-nom que les Romains
donuoient aux pièces de charpente qui forment
le montant des couvertures, & que l’on nomme
forces. Canterius fignifie cheval de fournie ou chevalet;
& l’on comprend aifément pourquoi ce
mot fut appliqué à ces montans de bois q u i, en
forme de chevalet, portent toute la couverture.
Il y a apparence que le mot françois chantier vient
de canterius.
C AN T IN E , f. f. C ’eft un lieu que le roi accorde
à une garnifon pour y vendre des boiffons à un
prix moindre que celui des cabarets. Ce lieu eft
compofé de plufieurs caves, & au rez-de-chauffée
d’une cuifine j^d'un garde-manger , de trois ou
quatre chambres pour donner à boire aux foldats ,
d’une falle pour les officiers, d’une écurie de douze
ou quinze chevaux, & d’un couvert pour mettre
le bois. Au-deffus du rez-de-chauffée il y a quelquefois
une chambre deftinée à recevoir les étrangers.
( Voyeç dans la fcience des ingénieurs de M„
Bèlidor, le plan de ce bâtiment).
CAN TON , f. m. ( Jardinage ). On a très-bien
diftingué les jardins deftinés à l’utile par des nom*
particuliers tirés des plantes & des fruits qu’on
. y cultive. Les noms de potager, de jardin botanique
& fruitier, de verger, de vignoble, en dé-
fignent d’abord les diverfes fortes, & ne laiffent
aucun doute fur la deftination principale de
chacun.
On .a féparè de tous ces jardins confacrés à.
l’utile, le jardin de plaifance qui n’a pour objet
que l’agrément. On a fuppofé dans tous les tems,
& cette opinion s’eft accréditée, qu’un jardin de
plaifance ne pouvoit être deftiné qu’à réveiller
des fonfations agréables, quelque différens & quelque
peu convenables que fuffent les moyens employés
à cet effet. Cependant un jardin eft fuf-
ceptible par fa grandeur 8c par fa variété, par
fa beauté, par Ion agrément & fon aménité, par
fa nouveauté , par fes contraires, de produire les-
mêmes émotions que produit la nature. Comme
elle il peut, fuivant les différens caractères & les
motifs variés des cantons, caufer à l’ame un fentiment
de complaifance , de plaifir , de volupté ,
de douce mélancolie, d’admiration, d’étonnement „
de refpeél, & même un forte d’élévation majef-
tueufe* Non-feulement il peut renforcer ces fen-
timens. en appellant, avec diferétion, l’art à fou
fecours, mais il peut encore leur donner de l’en-
femble & de la liaifoiK
Quelquefois la nature nous offre des tableaux
achevés de fa main , & qui n’ont aucun befoia
du pinceau imitateur dé l’art. Elle a des cantons\
dont la configuration eft empreinte d’un cara&ère
fi déterminé & fi fortement marqué, qu’ils font
capables de produire au plus haut degré les fen-
timens dont nous venons de parler. Il eft donc
des jardins naturels. I ls fon t plus multipliés dans
les pays où la douceur du climat favorife le règne
végétale
En qualité d’art , le jardinage s’occupe à rehauffetr
le caraÇlère naturel des cantonsafin d’en tendres