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la mer , eft moindre à Libron qu’à -l’éclufe ronde ,
quoique le niveau de toute la retenue foit le
même ; mais il paroît que la mer y entre plus
librement, & qu’elle y éprouve moins- de ré-
finance , parce qu’il y a moins d’éloignement,
l’embouchure du Libron n’étant qu’à huit cens
toifes du radeau.
A trois milles du radeau du Libron eft l’éclufe
de Pordrague , qui tire fon nom d’un bourg
où l’on croit qu’il y avoit un port autrefois ,
quoiqu’il foit actuellement à deux milles de la
mer. Le nom du village indique en effet un port ;
& l’on y a vu les anneaux où s’amarroient les
barques. Toute cette plaine eft marécageufe 8c fu-
jette aux inondations : les eaux fauvages lont reçues
par un, contre-canal, qui les porte dans un
ruifltau-mer , 8c enfuite à la mer , afin que les
eaux du canal foient toujours au même niveau.
Au pont Rouge , qui eft à cinq milles de Por-
tirague, on entre -dans la rivière d’Orb , qui nourrit
le canal depuis Béziers jnlqu’à Agde. Avant
d’y arriver, on trouve deux portes qu’on nomme
demi-éclufes, éloignées entre elles de quatre cens
toifes ; la première appellée de S. Pierre, & la
fécondé des moulins-neufs. Elles font toutes les
deux bufquées vers la rivière d’Orb , pour en
foutenir les grandes eaux, durant lefquelles les
barques trouvent un abri dans l’intervalle qui fepare
ces deux portes. On s’en fert auffi. après les inondations
pour balayer le canal; 8c. ramener dans
la rivière les fables qu’elle y a dépôfés.
La branche du canal qüi vient de l’Agde,
finit au pont Rouge, placé fur le bord oriental de
l’Orbe. La branche qui va vers le haut Languedoc
communique à cette rivière par fon bord oppofê
au pont Notre-Dame, quatre cens quaranteTix
toifes au-deffus du pont Rouge. La rivière d’Orb,
dont la largeur eft d’environ trente toifes , n’a
pas , dans fon état ordinaire , affez de profondeur
pour le paffage des barques : on y fuppléa d’abord
en rehauffant les eaux par une digue qui barre
fon lit, immédiatement au-deffous du pont Rouge.
Les graviers & les fables qui s’accumulèrent au-
devant de cette digue, firent perdre bientôt le fond
qu’elle avoit procuré. Pour le rétablir, on a percé
à l’extrémité de la digue voifine du pont Rouge,
par fix épanchoirs à fond, de neuf pieds de largeur
chacun ; & l’on y a dirigé les eaux par
des ouvrages à fleur d’eau qui traverfenr la rivière
diagonalement depuis le pont Notre-Dame.
' Les eaux qui fe vuident par les épanchoirs forment
un courant au-devant de ces ouvrages, 8c
y entretiennent plus.de fond qu’ailleurs. C’eft la
joute que les barques fuivent.
Cependant, pour faire paffer les barques, &
leur procurer affez d’eau, l’on eft obligé , non-
feulement de fermer tous les épanchoirs avec des
vannes, mais encore de mettre un rehauffement
fur toute la longueur de la digue. Ce rehauffe-
xnent, qui a trois pieds de hauteur, eft fait avec
des madriers affemblés à charnière avec la têtière
de. la digue. Lorfqu’ils font relevés, ils font affu.
jettis par des areboutans affemblés au fil à charnière
avec leur bord fupérieur. Les vannes qui fervent
à fermer les épanchoirs, font compofées de plu-
fleurs poutrelles féparées : on les coule une à une
dans les rainures des poteaux montans, qui bordent
chacune des ouvertures.
L’un de ces poteaux eft fixe ; l ’autre, qui peut
tourner fur fon a x e , eft arrêté par un arebou-
tant pendant la durée du rehauffement : lorfqu’on
veut le faire ceffer, on abat l’areboutant par un
coup de hache; le poteau tourne, les vannes
échappent; mais une chaine qui les retient, les
oblige de fe ranger à côté du courant. Les épanchoirs
ouverts, les eaux ne furmantent plus la
chauffée, & l’on va abattre à la main fon relèvement
mobile.
Cette manoeuvre eft une des plus curieufes du
canal : on la fait plufieurs jours de la femaine,
fuivant la fréquence du paffage des barques.
On remédieroit à tous ces embarras, fl l’on
faifoit fur la rivière d’Orb un pont-aqueduc pour
y faire paffer le canal ; mais cet ouvrage feroit
fi difpendieux , qu’on n’a pas encore pféTen-tre*
prendre.
I La rivière d’Orb fert de canal fur un efpaee
de quatre cens quarante-fix toifes,, au bout duquel
on reprend fur la rive oppofée à Béziers,
& au midi de l’Or b , l’embranchement du canal
qui conduit aux huir éclufes de Fon fera ne , qui
commencent à quatre cens, vingt-fept toifes de
la rivière , & finiffent à cinq cens foixante &
douze toifes de cette même rivière.
Ces huit fas.accollés & d’un feul,trait, placés
l’un fur l’auire, forment, une cafcade de cent quarante
cinq toifes de longueur fur foixante-fix pieds
de pente. Cette hauteur eft divifée en huit chûtes
de huit pieds trois pouces chacune ; 8c les bateaux
s’élèvent par ce moyen jufques fur la colline.
Lorfque toutes les portes font ouvertes, on voit
un fleuve d’eau roulant à gros bouillon, & formant
la plus belle cafcade artificielle qu’il y ait
au monde.
Après avoir paffé l’éclufe de Fonferane, on
parcourt vingt-fept mille cinq cens toifes d’un feul
trait, fans trouver d’ècltife : ce long efpaee eft ce
qu’on appelle la retenue de Fonferane. C ’eft: la
plus grande retenue qu’il -y ait dans le canal;
elle n’a aucune pente ni d’un côté ni de l’autre:
auffi eft-il arrivé que l’eau ne venoit point, quoique
les éclufes fuffent ouvertes ; les plantes qui
croiffent dans le canal, fuffifant pour oppofer une
réfiftance à la chûte d’eau dans le baflin fupérieur
de Fonferane. Pour y remédier, on eft obligé de
couper les herbes de tems en tems, & M. Clau-
rada a fait conftruire pour cela Une machine qui
réuflit parfaitement : en voici une idée.
A l’extrémité d’une barque eft une roue horizontale
de neuf pieds, à laquelle on applique huit
hommes fur quatre leviers : cette roue engrène
dans, trois lanternes verticales, dont les axes portent
en bas des plateaux de quatre pieds de diamètre
; à chacun de ces plateaux font fixées quatre
faux de neuf pouces de faillie à deux tranchans.
Leur mouvement alternatif eft rendu neuf fois
plus grand que celui de la roue, au moyen de
l’engrénage ; & elles coupent avec une grande
promptitude toutes les plantes qui les environnent.
Les axes qui portent les plateaux 8ç les faux
font antés fur les arbres des lanternes, de façon
qu’on peut les placer à différentes hauteurs , 8c
les retirer pour aiguifer les faux.
• La voûte de Malpas eft à trois milles des éclufes
de Fonferane 8c à quatre milles de Béziers le
canal y entre fous la montagne, 8c y règne l’ef-
pace de quatre-vingt-cinq toifes : la largeur du
canal e d ici de dix-neuf pieds , fans compter une
banquette de trois pieds. La voûte a vingt-deux
pieds de hauteur au-deffus de l’eau, 8ç il refte encore
environ autant de haufeur-de la montagne au-deffus
de la voûte. Cette montagne eft de tut ou d’une ef-
pèce de pierre tendre, qu’il a fallu foutenir par une
voûte de maçonnerie: on y a ménage de diftance en
diftance des chaînes de pieire de taille, fur lefquelles
on a élevé des murs de refend , qui vont
jufqu’à la concavité de la montagne, 8c des portes
par lefquelles on peut paffer pour viflter les
voûtes; il n’y a qu’une longueur de vingt-cinq
toiles qui n’eft pas voûtée. On apperçoit dans cette
partie un banc de coquille qui règne le long de
la montagne ; 8c dans un endroit de cette montagne
, on voit un veftige de bitume ou de jaïet.
11 eût été facile de déblayer le deffus de la voûte,
la pierre n’étant pas dure ; mais le paffage eft
affez large, 8c la longeur eft allez courte pour
qu’il n’y ait aucun inconvénient à paffer par-défions
; on n’a pas eu même befoin d’y pratiquer
des puits pour donner de l’air, comme on le
fait dans le canal de Picardie, dont- il y a déjà
une lieue de percée fous les montagnes,, au-delà
de Saint-Quentin , ainfi que nous le dirons en parlant
de ce canal.
De deffus la montagne du Malpas, on voit 1 ancien
étang de Montadi, deffèché par un aqueduc
fouterrain qui fubflfte encore, 8c paffe ious le
canal. 11 y a une ouverture par laquelle ce canal
peut fe vuider dans cet aqueduc de Montadi,
quand on veut mettre à fec une partie de la grande
retenue. On affine que cet aqueduc fut fait dans
le dixième fiècle par des gentilshommes du pays,
quoique les uns le datent de Henri IV feulement,
8c. que les autres le faffent remonter jufqu aux
anciens Romains.
de Capeftang : on y voyoit des épanchoirs, faits en
1767, à l’occaflon des ravages produits par des
eaux fauvages qui avoient dégradé les rives
méridionales du canal. On y voyoit auffi deux
réfervoirs à fleur d’eau , qui font très-larges : s’ils
ne produifent pas tout l’effet qu’on en avoit attendu
On auroit pu éviter cette montagne de Malpas;
mais le chemin qu’on a fuivi eft beaucoup plus
court pour aller à Béziers, à Agde 8c à Cette,
que tous les autres chemins qu’on auroit pu prendre.
A trois milles de la voûte de Malpas, on paffe près
; c’eft que l’eau fe vuide lentement 8c difficilement,
quand elle n’eft pas. chargée dune
colonne fupérieure , ou accélérée par une preflion
ou par là chûte ; mais ils ont du moins l’avantage
de verfér , dès que les eaux dépaffenc leur
couronnement, fans dépendre delà vigilance du
garde qui eft chargé d’ouvrir les épanchoirs à
rond.
Le canal paffe vers cet endroit fur plufieurs
aqueducs : on fit, en 1767, vers celui du Capeftang
, une réparation qui coûta quarante mille
écus , 8c qui en auroit coûté quatre fois moins
dans une autre faifon ; mais la neceffite de rétablir
promptement la navigation , obligea les propriétaires
à employer tons les moyens poflibles
pour accélérer l’ouvrage-malgré les glaces, les
pluies , la rareté des ouvriers, la difficulté des
tranfports., la brièveté des jours.
L’aqueduc du pont de Ce fie, à fix milles du
Capëftang, eft un des plus confidérabies du canal;
il eft compofé de trois grandes arches , fous lefquelles
paffe la rivière de Ceffe, pour aller fe
jetter dans l’Aude, à deux milles de là. Comme
cette rivière eft abondante , on s’en fert auffi pour
alimenter le canal, par le moyen d’une prife d’eau
qui commence à mille huit cens toifes du canal,
8c qui eft la plus considérable des quatre prifes
d’eau dont nous avons parlé : on y a ménage
auffi un épanehoir 8c un batardeau , ou efpèce
d’étranglement du canal, en maçonnerie , dans
lequel on place des pièces de bots qui ferment
la communication , quand on veut mettre à fec
une partie feulement de la grande retenue de
Fonferane. Il y a de femblables batardeaux en
plufieurs endroits du canal.
Cette même rivière de Ceffe, à dix milles au-
deffus de fon arrivée dans le canal, paffe au travers
d’une montagne,.où elle s’eft fait une ouverture
très-finguîière, appellée le pont de Minerve.
A un mille au-delà de l’aqueduc de Ceffe , on
trouve le fommail où l’on a bâti une auberge,
& où eft le coucher ordinaire par le bateau de
pofte : c’eft à fix milles de Narbonne.
On avoit commencé , en 1686 , à creufer une
branche de communication , pour joindre ici le
canal avec l’ancien canal de Sijean, ou de la
nouvelle qui traverfe Narbonne , 8c qui fe continue
par celui de la Robine, jufqu’à la rivière
d’Aude , à une lieue du canal royal du Languedoc.
A trois milles du Sommail, 8c près du château
de Paraza , le canal approche de la rivière d!Aude ,
dont il fuit le vallon jufqua Carcaifonne, lur une