
eau fée par la hauteur de. la mer R o u g e , Strabon
aflure qu’elle ne pouvoit avoir lieu & que cette
crainte étoit chimérique,- parce que cette mer
n’étoit point é levée au-deffus d e l ’E g y p te , comme
en le prétendoit. Quelques phyficiens modernes
ont même voulu le prouver par des argumens
ph y fiq u e s , qui tendent à démontrer que les eaux
de toutes les mers qui communiquent entre elles
font de niveau. Archimède l’avoit déjà p ro u v é ,
& cela feroit v rai fans e xception, fi d’ailLeurs la
nature des eaux étoit la m êm e, & fi les v en ts ,
les courans & les marées n’y apportaient pas des
différences. C ’efl ce qui arrive à la mer R o u g e ,
qui s’é lè v e quelquefois à des hauteurs extraordinaires.
C e fut apparemment. pour prévenir cet
accident que Ptoiomée Philadelphe fit conûruire
des efpèces de digue s, par le moyen defqüelles
il empèchoit les eaux de fe porter avec trop d’im-
pétuofité dans le canal. Q u e l qu’ait été le flicces
de cet ouvrage * les auteurs en parlent p e u , &
moins encore des avantages qui durent en réfulter
pour le commercé de l’Eg yp te. O n croit que
Ja politique des rois l’ouvroit & le fermoît à
volonté. Les rois d’E g yp te furent fou v en t en
guerre avec les rois de Syrie & avec les Arabes.
L e canal devenoit: une forte barrière, q u i ‘empèchoit'
les ennemis venant de Sués de pénétrer
dans l’intérieur de l’Egypte. O n penfe auffi que
c e canal ne fut pas entretenu a v ec affez de foin ,
8c qu’il dépérit avant que le commerce eût pris
fen cours de ce côté-là.
Mais on ne fauroit douter de fon exiftence. Sa
longueur étoit de mille Rades , qui font. 75 mille
to ife s , 7 14 mille , fuivant d’autres, qui emploient
des Rades égyptiens. La largeur;, félon Strabon,
étoit de i c o coudées, qui font 17 1 piedsde France.
Qu an t à (a profondeur , elle n’efl que vaguement
exprimée. Pline cependant qui ne., lui .donne que
100 pieds de large , lui compte quarante pieds
d e profondeur. I l n’eR pas aifé d’eflim.er ; fa .pente
depuis fon -commencement jufqir’à fon débouché
dans la mer. Il paflbit par des lieux hauts & bas
& par des marais d’eau falée , où fa ■ profondeur
devoit être in é g a le , mais toujours aRèz grande
pour des navires qui tiroient dix à douze pieds.
Sa pente dans tout fon cours devoit être auffi
proportionnée à fa longueur q u i étoit de mille
Rades ou -trente lieues. Il falioit encore que la
hauteur de fon embouchure fut proportionnée à
celle des eaux de la mer , dans le tems des hautes
marées , à l ’endroit où le canal aboutiffoit. 11
étoit trop large pour déboucher de toute, fa largeur
de 150 pieds. Il y a tout lieu de croire qu’il
avoit été rétréci à fon extrémité , & dirigé de
façon qu’en cet endroit les eaux de la mer Rouge
n’étoient jamais plus hautes que celles du canal,
pour que les navires puffent paffer du canal dans
la m e r , & de la mer dans le canal. •
U paroît que le défaut de commerce fur ce
tanal-j. fon excefïiye largeur & fa grande, profon- 1
deur, jointes au peu de teins qn’il étoit tiavi.
gable dans chaque an n ée, l’abondance des fables
qu’ il falioit enlever, & les grandes dépenfes qu’exi-
goit fon entretien , contribuèrent également à fa
deflruâion : elle fera arrivée fucceffivement & par
parties durant l’efpace de 350 ans , qui fe font
écoulés depuis le règne de Ptoiomée Philadelphe,
jufqu’au milieu du règne de Trajan.
Le canal de Trajan ou d’Hadrien fut fait à l’exemple,
du précédent, ou peut-être étoit-ce le même
canal que Trajan ou Hadrien fit nettoyer ou rétablir.
Le géographe Ptolemée , qui vécu t fous le
règne de ces deux princes, efi le feul qui parle
de ce canal, & il ne fait aucune mention du
canal précédent, ou canal des rois, qui fans doute
n’exiffoit plus. O n ne fait pas de quelle largeur
ni de quelle profondeur étoit le canal de Trajan.
M. Leblond préfume que pour le préferver des
inconvéniens de l’autre canal, on le fit moins
large & moins profon d, & qu’il ne fervit qu’à
la navigation des petits bâtiroens propres aü. tranf-
port des denrées & des marchandifes. En effet,
au lieu de le faire aboutir à A r f in a ï, où la mer
étoit fort haute dans les grandes maré es, on le
conduifit à Hiéropolis, où la mer ne devoit pas
monter plus haut qu’elle ne monte préfentement
au port de Sués : or , ce port n-’eff point abordable
aux:grands navires, puifque l’eau n’y monte qu’à
cinq pieds dans les marées ordinaires.
A peine refle-il aéhiellement des veftiges de
cette ancienne communication des deux mers, &
le commerce de l’Egyp te à la mer Rouge ne fe
fait plus que par terre. Cependant Omar ayant
conquis l’E g y p te , la Perfe & la S y r ie , vers l’an
640 ; & voulant envoye r des' bleds d’Egypte à
M édine, où il y avoit une famine , fon général
Amri fit tirer un canal, depuis le -Nil jnfqti’a la
mer R ouge , au port de Colzume 11 femble qu’on
en voit des vefliges dans Poeocke , qui représente
un canal dans la vallée Derb-Towerich. Plufieurs
voyageurs & hifioriens s’accordent fur cet, objet.
D ’A n v i l le , dans fes mémoires fur l’E g y p te , dit
que l’ambaffadeur T u rc lui avoit affûté qu’on y
fongeoit en c o re , & 'H a l -B e y , qui dans ces dernières
années s’étoit emparé de PEg yp re, avoit
4e même deffein. Rien ne feroit en effet plus digne
d’exciter l ’émulation du prince & des fu je ts , que
d’ouvrir à toute l ’Europe un paffage auffi court
que commode vers les In d e s , & de réunir par
le commerce, des pays auffi étrangers les uns aux
autres que l’ Italie & l’Arabie , quoique très-voifins
eu égard à leur fituation, M. le baron de Totc
avoit fait un travail à ce fu je t , par ordre de
l’avant-dernier Sultan.
Canal de la haute Egypte„ Outre les canaux dont
on a parlé, il y en avoit encore plufieurs,autres
en Egyp te , que la féchereffe du terrein & la
commodité des tranfports avoient fait creufer par
ce peuple indufirieux. Un des plus confidérables
efi. le L y c u s , ou le canal d’Abonhomar > dans la
haute Egypte ; ce canal avoit vingt-cinq à trente
îpieds de large : il conferve encore des marques
d’une grande antiquité. L e P. Sicatd en a très-
bien reconnu le cours.
Canaux d’Europe. Seleucus Nicanor avoit formé
le projet de joindre la mer Cafpienne avec la mer
Noire. D ’autres princes tentèrent la même entrep
r it . Les relations de la C herfonnèfeTaurique, aujourd’hui
la Crimée , avec la Tartarie , firent defirer
entrelesPalus-Méotides & le Pont-Euxin ou la mer
Noire, une communication qui, épargnant le tour de
la Chérfonnèfe, qui a cent vingt milles de lon gueur,
facilitât la navigation & le tranfport des marchandifes.
Cette communication fut en effet établie,
félon le témoignage de Pline (L iv . i r , chap.-ia ,
p. 217 du P. Hardouin. ) Sinus Carcinites appellatur
fiumen Pacyris ; oppida Haub arum, Carcine ; à tergo
lacus Buges fojfa emijfus in mare. C e paffage indique
allez le lieu où le canal fut creufé.
Canal d’Hyparus. Pline fait auffi mention d’un
autre canal artificiel, par lequel on avoit conduit
le fleuve Hypanis dans le lac B u g e , tandis que
d’un autre côté il fe déchargeoit fuivant fop cours
naturel, dans un golfe des Palus-Méotides. Il ne
nous apprend ni par qui ce con d u ira été fait-,
ni pour quelle raifon.
Canal de Thrace. En continuant en Europe la
route d’orient en occ iden t, on trouve fur la partie
ieptentrionale de la carte de Grèce par D e lif le ,
un canal dans la Thrace qui peut bien avoir été
navigable ; il partait de la r iv e droite du Panifus,
& alloit fe rendre dans le Pont-Euxin.
Canal du mont Atkos. On 'reg a rde comme une
entreprife d’offentation celle de X e r c è s , qui fe-
para le mont Athos du continent de la Macédoine ,
pour étonner la Grèce autant que pour faire paffer
fes vaiffeaux, & éviter les dangers de la navigation
autour de cette péninfule. Xercès employa
non-feulement toutes fes troupes à ce travail ,
mais les habitans même du p a y s , qui fe rele-
voient les uns les autres. La nature du fol n’étant
pas favorable à.une pareille entreprife, & les deux
parties de la montagne s’étant réunies par la fuite
des temps , il ne refta pas même de vefiiges de
la folle entreprife de X e r c è s , -& il y a des auteurs
qui ont douté du fa it , quoique très-bien
attefté. Si ce canal fut jamais de quelque ufage ,
ce ne fut que pouf donner paffage à la flotte de
Xercès, & lui ménager un a fyle pendant la guerre
qu’il alloit entreprendre contre la Grèce.
Canal de Bèotie. Nous ne dirons qu’un mot des
canaux pratiqués pour l’ écoulement des e a u x , &
qui aboutiffoient du lac de Copaïs en Béotie , juf-
qu’à la mer Eubée. W h e le r affure, dans fon vo y ag e
de Dalmatie & de G r è c e , qu’ ils dévoient être regardés
comme une des plus grandes merveilles du
monde; & quand.on fuppoferoit de la part de ce
Voyageur quelque exagération, on ne peut douter
de futilité & de la difficulté de ces canaux, d’après
le témoignage de Strabon, Liv. i x , & la nature
du lieu où il fallut percer des montagnes fur une
étendue de plufieurs lieu e s , & tailler des puits
dans toute leur hauteur.
Canal de Corinthe. L ’iffhme qui joint le P é lo -
ponnèfe au continent n’a pas plus de deux lieues ,
fuivant Wheler. En le cou pant, on épargnoit aux
négocians étrangers , & aux Corinthiens eux-
mêmes, une longue navigation autour du Pelo-
ponnèfe, dont le circuit eff d’environ cent foixante
lieues ; on évitoit auffi les paffages dangereux du
cap Malée. Il n’en falioit pas davantage pour in f-
pirer à quelques princes bien intentionnés 1 idee
de faire communiquer les deux mers qui baignoient
l’ifthme de Corinthe. Plufieurs l’entreprirent vain
em en t, & les hifloriens qui rapportent leurs
tenta tives, en attribuent le peu de fucces a lim -
poffibilité de percer les rochers dont 1 ifthine etoit
formé : d’autres à des réponfes d’oracles. E n fin ,
ce grand projet auquel Deme triu s, Jules-Cefar,
C a ligu la, N éron, H érodes, A tticus mirent la main,
relia fans exécution , ce qui donna lieu au proverbe
fi connu , iflhmum fodere. Près de Corinthe
eff un village appellé Se-x millia , parce que
l’iflhme a fix milles de largeur en cet endroit,
C ’eR là que W h e le r dit avoir remarqué la place
où l’on avoit autrefois commencé à creufer ce
canal.
Canal de Leucade. La prefqu’île- du même nom
étoit jointe au con tin en t, comme on le vo it dans
Homère ; mais elle devint une île , apres qu une
colonie de Corinthiens, en vo y é e par Cyp felu s &
Gargafus , tyrans de Corinthe , fut venue s établir
fur la côte d’Acarnanie, & eut coupe 1 iftlime qui
joignoit le territoire de Leucade àu continent. P line
femble dans un endroit faire entendre qu’ell^ avoit
été féparée de la terre ferme par un coup de vent :
mais ailleurs il adopte le fentiment général des
! géographes & des hifloriens, qui attribuent cette
Réparation au travail des hommes. Le même auteur
nous apprend que les fables portes par le
vent dans ce canal, en rendirent la navigation
difficile, & l’on fut obligé , au rapport d’Arrian ,
d’y enfoncer des pieux pour diriger la route
des vaiffeaux. Qu oiqu e le canal fût devenu plus
étroit par les fables, cependant il ne fut pas comblé
, comme le dit P lin e , ou bien il a été recreufè
dans la fuite ; car il eff encore navigable , comme
nous l’apprenons de W h e le r . Cependant s’il le fut
pour de grands vaiffeaux , ce ne fut que peu de
temps après qu’il fut creufé : il pa ro ît, par le té moignage
de P lin e , qu’il étoit expofé à être rempli
par les fables que le vent y apportait ; & W h e le r
nous apprend que de fon temps il n y avoit pas
plus de trois ou quatre pieds d’eau. ^
Les canaux des Romains, faits foit en Italie 9
foit dans les pays où leur domination s étoit eten-
1 d u e , exigeroient des details & des deferiptions qui
1 alongeroient beaucoup trop cet article. Nous ren-
I verrons le lefieur au mémoire même de R le