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» les yeux du fpe&ateur habitué à voir ces chofes
» difpofées d’une autre manière ».
Vitruve nous indique affez par-là trois fortes
de bitnféances ; la première eft une bien fiance relative
à la nature même des édifices, & à la qualité
des êtres ou des perfonnes pour lefquels ils font
élevés. Ailleurs, il nous dit encore que la bien-
fiance exige qu’on proportionne à l’état des perfonnes
la richeffe des habitations. ( Voyez Appartement.)
D ’où l’on voit que cette bien fiance qui,
dans les temples, fixe à chaque dieu l’ordre qui lui
con v ien tfé lon fon rang ou fa nature , & dans les
édifices civils proportionne le degré de richeffe
à la condition des perfonnes, rentre dans ce que
nous appelions le caractère propre à chaque batiment
, relativement à fa deffination & fon effence.
( Voy ez Caractère. )
La fécondé forte de bienfêance eft relative à
l’accord d’un édifice , & à celui que fes différentes
parties doivent avoir entre elles : fous ce point de
Vue, bienfêance veut dire accord & harmonie. (Voyez
ces mots. )
La troihème efpèce de bienfêance eft celle de
l ’uiàge ou de l’habitude : elle a rapport aux objets
qu’un long ufage a confacrés , & dont on ne
doit point fe permettre de changer les formes ou
la dilpofition , parce que ces dérangemens, qui ne
font d’aucun avantage pour l’art, préfenteroient
fans néceflitè un nouvel ordre de chofes dont la
nouveauté ne pourroit que bleffer la vue. ( Voytz
C onvenance. )
B IE Z , f. m. (ArchiteÜ. hydrauî. ) C’eft un canal
qui contient & conduit des eaux pour les faire tomber
dans les roues d’un mouliâ,
B ILBO Q U E T , f. m. Nom qu’on donne à tout
petit quarré de pierre, qui ayant été fcié d’un
plus gros, refte dans le chantier. On appelle encore
bilboquet les moindres carreaux de pierre pro^-.
venus de la démolition d’un bâtiment.
B IL L O T , f. m. eft en générai un morceau
de bois gros & court qui fert à toutes fortes
d’ufàgés.
BIPEDA à brique ou tuile de deux pieds romains
anciens de longueur. On voyoit à Rome,
du temps de Fabretti, les voûtes d’un ancien
portique formées de briques de deux pieds, bipeda,
& de briques d’un pied & demi. Elles étoient réunies
par leurs extrémités, & formoient une épaif-
feur de trois pieds & demi. La première aflife
commençoit à l'intrados par la bipeda, & fe terminent
à Y extrados par la brique d’un pied &
demi. La fécondé commençoit à Yintrados par la
brique.d’un pied &demi, & fe terminoit à \'extrados
par la bipeda, ainfi de fuite alternativement. ( Voyez
Brique & le di&ionn. d’antiq. qui nous a fourni
cet article ).
BISCUIT, f. m. On appelle ainfi les cailloux
qui reftent entiers dans le bâffin après que la
chaux eft éteinte ou détrempée.
BISEAU, f. m. fe dit d’une extrémité coupée
B r z
en talus. La plus grande partie des moulures fg
taille en^ bifeau, avant de recevoir l’arrondiffe-
ment qui leur convient. Les plus anciens monu-
mens de l’ordre dorique nous font voir l’efchine
du chapiteau taillée en bifeau. Cette forme s’arrondît
dans la fuite , & vint à former un quart de
rond (V. D orique). Les profils laiffés ou taillés en
bifeau donnent à l’architeôure un cara&ère de force
& dé févérité. On peut quelquefois en admettre
l’emploi. ( Voyez C hanfrein ).
BISTRE, f. f. eft une couleur faite avec de
la fuie détrempée dont fe fervent les deffinateurs
pour laver leurs deffms. Les peintres & architeftes
anciens l’employoient de préférence à toute autre.
Prefque tous les deffms anciens font lavés au biflre.
BITUME , f. f. Terre graffe qui tient de là
nature du foufre & qui fert de mortier aux environs
de Bagdat én Syrie. Il en eft de deux
efpèces ; le bitume dur qui fe tire des carrières, 8c
- le bitume liquide. C ’eft de ce dernier que Sémira-
mis fit liaifoner les briques des murs de Babylone.
Cette efpèce de ciment ne peut s’employer qu’avec
la brique : il fe lie parfaitement avec e lle , mais
il a l ’inconvénient de ne point réfifter aux im-*
prefîions de l ’air dans les joints des paremens
extérieurs. L’aélion du foleil le fait évaporer, 8c
les jon&ions de briques fe minent infcnfiblemenr.
Il y arrive enfin l’effet contraire de ce qu’éprouvent
les cônftru fiions-de Naples o ù , comme on fait ÿ
la pierre fe corrode & laiffe en faillie tous les
joints , ou toutes les affifes du ciment. Aulfi les
anciens en faifoient les couches d’une épaiffeur
prefque égale à celle des petites pierres qu’ils em*
ployoient dans ce pays.
BIZARRERIE, f. f. Terme qui exprime dans
l’archite&ure , un goût contraire aux principes reçus
, une recherche affeéfée de formes extraordinaires,
& dont le feul mérite confifte dans la
nouveauté même qui en fait le vice.
On diftingue en morale le caprice de la bizarrerie.
Le premier paroît être le fruit de l’imagination,
le fecbnd, le réfultat du caraâère. Le caprice fe
manifefte dans les goûts , la bizarrerie dans les humeurs.
Le càpricé rend ridicule , la bizarrerie rend
infupportable. Le caprice fuppofe de la légèreté, &
femble n’être qu’une habitude fâcheufe qui peut
fe corriger. La bizarrerie fuppofe une conformation
vicieufe qu’orr ne fauroit changer. Le capricieux
enfin n’eft point bizarre;{mais il eft difficile que le
bizarre ne foit pas en mérite temps capricieux.
Cette diftinflion morale peut s’appliquer à l’ar-
chiteâure & aux effets differens du caprice & de
la bizarrerie qui ont lieu dans cet art. Le goût capricieux
eft célui qui fait un choix arbitraire des
formes c on n u t; & qui, par un mélange indiferet,
tend à dénaturer les principes de l’art. Le goût
bizarre eft celui qui les fronde, & qui, par un emploi
de formes extraordinaires, cherche à renverfer
tous principes. Le premier entraîne l’idée d’inconfé-
quence, oc fuppofe l’oubli des règles ; le fecopd
B I Z
réfulte de la réflexion , & annonce un projet 1
déclaré de les méprifer ou d’en faire de nouvelles. Le
caprice produit un jeu puéril dont les fuites peuvent
cependant devenir dangereufes. La bizarrerie
enfante un fyftêine deftruéleur de l’ordre & des
formes diètes par la nature. Le caprice n’agit en
général que fur les détails ; la bizarrerie attaque
les formes conftitutives de l’art. Les abus naiffent
du caprice ( voyez A bus ) : les vices font enfans
de la bizarrerie. Le caprice dida quelques-unes des
loix que l’ufage & le refped de l’antiquité ont
confacrées dans l’ornement. Les plus grands hommes
, les plus beaux fiècles de l’art, l’art lui-même
en ont éprouvé le pouvoir. La bizarrerie ne fe
rencontre, ni dans l’antique, ni chez les grands
maîtres modernes. Ainfi le caprice a pu quelquefois
fe montrer fans la bizarrerie; mais celle-ci ,
à coup fûr, ne paroît jamais fans l’autre. Vignole
& Michel Ange ont quelquefois admis dans leur
archite&ure des détails capricieux. Boromini &
Guarini ont été les maîtres du genre bizarre. (Voyez
Boromini ).
Si la bizarrerie dans les moeurs porte plufieurs des
caractères qu’on remarque dans celle du goût qui
attaque les arts, elle n’indique pas toutes les caufes
d’où réfulte cette dernière. Dans les moeurs, ce
n’eft • ordinairement qu’un vice perfonnel : dans
les arts,, elle devient une efpèce d’épidémie; Dans
les moeurs, elle tient le plus fouventà une conformation
particulière & accidentelle : dans les arts,
elle femble être l’effet ordinaire du cours dès chofes,
& de celui que doit y fuivre l’efprit humain.
Le goût de la bizarrerie réfulte . de plufieurs
caufes ; nous n’indiquerons ici que les principales.
Les unes font relatives aux .pays & aux temps
■ où ce goût fe développe : les autres le, font aux
artiftes qui l’adoptent.
L’expérienee a prouvé que ce goût naît ordi-,
nairement de la laffitude des meilleures chofes ;
que dans les nations comme chez les individns , il
provient quelquefois .de la fatiété que produit
l’abondance même ; que c’eft du milieu de la
richeffe & des jouiffances de tout genre, que
fe développe ce dégoût funefte qui empoifonne
les plaifirs, rend infipidês les beautés-fimples de
la nature, & follicite les déguifemens de l’art perfide,
qui cherché moins à contenter qu’à aiguifer
ou tromper les defirs.,
Sans appeller au-.foutien de cette vérité l’exëmple
des autres arts; fans interroger des temps éloignés,
l’Italie moderne nous offre dans les-révolutions
queTarchiteéhire a fubies chez elles, la preuve la
plus frappante de cette deftinée prefque inévitable
de L’art. Les chefs-d’oeuvre de tout genre y
abondoientî Dans tous -les monnméns que la
main.des;plus grands, architeéles âvoitfélevés de
toutes parts, l’oeil de l’artifte^neivoy-oir que dès;
• modèlesï à fiiiivre. Le génie- des anciens yreflufeité';
par les grands : efforts t des B ramante , ' dès ; • San -
gallo, des Palladio y des. Vignole y .y dùnnoit des-
B I Z ï8j
leçons d’autant plus puiffantes, qu’elles étoient
a v iv es ; & qu’à la théorie, qui ne parle qu’à l’efi-
p r it , ils avoient joint la pratique qui perfuade
les y eu x . Q u i n’eût penlé qu’un concours û
puiflant de leçons & d’exemples , devoit y maintenir
le goût dans fa p u reté, & préferver l’ art
des écarts de la licence. Cependant le fiècle fui-
vant devoit être celui de la bizarrerie. La perfection
rapide de l’art devoit en accélérer la chûte;
L e génie étoit ép u ifé f le s y e u x s’étoiènt laffés des
formes fimples. La fimplicité devint monotonie,
la fageffe froideur ; l’imitation paffa pour l’effet
de la ftérilité ; l’attachement aux règles parut une
docilité d’efclave : le délire enfin prit la place du
génie. Rome offrit fur-tout les effets les plus frap-
pans du contrafte le plus inconcevable dans fes
monumens. C ’eft dans cette ville qu’on peut lire
& fuivre le plus diftincLement les „développemens
fucceffifs du génie de rarchîteéture moderne. A
côté d’édifices du goût le plus fév ère & le plus
pu r, on en vit s’élever tout à coup , dont le genre
étrange ne fembloit imaginé que pour faire l’op-
pofition la plus fo r te , avec ceùx qui les avoient
précédé. Si-, nos y e u x n’étoient familiarifés avec
toutes les inconféquences des arts modernes , ce
fpeâacle feroit peut-être le plus fingulier de tous.
Une ville formée d’une réunion, de peuples ennemis
& oppofés dans leurs goûts & dans leurs
moeurs, ne préfenteroit pas des contrariétés plus
choquantes , des difparités plus remarquables. Une
période de vingt fiècles en avoit moins introduit
entre la chaumière de Romulus & le luxe infenfé
de D io c lé t ien , qu’un efpace de quelques années
n’en fit paroître dans les édifices de Rome
moderne. O n développera' ailleurs ( Voyez. A r chitecture
moderne) les caufes de ces révo lutions
fi rapides , 8c de cette accélération de
maturité & de corruption dans l’archite&ure. I l
nous fuffit ici d’en appercevoir les effe ts, pour
juger des .caufes qui amènent le règne de la
bizarrerie. L ’ori vo it affez qu’il eft comme une fuite
néceffaire de la perfeôion même de l ’art; parce que
celui-ci n’ayant p o in t, comme les produéfions de
la nature , de caraflère fenfible qui indique le,der-
nier terme de fon accroiffement ,les efforts du génie
même précipitent fa ru in e , lorfqu’ils croient tra*
vailler à l’élever plus haut;
O n doit encore chercher la caufe de la bizar-
i rerie qui a fi promptement infe&é Tarchiteéhire,
: dans ce goût immodéré de la nouveauté, qui fem-
• ble être-1 devenu un caractère diftin&if des peuples
modernes. Sans doute fon influence n’a pu
-qu’être funefte aux arts du\génie. L’habitude de
tout changer. & de tout renouveller dans les arts
de fan ta ifie; cette maladie incurable qui tient des
nations entières dans une efpèce d’enfance éter-
. nelle y pou voit-elle ; ne pas fe communiquer aux
arts d’un ordrè fupérieur., & n ’en point altérer
les'principes ? Limitation'de la nature devoit-donc
-fuivre aufti les caprices de la mode.. Mais l’açchi-
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