
fa t fuggéré par les reftes de Palnvyre , la manière
dont il cherche à juftifier l’Accouplement des colonnes
, indique aifez qu’ il ignoroit les autorités qu’on
a cru depuis lu i, trouver dans les monumens de
cette ville. Ou b ien , fuppoferoit-on, que dérobant
à la conuoiil'ance publique ces ruines antiques dont
il pouvoir étayer fon jfyftême , mais qui dans la
colonnade lui euffent enlevé le mérite de l’invention ,
il aima mieux perdre l'avantage dans fa difpute avec
Blonde l, que la gloire d’originalité dans fon péristyle
"i Cependant les voyageurs Anglois juftifient
Perrault à cet égard , & lui accordent le titre d'inventeur
dans la compolîtion du périftyle du Louvre.
C e monument eft, fans d ou te , l’exemple le plus
impofant qu’on puiffe citer en faveur de Y Accouplement
des colonnes ; la beauté qui y règne & qu’on y
admire, quoiqu’elle ne réfulte en rien de cet Accouplement
, eût cependant é té , & feroit encore le
meilleur argument qu’on pourroit employer à l’appui
de cette nouvelle méthode 5 & fans doute, tout vicieux
qu’il l'oit^ il vaut mieux que ceux dont Perrault fe
fervoit pour défendre cette moderne innovation.
V o ic i fon raifonnement :
cc S’il eft permis , d it- il, d’ajouter quelque chofe
ao aux inventions des anciens, ï Accouplement. des
33 colonnes mérite d’être reçu dans l’Architecture ,
jj comme ayant une beauté & une commodité con-
33* fidérable. Pour ce qui eft de la beauté, elle eft
33 tout à fait félon le goût des anciens,“ qui aimoient
» fur-tout les genres d’édifices ou les colonnes étoient
#0 ferrées, & ils n’y trouvoient rien à redire , que
33 l’incommodité que caufoit ce ferrement de la
' so manière qu’ils le faifoient. Ca r cette incommo-
3o dité les obligea d’élargir les entre-colonnemens
»O du milieu , & fut aufïi caufe qu’ Hermogène inventa
» le Pfeudodiptère pour élargir les ailes ou galeries
33 aux portiques des temples appellés Diptères,
33 parce que les ailes y étoient doubles ayant deux
s-J rangs de colonnes , lefquelles avec le mur du
33 temple formoient deux galleries par le dehors. Or
33 ce fçavant Architecte s’avifa d’ôter le rang de
j» colonnes qui étoient au. milieu 5 & de deux g a -
» leries étroites, il en fit une qui avoit la largeur
>3 des deux enfemble, & de plus celle d’une colonne.
33 A l’exemple d’Hermogène , les modernes ont in-'
„ troduit cette nouvelle manière de placer les co-
3j lonnes, & ont trouvé le moyen, en les accouplant,
33 de donner plus de dégagement aux portiques, &
33 plus de grâce aux ordres. Ça r , mettant les c o -
33 lonnes deux à deux, on peut tenir les entre-co-
33 lonnemens affiez larges pour faire que les portes
33 & les fenêtres qui donnent fur les portiques ne
33 foient pas offufquées comme elles i’étoient chez
•3 les anciens, où ces ouvertures avoient plus de
33 largeur que les entre-colonnemens. Cette manière
so de placer les colonnes peut être confidéfé comme
33 un fixième genre ajouté aux cinq qui étoient en ufage
». chez les anciens, ftavoir le Pycnoftyle, le Syftyle,
» l’E u fty le , le Diaftyle & l’Aræoftyle 3 or on peut
33 dire que ce fixiéme ajouté eft compofé des deux
33 genres extrêmes. Scavoir du Pycnoftyle où les
so colonnes font très-ferrées, & de l’Aræoftyle ou:
33 elles font très-écartées 33.
C e paradoxe, comme on le v o i t , fe réfuté de lui-
même : il n’y a aucun rapport entre la luppreffioft
du Pfeudodiptère, & 1 ’Accouplement des colonnes,-
puifque, dans le premier cas, la colonne ôtée ne produit
, aucun effet ni bon ni mauvais, pour l’oeil,
& que dans le fécond, la colonne déplacée gâte la
fymëtrie & l’ordonnance. A l’égard de cette réunion
du Pycnoftyle & de l’Aræoftyie, c’eft-k-dire de l’en -1
tre-colonnement fe r ré , & de l’entre-colonnement
large , quand il feroit vrai que ces deux difpofitions '
feroient bonnes en elles-mêmes ,. ce qui n’eft pas ,
puifque l’Aræoftyle a toujours été blâmé, même
par Vitruve ; qui ne feait que deux chofes bonnes
en f o i , peuvent devenir vicieufes par leur réunion $
mais voici le plus grand ridicule de ce raifonnement : '
l’Aræopycnoftyle de Perrault , au lieu de réunir
comme il le d i t , les deux extrêmes , les outre-
pafTe tous les deux. Loin de raffembler dans fa
colonade les deux perfections, celle d’un dégagement
heureux dont il n’avoit que fa ir e , puifqu’il
n’avoit aucun jour à ménager-, & celle qui provient
de Y âpreté des entre-colonnemens,. il eft vifible que
ces deux mérites qui fe détruiroient entr’eu-x, s’ils y ,
exiftoient, ne s’y rencontrent même point, & qu’il
ne réfulte d’ un tel Accouplement qu’une difparat©
très-fenfible d’entre-colonnemens trop étroits, & d’autres
trop larges.
C e qu’on dit ici ne tend point à détruire le mérite
du périftyle du Louvre : fa beauté très-indépendante
de Y Accouplement des colonnes, eft d’autant
plus réelle que ce défaut n’a pas pu y porter atteinte ;
mais, comme il eft peu de monumens plus fameux,
il "feroit à craindre qu’un préjugé aveugle ne v in t,
comme il n’arrive que trop fou vent, a confacrer
fans difeernement les fautes de ce bel ouvrage, &
à fe méprendre fur la fource des beautés qu’on y
admirera toujours. Voye£ Péristyle.
Quoiqu’il en f o i t , de tous les argumens de Perrau
lt, on voit aifez clairement que cet Architecte
eut plus en vue dans Y Accouplement des colonnes,
la folidité de la conftru&ion, que la beauté de la
difpofition dans fon périftyle j il craignoit extrêmement
la pouffée des plate-bandes du plafond , &
malgré tout le fer qu’il y employa, il fçavoit que vis
unira fit fort or. C ’eft auffi la raifon qui dans d’autres
monumens, comme a Sainte-Géneviéve, a fait
accoupler les colonnes qu’on deftine à fervir de
contre-forts.
Perrault, pour foutenir fon fyftême, invoque à.
fon .fecours lés plus grands Architectes modernes 5
obligé d’avouer que les anciens n’en fourniffent point
d’exemple, il fe permet de croire qu’ils l’euffent aimé,
s’ils s’en fulfent avifés; il donne à entendre que
cette moderne invention a manqué à leur gloire ,
que,depuis fa découverte, tout le monde y a applaudi;
& qu’ elle, doit fe mettre au nombre de celles qilft 1
î’ufage a confacrées ; il ne fe trompoit pas. L ’ufâge,
il eft vrai , n'accrédita que trop long-temps , ce
fyftême deftruCteur de l’ordre & de l’harmonie ;
mais , comme il n’étoit fondé que fur l’ufage & non
fur la raifon, il a éprouvé l’inconftance dé l’efpric
qui l’ayoit fait naître. S ’il trouve aujourd’hui des
a P°1.2giftes parmi un petit nombre de feptiques en
Architecture, il n’en compte plus parmi ceux qui<
la profeftent & qui font entièrement revenus au f y f tême
des anciens.
Eft-il croyable q u e , pendant tant de Cèdes ,
«ette invention, fi toutefois on peut lui donner ce
110m , eût échappé au génie des Grecs & des
Romains ? E t n’eft-il pas vifible que ce furent eux
au, co,?tra*re » ^ fçaren-c échapper-à cet abus ainfi
qu’à bien d'autres qu’on voudroit transformer en découvertes
inconnues aux anciens, pour avoir le droit
de fe paffer de leur, autorité & d’éluder leur fufFraô-e ?
Mais qu’eft-il befoin de l’autorité des anciens pour
Condamner ce que le fimple bon fens réprouve ?
De telle manière qu’on envifage la colonne, foit
éomme foutien, foit comme décoration, Y Accouplement
eft vicieux. Comme foutien, il eft évident
qu’on ne réunit deux forces inutiles à côté l’une de
1 autre, qu’aux dépens du grand entre-colonnement,
dont le grand . vu id e , privé de fupport, rend la
conftruCtion foible dans un p o in t , tandis qu’elle a ,
dans un autre, plus de force qu’il ne lui faut. L ’oeil fe
trouve blefté de -ce dérangement de fupports , & de ce
défaut de folidité auifi réel qu’apparent. Cette difpofi-
tionrépugne aux loix de l’équilibre, de la folidité 8c
de l’harmonie. Elle doit déplaire à la v u e , comme dé-
plairoit à l’oreille une mufique dont les mefures feroient
inégalement battues Comme décoration , la colonne
fe refufe également à Y Accouplement. Si on ne la con-
fidèrequé comme ornement & richefle dans T Architecture
, Y Accouplement dts colonnes n’eft autre chofe que
la confufion des richeffies ; 8c , puifque les richelfes ne
valent que par les repos, 8c qu’ici les fèuls repos
font les entre-colonnemens, il eft également certain
que la colonne fe détachant fur une autre colonne
n’eft' qu’une broderie mife fur une autre broderie ;
que par eonféquent il y a trop de richeffe en un
endroit, & trop, de repos dans un autre. L a colonne
d ailleurs perd à cette difpofition la plus grande partie
de fa beauté celle qui provient de l’ifolement, de même
qu’elle perd , fous un grand nombre de points-de-vue,
une partie de la forme. Quels afpe&s défagréables
ne réfultent point de ces colonnes accouplées qu’on
voit fe.confondre enfemble, & ne préfenter à l’oeil
que dés malfes lourdes & fouvent bizarres ? Ces effets
font bien plus fenfibles & plus vicieux dans les
colonnes ifolées, que dans celles qui font adolfées.
Mais les abus s’augmentent & fe multiplient bien davantage
encore dans l’ordre Dorique, dont la finie régulière
ne fçauroit fe prêtera toutes les incohérences de
çette difpofition. Nous ne rapporterons pas ici les régies i
fcu’o n ’s’eft efforcé de trouver pour plier l’ordre le plus i
^/chui-dtii'c - T&me /. P rein. part. .
fimpfe R le plus naturel aux çombinaifons forcées
d’un fyftême effentiellement- vicieux.
Que l’on confidère enfin quels abus ne fon r point
nés & ne peuvent point naître encore de ce défordre
en Architecture, & combien dans les Arts comme
dans la Morale ; un premier pas- fiait vers le vie©
peut en entraîner d’autres. Si l ’oh peut accoupler deux
colonnes, pourquoi n’en »pas gro’upper quatre ou fir
a-la-fois ? Pourquoi proficriroit-on ces aggroupemeni
monftrueux-, enfians d’une 'licence effrénée, qui ne fa i-
fant de l’Architecftiire qu’un jeu de 'caprice, l’a def-
honnorée par toutes fortes de travers & d’mdécence»
puériles ? Pourquoi condamneroit-on ces bizareriesr
; incroyables, imaginées, par’ le délire, du -.dernier fiècle ;
: ces rêves d’une imagination romanefque, qui ne
trouve plus rien, d’inapofijble, que le ppfiible, & de
naturel que l’extraordinaire ; ces élévations fantafti-
ques où toutes lès idées d’ordre font renverfées; ces'
plans déréglés où l’efprit de confufion femble avoir
préfidé, pour faire voir jufqu’à quel point on pou-
v o i t , en fens inverfe, lutter & rivalifer avec la
fageffe & la fimplicité d’ordonnance des anciens l
I l n’eft point de raifon qui puiffe juftifier Y A c couplement
des colonnes ; & , fi l’Archite&e s’y trouve
forcé dans quelques c a s , c’eft: toujours par le vice
de fon plan, & non par la nature des chofes.
A C C O U P L E R , v. aéL pofer des pilaftres ou des
colonnes le plus près qu’il eft pofiîble l ’un de
l ’autre. Voye£ A ccouplement.
A C R O T E R E S , f. m. ce mot vient du grec
cty.pcôTvpiov, -qui fignifie pointe, extrémité; il fe di~
foit en général de toute extrémité du corps , comme
font dans les animaux , le nez les oreilles, les
doitgs ; dans les bâtimens, ü fignifîoit les amortiffe-
mens des toits , & dans les navires, les éperons* qu’on
appelle roftre. Dans les édifices, les Acroteres font
particulièrement des piédeftaux , fouvent. fans bafe
& fans corniche , qu’on met au milieu 8c aux côtés
des frontons , & qui font deftinés à porter dés figures.,.
L e même mot fignifie quelquefois tout fim-
plement , les extrémités ou faîtes des bâtimens. Les
Acroteres des. corniches rampantes , félon Vitruve ,
doivent avoir de hauteur , la moitié de celles du
haut du fronton.
On donne auffi le nom à? Acroteres , aux petits
murs ou dofferets qu’on place à côté des piédefL
ta u x , entre le focle & la. tablette des baluftrades.
A D A P T E R , v . a<ft. c’eft ajouter après coup
par encaftrement ou aifemblage, un membre faillans
d’Architedure ou de fculpture à quelques corps
d’ouvrage , foit de maçonnerie , foit de menuiferie.
A D D IT IO N , f. f. augmentation qu’on fait à
un bâtiment, comme on a ajouté les gros pavillons
des Tuilleries , par ordre de Louis X I V , au palais
que Catherine de Médiçis ayoit fait çonftruir»
par Philibert de. Lorme.
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