
fe fait ordinairement en fix jours : ainfi, la dé-
penfe moyenne de chaque jour eft de mille deux
cens cinquante cubes d’eau.
Si les deux bateaux partent de Touloufe pour
aller au port d’Agde , ils dépenfent deux mille
fix cens toifes cubes d’eau , pour monter les v'ingt-
fjx éclufes qui font depuis Touloufe jufqu’au canal
de Nauroufe, & cent toifes feulement, pour def-
cendre les foixante-quatorze éclufes , qui font depuis
Nauroufe jufqu’au port d’Agde ; ce qui fait
deux mille fept cens toifes cubes en fix jours ,
ou quatre cens cinquante toifes par jour.
La plus grande navigation de ce canal ne va
pas à huit barques par jour : mais fuppofons qu’il
y en ait régulièrement huit qui naviguent à la
fois fur le canal, c’eft-à-dire, quatre allant d’Agde
à:Touloufe, & quatre autres de Touloufe à Agde,
il faudroit, chaque jour, trois mille quatre cens
toifes cubes d’eau pour la feule dépenfe des éclufes :
mais comme ce canal a plus de cent vingt mille
toifes de fuperficie, il doit perdre-, par l’évaporation
& les filtrations, au moins la moitié de cette
quantité d’eau. Ainfi , pour fournir à la navigation
de ce canal, \\ faut environ cinq mille toifes
cubes- d’eau par jour , c’eft-à-dire , autant qu’en
pourroit fournir un ruiffeau de quatre pieds de
large fur environ un pied & demi de profondeur
réduite, qui couleroit avec une vîteffe de deux
.pieds par fécondé.
Quoique toutes les fources qù’on a raffemblées
pour alimenter ce canal, fourniffent quelquefois
un volume du double d’eau néceffaire, on a été
obligé de former un réfervoir immenfe à Saint-
Ferriol, qui contient près d’un million de toifes
cubes d’eau ; parce que , dans l’été & les temps
de féchereffe, toutes les fources ne fourniffent
pas le quart de ce qu’il faut pour l’entretien du
canal. On a calculé que l’eau feule de ce réfervoir
pouvoit fuffire aux hefoins de la navigation pendant
fept mois, le cas extraordinaire arrivant où
tous les ruiffeaux qui feyrendent au réfervoir cef-
feroient de couler p e n d a n t c e t e f p a c e de temps.Dans
ce calcul, on n’a pas eu égard à l ’évaporation ni
aux pertes^ qui fe font par les filtrations, ce qui
pourroit réduire le temps à plus de moitié.
Ce que nous venons de dire du canal de Languedoc
peut s’appliquer à toutes fortes de canaux
à éclufes , quand même il fe trouveroit quelques
différences dans la forme & la difpofition des
baffms , parce que le jeu des éclufes eft toujours
à-peu-près le même. Au canal de. Picardie. &; à
plufieurs autres , les baffins , au lieu d’être’ elliptiques,
ne font que desparties de canal^us .étroites
& fermées par de doubles portesi d’échtfes. ’
La figure des baffins doit toujours être relative
à la forme & à la grandeur des bateaux qui
doivent naviguer fur le canal. Les bateaux dont
on fait ufage fur Je canal de Languedoc ont été
combinés à-deffein ; leur grandeur eft de foixante^
quinze pieds fur une largeur de: dix-fept. Ils.peuvent
porter jufqua deux mille quintaux. Chaque
b al iin peut contenir deux de ces bateaux placés
1 un à côté de l’autre, de maniéré à occuper le
moins d’efpace poffible. Cette difpofition eft très-
avantageufe; mais elle ne convient pas dans toutes
fortes de circonftances. Si le canal doit fervir de
communication à deux rivières navigables , on
choifira, pour fixer la forme & la grandeur des
baffins , le plus grand des bateaux en ufage fur
ces rivières. Lorfque ces bateaux ne font pas d’une
trop grande dimenfion , & qu’on n’eft pas borné
par la quantité d’eau , il faut difpofer les baffms
de manière à pouvoir contenir deux bateaux à la
fo is , placés l’un à coté*.de l’autre, comme dans
le canal de Languedoc. C ’eft la forme elliptique qui
convient le mieux dans cette circonftance,tant pour
la commodité, que pour la folidité & l’économie.
On diftingue quatre parties principales dans un
baffin à éclufes , qui toutes demandent à être
exécutées avec les plus grandes précautions. Ces
parties font, i°. les fondemens; a0, les murs &
bajoyers; 30. les radiers ; 4°. les portes d’éclufes.
Des fondemens.
Les fondemens font la partie la plus effentielle
d’une, éclufe. Elle ne peut réuflir qu’autant qu’elle
eft aftife fur une bafe dont la réfiftance foit partout
uniforme. Toutes les attentions qu’on pourroit
apporter à la conftruéfion des différens membres
d’une éclufe, n’empêcheroient pas, fi les fondemens
venoient à s’afïàiffer inégalement, qu’il
ne fe fît des défunions dans les parties les mieux
conftruites, par où l?eau, venant à s’infinuer, pourroit
caufer avec le temps là ruine de l’ouvrage.
Pour éviter cet inconvénient, il faut, après avoir
creufé à une profondeur fuffifante l’emplacement
que doit occuper le baftin , compris l’épaiffeur des
murs, fonder avec foin la nature du fo l , pour
s’affurer s’il eft affez ferme pour fupporter, fans
fléchir en aucun point* les murs Scies autres conf-
truâions néceffaires. Rarement trouve-t-on un
terrein de cette affietté : aufli eft-il prudent d’établir,
dans tous les cas, une plate-forme générale
fur toute la fuperficie. Après avoir commencé
par égalifer de niveau le fond de la fouille, &
l’avoir bien battu pour le confolider, on dreffera
la plate-forme , qui fera compofée d’un grillage
de charpente fait de pièces de bois .plus ou moins
fortes , fuivant l’étendue de la plate-forme, & le
degré, de fermeté du fol. Par exemple, fi le ter-
rein eft d’une folidité moyenne, & fi la largeur
de la plate-forme n’excède pas huit to ife s , on y
emploiera des pièces de bois de dix à douze pouces
d’équarriffage , placées à trois pieds l’une de l’autre.
Il feroit à propos que ces pièces de bois ne fuffent
pas .quarrées, mais taillées en talus des deux côtés,
de manière à former une efpèce de coupe autour
dès efpaces vuides laiffês par le gjfillage, afin que
la maçonnerie dont on les remplira puiffe être
bandée comme une voûte plate. En fuivant ce
procédé, on peut être sûr d’établir une plate-forme
d’une feule pièce , capable de la plus grande réfiftance.
Des murs & bajoyers.
Sur cette plate-forme bien arrafée, on élevera
les murs qui doivent former le baftin & ceux
des bajoyers, d’après des plans exa&s où l’on
aura, déterminé les formes & les diménfions les
plus avantageufes, relativement aux bateaux qui
doivent y paffer, & à la quantité d’eau dont on
peut difpofer. Si ces considérations ne permet-
toient de faire le baftin, que pour contenir un grand
h.ateau, il faudroit lui donner au moins un douzième
de plus en longueur, & un fixième de plus
en largeur que ne porte le bateau. (Voye^ fig. 33 ).
Les paffages qui conduifent au baftin , dans lef-
quels fe trouvent les portes d’éclufe, doivent être
un peu plus étroits , afin qu’on puiffe pratiquer
dans les murs qu’on appelle bajoyers, des entailles
pour loger ces portes lorfqu’elles font ouvertes
: la longueur de ces paffages doit être égale
a leur largeur : on les termine par des pans coupés
a quarante-cinq degrés, qui fe raccordent avec la
largeur du canal: cette largeur doit être affez grande
pour que deux grands bateaux , qui iroient en fens
contraire, puffent pàffer l’un à côté Ae l’autre fans
fe gêner. Si la quantité d’eau dont on peut difpofer,
permet de faire un baffin affez grand pour
contenir deux bateaux a la fois, on lui donnera
la forme elliptique, (voyeç fig. 3 1 ) , de manière que
fa plus grande largeur foit égale à celle du canal,
& que les paffages entre les bajoyers aient la m oitié.
de cette largeur. Quant à la longeur, elle fera,
comme on 1 a dit ci-deflùs, d’un douzième plus
grande que celle des plus grands bateaux. Les
portes d’éclufes feront placées au milieu de la
Longueur des paffages ; & les pans coupés , au
bout de ces paffages, fe raccorderont avec le canal,
ainfi qu’il a été ci-deffus dit.
Il vaut mieux donner un peu de courbure aux
murs des baffins, que de les faire droits : leur
folidité en eft plus grande ; ils réfiftent avec plus
de force à la pouffée des terres, & à celle de ■
l’eau ; parce que les pierres des revêtemens intérieurs
étant taillées en coin , forment enfemble
une efpèce de voûte verticale, capable de foutenir
un plus grand effort qu’un mur droit de même
épaiffeur. Au contraire, les joints des pierres qui j
forment les murs droits, étant parallèles, ne peuvent
pas fe foutenir mutuellement contre l’effort
de la pouffée ; c’eft pourquoi ils font fujets à fléchir
dans le milieu de leur longüeur ; ce qui occa-
fionne des défunions , par où l’eau fe perd &
dégrade les^ murs. Tous les paremens des murs
de baftin, ainfi que ceux des bajoyers, doivent
être faits en pierres de taille appareillées avec
carreaux & boutiffes, & pofées avec du mortier
de ciment : du maftic doit remplir les joints. Pour
plus grande folidité., on cramponne les'deux pre-,
mieres affilies & les deux, dernières, ainfi que
toutes les pierres des angles. Le Surplus de la
maçonnerie fe fait en moellons ou en briques. M.
Belidor prétend avec raifon que la maçonnerie
en brique vaut mieux, parce qu’elle eft moins fuf-
ceptible d’être pénétrée par l’eau. Ce feroit le cas
. de faire une bonne maçonnerie en blocages, à
l’exemple des anciens Romains. Il ne faudroit
pas que les pierres fuffent jettées pêle-mêle avec
le mortier, mais qu’elles fuffent arrangées par
lus , après avoir été lavées , afin que le mortier
s’y attachât mieux. Cetre efpèce de maçonnerie
exige que le mortier ne foit pas épargné. Les
pierres doivent y être mifês à bain , c’eft-à-dire
de manière qu’elles ue fe touchent à fec en aucuns
points. Ainfi ,Jaite avec foin , cette maçonnerie
peut contenir l’eau comme le Betton. ( Pove? ce mot'), \
La maçonnerie en briques n’eft préférable à
celle en moëllons, que parce qu’elle eft mieux
garnie de mortier. C’eft par la même raifon que
la maçqnnerie en blocages, bien faite , vaut mieux
que celle en brique, &. que le betton vaut encore
mieux.
Ce qui rend la maçonnerie en moëllons plus
mauvaife encore qu’elle ne devroit être, c’eft que
les maçons emploient les moëllons tout, couverts
depouffière, de manière que le mortier né s’y
attache que foiblemenr. Il eft certain que fi l’on
avoit la précaution de les plonger dans un baquet
d’eau , avant de les mettre en place, on en feroit
des murs aufli impénétrables à l’eau que le font
ceux en briques.
t Les bajoyers .auxquels font attachées les portes-
d’éclufe, ayant une plus grande charge à foutenir
, doivent avoir plus d’épaiffeur que les autres®
murs. Lorfqu’on pratique dans cette épaiffeur des
permis ou des aqueducs pour faire communiquer
l’eau du canal avec celle du baffin, il fuflit qu’elle
foit égale à la moitié de la hauteur. Si les bajoyers
font p le in s i l fuffit de leur donner les
trois quarts de cette épaiffeur. Quant aux murs
des baffins , s’ils font droits, on leur donnera
pour épaiffeur la moitié de', celle des bajoyers
pleins, indépendamment de celle des contreforts
qui doivent former avec le mur une épaiffeur
égale aux bajoyers.
C ’eft tout en pierres de taille pofées en ciment
& cramponnées , quil faut conftruire les aquer
ducs pratiqués dans les bajoyers. Du maftic doit
garnir les joints intérieurs : le meilleur pour cet
ufage eft celui où il entre de la; limaille de fer;.
( Voye^ Ma s t ic )» Toutes ces précautions font
néceffaires pour réfifter à l’a&ion du courant
d’eau qui auroit bientôt dégradé ces permis, C ’eft
pourquoi il vaut mieux pratiquer des vannes dans
les portes d’éclufe, que de percer les bajoyers par
des aqueducs : ce parti d’ailleurs eft beaucoup moins
difpendieux.