
I^fpace eft occupé pat des tribunes ? ménagées dans
Tes bas côtés de l’églife au-deffus des chapelles. Cette
invention fut goûtée , & reçut 1*approbation générale.
On admira aufti la pureté des profils ', l’élégante
diftribution des membres généraux de l'architecture. .
Aujourd’hui l’on y voudroit plus de richeffe par rapport
à la voûte. Mais celle-ci , ainft que tout le refte
de la décoration , n’étant point de Fignole, on ne
/auroit lui imputer ce défaut d’harmonie. Il eft bien ;
probable que fi ce grand architecte eût achevé lui- :
même fon ouvrage, il eût imaginé entre l’architecture
& la décoration un accord plus vrai que. celui
qui y règne j & qu’il eût orné de bien meilleur goût
les çroifees 8c les piédeftaux qui portent la voûte 8c
la coupole. Celle-ci préfente intérieurement un ordre
Compofite en pilaftres accouplés , entre lefqiiels font
alternativement des niches & des croifées femblables
pour la forme. Pour diminuer la nailfance des pendentifs
de la coupole , Fignole termina en retour ,
dans quatre pans coupés, les pilaftres dont les piliers
du dôme font revêtus. Cette difpolitiona été fuivie
à Paris dans l’églife de S .-Louis , rue S.-Antoine.
Mais un des grands ouvrages de Fignole, & qu’il
eut l’avantage de voir terminer , c’eftle château de
Caprarola qu’il fit pour le. cardinal Farnèfè. II eft
fitué à huit ou dix lieues de Rome , du côté de
Viterbe. L’emplacement en fut choifi fur un lieu
élevé, folitaire , mais d’où Pceil peut embraifer une
vue des plus riches & des plus étendues. Cette fitua-
tion pittorelque a prêté à farchitecte des beautés
d’afpeét, & des reffources heureufès pour l'effet &
la compofition de fon édifice , qu’un terrain plat .
8c uniforme ne (auroit jamais fournir. Placé au haut
d’une colline environnée de précipices & de rochers,
il offre au fpeéfateur un magnifique amphithéâtre.
La beauté de fa fituation eft encore augmentée par
les rez-de-chauffée , que raccordent des chûtes de
perrons & de terraffes qui montent jufqu’au plus
haut du jardin terminé à la cime de la montagne.
Plufieurs cours , à droite & à gauche defquelles
font des écuries & pièces de nécefltré , annoncent le
Palais qui eft bâti dans l’endroit le plus élevé. Rien
de plus admirable que fon enfemble & la compofition
de toute fa mafle j rien de mieux entendu que le
détail de toutes fes parties. La forme générale eft
un pentagone qui , flanqué dans le bas de cinq
baftions , donne à l’édifice l’apparence d’une forte-
xeffe. De ce mélange d’architeélure militaire & civile,
réfulte pour le tout enfemble , un air de grandeur &
quelque chofe d’impofant. Une forte d’étage en talus
fert comme de fondation apparente au Palais. Car
on ne doit donner le nom de fôubaffement qu’a
l’étage qui s’élève immédiatement au-deffus de cette
bafe en talus. Il n’a point d’ordre, mais eft orné de
refends 8c de croifées dont les frontons font alternativement
circulaires & angulaires. La porte eft prife
dans cet étage, & eft ruftique. G’eft au-dédits de ce
fôubaffement que s’élèvent les deux ordres qui forment
tout le refte de la hauteur de l’édifice. Lç. premier
eft un Ionique formant galerie , compofée de portî-
ques ouverts dont les arcades font furmontées d’un
renfoncement, deftiné probablement à recevoir un
ornement de bas-reliefs. L a proportion de cet ordre
eft fage , noble & fimple. Au-deffus s’élève un.ordre
Corinthien avec un double rang de croifées. Cet
étage a quelque chofe de plus léger 8c de plus riche
à la fois. L ’entablement qui le couronne eft formé
deconfoles , dont les intervalles ou métopes font
ornes : le tout eft furmonté d’une baluftrade. Les
encoignures du bâtiment qui répondent aux faillies
des efpèces de baftions , forment de petits avant-
. corps j elles ne font décorées d'aucun ordre j mais
à l’étage Ionique ce font des refends qui en font
l’embelliffement. L ’étage fupérieur fe trouve comme
renforcé par deux chaînes de boffages.
L ’intérieur de la cour n’offre pas moins de richefTes
& de beautés : fon plan eft circulaire : elle n’a que
deux étages : ce font d eux. rangs de portiques lua
au-deffus de l’autre formant tout autour galerie continue.
Le portique inférieur eft rufiique : il eft com-
pofé de dix arcades dont les piédroits font perces
de niches quarrées : au-deffus de l’impofte font d autres
niches circulaires. Toute cette conftru&ion eft
d’un caraétère mâle 8c grandiofe. L ’étage fiiperieur
, eft dans la même difpofition j mais les larges piédroits
des arcades font décorés chacun de deux colonnes
Ioniques à demi engagées , 8c entre lefquelles fe
trouve une niche quarrée. On pourroit blâmer , dans
l’entablement qu’elles portent, le reffaut qu elles y
occafionnent. Le deffus de ce fécond- ordre ,de portiques
, procure encore un galerie découverte ou
terraffe qui règne autour de la cour. L ’fefcalier en
limaçon eft une des beautés de ce Palais. Il eft
pratiqué dans un des angles, du polygone, 8c ,porte
par des colonnes de la plus pure exécution. On en
doit admirer autant l’élégance que lahardieffe.
Nous ne parlerons point ici de toutes les parties
d’ embélliffement qu’offre l’intérieur de ce magnifique
Palais : le détail en (eroit trop long.. L a beauté des
peintures dont les murs de prefque toutes les chambres
font couverts, y répond à la fâgeffe de l’archi*
teéhire. Annibal-Caro , un des beaux efprits de fon
fiècle , dirigea le pinceau- dès fameux Zuccari qui
y repréfentèrent les belles aérions des Farnèfes. Prefque
toutes les chambres ont leur nom particulier.
Les unes font confacréjes au fommeil, les autres aù
filence ou à la folitude ; certaines aux vertus & aux
faifons qui y font figurées avec lèùrs attributs. Toutes
; les perfpecrives qu’on y voit furent peintes par Fignole
lui-même qui réuffiffoit particulièrement dans ce
genre..
Un des grands mérites de cet édifice , & qu’on ne
fe laffe point d’y admirer, e’eft l’inBelligence.de la>
^diftribution, & la- combinaifon de toutes les parties.
L ’entente de la commodité & des dégagemens s y
trouve portée au plus hau dégré, Quatre vaftes appartements
font diftribués à chaque étage , de p a nière
à fo dégager par les portiques circulaires de W
cour. On petit entrer ainfi. dans chacun d’e u x , fans
en traverfer d’autres. L a réputation du château de
Caprarola y attira dans- le tems une foulé de curieux
Sc de connoiffeurs; & fa renommée qui n’a été qu’en
augmentant, quoique depuis long-tems il foit abandonné
, ne ceffe point d’y en ammtner tous les jours.
On fe reffouvient encore de l’éloge qu’en fit le
fameux Daniel Barbaro , le plus grand connoiffeur
de fon fiècle en architeéhire. Il voulut voir par lui-
même cet ouvrage que la voix publique exaltoit de
tout côté. L ’examen fcrupuleux qu’ il en fit , augmenta
de beaucoup l’opioion qu’il en avoit déjà con
çue ; il avoua que fa réputation étoit encore au-
deflous de fon mérite, non minuit, ïnimo magnopen .
vicit preefentia famam : ce font les paroles de ce célèbre
prélat.
Philippe I I , roi d’Efpagne , faifoit alors travailler
au bâtiment de l’Efcurial. Ce vafte édifice n’écoit
que commencé. Le Baron Bérardino Martirani y fit
remarquer au roi des défauts auxquels il.étoit encore
tems de remédier. Les travaux furent fufpendus : le
Baron partit pour l’Italie , chargé par le monarque
de demander, des projets aux plus habiles architetftes.
Il en recueillit vingt-deux , parmi lefquels il s’en trou-
voitdeGaléas A le f ii, de Pellegrin T ib a ld i, d’André
Palladio 8c autres artiftes célèbres : il les communiqua
tous à Fignole q u i, par un choix judicieux des
plus belles parties de tous- ces plans , auxquelles il
joignit encore fes propres penfées , en fit un tout
fupérieur, 8c obtint l’approbation générale. Le roi
d’Efpagne voulut l’attirer à fon fervice par les pro-
pofitions les plus avantageufes : Fignole s’exetifa de
les accepter fur fon grand âge , 8c fur lés travaux de
l’églife de S.-Pierre dont il avoit été nommé archi-
recte depuis la mort de Miche'-Ange. Il n’eut échangé,
contre aucune autre entreprife, l’honneur de fuccé-
der à ce graqd homme dans cette honorable fonction.
Il s’en acquitta avec le plus grand zèle. Les petits
dômes qui accompagnent le grand furent conftruits
fur fes deflins. Une grande partie du revêtiffement
extérieur de l’églifè fut achevée fous fa conduite.
Fignole s’étoit dévoué entièrement au forvice de
Rome qu’il regardoit comme fa patrie. Le pape
Grégoire X III lui donna une marque honorable de
confiance : il le chargea de terminer les différens qui
s’étoient élevés, entre lui & le grand duc de Tofcane,
pour les limite^ de leurs E ta ts , du cô:é de la ville
de Caftello. L ’artifte s’acquitta de cette commiflion
avec la plus parfaite intégrité. A fon retour, le pape
lui témoigna toute fa fatisfaérion, 8c l’entretint pendant
plus, d’une heure de différens projets. Fignole
devoit fe rendre le lendemain à Caprarola $ mais
la fièvre, occafionnée par une indifpofition récente
dont il n’étoit pas bien rétabli , le furprit la nuit
même, & l’enleva le feptiéme jour dans (a foixante-
fixiéme année. L ’académie du deflln lui fit de magnifiques
obfèques : fon- corps , accompagné de tous les
académiciens , fut porté avec pompe dans l’églife de
la, Rotonde { le Panthéon ) où. il fut inhumé. Les
cendres du partifan le plus déclaré de l’architeéturc
antique , ne pouvoient, fans doute, être mieux con->
fervées que dans le monument le plus magnifiqué
qui foit refté de l’antiquité. Si cet honneur paroît
avoir dû être fi juftement réfervé à Fignole , on ne
s’étonnera pas moins de l’efpèce d’injtiftice qui auroit
pu le faire oublier à la Poftéricé. Aucun monument
n’y rappelle la mémoire , 8i n’ÿ reproduit lès
traits de ce grand-hommè. Efpérons que l’exempîe
récent de plufieurs amis dc-s arts, dont le zèle fi noble
vient à l’envie de rendre de publics hommages au génie
de tant de grands-hommes ; en plaçant leurs effigies
dans le Panthéon, devenu le fanétuaire de tous les
beaux a r ts , fera revivre le législateur moderne de
l’architeéture, à côté des Raphaël & des Carache.
Nous n’avons parlé que dés principaux ouvrages de
Fignole, de ceux fur lefquels fe fonde pacticulière-
ment fa réputation. La defeription de beaucoup d ’autres
monumens, tels que le Studio publico à Bologne,
l’amphithéâtre d’eau de la villa Borghlje à Frefcati >
Santa Anna de Palafrenieri, l’oratoire de S.-Marcel,
& plufieurs palais qu’on lui attribue , allongeroit de
beaucoup cet artic le, fans ajouter à (a gloire.
Mais celui qui lui en affûre une immortelle , & qui
fera vivre encore fon nom , lorfque la; main du
tems aura détruit fes édifices, c’eft l’ouvrage dans»
lequel il a réduit en règles l’architeéture & l’a fixée
par des „mefures certaines 8c affujêtres à un fyftême
confiant. Cet ouvrage a été traduit dans toutes les
langues. Il le composa dans les dernières années de fa
vie , tems auquel les connoiffances fe trouvent mûries
par une longue expérience ,' & il le fit exécuter fous
fes yeux. Son plus fameux commentateur eft" d’A -
viler. On peut voir , dans la préface même que
Fignole mit à fon liv r e , i’efprit dans lequel il
fit : efprit éloigné de tout (yftême y c’eft-à-dire qu’il
étudia dans les monumens antiques qui furent fa bafe,,.
l'efprit des règ les, plutôt qu’il n’en fuivit la lettre.
Fignole obferva, dans chacun des ordres , les monu~
mens antiques qui généralement étoient réputés les-'
plus beaux. Il remarqua qu’ils dévoient tous cette
réputation à une correlpondance facile à (aifir, de
rapports (impies & peu compliqués f qui rendoientr-
les plus petites parties dépendantes des plus grandes,
ce Voulant donc , par exemple, établir les propor-
» tiens de l’ordre Dorique , j’ai obfervé, d i t - il, que
» celui du théâtre des Marcellus étoit îe-plus eftiméj.
» je l’ai donc pris pour la règle principale des par-
» ties effentielles de mon Dorique ; mais fi j ’ai trouvé
33 que quelque membre plus petit s’éloignoit de te
33 divifion numérique preferite par le général de l ’or-
33 donnance ( ce qui arrive fouvent, ou par le défaut
as de l’exécution , ou par d’autres raifons ) au lieu:
3» de renoncer à la baie fondamentale que je m’étois
33 donnée , je cherchai à rétablir la proportion de ces
33 petites parties, non pas même encore en conféquence:
sa de mon (yftême , mais d’après d’autres monu-
39 mens Doriques de l’antiquité , également efiimés ^
33 & dans lefquels ces petites parties n’avoient poûy: