
ce fens, quelques peintres de l’Ecole Florentine paffent
pour avoir quelquefois de la barbarie dans leur ftyle.
En architecture, le mot barbare fe donne a des
édifices eompofés d’un ftyle fottement gigantefque ,
dont lés formes outrées rebutent l’oeil par l’affectation
choquante d’une force immodérée , ou par la
compofition bizarre de détails difcordans 5 en general
l ’idée de barbare, dans un édifice, le trouve jointe
à celle de lourd & de maflif. Rien ne peut mieux la
faire fentir que ces bâtimens à boflages mal employés,
dont la vue bleffe la raifon , répugne à l’imagination
, choque les yeux , & repouffe, en quelque forte,
le fpeCtateur. | Voye^ B ossage. )
B A R D E A U , f. m. forme de tuile dont fe fervent
les couvreurs. (V o y e z le Diél. de Maçonnerie.)
B A R D E R , v . aCt. ( conjlrufiion. ) eft l'aCtion de
charger les pierres fur un chariot ou fur un bard.
( Foyei Bar. )
BA R D EU R , f. m. .( corijlrufiion. ) On nomme
ainfi leis ouvrier qui portent le bard , ou qui chargent
les pierres fur le chariot du chantier au pied du
tas. ( VQÿe\ Bar . )
B A R O Q U E , adj. Le baroque, en architecture ,
eft une nuance du bizarre. Il en eft , fi on veu t,
le rafinement, ou , s’il étpit pdfiible de le dire, l’abus.
C e que la févérité eft à la fageffe du g o û t , le
baroque l’eft au bizarre , c’eft-à-dire qu’il en eft le
fuperlatif.
L ’ idée de baroque entraîne avec lo i celle du ridicule
pouffé à l’excès. . •
Borrcmini a donné les plus grands modèles de
bizarrerie. Guarini peut paffer pour le maître du baroque.
L a chapelle du faint Suaire à Turin , bâtie
par cet architecte , eft l’exemple le plus frappant
qu’on puiffe citer de ce goût.
B A R O Z Z IO , ( J A C Q U E S ) dit D E V IG N O L A .
C e t architeCte célèbre ,'le Légiffateur de l’architecture
moderne, naquit en 1507 , à V ig n o le , terre fituée
dans le Modénois , dont il prit le nom fous lequel
il eft plus. connu. Celui de fa famille n’étoit point
obfcur. Clement Baro^io fon père, gentilhomme
Milanois , d e vo it, outre l’avantage de la naiffance,
lui laiflèr de grands biens. Les guerres civiles de
Milan l’en dépouillèrent. Retiré à Vignole , il chercha
par la retraite, & par l’alliance qu’il contracta avec là
fille d ’un officier Allemand, à adoucir les maux de
]a> fortune. Jacques Baro^io fut le feul fruit de cette
union ; les heitreüfes difpofitions que la Nature fem-
bloit fe hâter de développer dans cet enfant, pro-
mettoient au père un avenir plus heureux. Cependant
celui-ci mourut & laiffa fon fils en bas-âge , privé de
toutes reffoürces, excepté de celles du génie.
Des prbnoftics, rarement trompeurs, avoient indiqué
à la mère dii jeune Vignole le voeu de la Nature
pour fon fils. Elle étudia fes difpofitions naiffantes;
& réfolue d’en favorifer le développement, elle l’envoya
à Bologne y apprendre les principes du deflin.
L a peinture a laquelle il s’appliqua d’abord , eut les
prémices de fes études 5 mais la lenteur de fes progrès
dans cet a r t , le porta vers l’architecture. Ses
premiers pas y furent dirigés par • les connoiffances de
la perfpeCtive dont il avoir deviné feul plufieurs
fecrets. Il trouva, par le feul effort de fon génie, les
règles qu’il nous a tranfmifes dans un petit traité fur
cette matière.
Sa réputation ne tarda pas à s’étendre dans Bologne.
François Guichardin , gouverneur de cette v ille ,
faifoit exécuter, en marqueterie , les deflins d’archi-
te&ure de Vignole. Mais celui-ci comprit bientôt que
l’intelligence de Vitruve , & les connoiffances fpécu-
latives qu’on acquiert dans les livres étoient infuffi*
fantes pour former un architecte 3 que rien ne peut
fuppléer à la vue des grands modèles de l’antiquité.
Il prit donc le parci d’aller confulter à Rome les
véritables maîtres de l’a r t , & d’y étudier les monu-,
mens. Il fixa fon féjour dans cette ville , la vraie
patrie des arts & des artiftes. Cependant le b e loin de
fubfifter & de foutenir fa famille lui fit reprendre le
pinceau , fans abandonner toutefois l’architeCture.
Alors il fe formoit à Rome une académie d’archi-
teCture fous les aufpices de plufieurs perfonnes de la
, première qualité. • Vignole fnt chargé de faire, pour
cet'e académie naiffante., les deflins de tous les édifices
antiques de Rome. C e travail décida entièrement
fon g o û t , & le fixa à 1 architecture.
Vers l’an 1 y 3 7 , Vignole quitta Rome pour accompagner
le Primatice, peintre & architeCte Bolonnois,
qui le conduifit en France. Plufieurs deflins qu’il
préfenta à François I , le firent connoître & accueillir
de ce monarque. Les deux années qu’il paffa en
France , il les employa à faire des projets & des
modèles d’ édinces dont la guerre ne peimit pas l’execution.
Bologne redemanda notre artifte. Cette ville l’ap-
pelloit pour l’exécution de la grande façade de S.-
Pétrone. Parmi le nombre infini de projets qu’on en
avoit donnés , celui de Vignole mérira la préférence.
Jules Romain , & Chriftophe Lombard architeCte
de l’églife de M ilan , arbicres choifis, lui donnèrent
authentiquement leur fuffrage. l.a jaloufîe des con-
currens ne fervic qu’à reculer de quelques années
l’adoption de fon plan. Vignole employa ce teins a
bâtir le magnifique Palais du comte Ifolàni , àMiner-
bio près de Bologne, & , dans cette v ille , la maifon
d’Achille Bochi, édifice dont le goût lourd & pefant
ne doit s’attribuer qu’ à la fantaifie du propriétaire qni
le voulut ainfi 5 enfin le portique du Change ou u
eut l’oceafion de déployer fes talens & fon intelligence.
On y admire l’adreffe a v e c laquelle notre
.architeCte , obligé: de lier la nouvelle conftruCtion a
l’ancienne , trouva le moyen 'd’en accorder l’ordonnance.
Mais l’ouvrage le plus utile qu'il fit à Bolo“
gn e , e ft , fans contredit, le canal du Naviglio qü 1
acheva , & condnifit julqu’à la ville dont il étoit
éloigné de plus de trois mille. Ayant été mal récom-
penfé de ce travail , il fe retira à Plaifance où il
donna le plan du Palais Ducal ; il en jerta les fon-
'demens, & laiffa la conduite de cet édifice à fon
fils Hyacinthe.
On ignore le tems précis où Vignole bâtit les
églifes de Maffano , de S.-Orefte , de Notre-Dame
des Anges à Aflife , & la belle Chapelle de S.-François
à Péroufe, de même qu’un grand nombre d’édifices
répandus dans les differentes parties de l’Italie.
De retour à Rome pour la fécondé fois , il fut
préfenté par Georges Vafari à Jules I i l . Ce pape
avoit connu Vignole à Bologne pendant qu’il y étoit
légat : il le nomma fon architeCte 3 & lui confia la
conduite de l’aqueduc de Trévi. Des travaux plus
importans juftifïèrent bientôt le choix du pontife, qui
lui fît conduire , hors de la porte del popolo , une
maifon de Plaifance, connue fous le nom de papa
Giulio. Elle ne fut point terminée & fe trouve aujourd'hui
abandonnée. Le principal Palais fut commencé
par Georges Vafari : mais Vignole donna les plans de
tout le refte ,;de la cour en forme circulaire ornée
d’une colonnade en pierre , & de compartimens en
ftuc*, de la fontaine renfoncée qui fe préfente au
pied du bâtiment, & eft ornée de termes de marbre
avec des efcaliers & une baluftrade tout autour. Cet
édifice tient de la première maniéré de notre architecte.
La décoration de fa façade , gravée dans fes
oeuvres, confîfteen un ordre Tofcan orné de boflages
& formant un avant-corps de deux pilaftres , & de
deux colonnes engagées d’un quart de leur; diamètre.
L ’ordre fupérieur eft Corinthien , avec des pilaftres
feulement. Ceux qui font dans les angles , trop éloignés
de l’avant-corps du milieu , offrent une difpofî-
tion mefquine qui tient du goût de plufieurs bâtimens
de Rome élevés-à l’époque du renouvellement
des arts.
A peu de diftance de cette v illa , & fur la même,
voie Flaminienne, on admire un autre ouvrage de
Vignole. C ’eft un petit temple circulaire connu fous
le nom d’églife de S.-André. Son plan eft. un reCtan-
gle qui foutient fur quatre pendentifs une coupole
ovale. Celle-ci a pour contre forts trois grandes marches
ou gradins, à l’imitation de celle du Panthéon.'
Le dedans de l’édifice préfente lê même ordre que
1 extérieur. G ’eft le Corinthien employé en pilaftres
fans piédeftaux & fans corniche , ce qui convient
bien a la décoration des intérieurs.-1 En face de la
Porte, & d'ans un enfoncement, eft fitué le principal
autel. Des deux côtés, & dans les murs qui forment
les grands côtés du reCtangle , eft une niche dont
1 inipofte vient heurter les pilaftres. Le frontifpice du
Monument forme un avant-corps orné de quatre-
-pilaftres Corinthiens qui portent un fronton , & fe
he très-bien avec l’intérieur. L a porte eft d’une belle
unplicité. Les fenêtres , en forme de niches qui l’accompagnent
, font d’une très-bonne proportion 5 mais
ornemens qui fe trQUvent entre les chapiteaux des
pilaftres font d’un goût un peu bizaffe. Toute la
marte fur laquelle cet avant-corps eft pofé, fe termine
par une corniche avec des modillons. J_,e tout forme
un enfemble agréable. Le plan de cet édifice eft bien
conçu, fa difpofîtion eft fage & dans le goût antiquej
l’élévation générale , tant du dedans que du dehors,
eft d’une bonne proportion & d’un bon ftyle : il règne
beaucoup de pureté dans l’exécution. On.y reproche
cependant un peu de maigreur dans les parties, fur-
tout dans la difpofîtion des pilaftres & des ornemens
intérieurs. Le frontifpice paroît avoir trop peu de
relief 3 & l’on regrette que l'architecte n’ait pas eu
la place d’y mettre, en avant, un petit porche avéc
des colonnes. A u refte tous, les détails des entable-
mens & des parties de cet édifice font beaux & bien
profilés.
Vignole répara, ou plutôt rajufta pour les comtes
de M o n ti, ce palais qui paffa dans la luite aux grands
ducs de T o fc an e , & que l’on nomme communément
le Palais de Florence. II jetta les fondemens
d’un autre édifice pour les mêmes comtes M o n t i,
vis-à-vis du Palais de la maifon Borghèfe ; mais la
conftruCtion ne fut éleyée.que jufqu’au foubaffement.
On doit encore citer de lui d’autres, ouvrages de moindre
importance, tels, que Impartie du Palais Farnèfe où
eft la galerie du Caraehe , des portes ^ .des fenêtres
& des cheminées dans Je même Palais , une porte
de la Chancellerie , & la fameufe porte de l ’églife
des SS. Laurent & Damas , enfin le frontifpice^des
jardins Farnèfe à Campo-Vacçino , qu’il exécuta
pour le cardinal Alexandre Farnèfe , ou par fes
ordres.
Mais la protection de ce cardinal , grand amateur
des arts, & jufte appréciateur des talens de Vignole ,
devoit conduire notre artifte à de plus hautes entre-
prifes. Le pape Paul III venoit d’approuver l’inftitut
des Jéfuites. Alexandre Farnèfe , neveu du pontife,
zélé pour la gloire de cette fociété naiffante, voulut
lui faire conftruire, avec la plus grande magnificence,
l’églife qu’on nomme le Jéfus , & qui fut celle da
leur m aifon profeffe. Il eiï confia la conduire à Vignole
qui en jetta les fondemens l ’an 1 j£8. Cet architeCte
ne l’éleva que jufqu’à la corniche. La mort l’ayant
empêché d’y mettre la dernière main, ce fut Jacques de
la P orte, fon élève, qui en termina la voûte ainfi que
le dôme, & qui fit la chapelle de la Vierge. Les deflins
du maître furent peu refpeCtés par l’élève 5 & l’on
doit regretter fur-tout que le portail, tel que Vignole
l’avoit projetté , n’ait pas eu fon exécution. L a d i f pofîtion
de cette églife offre une croix latine , dont
le fond fe termine en demi-cercle. Sa longueur eft
de i i 6 pieds dans oeuvre ; la largeur de la croifée
eft de 104 : celle de la grande nef de n y . L a
voûte a 90 pieds d’élévation/ L a nef eft percée de
quatre arcades de chaque ccté , dont les piédroits
font décorés de pilaftres accouplés , & d’ordre C om -
pofite. Les arcades ne s’élèvent pas fuivant la coutume
jufqu’à la hauteur du chapiteau 3 elles n’arrivent
enéres. qu’aux deux tiers de l’ordre. Le refte de
Dd ij