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antiques forê ts , où l’on trouve beaucoup de chatte
8c de plus d’un genre. La fécondé région eft de
bois taillis , qui s’étendent fur le penchant de la
montagne : ils font entremêlés de collines, dont
le fol eft un .terrein g ra s , qui ne le cède point
aux plaines les plus fertiles (ca r de pierres il ne
faut point y en chercher.) Les moiftons, pour y
être tardives, n’en.font ni moins dorées , ni moins
abondantes. Plus b a s , Ôc dans tous les fen s , fe
déploient au loin de longs coteaux de v ig n e s ,
dont l’extrémité inférieure eft bordée d’arbuftes ;
les champs 8c les prairies terminent l’horifon.
Le fol de ces campagnes exige , pour être remué
,. les boeuf, les plus puiflans & les plus fortes
charrues. Sa ténacité même ne cède point, à un
premier labourage : les mottes de terre que le
premier foc a arrachées, font fi fortes & fi grandes ,
qu’il fau t , pour les réduire , une nouvelle façon.
Les prés font émaillés de fleurs, & remplis de
trèfle Sc d ’autres herbes toujours fraîches & toujours
renaiflantes. Des ruifleaux intariffables y
entretiennent une abondance perpétuelle. Cette
grande quantité d’eau ne produit pourtant pas de
marécages, ce qu’on doit à la pente du terrein
qui décharge dans le T y b r e tout le fuperflu qu’il
n’abforbe point. C e fleuve coupe nos campagnes ,
& porte à Rome les fruits du pays ; car y il eft
navigable, mais feulement l’hiver & le printemps.
L ’été met fon lit à fec , & lui fait perdre la qualité
de grand f le u v e , qu’il recouvre en automne..
» Le coup-d’oeil de tout ce pays du haut de la
montagne vous enchanteroit. La variété des points
de v u e , la diverfité des fîte s, de tel côté qu’on
fe tou rn e , charment tellement le s - y ê u x , qu’on
croit v o i r , non pas des ter-reins naturels , mais
des tableaux où tout feroit exprès compofé pour
le plailir du fpeâateur.
» Ma maifon , quoique fl tuée au bas d’une co lline
, jouit de cette belle v u e , comme fl elle étoit
au fommet. On y arrive par une pente infenfible
& fl douce , que l’on fe croit élev é fans s’être
apperçu qu’on montoit. L ’Apennin eft derrière
elle à une grande diftance : par- les jours même
les plus fer in s, ces montagnes lui envoient des
vents habituels, mais dont le fo u flle , rompu 6c
affoibli par l’é loignement, n’a rien de rude ni
d’impétueux : mais fa principale expofition regarde
le midi. En é té , vers le milieu du jo u r , un peu
plutôt l’h iv e r , elle femble inviier le fo le i l, qu’elle
reçoit fous un large portique d’une longueur proportionnée,
» Ma maifon eft compofée de beaucoup de cpçps-
de-logis ; j’ y ai juflju’à un atrium ou vçftibule à
la manière des anciens. En avant du portique , eft
un parterre entrecoupé de plufieurs allées 8c bordures
de buis ; il fe termine par un talus en pente
d ou ce, où font repréfentées 8c taillées en buis
différentes figures d’animaux , oppofées. les; unes
aux autres. Entre ces compar-timens régnent 8c
ferpentent des- plans d’Acanthe. Autour eft une
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allée bordée d’une haie de verdure diverfoment
taillée. De-là on paffe à la promenade couverte
faite en forme de c irq u e , dont le milieu eft occupé
par des buis 8c des arbuftes taillés & façonnés
en cent figures, différentes : le tout eft enclos de
murs, revêtus par étages 8c par intervalles d’une
paliffade de buis. 11 faut voir enfuite le tapis verd,
aufli beau par la nature que le refte l’eft par l’art,
les champs , les vergers 8c les prairies adjacentes.
» Pour revenir au corps-de-logis, l’extrémité du
portique aboutit à une falle de feftin , dont les
portes ont vue , d’une p a r t , fur l’extrémité des1
parterres, 8c les fenêtres de l’au tre , fur les prairies
& les champs. Elles voient encore les côtés du
parterre, quelques avant-corps de bâtimens, 8c la
cime des arbres dont eft environné l’Hippodrome.
A-peu-près vers le milieu du portique , 8c un peu
en retraite de ce lu i-ci, eft un appartement tournant
autour d’une petite cour, qu’ombragent quatre
platanes, au milieu defquels eft un baflin de marbre,
dont les eaux jailliffantes entretiennent, par une
douce rofée , la fraîcheur 8c la verdure des arbres
& des gazons qui font défions. Ce t appartement
eft compole d’une chambre à cou che r, aufli impénétrable
au jour qu’inacceflible au b ru it, d’un
falon d’amis dont on ufe jou rnellement, d’un
portique qui donne fur la petite c o u r , 8c qui a
la même vu e que le précédent, d’une autre chambre
voifine de l’un des platanes, dont elle reçoit l’ombre
8c la verdure. C e lieu eft revêtu de marbre juf-
qu’à hauteur d’appui, le refte des murs eft orné
de peintures, qui ne le cèdent point à la beauté
du lambris ; ce font des feuillages au milieu defquels
fe jouent des oifeaux de toute couleur. Le
bas eft occupé par un baftin , l’eau s’y répand
d’une fe co u p e , autour de laquelle font difpofés
plufieurs je ts , dont la confufion produit un murmure
des plus agréables.
jj D ’un coin du portique,on paffe dans une vafte
pièce , qui eft vis-à-vis la falle-à-manger : elle a
vue d’un côté fur le parterre, de l’autre fur la
prairie ; fes fenêtres donnent immédiatement, &
plongent fur un canal où fe précipite en écume
une nappe d’e a u , dont la blancheur fe confond
avec l’éclat du marbre qui la re ç o it , 8c flatte à
la fois l’oeil 8c l’oreille.
» La pièce dont je viens de parler eft excellente
l’hiver , parce que le foleil y entre de toute
part ; fl le ciel eft co u v e r t , on échauffe l’étuve
v o ifin e , dont l’influence remplace celle du foleil.
» On trouve enfuite la pièce des bains, qui
fert à,fe déshabiller; elle eft grande 8c fort gaie,
6c donne entrée à la chambre fra îche, où l’on
trouve une vafte baignoire en marbre noir. Dans
le milieu eft creufé un baflin , où l’on delcend,
fl l’on, veut fe baigner plus à l’aife 8c plus chaudemen
t; tout près eft un p u its , dont beau froide
fert a corriger la chaleur du bain. A côté de la
falle fraîche eft la falle tempérée , que le foleil
échauffe beaucoup moins cependant que la falle
chaude, qui eft fort en faillie. O n defcend dans
rette dernière par trois efca liers, dont deux font
expofés au grand fo le i l, le troifième en eft plus
éloigné fans être plus obfcur. Au-deffus de la
nièce où l ’on fe déshabille, eft le jeu de paume,
où l’on peut prendre diffêrens genres^ d exercices.
Près du bain eft un e fca lier, qui mène à la galerie
fouterraine, 6c auparavant à trois cabinets ,
dont le premier a vu e fur la cour des quatre platanes
, le fécond tire fon jour du côté du tapis
verd, le troifième donne fur les v ign e s , enforte
que fon expofition eft aufli variée que fes points
de vue. A u bout de la galerie, 8c fur fa longueur
même , on a pris une chambre, d’où l’on découvre
l’hippodrome, les coteaux de vigne 8c les montagnes
; on y a joint une autre pièce fort expofee
au foleil, fur-tout l’hiver. Là commence un corps-
de-logis , qui joint rhyp podrome au refte de la
maifon. T e lle eft la façade 8c fon afpeéh
j) A l’un des côtés qui regarde le m id i, fe pre-
fente une galerie haute , d’où l’on vo it les vignes
de fl près , qu’on croiroit y toucher. V er s le milieu
eft une falle de feftin s , qui reçoit de l’Apennin
d’autres allées circulaires ( car il y en a plufieurs )
reçoivent dans leur intérieur plus d’air 8c un jour
plus pur ; aufli les rofiers y fleuriffent, 8c 1 on
y jouit à la fois de la fraîcheur de l’ombre 8c de
| la clarté du foleil. Toutes ces allées circulaires
viennent aboutir 8c rendre à l’allée droite de 1 hippodrome
l’air le plus falubre : elle a vue de toute part fur
les v ign es , d’un côté par fes fenêtres, de l’autre
par les po rtes , mais au travers de la galerie. Dans
le côté qui n’a point de fenêtres, eft pratique un
efcalier de dégagement très-commode pour le fer-
vice de la table. A l’extrémité eft une pièce à
laquelle la galerie procure un afpeél aufli agréable
que celui des vignes. Sous la galerie précédente,
vous en trouvez une fouterreine, qui eft comme
une véritable grotte ; l’été c’eft une efpèce de
glacière; l’air extérieur ne fauroit y pénétrer,
ni en changer la température. Après ces g aleries,
& du point où aboutit la falle de feftins^, com- I
mence un portique où le foleil règne jufqti à midi,
ce qui le rend aufli agréable, les matins d h iver
que les foirées d’ été. I l mène à deux petits corps-
de-logis , compofés l’un de quatre p iè ce s , l’autre
de t ro is , 8c q u i , félon que le foleil tou rne,
reçoivent fuccçflivement de l’ombre 8c de la
clarté,
» C ’eft en avant de cette charmante fa ça d e ,
que fe pré fente 8c fe développe au loin l’hyppo-
drome. Il eft ouvert par le milieu : en y entrant,
l’oeil en découvre du premier coup toute l’étendue.
Son enceinte eft formée de platanes , dont
les troncs, revêtus de lie r re , étalent une verdure
empruntée, qui fe marie avec celle que l’arbre
fournit à fes rameaux les plus élevés. D u tronc
le lierre s’étend encore , 8c monte le long des
branches ; il paffe d’un arbre à l’ autre ; il fembie
les lier tous par le h a u t , tandis que dans le bas :
le buis qui les environne l’eft aufli lui-même par
des lauriers qui mêlent leur ombre à celle des
platanes. L’hippodrome eft en ligne droite ; mais i
à fon extrémité elle change de forme 8c s’arrondit
en demi-cercle. Des cyprès plantés dans le pourtour
y produifent un ombrage épais 8c noir ; mais i
, ai'nfi qu’aux autres allées parallèles in terceptées
8c coupées par des pafiffades de buis :
ici c’eft du gazon ; là des compartimens de buis ?
découpés de cent façons , repréfentent 8c font
lire , par des figures de lettres, tantôt le nom .du
maître de la maifon, tantôt celui de l’ouvrier. D es
arbuftes en forme de b ornes, 8c des arbres fruitiers,
alternativement rangés, environnent lesplate-
bandes. Ce tte régularité de plantation fe trouve
ainfi interrompue par des arbres venus comme
naturellement 8c au hafard, 8c dont l’heureufe négligence
corrige la monotonie de l’art. Viennent
enfuite des plans d’acanthe, 8c d’autres deflins de
figures 8c de lettres.
» A l’extrémité, une treille foutenue par quatre
colonnes de marbre de Garyfte , ombrage une
falle de feftin champêtre, dont la table 8c les^lits
font de marbre blanc. D e deffous les l i t s , 1 eau
s’échappe e n . diffêrens jets , comme preffee par le
poids des co n v iv e s ; elle eft reçue dans un baftin
dé marbre p o l i , qu’elle remplit fans jamais^ déborder,
au moyen d’un tuyau de décharge invi-
fibîe. Quand on mange en ce lieu , les plats les
plus forts 8c le principal fervice fe rangent fur
les bords du b a f l in l e s mets les plus légers fe
fervent fur l’eau , 6c voguent autour fur des plats
faits en forme de barques ou d’oifeaux. En fa c e ,
jaillit une fon taine, qui reçoit 8c renvoie fans
ceffe la même eau ; après s’être é le v é e , cette eau
retombe fur elle-même ; 8c parvenue a des iffues
pratiquées, elle fe précipite , pour s’ élancer de
nouveau dans les airs. La falle ehampêtre , 8c la
pièce dont je vais parler , font en regard, 8c s em—
belliffent de leur afpeét réciproque. Cette dernière
eft très-belle 8c brille des plus beaux marbres ;
les po rtes, fes fenêtres hautes 6c baffes font de
toutes parts couronnées de verdure. Auprès eft un
autre petit appartement , qui fembie s’enfoncer
dans la même chambre , 8c cependant en fait
partie : on y trouve un lit : malgré la multiplicité
des fen ê t re s , le jour y eft modéré , prefque
caché par i’épaiffeur d’une t re ille , qui monte en
dehors le long des mu rs, 8c arrive jufqu’au comble;
vous croiriez être ici 8c repofer fous un b o fq u e t,
a vec l’avantage encore d’y être à .l’abri dè la
pluie. C e lieu a aufli fa fon taine, qui difparoît
dès fa fource ; des lièges de marbre placés en
divers endroits , ici comme dans la piece precedente,
invitent à fe délaffer de la promenade ;
auprès de chaque fiège font de petits baflins. T o u t
le long de l’hippodrome, vous trouvez des ruif-
fe a u x , dont l’eau., docile ,a ,1a main qui la conduit
, ferpente en murmurant dans les rigoles
qui la re ç o iv en t , 8c fort à entretenir la verdure
F f f 2
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