
nient, il faut laifl'er de diftance en diftance des
efpèces de cloifons en travers pour étayer les
tords ; c’eft ce qu’on voit à la fig. 43. La tourbe
n’étant pas fujette à s’ébouler comme les terres,
on forme les bords d'à-plomb. A mefure qu’une
partie de l’excavation eft achevée, il faut y introduire
l’eau, parce qu’elle a la propriété de maintenir
la tourbe, en s'infinuant dans fes pores.
Lorfqu’il eft néceffaire de former des digues le
long des bords d’un canal, pour les garantir des
inondations, il faut laiffer une berme ou chemin
de deux à trois toifes de largeur, 8c foutenir les
tords du canal par des pilots des palplanches
enfoncées le plus avant poffible dans le bon fond.
I l faut éviter autant qu’on le peut de faire paffer
un canal au travers d’une montagne, à caufe des
dépenfes confidérables que cette pofition exige,
8c parce que la navigation ne s’y fait pas commodément.
Lorfqu’on y eft forcé , il faut ne donner
au canal que la moindre largeur poffible. Pour n’être
pas obligé de faire une trop grande excavation ,
on n’ouvrira que le paffage néceffaire à un feul
bateau. Les bords du canal feront conftruits en
maçonnerie, & on ne pratiquera qu’une feule banquette
de trois à quatre pieds de largeur, pour
fervir de chemin de hallage. C ’eft ainfi qu’on l’a
pratiqué au canal de Languedoc , & à celui de
Picardie. Dans les endroits ou ces canaux paffent
fous terre, on eft obligé de voûter les parties
dont la maffe n’a pas affez de confiftance pour fe
foutenir. On ouvre à de certaines diftances des
foupiraux en forme de puits, pour donner de l’air
8c un peu de jour.
Si le trajet fous terre eft un peu long, comme
il feroit incommode d’attendre qu’un bateau fût
entièrement pàffé pour en faire traverfer un autre
qui iroit en fens contraire, on formera dans la
longueur du canal, deux ou trois efpèces de réduits
011 un bateau pourra fe réfugier, pour en
laiffer paffer un autre qui feroit une route op-
pofée. Il faut éviter de faire des baffins à éclufe
dans un canal fouterrein , à caufe des inconvé-
niens qui en peuvént réfulter, & des difficultés
que la manoeuvre y rencontre.
La difpofition & la conftruâion des différentes
parties d’ un canal font fujettes à varier fuivant
tant de circonftances , qu’il n’eft pas poffible de
les détailler, fur-tout dans un ouvrage tel que
celui-ci : c'eft pourquoi nous renvoyons le lecteur
aux troifième & quatrième tomes de l'architecture
hydraulique de Beljdor, & à l’ouvrage de
M. de Prony.
Canal d’arrosement (Conjlruâion). Cette ef-
pèce de canal, n’étant deftiné qu’à conduire de
l’eau , n’exige pas d’auffi grandes dimenfions que
les canaux navigables. Elle n’a befoin ni d’éclufes
à portes bufquées, ni de baffin. L’eau y eft ordinairement
courante. Souvent un même canal
fert aux arrofemens & à la navigation : il n’y a
alors de différence que les vannes, 6c les canaux
de dérivation qui fervent pour la diftribution des
eaux. En général, on peut appliquer aux canaux
d’arrofement tout ce que nous avons dit fur les
canaux navigables. Leur conftruâion doit être analogue
au pays où on veut les faire paffer, aux
matières qu’on peut y employer, 8c à la quantité
d’eau qu’ils doivent conduire. Quelquefois Us
canaux d’arrpfement ont une pente uniforme dans
toute leur longueur, & l’eau y eft courante en
tout tems, ou elle eft retenue par de petites vannes,
qui modèrent le cours de l’eau lorfque la pente
eft trop grande.
Ces canaux peuvent être faits de trois manières
différentes. La première, qui eft en même tems
la plus fimple, confifte à dériver lfeau de quelque
fleuve-, rivière ou ruiffeau : la fecende eft
de mettre à profit les eaux de fource ou de fontaine
: la troifième eft de raffembler les eaux de
pluie 6c de neige. Dans ces deux derniers cas,
il faut conftruire des réfervoirs affez grands pour
pouvoir fuffire aux arrofemens dans les tems de
féchereffe ; 6c dans tous les cas , il faut que l’endroit
d’où l’on détournera l’eau foit affez élevé ,
pour qu’on puiffe la conduire fur tous les terreins
que l’on doit arrofer.
Il ne s’agit quelquefois pour conduire l’eau, que
de creufer un fimple foffé. Dans certains cas ce
foffé a befoin d’être pavé, ou d’être revêtu d’un
corroi de glaife : foiivent on eft obligé de le conftruire
en maçonnerie 6c de former des aqueducs.
.Ces différens ouvrages doivent être faits avec les
précautions que nous avons ci-devant indiquées,
en parlant des aqueducs 6c des canaux navigables.
Avant d’entreprendre un canal d’arroffiment ,
il faut s’affurer de la poffibilité dé réuffir, 8c fi
les avantages qu’il pourra produire feront capables
de balancer les dépenfes de fon établiffement 8c
de fon entretien. On y parvient en levant une
carte exa&e du pays où le canal doit paffer, fur
laquelle on marque la figure, la fituatîdn 8c l’étendue
de toutes les terres à arrofer, avec la
quantité d’eau qu’ri faut pour chacune. A cette
carte on joindra plufieurs profils qui indiqueront
les finuofités, les pentes 6c les nivellements, afin
que l’on puiffe fituer le canal de la manière la
plus avantageufej relativement à la diftribution
des eaux. Cette diftribution fe fait par le moyen
d’un certain nombre de rigoles qui partent du
grand canal, 6c qui fe divifent en plufieurs branches
, pour conduire Peau fur chaque terrein.
L’eau fe diftribue dans chaque rigole par de petites
vannes placées le long du grand canal 8c à
chaque embranchement. Ces vannes doivent répondre
à des bufes ou tuyaux de bois quarrès,
qui mefurent exaélement la quantité d’eau néceffaire
à chaque divifion. Il faut beaucoup d’art 8c
d’intelligence pour difpofer toutes ces chofes 3e
manière que la diftribution fe faffe bien également.
Audi eft-il effentiel de faire des réglemens
qui
g uî fixent d’uriè manière invariable la quantité
d’eau qui convient à chaque héritage , les époques
auxquelles elle fera délivrée, 6c le prix de cette
quantité, lequel doit être proportionné aux frais
d’établiffement 6c d’entretien.
Pour ne point faire de fauffes fpéculations à cet
égard, il faut s’affurer d’avance de ce que chaque
particulier pourra payer, 6c comparer le réfultat
avec les eftimations faites d’après les devis détaillés
, de toutes les conftrudions, de tous les
ouvrages 8c établiffemens quelconques, néceffaires
pour i ’entière confeélion du canal, 6c fon entretien
en bon état. On ajrrive à une évaluation jufte
en n’épargnant pas les détails : il faut s’affurer du
prix des matériaux, de l’endroit d’où on pourra
les tirer, de la manière dont il fera poffible de
les tranfporter, 6c de la diftance qu’ils auront à
parcourir. Toutes ces confidérations doivent influer
beaucoup fur la manière de faire 6c fur la dé-
pçnfc.
La grandeur ou capacité d’un canal d’arrofement
a befoin d’être proportionnée à la quantité d’eau
que l’on a à conduire, 8c à la pente que l ’on
peut donner. Il eft d’expérience que la pente accélère
la vîteffe de l’eau, enforte qu’un très-petit
canal, qui auroit beaucoup de pente, pourroit
fournir quelquefois plus d’eau qu’un autre plus
grand, dont la pente feroit moindre. Cette cori-
fidération peut devenir très-importante dans plusieurs
circonftances, comme lorfque le canal doit
être conftruit en pierres de taille ou en maçonnerie.
La moindre pente qu’on puiffe donner aux
canaux d’arrofement eft d’un pouce par cent toifes.
Plus la pente eft foible, plus il faut apporter de
foins pour la rendre uniforme, parce que la moindre
irrégularité peut la rendre nulle, 8c retarder beaucoup
la vîteffe de l’eau. Lorfqu’un canal ne peut
avoir que peu de pente , il faut le faire plus
profond que large. La forme qui conviendroit le
mieux, feroit le demi-cercle, parce que le frottement
de l’eau contre les parrois retardé fa vîteffe
en raifôn du contour de ces parrois, comparé au
volume d’eau qu’ils renferment : o r , un canal
demi-circulaire eft celui qui, à contour égal, contient
un plus grand volume d’eau. Lorlqu’on ne
veut pas donner cette forme à un canal, il faut
au moins effacer les angles par des arrondiffemens,
parce que les canaux rectangulaires font les moins
ayantageux, 8c fe dégradent plus promptement
que les .autres'. Nous avons oblervé dans . les
f eftes des édifices antiques, que les Romains avoient
ia précaution de former des arrondiffemens dans
tous les angles des ouvrages de maçonnerie def-
tinés à contenir de l’eau, tels que réfervoirs ,
conferves d’eau , pifcines, baffins, canaux 6c aqueducs.
Il eft très-difficile d’évaluer au jufte la quantité
d eau qu’un canal d’arrofement peut fournir dans
un ten.f donné , en raifon de fa forme 9 de fèi»
Archïtetture, Tome ƒ»
diniënfions, de fa pente , 6c de la charge de l’eau
dans le réfervoir, parce que les géomètres qui
fe font occupés du mouvement des eaux, ont établi
leur théorie fur des hypothèfes trop abftraites ,
pour que le réfultat puiffe fe trouver d’accord avec
l’expérience. Tant qu’on ne s’eft occupé que do
fpéculations oifives, on ne s’eft pas apperçu d©
l’infuffifance de cette théorie. MM. Mariotte 8c
Couplet, 6c le marquis de Poleni ont reconnu
les premiers, par les expériences qu’ils ont faites,
que la théorie ne donnoit pas de réfuitats juftes-
Celles de M. l’abbé BoiTut prouvent qu’elle eft
abufive, puifqu’elle ne donne , dans aucun cas,
des réfultats conformes à l’expérience.
La plupart des géomètres accoutumés aux courbes
6c aux progreffions qui font l’objet de leurs fpéculations
, voudroient tout rapporter aux memes
loix ; au lieu de coofulter l’expérience, ils font
abftraâion de tout,ce qui peut y être relatif
d’où il arrive que le réfultat de leurs recherches
n’eft pas atiffi avantageux aux progrès des arts
qu’il devroit l’être. Les circonftances, les qualités
6c les propriétés des matières , modifient telle-»
ment la manière dont elles peuvent agir, que f i,
dans la fpécnlation , on veut en faire abftra&ion,
le réfultat ne pourra être d’aucune utilité.
Plufieurs recherches que nous avons faites pour
découvrir la manière dont l’eau agit relativement
à fa fluidité, nous ont conduit à une nouvelle
théorie des fluides! Par ion moyen, qui eft fort
fimple, on peut réfoudre tous les problèmes d’h y drodynamiques
, de manière à avoir des. réfultats
conformes à l’expérience. Nous travaillons actuel- *
le-ment à rédiger un petit ouvrage dans lequel
nous, avons développé cette théorie. Son exa&i-
tude eft juftifiée par une application à plus de
deux cens expériences faites tant par nous que
par différens auteurs. Cet ouvragé pourra fervir
de fupplément à l’architeâure hydraulique d©.
Bélidor, 8c aux livres d’hydrodynamique, où
cette fcience eft traitée d’une manière trop abfr
traite.
Canal de deffèchement.
Les canaux qu’on pratique pour deffécher un
pays marécageux ou aquatique , font quelquefois
de Amples foffés , creufés à des diftances convenables,
8c qui forment des efpèces d’îles ou pref-
qu’îles de manière à faciliter l'écoulement des eaux.
C ’eft le parti qu’on a pris depuis quelque tems
pour effayer de deffécher les marais Pontins , dans
la campagne de Rome.
D ’autres fois ce font plufieurs foffés qui abou-
tiffent à un principal canal qui peut fervir à la
navigation ou à d’autres ufages. La conftruélion
du canal étant alors relative aux différens ufages-,
on peut confulter à ce fujet les articles précèdent.
Avant d’entreprendre le deffèchement d’un pays
aquatique ou marécageux, il faut être affuré ,
i° , qu’il n’y a point d’inconvéniens ni d’obftacles