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v i f du m u r , & les quatre qui forment Savant-
corps du milieu font adoffées fur des pilaftres de
la même ordonnance. La faillie de ces colonnes
fur le relie du p ortail, a fans doute autorifé de
Brojfe à introduire le fronton triangulaire qui fe
remarque ici fur l’ordre dorique ; mais il eft fen-
fible que ce fronton ne pouvoir être admis rai-
fonnablement que dans le cas d’un porche qui
eût avancé d’une certaine profondeur. Autrement
il interrompt l’unité de l’architeélure & devient
abfolument parafite. L ’ordre dorique de ce portail
n’eft porté que fur un focle de peu d’ élévation ,
ce qui fait fans doute fort bien pour cet ordre,
mais contribue à rendre encore plus fenfible le
très-grand exhauffement des piédeftaux qu’on v o if
aux deux ordres fupérieurs. Quelques-uns penfent
que l’architefte auroit dû prendre le parti contraire
& ne mettre de piédeftal qu’à l’ordre inférieur.
Leur raifon eft qu’il con v ien t, fur-tout à ces
fortes de portails , d’élever les colonnes d’un rez-
de-ehauffée au-deffus de la grandeur humaine,
pour que dans le cas d’une grande multitude le
peuple ne puiffe mafquer les bafes des colonnes
& empêcher qu’on n’apprécie la proportion générale
de l’ordre. Les colonnes doriques du portail
dont il eft ici queftion , font cannelées dans la
hauteur des deux tiers fupérieurs de leur fuft.
Le s cannelures ne font point dans le principe des
anciens pour l’ordre dorique, n i félon les préceptes
de V ign o le , dont de Brojfe a cependant fuivi les
maximes pour toutes les proportions-des ordres
de fon portail, à l’exception de l’entablement
corinthien.
L ’ordre ionique s’é lèv e £ur le même plan que
l ’ordre de deflous, & fon entablement reffaute
fur chaque accouplement, au lieu que dans le dorique
, l’architeâure du grand entre-colonnement
qui porte le fronton forme une p late-bande, dont la
faillie eft égale à celle du fuft fupérieur des colonnes.
Les piédeftaux forment auflï autant de reffauts &
ont de hauteur le tiers des colonnes ioniques. L’entablement
dont la frife eft bombée en a le quart.
Au-deffus de cet entablement s’élève un piédeftal
tenu entre le tires & le quart des quatre
colonnes corinthiennes, & qui rép è te , comme
dans tout le refte de l’éd ifice , l’avant-corps du
milieu. Ici ce corps avancé n’a point de parties
collatérales, ainfi qu’on en vo it aux deux ordres
inférieurs. Elles s’y trouvent fupprimées pour
l ’effet pyramidal que l’architede a cherché dans
la compofition de cette grande maffe. L’entablement
de l’ordre corinthien a de hauteur environ,
les fix vingtièmes des colonnes qui le portent.
Ce tte élévation qui eft très-confidérable & contre
tout e x em p le , fembîe néanmoins pouvoir être*
autorifée i c i ; d’ abord parce que cet entablement
eft élevé de 138 pieds & demi au-deffus du fol ;
ensuite parce que la cymaife fupérieure étant
fupprimée dans toute la longueur à caufe du fronton
, cette fuppreflion diminue fenfiblement à l’oeil
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la hauteur réelle du même entablement. D ’ ailleurs '
comme il fait des reffauts affez profonds, & qu’il
eft furmonté d’un fronton circulaire, par confé-
quent très-maffif, peut-être trouvera-t-on que ce
fronton autorifé la hauteur de l’entablement qui,
lui fert de bafe. Cette raifon qui paroît affez vrai-
femblable , ne nous empêchera pas de remarquer
néanmoins que cette extrémité fupérieure ainfi
j forcée de proportion , paroît anéantir la hauteur
des colonnes corinthiennes. C e lle s - c i,, comparées,
avec les colonnes ioniques, paroiffent beaucoup
trop courtes , ayant déjà réellement trois pieds,
en hauteur moins que ces dernières. D e plus,
les trois entre-colonnemens dorique,- ionique &
corinthien , dont les hauteurs font diffemblables,
fous une même largeur donnée par Taxe des
colonnes qui eft commun à ces trois ordres, ren*
dent la hauteur des arcades ionique & corinthienne,
ainfi que leurs piédroits , d’une proportion oppo-
fée au cara&ère moyen & délicat de ces deux
ordres fupérieurs.
A n’examiner ce portail que d’après les principes
élémentaires & les règles clafliques, on y
trouveroit plufieurs autres irrégularités, comme les
reffauts des entablemens , l’inégalité de diftribution
dans les triglyphes & métopes de la frife dorique,
le bombement de la frife ionique, & d’autres in-
corre&ions qui feroient peut-être demander d’où
vient la haute réputation dont cet édifice eft en pof-
feffion de jouir depuis un fi long temps à Paris.
Nous devons p révenir cette queftion 4 en difant
que ce portail a dans le fait plus d’ un avantage
fur tous ceux du même genre qu’on vo it dans
cette capitale.
î 0* I l a fur eux l ’avantage de l’ancienneté, &
ce mérite qui paroît indifférent en lui-même, en
eft un d’autant plus grand pour rout ouvrage en
g én é ra l, que ceux quiTont fu iv i, loin de l’avoir
furpaffé, font plus évidemment reftés au-deffons.
C ’eft ce qui eft arrivé au portail de faint Gervais. Celui
des grands Jéfuites élevé peu de temps après,
& dans l ’intention de le faire oublier ; tous ceux
enfin qu’on a conftruits depuis’, ne femblent l’avoir
é t é , que pour mieux faire fentir la fupériorité du
génie de de Brojfe, & n’ont fait qu’ajouter à fa
réputation.
• 2°. De Brojfe doit être exempt dans cet ouvrage
des reproches que le genre vicieux en lui-même
des portails à plufieurs étages (Voye\ Portail)
a mérité à tous ceux q u i, d’après lu i , l’ont fi indif-
crettement mis en oeuvre & a vec fi peu de néceffité.
Obligé de fe conformer aux données de l’élévation
gothique de fon ég life , de Brojfe ne dut chercher
que les moyens les plus propres à mafquer le
corps de l’édifice par une décoration étrangère à
fà natu re, & qui pût /aire diverfion. Ceux qui
ont appliqué ce genre de portails à des- édifices
m o d e r n e s n ’ont point eu les mêmes raifon,s &
ne fauroient trouver les mêmes exeufes. Et cependant
on ne fait fi. l ’on doit plus s’étonner de la
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fâgi ordoiMance q u i, malgré les difficultés attachées
à cet ajuftement, règne dans l’ouvrage de
de Brojfe , qije de la bifarrerie & de la multiplicité
des vices qui dominent, dans les portails
plus modernes, malgré la facilité que leurs auteurs,
libres dans leur plan & maîtres abfolus du choix
de leurs ornemens, avoient de les éviter.
30. Il faut dire en co re , quelle que foit la monotonie
de ces façades qu’on appelle portails, où
tous les ordres ne forment ordinairement qu’un
placage infipide de bas-relief, que celle de de
Brojfe a plus de faillie, plus de grandeur & plus
de caractère que la plupart des autres. Son ftyle ,
quoique lourd Sc trifte en lui-même, y a cependant
de la févérité & même de la gravité. Les ordres
y font exécutés feion leur cara&êre, les profils
y font prononcés avec une certaine én e rg ie , &
le total du monument, fauf les obfervations générales
que ce genre comporte & que nous renvoyons
ailleurs ( Voye{ Portail ) , a quelque
chofe de grand par fon élévation , d’impofant
par fa maffe & de recommandable par Pentente
des proportions & l’exécution de l’archite&ure.
La réputation de ce monument fait regretter
depuis long-temps que l’oeil du fpe&ateur ne puiffe
jouir de Ion enfemble. La nature de l’édifice,
la dignité du lieu femblent aufli l’e x ig e r ; car il
en eft peu qui foient mafqués d’une manière aufli
indecente. F eu M. T u r g o t , prévôt des marchands,
avoit fort a coeur de faire jouir de ce monument
les amateurs des arts. Il fit defiiner des plans d’une
place convenable à fon afpeéf. Mais toute l’activité
de fon zèle ne put perfuader aux propriétaires
des maifons v o ifin e s , de les vendre à
la ville pour être abattues.
La grande falle du palais $e juftice ayaftt été con-
fumçe par le feu en 1 6 1 8 , de Brojfe fut chargé de la
rétablir; & en 1622 cette falle fut achevée dans
l’état où nous la v o yo n s . Elle fe compofe de deux
grandes nefs voûtées en pierres de taille, & divisées
par un rang d’arcades qui portent fur des
piliers. E llen e reçoit de jour que par les grandes
parties ceintrées qui font à l’extremité de chaque
nef. Cette manière d’éclairer a quelque chofe de
grand & de fimple. Il eft.fâcheux qu’elle foit in-
fuffifante pour la . capacité de cet intérieur qui
refte un . peu fombre. L ’ordre dorique eft celui
qui préfide à la décoration. La diftribution de fa
frife y offre les mêmes irrégularités qu’on a observées
au Luxembourg. & au portail de faint
gervais. Les deux arcades duTond font inégales ,
& on remarque qu’il y a un demi-pilaftre de moins
du côté de la plus petite. C e tte produâion reffemble
a toutes celles que de Brojfe nous a laiffées. On
y découvre un caractère égal & fou ten u , plus
yqifin de la lourdeur, peut-être, que de.la fo r c e ,
«n ton grave mais un peu trifte , enfin toujours
ne grands partis de plan s , dont l ’enfemble rachète
sf| incorreftions d.e détail.
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V e r s le même temps de Brojfe donna les detfir*
du temple de Charenton , que les Proteflans firent
rebâtir en 1623. O n dit qu’il pouvoit contenir
quatre mille perfonnes. Le plan de cet édifice étoic
un quarré long , percé de trois portes & éclairé
par quatre-vingt-une croifées en trois étages, élevés
de vingt-fept pieds ju fq ifà l’entablement. Sa longueur
etoit de vingt-quatre pieds dans oeuvre fur foi-
xante-fix pieds de large. Le plafond de la nef offroit
les tables de l’ancien & du nouveau teftament,
écrites en lettres d’or fur un fond bleu. Cette
nef étoit ornee dans fon pourtour de trois rangs
de colonnes doriques, au nombre de v in g t , &
hautes de vingt-un pieds , qui formoient trois
étages de galeries, où conduiioient quatre efea-
liersangulâirés. Le 21 o&obre 16 8 3 , jour de l’en-
regiftrement de la révocation de l’édit de Nantes,
il fut abattu : cinq jours après on n’en reccnnoifloit
pas les traces ; & dans la quinzaine on bâtit fur
ce terrein un couvent de filles confacrées à l’adoration
perpétuelle du Saint-Sacrement.
Le dernier ouvrage connu de notre architecte
eft 1 aqueduc d’Arctieil. Il fut entièrement achevé
en ï 624. Sa longueur eft d’environ deux cens
toifes fur douze de haut dans l’endroit le plus bas.
Il ne s’agit ici que de l’aqueduc hors de terre qui
traverfe le vallon arrofé par la rivière de Biè v re
à Arcueil. La totalité de l’aqueduc depuis Rungts
°u eft la prife de l’e a ii, jufqu’au château d’eau
PjjjIII 1 obfervatoire,, eft de 6609 toifes. V ingt arcades
de quatre & de cinq toifes de diamètre
fervent de fupport au canal qui traverfe le vallon
d Arcueil. D u moins il faut entendre vingt intervalles
féparés par dés contreforts ; car il n’y a
que dix de ces intervalles qui foient percés par
des arcades j & de ces dix il s ’en trouve encore
trois murés apparemment pour affurer davantage
la folidité de Pédificej Ces précautions ne paroiffent
point cependant juftifiées par le befoin ou la fod-
bleffe de la conftruétion. Elles fembleroientfurabon-
dantes & même v ic ieu fe s , s’il étoit permis de
condamner tout ce q u i, dans de pareils édifices
ajoute à leur folidité.
A u re fte , de Brojfe ne négligea point ce qui
pouvoit contribuer à la décoration que comporte
ce genre de monumens : l ’entablement orné de
modilions, qui règne dans toute la longueur de
1 aqueduc , eft une preuve de fon goût & du foin
qu’il prit de l’orner convenablement. Toute la conf-
trudion eft en pierres de taille appareillées av ec
foin & parfaitement jointes. Une voûte couverte,
de grandes pierres couronne cet aqueduc comparable
aux plus beaux ouvrages de ce g en re, fin ou
pour la grandeur, au moins pour la folidité de la
conftrudion & la beauté'de l ’appareil.
B R U A N T ( l i b é r a l ) vécu t vers le milieu
du dernier fiècle. Il fut archite&e du roi & de-
1 academie d’architeéhire. Son nom èftmoîhs connu,
que fes ouvrages ne fem'bloient le promettre.
O n ne fait pas certainement s’il faut lui attrN
T t ’ a