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ilsn e la vo ie r ft été que pour fcellsr lesornemens.de
bronze qu’on n’y voit plus. O n . ne fauroit non
plus fuppofer d’ après leur fo rm e , leur multiplicité
8c la nature de leur difpofition, qu’ ils aient f e r v i ,
comme en d’autres endroits, à recevoir les crampons
des lettres de bronze qui auroient pu y former
des inferiptions. L ’infpeâion feule empêcheroit
d’adopter cette opinion. Ce s tro u s , en e f fe t , fe
trouvent difpofés longitudinalement fur les piédroits
, & autour des bas-reliefs qui ornent le
deffous des arcades. Il faut abfolument qu’ ils aient
reçu des ornemens de métal, & d’après les indications
dont on vient de rendre com p te, on fe
croit en droit d’avancer que ces ornemens étoient
des trophées de bronze, que ce genre de décoration
s’appliquoit après coup aux édifices en
queflion , & que fouvent on préféroit dans les
détails de l’ornement l’emploi du métal à celui
du marbre.
L e bronze ornoit encore les voûtes des plus
valle s édifices. Celle du Panthéon, diflribuée en
cinq rangées de caiffons, efl le plus grand exemple
& le plus authentique que nous puilfions citer
de ce genre de luxe. On fait trop par l’inferip-
tion ci-deffus mentionnée que tous les ornemens de
ces caiffons , & toutes les rofaces qui en rem-
plifïoient le milieu étoient de bronze doré. Mais
la cupidité qui a ravagé ce monument a envié
à la poffériré jufqu’aux moindres veftiges qui
auroient pu attefler ce larcin & en perpétuer le
regret. D e tout le métal qui brilloit autrefois dans
cette voûte , il ne refie plus qu’un cercle de brome
à l’ouverture fupérieure qui fert de- fenêtre au
Panthéon.
Quand nous ne faurions pas que les anciens,
ornèrent fouvent les colonnes, de chapiteaux de
bronze, le Panthéon nous l’apprendroit encore.
I l paroît qu’avant la reflauration de SeptimeSevère,
qui avoit changé fa difpofition intérieure, l’ordre
qui y régnoit étoit orné de chapiteaux de bronze
de Syracufe. Les colonnes de Spalatro ne nous
offrent aujourd’hui que des chapiteaux vifiblement
dépouillés de leur ancienne parure, qui fut certainement
de bronze. O n v o it que le corps ou
l’ame du chapiteau avoit été taillé ainfi pour
recevoir les feuillages corinthiens, qui ne purent
y être appliqués après coup qu’en les fuppofant
de métal.
Quatre colonnes antiques de bronze parvenues
jufqu’à n ou s , attellent encore aujourd’hui la magnificence
des anciens, 8c l’emploi varié qu’ils
firent de ce métal dans leurs édifices. Ven u ti nous
apprend que ces colonnes qui couronnent d’une
manière fi porapeufe l’autel du Saint Sacrement |
à Saint-Jean-de-Latran, furent trouvées près de
cette é g life , ainfi que le cheval de Marc-Aurèle.
Elles font de métal doré, cannelées, & portent neuf
pieds de circonférence ; ce q u i, à raifon d e là proportion
de l’ord re , doit donner pour le moins,
•vingt-quatre pieds de hauteur. O n convient qu’elles
B
étoient autrefois dans le fameux temple de Jupiter
au capito’e. Martiano & d’ autres antiquaires croient
que ce font les mêmes. qu’Augufte fit faire après
la bataille d’Aélium avec le bronze des proues des
vaiffeaux E g yp tien s , fuivant le témoignage de
Servius '( voyeç Nardint , p. 321 ) . D ’autres ont
prétendu qu’elles avoient été apportées de la Judée
par l’empereur Velpafien, avec les autres dépouilles
du temple de Jérufalem.
Nous ne dirons rien ici des quatre énormes colonnes
qui- forment le. baldaquin de Saint-Pierre,
le plus grand ouvrage de bronze moderne ( voye^ les
articles Baldaquin 6* Bernin ) , & le feul qu’on
puiffe mettre en parallèle pour la grandeur de la
maffe & du travail avec les entreprifes des anciens
en ce genre.
Mais il eft un objet où les modernes nous
fourniront des points de comparaifon avec les anc
ien s , c ’eft dans le travail & la fonte du bronze
appliqué à la décoration des portes Porte).
Je finirai celui-ci en obfervant que les anciens
nous ont autant pafle dans la p e r feô io n , la fim*
plicité & la variété des moyens relatifs à la fonte
du bronze, que dans les reffources de tout genre
qu’ils tirèrent de ce métal pour la décoration de
leurs édifices, où il produifoit les plus beaux effets,
& réuniffoit, outre les qualités qui lui font communes
avec les autres matières, l’avantage particulier
de la folidité jointe à la magnificence.
BROSSE ( Jacques de ). Plutarque , dans fes
vies des hommes illuftres, infifte moins fur leurs
exploits que fur leur caraftère perfonnel. Je fais ,
d it- il, comme les peintres, qui syattachent fur-tout à
bien rendre le vifage des perfonnes, parce que ceft
ce qui fait connoître leur caraElbe. Cette partie fi in«
téreffante dans la v ie des grands capitaines, l’eft
moins fans doute dans celle des artiftes , dont les
ouvrages font le principal objet de nos recherches
& de nos études.
Il faut bien fouvent d’ailleurs fe contenter de
les connoître dans leurs ouvrages , puifque la plupart
des artiftes françois fur-tout, par l’incurie de
leurs contemporains, ne peuvent fournir à l’hif-
toire d’autres monumens de leur exiftence, que
ceux de leur favoir & de leur génie.
Il en eft peu qui puiffent fe confoler de l’oubli
de Phiftoire à plus de titres que Jacques de Brojfe.
Qu oiqu e nous ignorions le lieu & la date de fa
naiffance, ainfi que celle de fa mort, les édifices
qu’il a élevés dans la capitale de la France, &
qui lui affurent le premier rang parmi les archi-
teâe s fan ço is , fuppléeront bien aux particularités
oubliées de fa . vie.
L ’on fa it, & ces monumens en font affez foi,’
que de Brojfe vécut dans le dix-feptième fiècle,
fous Marie de Médicis. Ce tte princeffe, veuve
de Henri IV , forma le projet de conftruire un
palais où elle fût logée plus commodément qu’au
Louvre. Elle acheta donc, en 1 6 1 1 , & pour la
femme de 90 mille liv r e s , l’hôtel du Luxembourg
qui tomboit en ru in e s , & dont le nouveau palais
r e ç u t fon nom. On joignit au terrein de cet
hôtel celui de plufieurs poffeffions & maifons voi-
fines, ce qui forma toute l’étendue dont nous
donnerons tout-à-l’heure les dimensions.
Marié de Médicis , née à F loren ce , c’eft-à-dire
dans la plus belle ville de l’I ta lie , au milieu du
plus beau fiècle des a rts , avoit contra&é dans le
fein d’une cour voluptueufe & magnifique le goût
du luxe, naturel à l’Italie 8c que la France ne
connoiffoit pas encore. Elle avoit pris dans fa patrie
des idées de la plus grande architecture. Elle voulut
les faire paffer en France. On croiroit fur-tout
que famour de fon p a y s , que le defir de fe retrouver
à Florence au milieu de Paris , lui fuggé-
rèrent la conftruftion de ce palais, & principalement
le goût qui y domine. Q u i connoît la
force du.fentiment attaché à l’amour de la patrie,
fait aufli combien il eft ingénieux à fe repaître
des moindres fouvenirs qui peu vent.lu i rendre
au moins en idée l’objet qu’il a perdu. Si les plantes
natales, fi .les chants qui charmèrent notre enfance
ont dans la fuite un pouvoir fi a&if fur notre
imagination, croira-t-on que l’archite&ure ait en
cela moins de p o u vo ir , elle qui peut non-feulement
retracer, mais nous rendre même en réalité
les lieux qui nous ont vu naître?
Le palais du Luxembourg eft une imitation trop
fenfible du goût & du .ftyle des palais tofeans,
pour qu’on puiffe y méconnoître l’efprit & le motif
qui amenèrent à Paris ce genre de conftru&ion
jufques-là fans ex em p le , 8t refté depuis fans imitation.
Marie vouloit habiter un palais qui lui
rappellât au moins par une analogie de goût ceux
de fa patrie. Le plus magnifique & le plus vafte
de Florence étoit le palais P it t i, devenu le féjour
des grands-ducs de Tofcane. Elle voulut que
cet édifice fut le modèle & le type de celui qu’elle
deftinoit à fon habitation particulière.
Il ne faut pas croire cependant que l’un foit
une copie de l’autre. C ’eft-là qu’on peut apprendre
la différence qui exifte entre copier 8c imiter.
Leur principale diverfité eft d’abord celle du
plan, qui eft quarré daus l’u n , & qui dans l’autre
setend principalement en longueur : l’élévation
de ces deux édifices n’a prefque rien non plus
de commun, fi l’on excepte celle de la cour. Mais
cplle du Luxembourg, quoique bien inférieure fous
plus d’un rapport à celle du palais P it ti, l’emporte
fur celle-ci par fon étendue , fa clarté &
fon enfemble. T e l eft en général l’avantage du
palais françois fur celui de Florence , c’eft d’offrir
un tou t, un corps entier harmonieux dans toutes
fes parties , achevé jufqu’aux moindres détails; &
telle eft peut-être la feule infériorité du palais de
rf nce » c ’e^ de biffer encore à defirer aujour-
d nui fon entier achèvement. Leurs points dereffem-
olanceconfiftent dans le f t y l e , ou , fi l’on v e u t ,
ansîle mode auftère qui leur eft commun, quoique à
un degré bien différent. Ils confiftent dans ces
.B qui xeur donnent un air de fraternité,
quoiqu’il foit bien certain que l ’un n ’eft , pour la
force & le cara&ère, qu’un enfant bien dégénéré
de l’autre. C ’eft ce que nous aurons lieu d’obferver
quand nous aurons décrit en abrégé le palais du
Luxembourg.
De BroJJe , fur qui tomba le choix de la reine
ne négligea rien pour la fatisfaire ; il fit'plufieurs
plans. Ce lu i qu’elle préféra fut en v o y é par fes
ordres en Italie & dans plufieurs autres royaumes
de l ’Eu rope, aux archne&es célèbres dont la princeffe
defiroit avoir les avis & recueillir les fuf-
frages. Il ne faut donc point s’étonner fi le palais
du Luxembourg furpaffe en grandeur & en magnificence
tous les bâtimens du ro y aum e , à l’exception
du Lou vre . Le Bernin avouoit fincére-
ment qu’il n’y en avoit point de mieux bâti ni
de plus régulier.
L ’on peut voir dans les planches qui accompagnent
cet o u v ra g e , aux n«‘ 239 & fuivâns ,
les plans St élévations de ce vafte palais qui
commencé en 161J , fut achevé en 16 -0 T o u !
le terrein occupé par les jardins & les bâtimens
contient, félon J. F. Blonde l, 58763 toifes D'a
bord il étoit moins fpacieux. Une partie d ! celui
des Chartreux venoit jufqu’au baffin du parterre
Mats dans la fuite M ar ie .d e Médicis acquit de
celm de ces religieux environ ço toifes fur toute
la longueur de fon jardin , qu’elle leur échangea
pour des terres du côté de la campagne. Nous
ne dirons rien de plus de ce jardin , qui deftiné
depuis long-temps à l’agrément p u b lic , eft tombé
dans un état de négligence & de dépériffemenr
remarquable, & s’e f t v u enlever récemment oins
de terrein que Marie de Médicis n’y en avoir
ajouté.pour fon agrément particulier.
Paffons au palais, dont nous allons examiner
le plan , 1 élévation & h goût.
L e plan du palais du Luxembourg occupe
ainfi qu on peut le v o i r , une très-grande fuperfi!
cie de terrein. Sa plus grande dimenfion en longueur
eft de 60 toifes , & la moin d re, c’eft-à'-
d i r e , celle qui fait face à la rue de T o u rn o n , eft
de 50. Il eft peu de palais qui joignent à une fi
grande etendue une aufli parfaite régularité. C e
plan forme un quarré prefque e x a f t , & dont toutes
les parties font en fymmétrie les unes av ec les
autres , avantage très-rare à rencontrer dans les
grands édifices. Sa fimplicité répond à û régularité.
Il confifte en une grande cour environnée
de portiques & flanquée de quatre corps de bâtimens
quarrés que l’on appelle pavillons. La feule
irrégularité que Ton y remarque, eft dans la faillie
que les deux pavillons du fond de la cour pro-
dinfent fur les ailes latérales des portiques ; mais
cette faillie même qui annonce le corps principal
du batiment, 8c s’avance à la rencontre de la
montée de la terraffe , ne produit peut-être qu’ un
bon effet dans la compofition du tout enfemble.