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La navigation fur le canal eft agréable & commode
; c’eft un jardin continuel. 11 part un bateau
de pofte tous lés jours, qui en quatre jours va
d’Agde à Touloufe. On paffe les nuits au Som-
mail, à Trèbes, près de Carcaffonne, & à Caf-
telnaudary , & l’on ne paie que 6 liv. pour les
quatre jours.
Le feul inconvénient eft de changer vingt-cinq
fois de bateaux, pour éviter de pafl'er les éclufes
doubles , triples ou quadruples , qui retarderoient
trop les voyageurs. Le paffage des éclufes de Fon-
ferane, près de Béziers , eft fur-tout incommode
dans certains temps : mais on fè propofe d’y remédier,
& l’on a des voitures de transports pour
les voyageurs qui ne veulent point aller à pied.
Pour les marchandifes, on paie quatre deniers du
quintal pour chaque lieue, dont le capital eft attribué
à l’entretien du canal, & deux deniers pour
la barque de tranfport : & comme on ne compte
que quarante liéues du pays, le droit deftiné à
l’entretien revient à treize fols par quintal ; il
faut y ajouter le tiers en fus, pour le nolis ou
le falaîre des patrons avec leurs barques ; ainfi ,
le total du tranfport revient à dix-neuf fols fix
deniers depuis Agde jufqu’à Touloufe. Ce droit,
quoique modique , forme un produit net d’environ
300000 livres année commune, au - delà^ des
dépenfes extraordinaires caufées par les gra'rides
inondations, qui ont paffé cinq cens mille livres
en 1766. Le revenu des propriétaires, récom-
penfe honorable & légitime .de l’invention & exécution
du canal, eft une réferve deftinée à ces
dépenfes extraordinaires, fans qu’ils puiffent, dans
aucun cas, former de nouvelles demandes au roi
ou à la province pour l’entretien du canal.
Cet expofé fuffit pour faire connoître combien
ce canal eft fréquenté, c’eft-à-dire, combien il eft
utile au commerce du Languedoc, ou plutôt à
la France.
Ces droits n’ont point été augmentés depuis
l’établiffement du canal, malgré l’augmentation des
efpèces & celle des dépenfes. La province de Languedoc
, qui étoit en marché pour l’acquifition ,
en a offert 8,500,000 liv. avec l’agrément du roi.
Ce qui a fait manquer le traité, c’eft le droit
d’amortîffement que les fermiers exigeoient, &
qui auroit monté à des fommes confidérables.
On voit que cette valeur aéfuelle n’approche
pas de la dépenfe de l’entreprife, puifque ce Canal
a coûté 17,000,000 , qui répondent à 30 de notre
monnoie aéhielle : mais l’état ne fauroit trop payer
ce qui doit procurer à jamais d’aufli grands avantages.
Il y a environ deux cens cinquante barques
numérotées & enregiflrées, qui naviguent habituellement
fur le canal : elles ont foixante-quinze
pieds de long fur feize ou dix-fept de large ; elles
portent jufqu’à cent tonneaux ou deux cens quintaux
poids de marc, & ne tirent que cinq pieds
d’eau, comme nous l’avons déjà dit.’
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Autrefois les propriétaires qui ont le privilège
exclufif de fournir les barques, les fourniffoient
en effet, & percevoient fix deniers par lieue •
ils en ont abandonné deux , pour être difpenfés de
la fourniture des bateaux. Ces barques marchandes
emploient fix à fept jours pour aller d’Agde à
Touloufe, avec un feul cheval ou une dixaine
d’hommes , qui tirent la barque à la cordelle ; ils
font fix lieues par jour, de trois mille cent toifes
chacune, & ne vont point la nuit.
Le canal de Briare, établi en France pour la
-communication des rivières de Seine & de Loire,
prend fon nom d’une petite ville fttuée à l’endroit
où il communique à la Loire. Il fut commencé
fous le règne de Henri-le-grand, & c’eft le premier
grand ouvrage de cette nature qui ait été
établi dans le royaume. Il s’agifl'oit de joindre la
Seine à la Loire , & d’établir une communication
avec Paris , pour attirer dans cette capitale le commerce
de la mer par Nantes, & celui de toutes
ces belles provinces qui font fituées fur la Loire,
& même de faire une communication de toutes
les autres provinces du royaume , arrofées par des
rivières qui fe rendent dans ce fleuve. Cette grande
entreprife fut commencée par le duc de Sully; mais
après la retraite de ce miniftre elle fut interrompue.
Louis XIII étant à S. Germain-en-Laye
au mois de feptembte 1638 , donna des lettres-
patentes aux nommés Jacques Guyon & Guillaume
Bouteroue , entrepreneurs du canal, par lefquelles
il paroît qu’ils s’étoient engagés de reprendre l’ouvrage
, & qu’ils avoient promis de l’achever à leurs
frais & dépens.
Canal de Picardie. On s’occupe depuis quelques
années d’un nouveau canal entre Saint-Quentin &
Cambrai, pour joindre la Somme à l’Efcaut, &
faire communiquer Paris avec la Hollande, fans
courir les rifques de la mer. On voit qu’en 1731
les devis de ce canal avoient été arrêtés par les
ingénieurs. Il s’étoit formé une compagnie , fous
la prote&ion de M. le maréchal de Chaulnes : mais
le projet ayant été interrompu , il n’a repris faveur
que depuis quelques années.
M. le comte d’Erouville, lieutenant-général des
armées du roi, connu par fes lumières & fon goût
pour les arts , avoit les plans de ce canal, anciennement
faits par un ingénieur ; il les fit voir à
M. Laurent, célèbre dans les méchaniques & l’hydraulique.
( Voyei fon éloge dans le nécrologe de
1774.) Celui-ci, avec la pioteéfion de M. le maréchal
de Richeiieu, reffufeita le projet : il fut
chargé de l’exécution ; il s’en eft occupé jufqu’à
fa mort, arrivée le 12 oftôbre 1773, & M. de
Lionne, fon neveu, lui a fuccédé dans la direction
de fes travaux.
La tête du canal a été fixée au village de Saint-
Siméon dans le Vermandois, à peu de diftance de
la branche qui unit la Somme avec l’Oife, pat
le moyen d’une écltife fi tuée à Chaulny, & qul
paffe à la Ferre. Le nouveau canal paffe à Ham,
Péronne
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pèronne 8c Bony : au-deffous de cette ancienne 1
■ petite v ille , il rentre dans le lit de la Somme ,
qu’il n’avoit fait que côtoyer, & fe continue ainfi
en paffant par Corbie jufqu’au-deffous d’Amiens.
De iautre côté, au nord de Saint-Quentin, le canal
paffera fous une montagne, dans la longueur de
fçpt mille vingt toifes, dont il y avoit déjàjquatre
mille deux cens toifes de creufées en 1773. L’èntrée
de ce fouterrein eft au château de Tronquoy, un
peu au nord 'de Saint Quentin , •& la fortie au
village de Vendhuillc. M. Laurent a fait percer
fur cette longueur, à diftances égales, foixante-
dix puits, dont le plus haut fera de deux cens
cinquante-deux pieds, y compris la tour ; les autres
en ont cent quatre-vingt-quinze, cent trente-cinq,
foixante, Sic. fuivant la fituation du terrein. Ce
canal fouterrein aura vingt pieds de haut fur vingt
pieds de large : le paffage de l’eau fera de feize
pieds fur cinq pieds de profondeur.
La fource de l’Efcaut eft de foixante pieds plus
haute que celle de la Somme. M. Laurent a pris
l’Efcaut à Vendhuille, quarante-cinq pieds plus
bas que la fource : les autres quinze pieds dont
l’Efcaut eft plus haut que la Somme, fe trouveront
foutenus par une éclufe, pour joindre en-
femble ces deux rivières.
Le canal eft percé dans une pierre mélangée
de cailloux. On évalue à dix livres par toife
cube, la dépenfe de l’efearpement. Prefque partout
au deffus du canal, à v in gt, trente ou quarante
pieds de hauteur , ori trouve des bancs de
pierre dure; mais dans quelques parties on fera
obligé de faire des voûtes pour foutenir la mon-
M È
On a afligné pour ce grand ouvrage deux cens
mille francs par an & l’on y emploie cinq à fix
cens ouvriers.
C a n a l , f. m. (conjlruflion ). C ’eft en général
un efpace creufé entre deux bords parallèles.
On a donné, par analogie, le nom de canal à
tous les ouvrages qui font formés de cette manière.
Les plus confidérables font les canaux de
navigation, d’arrofement & de deflechement. On
fait aufli des canaux qui fervent à conftruire ou
à contenir de l’eau pour divers ufages relatifs à
l’utilité ou à l’agrément, c’eft-à-dire pour des
njachines , des manufaélures , & pour l ’embellif-
fement des parcs & des jardins.
Des canaux navigables.
Ces canaux font des efpèces de rivières artificielles
, que le befoin a fait imaginer pour faciliter
le commerce, en profitant des avantages de
la navigation. Les premiers canaux ne furent que
de grands foffés , dans lefquels on détournoit une
partie de l’eau des fleuves , comme le pratiquèrent
les Egyptiens à l’égard du Nil.
Les Chinois ^ont été plus indnftrieux : ils ont
ntiaginé des éclufes , des digues, des glacis pour
-drçhiteêlure. Tome I.
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obvier aux inconvéniens d’un fol inégal Ils font
venus à bout par ce moyen de mauriler le cours
des (rivières, Sc de réunir dans des canaux les
eaux de plufieurs fources & ruifteaux, de manière
à établir une navigation générale dans toute
l’étendue de leur vafte 'empire.
Cependant ces ouvrages font bien loin du degré
de perfeéfion auquel les peuples modernes les ont
portés depuis deux fiécles, en y appliquant les
favantes découvertes de la phyfique & des mathématiques.
On peut dire qu’ils font parvenus,
à force d’art, à furmonter les plus grands obfta-
cles. La France , la Hollande, l’Italie & les pays
du Nord offrent de fuperbes canaux, dont on a
fait l’hiftoire & la description à l’article précédent.
Dans celui-ci nous nous propofonS uniquement
de faire quelques obfervations .générales
relatives à leur conftruérion, Les perfonnes qui de-
fireront un plus grand détail, pourront recourir
aux auteurs qui ont traité particuliérement des
canaux, tels que Bélidor, M. Linguet, & M.
Delalande.
Laconftruérion d’un canal de navigation efl un ouvrage
d’une fi grande importance, qu’dn ne doit
l’entreprendre qu’après s’être bien affùré, i° de fon
utilité, de ce qu’il pourra coûter, de ce qu’il
pourra produire, 20 de la poflibliié de fon exécution.
De Vutilité. ~
Un canal eft toujours utile par les avantages
qu’il procure , en fourniffant un moyen de tranf-
porter, à peu de frais, les produirions furabon-
dantes d’un pays dans un autre. 11 y a des choies
dont on a befoin par-tout, & qui ne fe trouvent
qu’en quelques endroits, cotante les bois , la
pierre, & plufieurs autres matières pefantes,
utiles à la coftftruirion des édifices. Souvent elles
fe trouvent dans des pays d’une communication
difficile, où les frais de tranfport devien-
droient fi confidérables, qu’on eft forcé de renoncer
à les exporter. Quelquefois l ’éloignement
des lieux où ces matières pourroient être utiles
eft fi grand, que, quoiqu’elles fe trouvent dans
un pays plat, & que les routes foient belles, il
faut y renoncer, à caufe de la longueur du tranf-
port Sc de la petite quantité qu’une voiture peut
charrier en une fois, fi c’eft une matière pefante
& de peu de valeur, comme la pierre à bâtir.
Il eft d’expérience qu’une voiture attelée de trois
bons chevaux, ne peut pas tranfporter plus de
trois à quatre milliers, en faifant fept à huit
lieues par jour, dans les meilleurs chemins ; tandis
que fur un canal navigable , comme celui de
Languedoc ou de Picardie , deux mauvais chevaux
fuffifent pour tirer un grand bateau chargé
de deux mille quintaux; d’où il réfulte que le
tranfport des marchandifes eft à cinquante fois meilleur
marché fur un canal, que fur terre par les
plus belles routes.
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