
sd vêtu d’une couleur uniforme , ainfi convient-il
as qu’une même beauté & qu’un même goût régnent
se dans tous les membres & toutes les parties de notre
» palais. C ’eft en lifant fouvent Euclide , & gravant
35 dans votre efprit l’étonnante variété de figures
35 dont il a enrichi fes Livres de géométrie, que vous
35 vous rendrez capable de remplir nos intentions, &
35 que vous trouverez fur le champ par les études
35 que vous en aurez faites, de quoi répondre à nos
35 demandes. A ye z aufli, fans celle , fous les yeux
35 les leçons du profond Archimède & de Métrobe ,
s» afin de vous mettre en état de produire de nou-
35 veaux chefs-dccuvre. C en ’eftpas un emploi de peu
3» de conféquence qu’on vous confie , puifqu il vous
35 oblige de remplir, par le miniftère de votre.a rt,
3* le defir ardent que nous avons d ’illuftrer notre règne
s» par des édifices nouveaux. Ca r , foit que nous
s» voulions réparer une v ille , ou fonder de nouvelles
»» forterefles , foit que nous-nous lailfions aller au
3» plaifir flatteur de bâtir un prétoire, vous ferez obligé
35 d’exécuter, & de donner une exiftence fenfible
35 aux projets que nous aurons imaginés. Quel emploi
35 plus honorable , quelle fondion plus glorieufe que
35 celle qui vous met à portée de tranfmettre aux
35 âges les plus lointains, des monumens qui vous
s? afsûreront l’admiration de la Poftéritei Ca r c eft
•5 à vous.qu’il appartient de diriger le maçon, le
35 fculpteur en marbre , le fondeur en bronze , les
3» ouvriers en ftuc & en plâtre , & le peintre en mo-
35 faïque. V o u s êtes tenu de leur apprendre ce qu’ils
3* ignorent , & de refoudre les difficultés que; vous
33 propofe cette armée de gens qui travaille fous
35 votre conduite' g & qui doit avoir recours aux
» lumières de votre jugement. V o y e z donc combien
35 de connoiflances doit avoir celui qui a tant
33 de monde à inftruire : mais auffi vous receuillez
os le fruit de leurs travaux ; ~Sc le fuccès de leurs
os ouvrages que vous aurez bien dirigés fera votre
33 élo g e , & deviendra votre récompenfe la plus flat-
33 teule. C ’eft pourquoi nous voulons que tout ce
O» que vous ferez chargé de bâtir, foit fait avec tant
os d’intelligence & de folidité que les nouvelles ^fabri-
35 ques ne diffèrent des anciennes que par la fraîcheur
33 de la nouveauté. C e la vous fera poffible, fl une.
33 baffe cupidité ne vous porte jamais a fruftrer les
a» ouvriers d’une partie de nos largeffes. On s en fait
3» aifément obéir , s’ils reçoivent un falaire honnête
» & compétent, fans fraude , ni retenue. Une main
r> généreufê anime le genie des arts , & toute 1 ardeur
33 de l’artifte fe porte à fon ouvrage , quand il n’eft
33 point diftrait par le foin de la vie. Remarquez
»3 encore quelles font les diftinétions dont vous eies
»3 décoré : vous marchez immédiatement devant notre
33 perfonne, au milieu d’un nombreux cortège, ayant
3# la verge d’or à la main , prérogative q u i , en vous
»s rapprochant fi près de nous , annonce que c’eft à
»3 vous que nous avons confié 1 exécution de notre
a* palais. ??
D ’après cette réunion de connoiflances qu’exigéoit
l’arçhite&ure chez les anciens, on ne doit pas s’étonner
fi Platon avoue qu’un bon arehite&e étoit une
rareté dans la Grèce. Mais il fe préfonte une autre
réflexion : en faifant la comparaifon des études de
ce tems-là avec la manière ufitée aujourd’hui d apprendre
l’archite&ure , il femble qu’on doive, en
conclure , ou que cet art a perdu beaucoup des
difficultés qu’il avoit alors , ou que la plupart de
ceux qui le profeflent font reftés beaucoup -au-deflous
de ce qu’il exige. Cependant fi l’on excepte 1 aftrono-
mie & la mufique dont l’étude eft moins néceflaire
aux architectes modernes , qu’ elle ne le fut a ceux de
l’antiquité, pour la conftrüdion des théâtres & des
cadrans folaires, mais dont une légère teinture rie
peut leur être encore que fort avantageufe, on verra
que l’art de l’architecture ne fauroit fe pafler de toutes
les autres parties qui en conftituoient jadis toute l'étendue
; & que de p lus , les befoins modernes , & d’autres
circonftances n’ont fait qu’pigmenter le nombre
des connoiflances requifes pour devenir un bon
architecte. i
Les connoiflances littéraires , & celles de l’Hiftoire
font encore bien plus utiles a Xarchitecte moderne.
Vitruve vouloit que fon architecte fçût rendre raifon de
tout ce qui dans l’architecture a des rapports avec
l’Hiftoire ; qu’il fût en état d’expliquer l’origine des
caryatides & d’autres chofes femblables. Combien
donc aujourd’hui cette étude n’eft-elle pas plus indif-
penfable, puifque , par l’adoption que nous avons
faite de l’architecture antique , Xarchitecte fe trouve
fans cefle dans le cas d’employer une infinité de parties
ou d’ornemens, dont l’ufage banal & parafite , ne
peut que devenir ridicule , s’il n’eft dirigé par un
efprit judicieux , éclairé , qui connoifle l’origine de
ce qu’il met en oeuvre , & fâche en faire un choix
analogue & approprié au caractère particulier de
chaque édifice ? La fcience de l’Hiftoire lui fera con-
connoître celle de i’architecture, c’eftlà qu’il apprendra
les révolutions diverfes d’un art qui , plus que tout
autre, fe trouve enchaîné au deftin des peuples qui
l’employent ; il en fuivra l’origine , les progrès & la
décadence ; il y diftinguera fes changemens dé goût,
fes variétés de ftyle , félon la différence des âges & des
nations ; il s’habituera au difcernement qu’exigent les
monumens de l ’antiquité, & les études qu’il doit en
faire. (J^oye^k^riq^-E.)!.'architecte efï fouvent obligé
pour expliquer fes projets & les faire goûter , ou d’en
rédiger par écrit la fubftance , ou d’employer la
parole devant des aflemblées de gens inftruits : c’eft
alors qu’il éprouve combien l’étude dès lettres peut
lui devenir utile & honorable, Il doit s’exprimer avec
méthode , clarté , facilité & agrément, fans rechercher
pourtant ces charmes du langage , q u i , n’étant
point de fonreflort, pourroient discréditer fon favoir,
ou le rendre fufpeft. Plutarque nous apprend que
deux architectes fe préfentèrent au peuple d’Athènes
pour la conduite d’un édifice confidérable. L ’un d’eux
charma les Athéniens par fon éloquence. Son rival
parla peu : mais il termina fon difcours par ces paroles:
Athéniens , tout ce que cet architecte vient de vaus
dire, moi je le ferai, Les
Les fcienc.es du calcul & des mathématiques ne
font pas moins néceflaires à Xarchitecte d’aujourd’hui.
L ’arithmétique lui étant indîfpenfable, il ne doit pas
fe borner aux Amples élémens :-il eft obligé de pofle-
der cette fcience importante dans toute fon étendue.
Elle lui fervira, dans la fpéculation comme dans l’exécution
de fes projets -, fur-tout pour éviter ces erreurs
trop ordinaires dans le calcul de la dépenfe des
bâtimens , & d’où réfulte la honte de Xarchitecte, la
ruine des propriétaires , & le- détriment des édifices.
Que de conftrn&ions ne voit-on pas refter imparfaites?
Combien d’autres qu’un furcroît imjttevu de dépenfe
empêche de terminer fuivant leur deftination première?
L a ville d’Ephèfe avoit fait à ce fujet une loi bien
ia g è , & qui s’exécutoit. très-févèrement envers les
architectes. Elle obligeoit ceux qui entreprenoient un
ouvrage public à déclarer ce qu’il devoir coûter, à
le faire pour le prix convenu, & à cautionner le marché
par l’engagement de tous leurs biens. Quand
l ’ouvrage étoit achevé , ils étoient récompenfés &
honorés publiquement, fi la dépenfe étoit telle qu’ils
l'avoient eftimée. Si elle n’excédoit que d’un quart
ce • qui étoit portéxpar le marché , ce furplus étoit
fourni des deniers publics : mais, quand elle pafloit
le quart , l’excédent étoit payé par les architectes,
& fe prenoit fur leurs biens. <* Dieux immortels ,
»s s’écrie Vitruvé , que ne puifle une pareille loi
»3 s’établir chez les Romains pour les édifices tant
5» publics que particuliers : elle empêcheroit une foule
»» d’ignorans de fe mêler impunément de l’archi-
3» teéture , & il n’y auroit que les habiles gens qui
a» en feroient profeflîon. Les particuliers ne fe ruine-
9» roient pas comme ils'-le font par des dépenfes exceflî-
•» v e s , la crainte de la peine introduite par la loi
porteroit les architectes à mieux prévoir & mieux
3» examiner les dépenfes. Par ce moyen, on feroit les
»5 bâtimens pour le prix qu’on fe feroit propofé, ou
»» du moins à peu de chofe près./Onne verroit pas
33 des pères de famille chafles de leurs biens pour
»» payer les. frais de ces. faufles fpéculations. Car
33 celui qui veut dépenfer 400 à fon bâtiment, pourra
» bien encore y en ajouter 100 pour avoir le plaifir de
»» voir terminer fon ouvrage ; mais, quand on eft
53 trompé de la moitié. & plus encore, dan.s la dépenfe
•> qu’on avoit projettée , on perd courage , & bien
»> fouvent on eft contraint d’abandonner l’enfreprife.33
Nous ne ferions que trop bien fondés à joindre
nos voeux à ceux de V it ru v e , pour voir renaître
cet antique & fage réglement des Ephéfieris , aujour-
- clue les dépenfes des bâtimens montent fouvent
au quadruple & au fextuple de ce qu’on s’étoit propofé;
& peut-être n’aurions nous point, comme Xarchitecte
Romain , l’indulgente bonté d’attribuer ces
erreurs a 1 ignorance plutôt qu’à la mauvaife-foi.
chez les peuples de l’antiquité. Le genre de la c<
itruchon parmi les peuples modernes, exige des c(
•Architecture* Tome /.
noifîances plus approfondies encore de Ces deux fciences*
L a première, en lui facilitant les moyens de tracer 8c
de mefurer toutes les figures & les corps folides , en
lui enfeignant les diverfes propriétés des courbés qui
peuvent s’employer dans les voûtes , dans les arcs de
tout genre / dans la coupe des pierres, dans la ftruc-
ture de divers inftrumens néceflaires à la pratique,
le met à portée de remédier à l’infuffifance des matériaux
, & d’en tirer tous les réfultats qu’ il faut pour
les combinaifons qu’exige la folidité. L a géométrie .
eft encore pour Xarchitecte la première école des
proportions. L a méchanique lui fournit les moyens
de mettre en .équilibre les forces qui agiflent avec
celles qui foutiennent : elle apprend à proportionner
l’épaifleur des murs à leur charge, à la pouflee des
voûtes, & à celle des’ terres qui tendent à renverfer
les terràfles par leur poids. Quiconque ne faura pas
déterminer cet e ffo r t , ne trouvera jamais le jufte
milieu fi néceflaire pour la folidité de la conftrudion
& pour l’économie. L a méchanique , par le moyen
des machines qui fuppléent aux bras que les modernes
ne fauroient employer en auffi grand nombre
que les anciens, fera d’un grand fecours à l 'architecte,
dans l ’exécution de fes projets. ‘
L ’hydraulique eft une des plus belles parties de la
méchanique : elle lui eft indifpenfable, s’il veut em-
brafler toutes les branches de fon art. Gette fcience
lui donne des lumières pour la -conduite des eaux ,
& pour la conftruction des ponts , des digues, des
chauffées , des éclufes , des aqueducs , des moulins';
elle apprend à régler le cours dès fleuves & des'
rivières-, à les rendre navigables , & à les faire pafler
où il eft néceflaire ; elle lui fournit des reflburces
nombréufes dans la décoration des jardins par l ’ingénieux
emploi des eaux, & leurs effets variés. (Vvyeç
H yd r au l iq u e . )
L a perfpedive & l’optique lui font d ’ iine égale
néceflité : elles lui fervent non feulement à fe- rendre
compte par le deffin , des effets & points de vue de fes.
édifices, mais encore pour fairè paroître dans l’exécution,
fuivant je befoin, une partie plus grande qu’elle-
n’eft , pour éclairer les intérieurs d’une manière convenable
, pour difpofer les membres des ordres d’ar-
chitedure, & les modifier félon leur fituation ou en
raifon du point de vue. (Vo y e z Optique & PerJpeCtivé).
On admire l’efcaliër du V atican, nommé la ƒcala regia,
bâti par le Bernin tout fon mérite ne confifte que
dans un effet de perfpeétive.*
L 'architecte doit également étudier la phyfiquç /
afin de connoître la qualité des différens matériaux
qu’il fait employer, de pouvoir déterminer les afpefts
les plus falubres & les plus favorables aux édifices,
afin de s’afsûrer des bonnes ou mauvaifes qualités
du f o l , de l’air , du climat des pays où il bâtit 5
c’eft cette partie que Vitruve recommande à Xarchitecte
fous le nom de médecine.
Mais le deffin devroit faire la bafe ,de fes études.
Quelques auteurs ont avancé qu’on ne pouvoit être
bgii architecte, fans avoir été i?on peintre ou bon
O