
eolonnemens inégaux vont «n fe retréciffant à
mefure qu’ils approchent des murs d’appui; en-
forte que celui du milieu- eft le plus large. On
admire l’intérieur de ce veftibule, fa difpofition
fymmétrique & régulière, & la fageffe de fa décoration.
On voudroit retrouver la même fageffe
dans la diftribution des pilaftres qui ornent les
murs fervant de contrefort à l’édifice; quoique le
même ordre y règne, on ne peut que blâmer ces
grouppes de trois pilaftres naiffant les uns des
autres, & formant un reffaut général dans tout
l’édifice, tandis que les angles de la façade, qui
fembleroient demander plus de force, ne font
munis que d’un feul pilaftre. L’étendue de cette
façade étant médiocre, il réfulte de ces pilaftres
grouppés & de l’inégalité des entre-colonnemens ,
une confufion, dans les chapiteaux, pour l’oeil qui
voit le monument, fur-tout de profil. L’ordonnance
de l’étage fupérieur eft dans le même goût;
la feule différence qui s’y trouve, Confîfte dans une
arcade qui interrompt, fans néceftitè, l’entablement,
coupe, la bafe du fronton, & préfente une des licences
les plus impardonnables, & le mépris le plus
révoltant des premiers principes de l’art. Abftraâion
faite de ces détails vicieux , l’élévation de ce fron-
tifpice préfente une maffe heureufe & un enfemble
agréable; & c’eft peut-être le monument le plus
pur qu’ait exécuté Pierre de Cortone. ■ 1
Il regardoit pourtant l’églife de fajnt Luc comme
fon chef-d’oeuvre; il l’appelloit fa fille favorite. -
Non-feulement il en fut l’architeâe,- mais encore
le 'fondateur. Il en conftruifit à fes frais les fou-
terrains, & laiffa à cette églife toute-fa fortune, qui
étoit confidérable ; on l’évaluoit à cent mille écus
romains, ou cinq cens mille de nos livres. Le jugement
de la poftérité n’a point ratifié l’opinion qu’il
avoir conçue de ce monumentquoique ce foit
fon ^>lus grand ouvrage, on convient ordinairement
que c’eft la plus médiocre de fes productions
\ en architecture. On feroit tenté de croire, dit un
écrivain moderne , qu’un temple qui appartient
aux artiftes, au centre de Rome, parmi les plus
beaux monumens antiques , bâti au pied du càpi-
tole & fur une partie du terrein. de l’ancien forum,
devroit être un chef-d’oeuvre ^cependant le nom
de l’architeCte en fait prefque le feul mérite,. Le
plan, qui eft une croix grecque, dont les quatre
branches fe terminênt par dès portions circulaires,
& la forme générale de la coupole, font les feules
chofes qu’on y admire. Le refte mérite à peine .la
critique que l’on en pourroit faire. La décoration
intérieure de cette églife ne préfente, qu’un amas
confus de pilaftres placés fur un foubaffement
beaucoup trop élevé, de formes bâtardes , de
reffauts dans l’entablement, de mauvaifes niches
& de fenêtres mal proportionnées. Les ornemens
de la coupole font de la plus grande bizarrerie. La
façade ou le portail eft mixtiligne, c’eft-à-dire,
convexe dans le.milieu, & compofé de lignes droites I
vers les deux extrémités. C ’eft un mélange de '
colonnes & dé pilaftres engagés, accouplés, refl
fautés, diftribués fans ordre, fans intelligence. Les
deux étages ne fe terminent point pyramidale-
ment ; car le petit amortiffeinent du milieu interrompt
à peine la ligne horifontale que l’architefte
femble avoir laiflé régner, contre l’ùfage ordinaire
'de ces fortes de façades, pour que le portail eut
. l’air de fervir de foubaffement à la coupole : mais
■ cet effet géométral difparoît par la perfpeétive.
On trouve la même erreur dans la plupart des
: dômes modernes, & la même difficulté d’en allier.
, l’ordonnance à celle des façades. L’églife de faint
Charles au Courfe préfente une difparate en ce
genre encore plus frappante. Cependant, on ne
fauroit en faire le reproche à Pierre de Cortone.
Il ne fit que terminer cette églife., commencée
fur les deffins d'Onorio Lunghi; il en dirigea la cou-'.
; pôle, la tribune & lacroifée. On lui attribue aufli
: les tables qui font au-deffus des arcades,.& qui:
vont en fe retréciffant par le haut, ainfi que les
croifées de la voûte, qui participent du même deffm.
Au refte, la partie de la décoration, qui eft de notre
artifte, quoique, dans un goût lourd & màffif, eft
une des plus fages qu’on connoiffe de lui, & nelaiffe
pas d’en impofer par un grand air de.richeffe &• de
magnificence..
Nous-terminerons ici ce que nous avions à dire
de cet homme célèbre. Nous avons parcouru prefque
tous les monumens d’architeéhiré dont il fut
l’auteur. L’intérêt des arts & l’amour de la vérité
ne nous ont point permis de le repréfenter fous des.
traits plus flatteurs. Son hiftoire pittorefque nous
eut offert "un champ plus riche ; mais n’ayant eu
à voir en lui que l’archite&e, nous laiffons à celui
qui-traitera l’autre partie de< fon hiftoire , le foin
d’apprécier le peintre, & d’en faire connoîtrc toutes
les qualités.-
BERGES, f. f. pl. (terme des Ponts & Chauffées.}
Ce font les bords ou levées des rivières & des
grands chêmins, qui , étant taillés dans quelques
côtes, font efcarpés en contrehaut ou dreffés
en contrebas avec talut., pour empêcher l’ébou-
lement des terres, & retenir les chauffées faites de
terre rapportée. La conftruâion des berges pour les
chemins eft une chofe toute mécanique, & qui ne
demande que de l’attention à bien affermir le
fol, ou, fuivant fa qualitéà le planter de buif-
fons,. afin de le contenir par l’entrelacement dé
leurs racines. Les berges des fleuves & .des rivières
font de plus grande conféquence, parce qu’elles
font expofées au courant de l’eau, . qui travaillé
fans ceffe à les détruire. Auffi ont-elles fait dans
tous les temps le fujet d’un travail important pour
les ingénieurs des ponts & chauffées. Pour en
déterminer la conftruéliôn , il < faut connoître la.
vîreffe du courant auquel elles font expofées, St
être inftruit des écarts du fleuve même. La mécanique
proprement dite, s’applique alors à ces con-
noiflances , & cette application dévoile -deux règles
fondamentales pour la conftruélion des berges. La
première eft :que la force moyenne de Veau fur leur
furface efl exprimée par la moitié de .la diagonale,
répondant à la plus, grande profondeur. La leconde
règle eft celle-ci vies berges, dont la Jùrface intérieure
eft inclinée, ne fa rejfentent de la vîteffe du fleuve que
parce qulelles ont d’horifontal, .ce qui efl toujours exprimé
par la. ligne qui marque leur talut. On trouvera
le développement de ces règles dans X architecture
hydraulique de M ,. Belidor , féconde partie, tome 2 ,
tiv. 4 , chap. n .
BERIL, f. m. pierre préçieufè de couleur d’eau
de m e r c ’eft-à-dire, mêlée de verd & de bleu;
d’où les modernes lui, ont donné le nom d'argue
marine. Les anciens diftinguoient plufieurs fortes de
bérils. Les plus beaux étoient ceux dont, la couleur
approehoit le plus dé celle de l’eau de la mer. Il
y. en avoit.de plus pâles & qui avoient des reflets
de couleur d’or. Cette pierre, à laquelle les modernes
ont donné des noms divers qui fe claffe
en différentes efpèces, fervit aux grav eurs en pierre.
Elle s’emploie aujourd’hui, au même ufage; elle
entre encore dans la compofition de la mofaïque
en pierre dure dont on fait des tables & toute
forte de revêtiffemens précieux, fur - tout à Flo^
rence, où c.et art.eft pouffé très-loin. ( Voye^ Mosaïque
),
BERME, f. fl ( terme de Ponts.& Chauffées.) C’eft
un chemin qu’on laiffe entre une levée, & le bord
d’ùn canal ou d'un foffé, pour empêcher que les
terres de la-levée venant à s’ébouler, ne rem-
pliffent le canal ou le foffé.
BERNIN, en italien Bernini (Jean-Laurent,)
fut un de ces hommes qu’un concours extraordinaire
de tous les dons du génie, des bienfaits de la
nature ,.des faveurs même de la.fortune, rendit la
merveille de fon fiècle, & une de celles dont l’ef-
pèee humaine femble devoir s’enorgueillir. Pour
bien faire copnoître cet homme célèbre, il fau-
droit fans doute l’envifager fous tous les points dè
vue de la place qu’il occupe dans l’hiftoire des arts.
Depuis la mort de Michel Ange. Rome n’ayoit
point eu d’artifte qui en approchât plus par la fupé-
»orité & la multiplicité des talens. Peintre, fculp-
teur & architeéfe tout à la fois, il dut à la réunion
des trois arts fa haute célébrité; il la dut.
aux ouvrages nombreux qui, dans chacun de ces
genres, ont immortalifé fon npm. Leur nombre eft
«confidérable, que la-poftérité, fuivant la remarque
dun écrivain moderne, aura peine à croire qu’ils
foient tous fortis de fa main. Et comme la fable
attribue quelquefois à un feul héros-les exploits
de plufieurs qui portoientle même nom, ainfi les
âges futurs refuferont peut-être au Bernin ,. l’honneur
de tous les ouvrages qu’il a faites, en rejet-
jant fur plufieurs artiftes du même nom ,_ce qui
lui appartient en propre.
Ce feroit donc de l’enfemblç de fes'produ&ions, &
1 U‘ filli§l& tous monumens, que.réfiftteroit <
a jufte appellation qu’on peut faire des talens de
ifernin ; mais pour ne. point fortir.des limites de
notre ouvrage, nous bornerons fon hiftoire à celle’
de fes travaux en architecture, aux détails abrégés
de fa v ie, & à-quelques réflexions fur fon goût.
Naples donna le jour à Bernin. Il y naquit en
1598. L’influence du climat voluptueux de la Campanie
fe reconnoît en lui au ftyle facile, abondant
tk riche, à la prodigalité des dons imaginatifs que
la nature difpenfe aux hommes de cette heureufe
contrée, & dont le Bernin femble avoir été fpé-
cialement favorifé. Son père cependant, Pierré
Bernin9 étoit né à Sefte en Tofcane : il y exerça
la fculpture avec affez de diftinélion ; l’efpoir de
la fortune l’avoit conduir à Naples, où il époufa
Angelica Galante, mère de notre artifte. Bientôt
appeilé par Paul V , pour décorer la chapelle Pau^
line de fainte Marie majeure à Rome, il vint s’éta-
; blir dans cette ville avec fa famille. Le goût de Lau-
rentSernin pour les arts s’étoit développé dès fa plus
tendre enfance. Les premières leçons de la fculpture
avoient été les amufemens de fon bas âge. Mais*le
féjour.de Rome & la vue des grands modèles
dévoient donner à fon génie une efpèce de précocité.
Paul Y fut étonné de trouver un fculpteuf
habile dans un enfant de dix ans. Il prévit dès-
lors ce qu’il devoit être un jour. Le cardinal-
Maffei Barberin admiroit avec lui -ces prodiges
d’un talent prématuré. V e i l l e lui dit le pape, fur
les études du Bernin ; vous fereç , en quelque forte, le
garant des briltans fuccès qu’ on a droit d’en attendre * :
je me flatte qu’il deviendra le Michel Ange de fon fiècle..
Ces pronoftics flatteurs ne firent d autre im-
preffion fur i’efprit du Bernin que de l’animer U
les juftifier. Les louanges ne le corrompirent point.
L’idée de la perfe&ion, toujours préfente à fes
yeux, le pçéferva de leur féduétion. L’amour de la
glo’re le dévoroit ; & tout jeune encore, il fè
repaiffoit de l’efpoir des grands ouvrages qui
dévoient un jour placer fon nom à côte de ceux
des plus grands hommes. Cette perfpeftive faifoit
fon ambition. Il fe trouvoit un jour dans la bafi--
lique de faint Pierre avec Annibal Carrache &
d’autres fameux artiftes. En fortant de .l’églife &
fe retournant vers le dôme, ce ne.fera point, dit
Carrache, un ■ médiocre effort de génie de, placer dans 4
fçn. milieu une confeffion digne 'd’un temple f i augufle..
Puiffai-je, reprend le Bernin ,.eVe l’heureux artifu .
qu’une fi belle entreprife attend. Ses voeux furent,
exaucés, comme on le verra.
Plufieurs buftes de gens célèbres., quelques-,
ftatnes des plus belles qui foient forties de fa. main ,
avoient déjà donné au Bernin. la réputation d’un ;
grand fculpteur,.& du premier de- fon fiècle. II.
n’avoit pas vingt ans. Quel efpoir fon pays dut
concevoir, & à quel pointdevoit-il donc parvenir,,
fi* la perfeélion eu la maturité du talent n'avoit :
un terme fixe, auquel le temps & les efforts »
n’ajoutent fotivent rien! Le Bernin^reconnut lui-
même cette vérité. Revoyant, au bout de quarante
ans, les portraits des Borghèfes qu’on admire encore ;
. aujourd’hui .dans la ville .de.ee nom ; que j ’ai ùiit