
enchaîné rar la raifon la plus lèvera , repoufler
totncs les variétés de forme , & mettant toute fa
beauté dans la coflUruélion la plus indeltruétible ,
Te jet ter toutes les inventions (pic ne fauroit julH-
fier le befoin le plus rigoureux. Comparez le
caraElère de cette a'rchitc dure à celui de la nature »
vous verrez .que c’eft absolument le meme ; c eft
à favoir un caractère qu’on pourra dire ào. fervitude y
&qui fe développe par les qualités de monotonie
à*uniformité. .
Les Grecs , dans leur architedure , furent tenir
•un milieu fi jufte entre la licence de i’Afie & la
Servitude de l'Egypte, que le caraElère & le ligne
diftindif de cette architedure ne fauroit fe définir
autrement qu’en l’appellant caraEtere d ordre ou
<r harmonie. Ce -ré fuite des proportions
auxquelles on vit l’art affujettir & Ses conceptions
les plus vaftes & fes détails de forme les
plus minutieux. Les proportions par lefquelles les
Grecs firent véritablement un art de l’architecture
furent, comme on l’a déjà dit, le fruit d un
concours heureux de circonftances. La charpente,
qui avoir forr é leur architedure primitive, avoir
donné les premiers élémens des proportions ; l’étude
des autres arts, & fur-tout de ceux qui confident
dans limitation du corps humain, en avoit
■ fixé les bafes ; mais c’étoit dans le grand livre de
la nature que cet art devoit puifer ces loix générales
d’ordre & enharmonie, par lefquelles il parvient
à produire en nous ces fentimens d’admiration
, ces impreffions variées & tous ces effets qui
rivalifent avec ceux de la nature. Ü-
Obfervons que les Grecs portèrent dans tous
leurs arts ce même efprit d’ordre & d’harmonie; -
qu’en même temps qu’iis fixoient les formes de la
beauté dans la peinture & la fculpture, les proportions
de l’harmonie dans la mufique & 1 architeâure,
iis donnaient auffi des loix à tous les
genres de poéfie, aux jeux fcéniques & à l’art dramatique,
à l’enthoufiafme de la lyre & au chant
de la mufe épique, comme à l’art de la parole
& aux mouvemens de l’éloquence. Obfervons que
ces loix font fi juftes & tellement fondées fur la
nature, qu’elles font devenues celles de tous les
peuples & la mefure du fentiment qu’ils ont de
la vérité & de l’harmonie dans tous les arts.
Croit-on maintenant, fi l’on fe rappelle ce qui a
été dit du fo l, du climat & de la température de
la Grèce , qu’il foit difficile d’affirmer que cet
heureux équilibre, qui en forme le caractère, aura
influé fur l’art de l’architedure .cohime fur tous les
autres? Si les rapports de-proportion & les nuances
qui ont formé les différens modes de 1 architecture
n’avoient été ni fentis, ni conçus, ni même
devinés par aucun peuple avant eux fi depuis
on peut avancer que malgré les modèles qu’ils
nous ont laiffés, ces mêmes règles n’ont trouvé
chez aucun peuple un fentiment affez fubtil, une
fineffe d’organes affez grande pour en fentir toute
U délicateffo, s'éloignera-t-on beaucoup de l’opinton
de ceux qui ont penfé que cette pènétratiotf
des Grecs tenoit à la lubtilité de l’air & au principe
premier du climat ? Laiffant à part tout ce que
le plaifir d’un beau climat, tout ce que le riche
fpedacle d’une nature enchantée, tout ce que la
variét é , la magnificence & la volupté dé fon fol
dut infpirèr de fenfations harmonieufes a fes ha«
bitans, je ne faurois m’empêcher, en ^ regardant
les arts comme des fruits lulceptibles dêtre tranf-
plantés , de dire qu’il y a des climats d ou leur
perfedion dépend ; & lorfque je vois qu au milieu
de toutes les arçhitedures, il. s’en trouve une
également éloignée de tous les excès , & qu’elle
eft née dans un climat également éloigné de tous
les extrêmes, je ne faurois meconnoître là une
adion direde de la nature fur les caraElere s effen-
tiels & primitifs de î’architedure.
Les régions du Nord ne fauroient nous faire
voir de caraElère proprement dit, d’aucune archi-
tedure fpécialement adaptée à eux, ou cjuon
puifle dire originale. L’architedure connue fous
le nom de gothique, & qui y fubfifta long-temps,
n’étoit point originaire de ces pays ( voye^ Gothique)
, & l’art des Grecs qui lui a fuccédé généralement,
n’a effacé par-tout les traces du goût
arabe qu’en perdant lui-même fon caraElere.
Ce manque d’originalité dans l’art de bâtir de
ces régions , feroit-il une preuve de plus du défont
d’invention qu’on a déjà vu être un des caraEkres
particuliers des peuples feptentrionaux dans^ tous
les arts ? Je le laiffe à juger : mais ce qui n’offre
aucun doute , c’eft l’influence bien decidee ^du
climat & des caufes naturelles fur l’art de bâtir
qui s’y eft propagé , & cette influence eft fi
marquée , qu’il ne faut que des yeux ,& des yeux
très-ordinaires, pour l’appercevoir.
A mefure, que l’architédure grecque , quittant
r fon pays natal, s’eft vue ,par la communication
naturelle des peuples qui l’ont adoptée , tram-
portée fous d’autres deux , on lui a vu perdre auffi
plus ou moins des véritables caractères qui confti-
tuent fon effence ; Ton y a vu fur-tout s’empreindre
d’une manière inconteftable le caraElère du climat
& la main du befoin analogue à chacun. Je réferve
pour un autre article ( voyeç Climat ) le détail
& le développement de toutes'ies caufes inhérentes
au climat, & dont l’adion fur l’art de bâtir
a les effets les plus fenfibles. On y verra comment
certaines formes s’altèrent, fe dénaturent au
point de perdre leurs véritables caradériftiques ;
comment les caufes deftrudives que certains climats
éprouvent avec plus de force que d autres,
obligent le fyftême de conftrudion, les principes
même de convenance à changer , foit pour donner
moins de prife à l’adion du tems , foit pour fup-
pléer au défaut de matériaux , foit pour fubvenir
aux reffources d’une induftrie facile & naturelle,
foit pour s’accommoder à tous les befoins, à tous
les ufages qpi, en paroiffant dépendre de la fociéte,
ne font cependant que des effets fêcondàires du
«limât» . . ,,, i.
Mais un effet qui én refulte encore , qiioiqnil
femble’ qu’on le mette plus fouvent fur le compte
des moeurs , .c’eft le peu de folidité que l’on voit
aux monumens de l’art1 de bâtir dans les climats
froids , & c’eft peut-être un des caraEleres les plus
généraux qu’on y obferve. Ce défaut de folidité
ne doit pas fe confondre avec la légèreté qui fait
le caraElere de certaines arçhitedures. Selon la dir
verfifé des températures comprifes fous le nom
de climats froids , ce manque de folidité provient^
ou de la nature des matériaux, ou de l’amour du
changement , r-éfitltat du befoin de renouveller
j fouvept les conftrudions, ou du peu de prix que
l’on tviet à des édifices deftinés à être promptement
dégradés par les infultes multipliées des
frimas , ou du peu de jouiffance que, dans ces
pays , les hommes peuvent retirer du fpedacle
extérieur de l’architedure.
Si toutes ces caufes font véritables & fuffifantes
pour nous expliquer le défaut de folidité comme
de durée qu’on remarque aux édifices de ces peuples,
elles nous expliqueront encore la rareté dés
monumens publics chez eux. Je ne parle plus de
cette adion morale du climat fur l’imagination des
hommes , mais des habitudes qui y font effentiel-
lement liées. Se peut-il, en effet, que les plaifirs
de l’architedure , que ceux qui font attachés au
coup-d’oeil extérieur des édifices , à la magnificence
publique des villes, à la décoration & à la
pompe des conftrudions, touchent beaucoup des
hommes qu’oppreffent, que pourfuivent fans ceffe
les fléaux multipliés d’un climat en tout point
ennemi des arts ? De-là , n’en doutons point, l’indifférence
naturelle pour l’architedure , & de cette
indifférence , la rareté, dès monumens, le peu de
foin qu’on prend de leur conftrudion ; de-là cette
routine quia réduit en pur métier les combinai-
fons les plus fines & les plus délicates’ dé l’art dés
Grecs, changé en procédés mécaniques les opérations
du génie , *& renvoyé à une claffe d’ouvriers
fauffement appellés architedes, les càlciiis
les plus fubtils d’un art qui n’en conferve plus que
le nom.
C’eft bien encore dans tous les changemens
qu’a fucceffivement éprouvés , dans tous les pays,
l’architedure grecque , qu’on verra bien évidemment
empreinte l’influence des califes morales fur
cet art & fur fes différens 'caraEteres.
L’on diftingue naturellement deux fortes de
caufes morales , celles qui tiennent à la forme
politique des peuples, & qui réfultent: de leurs
gouvernemens, &..celles qui tiennent à la force
de leurs habitudes générales & particulières, &
qui réfultent de leurs ùfâges & de leurs moeurs.
On a déjà vu combièn l’adion politique des
gouvernemens étoit capable de modifier lé caraElere
des peuples , & par contre-coup celui de tous leurs
arts. Il ne me femble pas néceffaire de. faire de
ArchiteBure. Tome. /.
cô principe une application particulière â l’archi-
tedure. Cet art eft peut - être celui de tous qui
exige-le moins de démonftration à ce fujet. PlusJ
idéal que les autres , plus dépendant en confé-
quence des qualités imaginatives des peuples , il
fera plus particuliérement encore fournis à toutes
les caufes qui influent fi puiffamment fur le génie
des hommes. L’adion du gouvernement fur l’a-;
chitedure fe fait cependant fentir d’une manière
plus âbfolue encore & plus direde ; c’eft celle
qui foumet toutes fes inventions , foit à l ’efprit
général qui conftitue le -caraElere de chaque gouvernement
, foit aux ufages qui font liés eux-
mêmes à ces formes politiques. Mais cette efpèce
d’influence rentre d’elle-même dans celle des moeurs
qu’il nous refteà examiner, relativement fur tout
à i’architedure. La fuite de cet article réfervée à
l’art proprement dit de l’architedure , va foire con-
noîtré d’une façon plus fenfible qu’une théorie
purement fpéculîtive ne pourroit faire, l’adion de
cette influence morale fur l’art en lui-même, fur
les édifices & fur ceux qui les conftruifenr.
Caradère confidéré dans FarchiteElure proprement dite ;
& moyens par lefquels VarchïteEle p ourr aimprimer
aux édifices les diverfes qualités que renferme ce
mou
Jufqu’ici on a confidéré le caraElère , ou méthodiquement,
ou abftradivement, ou généralement.
Il eft temps de particularifer toutes ces notions &
de les ramener, par des préceptes applicables à
la théorie de l’architedure, au genre d’utilité que
les artiftes font en droit d’attendre. C’eft ce que
je me propofe dans cette dernière fedion , où l’on
expofera les règles-pratiques qui peuvent conduire
l’architede dans le choix & l’emploi des formes
& des moyens d’où réfultent les différentes qualités
que renferme l’idée & qu’exprime le mot de
caraElère.
Mais avant d’entrer en matière, je dois prévenir
une objedion qui fe tire naturellement de
tout ce qui a précédé.
De quelle utilité , dira-t-on, peuvent être des
préceptes fur les moyens de caradérifer les édifices
, fi ceux-ci n’étant que le réfultat d’un art
dépendant des caufes ph y floues & morales, l’ar-
chitede qui les conftruit, ibftrnment paffif & involontaire
des influences qui le dominent, ne peut
y imprimer d’autres caraElères que ceux de la nn-
; ture, des peuples & ^es moeurs au milieu desquels
, par lefquels & pour lefquels il eft obligé
d’agir ?
A cela je réponds qu’en portant même plus
. loin qu’il ne convient les conféquences de tout
; ce qui a été .dit, en les outrant au point de re-
•garder & les arts & les artiftes comme fournis
j aux loix d’une efpèce de deftinée néceffaire &
] d’une influence impérieufe qui maitriferoit tous
i leurs réfultats, il n’en feroit pas moins liqicule
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