
A côté <ïe ces infcriptions, 8c fur le retour, fupé-
rieur des piédroits des portes, font des trophées d’armes
en bas-relief dans le goût de ceux du piédeftal
de la colonne Trajane.
Sur chacun des piédeftaux s’élève une pyramide
adaptée au mur , elles font pofées fur un focle,
& furmontées d’un globe porté fur un petit amor-
tilTement : la largeur inférieure de ces pyramides eft
à leur partie fupérieuie , comme trois eft à un ; fur
l ’un de leurs focles , d’un côté eft une figure coloffale,
repréfentant le Rhin fous la forme d’un fleuve étonné5
l ’autre eft la Hollande fous la figure d’une femme
affligée , aflife fur un lion à demi m o r t , qui d’ une
de les pattes tient une épée rompue , 8c de l’autre
un troufleau de flèches brifées 8c en partie renver-
fées. François Blondel rapporte dans fon Livre a page
6 19 , qu’ il a imaginé ces figures au bas de ces
pyramides à l ’exemple des médailles que nous avons
et Augufte & de Titus , ou Ton voit des figures de
femmes ajjifes au pied des trophées & des palmiers ,
qui marquaient ou la conquête de l'Egypte par Augufie,
ou celle de la Judée par Titus.
Au-deflus de ces figures s’élèvent dans la hauteur
des pyramides, des trophées antiques pendus à des
cordons , & entremêlées de- boucliers chargés des
armes des provinces, ou des villes prin cipaïes que
le roi venoit de fe foumettre en Hollande , lorfque
la ville de Paris fit érig-er ce monument à la gloire
de ce prince.
François Blondel nous apprend, qu’avant les^con-
quêtes dont nous venons de parler , lorfqu’il fut
chargé de faire confttuire cet édifice , il avoit projette
d ’accompagner ces pyramides de trois rangs de roftres,
parce q u e , d it- il, premièrement ces ornemens ont
beaucoup de rapport avec les armes de la ville de
Paris , fecondement parce que perfonne avant lui ne
s’étoit avifé de défigner les victoires que Louis X IV
avoit remportées fur mer , & que ces ornemens, aidés
des Infcriptions qu’il avoit 'compofées à cet e f fe t ,
auroient annoncé d’une manière fenfibles les vi&oires
maritimes de ce monarque. Il allure que ce projet
avoit été fort g o û té , mais qu’il ne put avoir lieu ,
parce que la V i l le , dans l’édifice dont nous parlons
, préféra d’annoncer par des fymboles figni-
ficatifs les victoires qui venoient récemment d’être
remportées par Louis le Grand.
D u côté du fauxbourg font auffi deux pyramides
chargées de trophées qui different feulement de celles
dont nous venons de parler, en ce qu’il n’y a point
de .figures fur les foc les, mais feulement des lions qui
femblent les foutenir.
C e monument le plus beau du fiècle de Louis X IV ,
par la fermeté de fon architecture , par la fierté de
les profils, par la grandeur de fa compofition , par
fa belle exécution a toujours attiré l’admiration des
çonnoifleurs, 8c obtenu les plus grands éloges des
artiftes. Cep« udant l’intérêt des arts ne nous permet
pas de fupprimer les deux réflexions fuivantes, dont
l’une a rapport à la proportion, l’autre à la décoration
de cet arc de triomphe.
Quand ©n confidère les vaftes dimeiifions de cet
édifice le plus haut peut-être qui ait été élevé dans
ce genre, on ne fauroit deviner par quelle raifon
l’architecte ne lui a pas donné une profondeur proportionnée
à tous fes autres rapports. .On a v u , par
le détail de fes proportions, que Blondel diminua dans
l’exécution la hauteur de l'arcade , 8c que lle eft
plus baffe que le double de fa largeur. Cependant
elle paroît encore très-élevée : on ne craint pas d’avancer
que cet effet réfulte en grande partie dn peu
de profondeur du monument qui fait éprouver à
L ’oeil un contrafte fenfible de largeur 8c de maigreur,
l’arc de la porte ne gagnant rien à l’effet de la per-
fpeétive, & à la vue des foffites qui devroient lui fervir
de fond , fe détache toujours fur le ciel , 8c paroît
toujours géométral. L a vue de prbfil fait encore
mieux fentir ce défaut , 8c il n’eft perfonne qui en
voyant cet édifice de côté , ne lui délire le double
d’épaiffeur. Cette proportion n’auroit eu rien d’outré
, & fi l’on veut comparer les dimenfions de cet
arc avec celles des arcs antiques que nous avons
données , on verra, par exemple que l’arc de Sep-
time Sévère , quoique de douze pieds moins haut
que celui de Louis le grand , a près de 1 o pieds de
plus d’épaiffeur, ainfi des autres, tant grands que
petits, qui nous font parvenus de l’antiquité.
Quant à la décoration de cet arc , quoique grande
8c majeftueufe t, elle préfente des idées difparates
& des idées compofées. Nous appelions idée difpa-
rate , celle des pyramides qui ornent les faces de
ce monument/ Quel que puiffe être le vice des pyramides
en bas-relief, des pyramides telles que celles-
c i , dont la forme bâtarde tient un milieu équivoque
entre l’obélifque & la pyramide , leur plus
grand défaut ici eft de fe trouver appliquées à un
monument triomphal. Cette forme étant confacrée
aux tombeaux , à des objets funèbres, imprime un
caractère fépulcral à cet arc de triomphe , 8c quoi
qu’on en puiffe dire, il eft évident que ces pyramides
font un véritable contre-fens d’architecture 8c
de décoration.
Cette faute ne fe trouve point corrigée, ou l’eft
•mai par les trophées qui accompagnent les pyramides
, & c’eft ce que nous appelions idée compofée,
toujours vicieufe dans la décoration ; on fent qu’il
ne falloir que l’une des deux , que cet aflemblage
d’objets incohérens entr’eux , & qui fe démentent
les uns les autres , ne porte à l’âme que des fen-
fations rompues. C ’eft en architecture une duplicité
d’aétion qui divife l’intérêt, nuit au plaifir , fatigue
l’efprit. Malgré le grand mérite de cet ouvrage, on
croit y appercevoir une ambitieufe affectation de fur-
paffer les anciens par une réunion d’objets imités cependant
, d’après eux : on y reconnoît à la fois la bafe de
la colonne Trajane, l’obélifque de St Pierre fupporté
par des lion s , les trophées de Marius , les archivoltes
des arcs antiques , 8c les principales formes
de ces monumens. Il étoit impoflibie, fans doute ,
d’en faire un plus beau tou t , 8c nous ne nous fommos
permis ces remarques que pour mieux faire fen tir ,
& les beautés de cet ouvrage toujours indépendantes
des critiques qu’on peut en faire , 8c la difficulté de
Fart. ,,
L 'arc de triomphe dè la porte St Martin fut éleVe
Fan 16.74 , fur les deffins de Pierre Bullet , élève
deffinateur 8c appareilleur de François Blondel.. Il a
53 pieds 7 pouces de la rg e, fur 53 pieds un pouce
d’élévation , y "compris l’attique continu qui règne
fur la partie fupérieurè de l’entablement, & qui a de
hauteur 11 pieds. C e monument eft percé de trois
portes en plein-ceintre , dont celle du milieu a i 6
pieds z pouces , fur 30 pieds un pouce. Les portes
collatérales ont chacune 8 pieds un pouce 8c demi,
fur 15 pieds 8 pouces 8c demi. Les arcs de ces portes
font louténus par des piédroits de 5 pieds 6 pouces
& demi chacun, 8c font chargés de boflages continus
vermiculés, lefquels tournent en manière d’archivolte
autour de l'arc en plein-ceintre de la grande porte. Ce
genre d’ornement ruftique eft plus propre, en général,
a la décoration d’une porte de v ille , qu’à celle d’un
arc de triomphe , ou d’une porte triomphale. D ’ailleurs
il donne un caractère de pefanteur à l’édifice : on
ne doit l’employer que dans ceux qui demandent par
leurs ufages la plus grande apparence de folidité.
Au-^eifus de l’impoftè, 8c aux deux extrémités-de
ce monument, s’élèvent deux corps en boffages de
.la largeur des piédroits de deffous : ces boffages qui
faillent de quelques pouces , laiffent un renfoncement
qui occupe l’efpace compris entre le • defliis de cette
impofte 8c le deffous de l’entablement, enfemble
la largeur qui règne depuis les ’corps de bolfages
dont nous venons de pa rler, ,jufqu’à l’extrados de
l’arc de la grande porte. Ces efpaces d’une. forme
affez ingrate font ornés , du côté de la ville , comme
du côte du fauxbourg, par des bas-reliefs de l’exécution
des Desjardins , M a r ly , le Hongre 8c le Gros.
On y voit repréfentés les principaux événemens arrivés
dans le tems de la conftruétion de ce monument, tels
que la conquête de la Franche-Comté , la prife de
Limbourg , 8cc. 8cc. ( Voye£ F i g . 173 ).
Au-deflus de ces bas-reliefs dans tout le pourtour
de l’édifice règne un entablement, lequel a fix pieds
de hauteur : il eft compofé de trop de petites parties*
8c eft trop chargé d’ornemens , relativement à la
mâle fimpiicite du tout enfemble.
Sur cet entablement s’élève un attique orné à fes
extrémités de deux pilaftres angulaires faillans, entre
lefquels eft une grande table, dont la bordure eft
enrichie de moulures 8c taillée d’ornemens, elle, contient
l’Infcription fuivante de la compofition de
François Blondel.
LUDOVICO MAGNO
VESONTIONE SEQUANIS QUE
BIS CAPTIS
E T FRACTIS GERMANORUM
Architecture, Tome I ,
H IS P A N O R UM E T B A T A V O R U M
EX E R C IT IBU S -
P RÆ F . E T Æ D IL . PO N I
C . C .
ANNO R. S. H . MDC. LXXiy.
D u côté du fauxbourg , dans une pareille table
pratiquée .dans le revers de cet attique , on lit :
L U D O V IC O M A G N O
Q U O D LIM BU R G O C A P T O
IM P O T E N T E S H O S T IU M M IN A S
U B IQ U E R E PR E S S IT •
PRÆ F . E T Æ D IL . P O N I
C . C.
ANNO. R. S. H. MDC. LXXV.
Il y avoit à l’extrémité fupérieure de cét édifice,'
une plate-forme femblable à celle qui fe voit à la
porte St Denys j m ais, comme on a reconnu que cette
charge confidérable nuifoit à la folidité ( l ’extrémité
inférieure de ce monument étant prefque toute percée
à jour ) on prit le parti d’ enlever 1 z pieds de hauteur
de ce maflif, vers l’ancienne plate-forme , à la place
de laquelle on a mis un petit comble à deux égouts.
L 'arc appell è porte St Bernard, eft du nombre de
ceux qui n’ont de commun que la forme avec ' les
arcs de triomphe, Ce- fut François Blondel qui en
donna les deffins , 8c qui ccmpofa les Infcriptions
qu’on y lit. Il parle dans fon cours d’architeéhire de
la peine que lui caufa cet édifice, par les difficultés
qu’ il eut a ménager dans fon épaifleur les chambres
qui s’y trouvent.
C e monument a deux arcades ou portiques, 8c
une pile au milieu. 3 on lui a fubftitué depuis quelque
tems deux colonnes. Sa hauteur eft de 16 toifes , 8c fa
largeur de 8. Un attique en manière de piédeftal
continu , règne fur un entablement foutenu par une
corniche.- De grands bas-reliefs occupent les deux
faces. Dans celui qui eft du côté de la ville , Louis
X IV eft repréfenté répandant l’abondance de tous
côtés fur fes fujets , 8c dans l’attique on a gravé en
creux cette infeription :
L U D O V IC O M A G N O
A B U N D A N T IA P A R T A
PRÆ F . E T Æ D IL . P p N I
. C . C .
A N N . R. S. H . M. DC . L X X IV .
L e bas-relief qui eft du côté du fauxbourg nous
fait voir Louis X IV , habillé en divinité antique,
8c tenant le gouvernail d’un navire qui vogue à plei-
N